La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 158

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CLVIII

2115 Dient païen : « L’Emperere repairet,
« L’Empereur, s’écrient les païens, l’Empereur revient sur ses pas,
« De cels de France odum suner les graisles
« Et ce sont bien les trompettes françaises que nous entendons.
« Se Carles vient, de nus i avera perte ; « Si Charles arrive, quel désastre pour nous !
« Se Rollanz vit, nostre guere nuvelet, « Si Roland survit, c’est toute notre guerre qui recommence,
« Perdut avum Espaigne nostre tere. » « Et nous y perdrons l’Espagne, notre terre. »
2120 Tels .iiii. cenz s’en asemblent à helmes
Alors quatre cents d’entre eux se rassemblent, bien couverts de leurs heaumes :
E des meillurs ki el’ camp quient estre :
Ce sont les meilleurs qu’il y ait dans toute l’armée païenne.
A Rollant rendent un estur fort e pesme ;
Et voici qu’ils livrent à Roland un affreux, un horrible assaut.
Or ad li quens endreit sei asez que faire. Aoi. Ah ! le comte a vraiment assez de besogne.


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Vers 2115. — Le manuscrit de Paris a reproduit à peu près exactement le couplet de l’ancien texte, avec ses assonances grossières par la dernière voyelle sonore. Le manuscrit de Venise VII, au contraire, a refait toute cette laisse sur une assonance rigoureuse, sur une rime. Nous donnons ici ces deux textes comme exemple frappant de la diversité des procédés à l’usage de nos rajeunisseurs. Les uns refaisaient tout ; les autres faisaient entrer dans leur composition nouvelle quelques fragments de l’ancienne. Voici la version de Paris : Dient païen : « L’Empereres repaire. — De ceuls de France poez oïr les graisles. — Se Karles vient, duel i auronz et perde. — Se Rollans vit, notre guerre est nouvelle. — Perdue avons Espaigne la grant terre » — Lors se rassemblent la pute gent averse. — III.C. des mieudres qui el’champ porent iestre ; — A Rollant font. I. assaut fort e pesme. — Il se deffant com chevaliers honestes, — Et lor decope et les bras et les testes. Et maintenant, voici le texte de Venise VII : Ce dist Marsile : « Li Emperere repaire. — De chaus de France oi maint olifant braire, — Mainte buisine et soner et retraire. — Français retornent, cele gent de put aire. — Se Karle i vient, nostre ert la perte maire, — Perdu arons tote Espagne et Baudaire, — Et Saragosse que donai en doaire — A ma moillier qui tant est debonaire. — Veez là Rollant : bien voi à son viaire. — Jà n’ert vencuz ; tels hom n’ensi de maire. — Car l’alsallons ; puis aurons meins à faire, — Se plus i somes ; je l’vos di sanz contraire, — Ne fu tel perte puis le jugement Daire. » La comparaison entre ces deux textes est plus que curieuse : elle caractérise deux époques de notre histoire littéraire. Il convient d’ailleurs de remarquer que, dans le texte de Paris, le rajeunisseur avait d’abord traduit le couplet clviii de la version primitive par un couplet moderne, assonancé en an. Pourquoi a-t-il jugé bon de reproduire ensuite la laisse du texte original ? C’est ce qu’il serait difficile d’expliquer autrement que par sa négligence.

Vers 2116.Ces. O. Venise donne cil, et Paris ceuls. Cf. le v. 2132. ═ Oent. O. Mu. a restitué odum, d’après Venise IV.

Vers 2117.Avrat. Mu. Lire averat. O.

Vers 2118.Novelet. O. La forme la plus conforme à la phonétique de notre poëme est nuvelet. Nuveles, d’ailleurs, se trouve plus fréquemment employé que noveles. (Vers 55, 665, 810, 1257, 1699, 3496.)

Vers 2120.Asemble. O. Erreur évidente.

Vers 2121.Meillors. O. V. la note du vers 51.

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