La Cité de Dieu (Augustin)/Livre XII/Chapitre XXIV

La bibliothèque libre.
La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 264).

CHAPITRE XXIV.
LES ANGES NE SAURAIENT CRÉER LA MOINDRE CHOSE.

Mais nous n’avons rien à démêler ici avec ceux qui ne croient pas que Dieu ait fait le monde ou qu’il en prenne soin. Quant aux philosophes qui, sur la foi de leur Platon, pensent que la création des animaux mortels, et notamment de l’homme, n’est pas l’ouvrage du Dieu suprême auteur du monde, mais celui d’autres dieux inférieurs qui sont aussi son ouvrage, et dont l’homme est comme le parent[1], si nous sommes parvenu à leur persuader que c’est une superstition de sacrifier à ces dieux[2]ils renonceront aisément à voir en eux les créateurs du genre humain. C’est un sacrilège de croire ou de dire qu’un autre que Dieu soit le créateur d’un être quelconque, fût-il mortel et le plus chétif qui se puisse concevoir. Et pour ce qui est des anges, que l’école de Platon aime mieux appeler des dieux, il est très-vrai qu’ils concourent au développement des êtres de l’univers, selon l’ordre ou la permission qu’ils en ont reçue ; mais ils ne sont pas plus les créateurs des animaux que les laboureurs ne le sont des blés ou des arbres.

  1. Voyez le Timée, 41 et seq. Le Dieu de Platon y parle en ces termes aux dieux inférieurs, dont il est l’auteur et le père : " Ecoutez mes ordres. Il reste encore à naître trois races mortelles ; sans elles le monde serait imparfait. Si je leur donnais moi-même la a naissance et la vie, ils seraient semblables aux dieux. Afin donc qu’ils soient mortels et que cet univers soit réellement un tout achevé, appliquez-vous selon votre nature à former ces animaux, a en imitant la puissance que j’ai déployée moi-même dans votre formation. Quant à l’espèce qui doit partager le nom des immortels, être appelée divine et servir de guide à ceux des autres animaux qui voudront suivre la justice et vous, je vous en donnerai la semence et le principe. Vous ensuite, ajoutant au principe immortel une partie périssable, formez-en des animaux, faites-les croître en leur donnant des aliments, et après leur mort, recevez-les dans votre sein (Tome xvii de la traduction française, pages 137, 138) » .
  2. Voyez plus haut, livre xviii, ix et x.