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La Célestine/Acte 8

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La Célestine, tragi-comédie de Calixte et Mélibée
Traduction par A. Germond de Lavigne.
Alphonse Lemerre (p. 117-127).


ACTE HUITIÈME


Argument : Le matin vient, Parmeno se réveille et prend congé d’Areusa ; il s’en retourne vers la maison de Calixte, son maître. Il trouve sur la porte Sempronio, et tous deux se promettent amitié. Ils vont ensemble à la chambre de Calixte, qu’ils trouvent parlant seul. Calixte se lève et va à l’église.


PARMENO, AREUSA, SEMPRONIO, CALIXTE.

Parmeno. Fait-il jour déjà ? D’où vient donc tant de clarté dans la chambre ?

Areusa. Comment ! il fait jour ? Dors, ami, nous venons à peine de nous coucher. Je n’ai pas encore fermé les yeux ; peut-il être déjà jour ? Ouvre, je te prie, ce volet près de ta tête, tu verras.

Parmeno. Je suis dans mon bon sens, ma chère ; il est grand jour, on voit passer la lumière à travers la porte. Traître que je suis ! quelle faute j’ai commise vis-à-vis de mon maître ! Je suis digne de châtiment. Dieu ! qu’il est tard !

Areusa. Tard ?

Parmeno. Et très-tard.

Areusa. Eh bien ! en vérité, mon mal de mère ne m’a pas quittée. Je n’y comprends rien.

Parmeno. Que veux-tu y faire, ma vie ?

Areusa. Que nous causions de mon mal.

Parmeno. Mon âme, si ce que nous avons dit ne suffit pas, pardonne-moi de n’en pas parler davantage, car il est grand jour. Si je m’en vais trop tard, je serai fort mal reçu par mon maître ; je viendrai demain et toutes les fois que tu voudras ensuite. Dieu a voulu que les jours se suivissent, afin que ce qui ne pouvait se faire en un seul se terminât le lendemain. Si tu veux que nous puissions nous voir plus longuement, fais-moi la faveur de venir aujourd’hui vers midi dîner avec nous chez Célestine.

Areusa. Avec grand plaisir. Va avec Dieu et ferme la porte derrière toi.

Parmeno. Dieu te garde !


Parmeno. Ô plaisir inouï ! ô joie sans pareille ! quel homme est ou a été plus heureux, plus fortuné, plus favorisé que moi ? Je ne puis croire encore que je possède un bien aussi précieux, un bien aussitôt obtenu que demandé. En vérité, si mon cœur pouvait se faire aux trahisons de cette vieille, je marcherais sur les genoux pour lui plaire. Comment lui payerai-je tout cela ? Ô grand Dieu ! à qui conterai-je ce plaisir ? à qui découvrirai-je un tel secret ? à qui ferai-je part de mon bonheur ? La vieille avait raison de me dire qu’aucune jouissance n’était agréable sans compagnie. Le plaisir dont on ne peut parler n’est pas un plaisir. Qui comprendrait mon bonheur comme je le comprends ? J’aperçois Sempronio à la porte de la maison ; il s’est levé de bonne heure ; mon maître va me maltraiter s’il est déjà sorti de sa chambre. Il ne le sera pas, ce n’est pas son habitude, et cependant, comme il n’a pas son bon sens, il ne serait pas surprenant qu’il eût changé de manières.

Sempronio. Parmeno, mon ami, si je connaissais le pays où on gagne ses gages en dormant, je ferais beaucoup pour y aller, je n’en céderais ma part à personne et je gagnerais autant que bien d’autres. Comment, vagabond, as-tu été assez malavisé pour ne pas revenir ? Je ne sais que penser de toi, sinon que tu es resté à réchauffer la vieille cette nuit, ou à lui gratter les pieds comme lorsque tu étais petit.

Parmeno. Ô Sempronio ! mon ami et plus que mon frère ! pour Dieu ! ne détruis pas mon plaisir, ne mêle pas ta colère à mes regrets ; ne corromps pas mon bien-être par ta mauvaise humeur ; ne jette pas tant de trouble dans la liqueur transparente de mes pensées ; n’obscurcis pas mon bonheur avec tes gronderies envieuses et tes méchants reproches. Reçois-moi avec gaîté, je veux te conter les merveilles de la bonne aubaine que je viens d’avoir.

Sempronio. Parle donc ; est-ce quelque chose de Mélibée ? l’as-tu vue ?

Parmeno. Quoi ? de Mélibée ? C’est d’une autre que j’aime bien plus et qui est telle que, si je ne m’abuse pas, elle peut l’égaler en grâces et en beauté, car Mélibée ne possède pas seule tout ce qu’il y a de beauté et de grâces.

Sempronio. Qu’est-ce que cela, nigaud ? Je voudrais rire, mais je ne peux pas. Le monde est perdu, tous se mêlent d’aimer. Calixte aime Mélibée ; moi, Élicie, et toi, par envie, tu as trouvé avec qui perdre le peu de bon sens qui te reste.

Parmeno. Bon ! c’est une folie d’aimer, et je suis fou et sans cervelle ! Mais si la folie portait à la douleur, on l’entendrait dans chaque maison.

Sempronio. À en juger par ce que tu dis, tu es fou réellement, car je t’ai entendu donner à Calixte des conseils ridicules, contredire Célestine en tout ce qu’elle disait ; tu as refusé ta part de profit pour nuire à la vieille ainsi qu’à moi. Ah ! vilain personnage, murmurateur éternel, tu me tombes sous la main et tu me donnes beau jeu pour te tourmenter ! j’en profiterai.

Parmeno. La véritable force, Sempronio, ne consiste pas à tourmenter et à taquiner, mais à conseiller et à secourir et, mieux encore, à être bienveillant et serviable. Je t’ai toujours regardé comme frère ; pour l’amour de Dieu ! ne réalise pas ce qu’on dit sans cesse, que la plus petite chose peut diviser des amis. Tu agis bien mal avec moi ; je ne sais d’où te vient cette rancune. Prends garde, il est bien rare que les reproches et les sarcasmes ne viennent à bout de la patience.

Sempronio. Je ne dis rien, moi ; je pense seulement qu’il n’y a plus d’enfants dès que tu te mêles d’avoir une maîtresse82.

Parmeno. Tu te fâches, je veux te supporter, bien que tu agisses fort mal avec moi. On dit qu’aucune passion humaine n’est éternelle et même ne dure jamais longtemps.

Sempronio. Tu te conduis bien plus mal avec Calixte ; tu lui conseilles des choses que tu ne fais pas toi-même, tu l’engages à se préserver de l’amour de Mélibée ; tu fais comme une enseigne d’auberge, qui n’est jamais à l’abri et qui l’indique à tout le monde.

Ô Parmeno ! tu peux voir maintenant qu’il est facile de blâmer la conduite d’autrui et qu’il est difficile de mettre la sienne à l’abri du reproche ! Je ne t’en dis pas davantage, tu l’éprouves par toi-même et nous verrons par la suite comment tu t’en tireras, maintenant que tu as ton écuelle tout comme un autre. Si tu avais été mon ami lorsque j’avais besoin de toi, tu aurais favorisé les projets de Célestine et les miens, plutôt que de venir ficher un clou de malice à chacune de nos paroles. Sache que de même que la lie chasse les ivrognes de la taverne, de même la nécessité ou l’adversité chasse les faux amis. Il faut peu de temps pour découvrir le faux métal sous la dorure.

Parmeno. Je l’avais entendu dire et j’en fais maintenant l’expérience, jamais il n’y a, dans cette triste vie, de plaisir sans peine ; aux jours gais, clairs et sereins, nous voyons succéder des jours de nuages, de pluie et d’obscurité ; à la suite des plaisirs, des jouissances, viennent la douleur, la mort ; après les rires et les folies arrivent les pleurs et les passions mortelles ; enfin à beaucoup de calme et de repos succède beaucoup de tristesse et de chagrin. Qui pourrait être aussi joyeux que je l’étais tout à l’heure ? Qui peut être aussi désolé que je le suis maintenant ? Personne au monde n’est fier, comme je l’étais il n’y a qu’un instant, du bonheur extrême que je goûtais près d’Areusa ; personne non plus n’a été réveillé du rêve le plus doux aussi cruellement que je le suis par toi. Tu ne me donnes pas le temps de te dire que je suis à toi, que je veux t’aider en tout, que je me repens du passé. Je voudrais te raconter tous les bons conseils, tous les reproches bienveillants que j’ai reçus de Célestine à cause de toi et pour notre intérêt à tous ; te dire enfin que, puisque cette passion de notre maître pour Mélibée est sous notre direction, nous devons en profiter maintenant ou jamais.

Sempronio. Tes paroles me font plaisir, mais j’eusse voulu te voir agir en conséquence ; je veux te croire cependant. Mais, pour Dieu, dis-moi, que m’as-tu parlé d’Areusa ? Serait-ce Areusa, la cousine d’Élicie ?

Parmeno. D’où peut me venir tout le plaisir que je ressens, si ce n’est d’être parvenu jusqu’à elle ?

Sempronio. Comme il dit cela, l’imbécile ! le rire m’empêche de parler. Qu’appelles-tu être parvenu jusqu’à elle ? Était-elle à quelque fenêtre ? Qu’est-ce que cela ?

Parmeno. J’en suis à me demander si elle en sera grosse ou non.

Sempronio. Tu m’effrayes ; à force de travail on vient à bout de tout ; l’eau qui tombe goutte à goutte finit par creuser la pierre.

Parmeno. Il n’y a pas si longtemps qu’elle tombe ; j’y ai pensé hier, elle est à moi aujourd’hui.

Sempronio. La vieille a passé par là.

Parmeno. Pourquoi penses-tu cela ?

Sempronio. Elle m’avait dit qu’elle t’aimait beaucoup et qu’elle te la ferait avoir. Tu as eu du bonheur : tu n’as fait qu’arriver et recueillir ; c’est pour cela qu’on dit : « Mieux vaut être aidé de Dieu que se lever matin. » Tu as eu là un bon parrain.

Parmeno. Dis une marraine, c’est plus vrai. Quiconque s’appuie à un bon arbre y trouve une bonne ombre. Je suis allé tard, mais j’ai recueilli de bonne heure. Ô frère ! que de choses n’aurais-je pas à te dire des grâces de cette femme, de ses paroles, de la beauté de son corps ! Ce sera pour une meilleure occasion.

Sempronio. N’est-elle pas la cousine d’Élicie ? Tu ne m’en diras pas tant que celle-ci n’en ait davantage ; je crois tout ce que tu me diras ; mais que te coûte-t-elle ? Lui as-tu donné quelque chose ?

Parmeno. Non, certes ; mais si j’avais eu de quoi, ç’aurait été bien employé, elle mérite toute espèce de biens. On estime les femmes de cette classe selon qu’on les a achetées cher ; elles valent autant qu’elles coûtent. Jamais chose de grande valeur n’a aussi peu coûté que ne m’a coûté Areusa. Je l’ai engagée à venir dîner chez Célestine ; si tu le veux, nous irons tous.

Sempronio. Qui, frère ?

Parmeno. Toi et elle ; nous y trouverons la vieille et Élicie, et nous aurons du plaisir.

Sempronio. Ô Dieu ! comme tu m’as réjoui ! tu es un bon garçon, je ne te ferai jamais défaut. Je te tiens pour homme, je crois que Dieu te veut du bien ; toute la colère que m’avaient donnée tes bavardages s’est changée en attachement. Je ne doute plus que ton alliance avec nous ne soit ce qu’elle doit être. Je veux t’embrasser, soyons unis comme frères, au diable tout le reste ! Qu’il soit question du passé autant que de la Saint-Jean ; vienne la paix pour toute l’année ; les querelles entre amis entretiennent l’amitié. Mangeons et amusons-nous, notre maître fera diète pour nous tous.

Parmeno. Et que fait-il, le désespéré ?

Sempronio. Il est là près de son lit, étendu sur une estrade comme tu l’as laissé hier soir ; il n’a dormi ni veillé. Si j’entre, il ronfle ; si je sors, il chante ou il extravague ; je ne puis juger s’il s’y plaît ou s’il souffre.

Parmeno. Que dis-tu ? Et il ne m’a pas appelé, il n’a pas pensé à moi ?

Sempronio. Il ne pense pas à lui-même, comment veux-tu qu’il se souvienne de toi ?

Parmeno. J’ai eu du bonheur jusqu’en cela. Puisqu’il en est ainsi, avant qu’il s’éveille, je vais envoyer de quoi préparer le dîner.

Sempronio. Qu’enverras-tu là-bas afin que ces folles te tiennent pour un homme accompli, bien élevé et généreux ?

Parmeno. Dans une maison pleine on trouve bientôt de quoi disposer un repas ; une partie de ce qu’il y a à la dépense suffit pour ne pas être en défaut. Du pain blanc, du vin de Murviedro, un jambon et six paires de petits poulets qu’ont apportés l’autre jour les fermiers de notre maître ; s’il les demande, je lui ferai croire qu’il les a mangés. Et ses tourterelles qu’il a fait réserver pour aujourd’hui, je lui dirai qu’elles sentaient, tu diras comme moi. Nous nous arrangerons de telle manière que ce qu’il en mangera ne le rendra pas malade. Notre repas sera fort bien ordonné. Là-bas, nous causerons plus longuement avec la vieille de notre profit et de ses amours.

Sempronio. De ses douleurs plutôt, car en vérité je crois qu’il ne s’en tirera cette fois que mort ou fou. Tout est convenu, viens donc, montons voir ce qu’il fait.


Calixte.

Hélas ! mon bonheur n’est plus,
L’heure de ma mort approche.
Ce que le désir demande,
L’espérance le refuse.

Parmeno. Écoute, écoute, Sempronio, notre maître improvise.

Sempronio. Quel fou et quel troubadour ! le voilà qui veut rivaliser avec le grand Antipater Sidonius et avec le célèbre poëte Ovide, auxquels les pensées venaient à la bouche toutes rimées.

Parmeno. En vérité, il fait comme eux, le diable l’inspire, il extra vague entre deux rêves.

Calixte.

Mon cœur, hélas ! il est bien juste
Que tu souffres et sois malheureux,
Puisque tu t’es laissé séduire
Par les charmes de Mélibée.

Parmeno. Ne t’ai-je pas dit qu’il improvisait !

Calixte. Qui parle dans la salle ? Holà !

Parmeno. Seigneur ?

Calixte. La nuit est-elle bien avancée ? Est-il l’heure de me coucher ?

Parmeno. Seigneur, il serait plutôt tard pour vous lever.

Calixte. Que dis-tu, fou ? Toute la nuit est-elle donc passée ?

Parmeno. Et même une partie du jour.

Calixte. Dis-moi, Sempronio, ne ment-il pas, ce fou qui veut me faire croire qu’il est jour ?

Sempronio. Seigneur, oubliez un peu Mélibée, et vous verrez la lumière. Vous êtes toujours en contemplation devant son image, et son souvenir vous éblouit comme la lanterne fascine la perdrix.

Calixte. Je te crois maintenant, car on sonne la messe. Donne-moi mes vêtements, j’irai à la Madeleine, je prierai Dieu d’aider Célestine, de me rendre favorable le cœur de Mélibée ou de mettre fin à mes jours.

Sempronio. Ne vous fatiguez pas tant, il ne faut pas tout vouloir en une heure ; les gens sages ne désirent jamais avec grande impatience ce qui peut finir tristement. Si vous demandez de voir s’accomplir en un jour une chose pour laquelle il faudrait une année, votre vie ne sera pas longue.

Calixte. Tu veux dire que je suis comme le valet de l’écuyer galicien83.

Sempronio. Dieu ne me permet pas de dire pareille chose, car vous êtes mon maître ; je sais d’ailleurs que, de même que vous récompensez les bons soins, vous me corrigeriez pour avoir mal parlé. Mais on dit que les louanges et les paroles bienveillantes qu’on mérite par de bons services, ne rachètent jamais le châtiment ou la peine qu’on s’attire par quelque mauvaise parole ou méchante action.

Calixte. Je ne sais d’où te vient tant de philosophie, Sempronio.

Sempronio. Seigneur, de ce qu’une chose n’est pas noire, il ne faut pas en conclure qu’elle est blanche, tout ce qui reluit n’est pas or84, L’impatience de vos désirs, que la raison ne modère pas, vous empêche de juger de la bonté de mes conseils. Vous auriez voulu hier qu’au premier mot de vous on vous amenât Mélibée, enveloppée et garrottée avec son cordon, tout comme si vous aviez envoyé au marché chercher quelque autre marchandise pour laquelle il n’y aurait eu qu’à choisir et à payer. Soulagez votre cœur, maître, un grand bonheur n’arrive pas en si peu de temps. Un seul coup ne suffit pas pour renverser un chêne. Sachez commander à votre douleur, la prudence est chose louable, et l’homme prévenu et bien disposé sait résister aux plus fortes attaques.

Calixte. Tout cela serait fort bien, si la nature de mon mal le permettait.

Sempronio. À quoi sert le bon sens, seigneur, si la volonté repousse la raison ?

Calixte. Ô fou que tu es ! l’homme bien portant ne sait dire au malade autre chose que : « Dieu vous donne la santé ! » Je ne veux pas t’écouter davantage, tu ne fais qu’irriter et exciter la flamme qui me consume. Je m’en vais seul à la messe ; je ne veux revenir à la maison que lorsque vous viendrez me chercher et m’apporter d’heureuses nouvelles de Célestine ; je ne mangerai pas avant que les chevaux de Phébus soient rentrés dans les vastes prairies où ils se retirent lorsqu’ils ont fini leur course journalière.

Sempronio. Seigneur, laissez là ces détours, laissez là ces poésies, il n’est pas convenable de parler d’une manière que tout le monde ne comprend pas et que personne n’emploie. Dites : avant que le soleil se couche, et on saura ce que vous voulez dire. Mangez quelque conserve qui puisse vous soutenir jusqu’à ce moment.

Calixte. Sempronio, mon fidèle serviteur, mon bon conseiller, qu’il soit comme tu voudras ; je suis certain, à en juger par tes bons soins, que tu tiens autant à ma vie qu’à la tienne.

Sempronio, à part. Crois-tu cela, Parmeno ? Je parie bien que tu n’en mettrais pas la main au feu. Vois si tu sais où est la conserve, empoignes-en un pot pour ces chères femmes ; cela nous va parfaitement. À bon entendeur, etc. Tu le cacheras dans ta poche.

Calixte. Que dis-tu, Sempronio ?

Sempronio. Seigneur, je dis à Parmeno d’aller chercher une tranche de citron confit.

Parmeno. Le voici, seigneur.

Calixte. Donne.

Sempronio, à part. Diable ! comme il avale ! il voudrait l’engloutir d’une seule bouchée pour avoir plus tôt fait.

Calixte. L’âme m’est revenue. Adieu, mes amis, attendez la vieille et apportez-moi de bonnes nouvelles. (Il sort.)

Parmeno. Va au diable toi et tes mauvaises années ! Plût au ciel que cette tranche de citron pût te produire le même effet qu’à Apulée le poison qui le changea en âne85 !



82, page 120. — Le texte dit : No digo mas en esto sino que se eche otra sardina al mozo de caballos, pues, etc. « Je pense qu’il faut servir une autre sardine au palefrenier, puisque, etc. » Il m’a été impossible de connaître le sens réel de cet idiotisme, et je l’ai remplacé par celle de nos expressions familières qui m’a semble le plus conforme à la pensée de l’auteur.

83, page 125. — « Qui est toujours un an premier qu’il puisse avoir chausses : et quand son maistre lui en fait tailler, il voudroit qu’en un quart d’heure elles fussent prestes. » (Commentaire ajouté par Lavardin dans sa traduction.)

84, page 125.

Ni todo lo que parece oro
Es mas que la aparencia.
(Proverbios morales de Alonzo de Barros.)

85, page 127. — « M’étant promptement déshabillé, je m’empresse de remplir mes mains de la pommade de la boîte, j’en frotte toutes les parties de mon corps, et je m’efforce de balancer mes bras pour prendre l’essor d’un oiseau. Mais au lieu de duvet et de plumes, mes poils épaississent comme du crin ; ma peau, si délicate, se durcit comme du cuir ; les doigts de mes pieds et de mes mains se réunissent et se terminent par un sabot de corne, du bout de mon échine sort une longue queue ; ma tête devient énorme, ma bouche s’agrandit, mes narines s’ouvrent, mes lèvres sont pendantes, mes oreilles s’allongent prodigieusement et se garnissent d’un poil hérissé. »

(L’Ane d’or, liv. III, trad. de Maury.)