La Chanson de Roland (1911)/Olivier découvre l’avant-garde ennemie

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Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 46-47).

OLIVIER DÉCOUVRE L’AVANT-GARDE ENNEMIE

LXXXII

Olivier monte sur une haute montagne ;
À sa droite, il explore une vallée herbeuse
Et voit venir toute la gent païenne.
Il appelle Roland, son compagnon :
« Voici venir un grand tumulte du côté de l’Espagne,
Beaucoup de blancs hauberts, de heaumes flamboyants.
Nos Français vont avoir une grande colère,
Cette trahison est l’œuvre du fourbe Ganelon
Qui nous a désignés devant l’Empereur.
— Tais-toi, Olivier, répond Roland ;
C’est mon beau-père, n’en sonne plus un mot. »


LXXXIII

Olivier est monté sur une montagne
D’où il contemple le royaume d’Espagne,
Et les Sarrasins rassemblés en grand nombre ;
Les heaumes gemmés d’or reluisent,
Et les écus, et les hauberts brodés,
Et les épieux, et les gonfanons bien attachés.
Ces bataillons, qu’il ne peut compter.
Il y en a tant qu’il n’en sait pas le nombre.
Il en est tout troublé au-dedans de lui.
Comme il a pu, il est descendu de la montagne
Vint aux Français et leur a tout raconté.


LXXXIV

Olivier dit : « J’ai vu les païens ;
Jamais homme n’en verra davantage sur la terre ;
Il y en a bien cent mille devant nous, avec leurs écus,
Leurs heaumes lacés et leurs blancs hauberts,
Leurs lances droites, leurs bruns épieux luisants.
Vous aurez une bataille comme il n’y en eut jamais.
Seigneurs Français, Dieu vous donne du courage !
Demeurez fermes, que nous ne soyons pas vaincus. »
Les Français disent : « Malheur à qui s’enfuit,
Pas un de nous ne vous manquera pour mourir. »