L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PIII XVII

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Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 209-211).

SECTION XVII.
De la Beauté par rapport aux Couleurs.

Il est peut-être un peu difficile de déterminer avec exactitude de quelles couleurs les beaux objets sont communément revêtus, vu qu’elles existent dans les diverses parties de la nature avec une variété infinie. Cependant au milieu de cette variété même, on peut découvrir quelques principes invariables. D’abord, les couleurs sombres et confuses ne conviennent pas, aux beaux objets ; ils réclament celles qui sont riantes et pures. En second lieu, elles ne doivent pas être du genre le plus prononcé : celles qui semblent s’allier le mieux avec la beauté, sont les plus douces de chaque sorte ; les verts légers, les bleues tendres, les blancs affaiblis, les incarnats, les violets. Enfin, si un bel objet se pare de couleurs vives et fortes, ce n’est jamais d’une seule ; elles sont toujours diversifiées, et en si grand nombre, comme dans les fleurs bigarrées, que chacune d’elles perd beaucoup de sa force et de son éclat par le voisinage des autres. Que voit-on dans un beau teint ? est-ce seulement quelque variété dans le coloris ? non, mais dans les couleurs ; ni le rouge, ni le blanc ne sont vifs et tranchans. D’ailleurs ces couleurs se mêlent de telle manière, elles s’allient par des gradations si insensibles, qu’il est impossible d’en.fixer les bornes. C’est d’après ce même principe que la couleur douteuse qui semble errer sur le plumage du paon et sur la tête du canard, est si agréable. Dans la réalité, la beauté de la forme et celle du coloris ont des rapports aussi intimes qu’on puisse en supposer entre des choses d’une nature si différente.