La Cité de Dieu (Augustin)/Livre II/Chapitre III

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La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 27).
CHAPITRE III.
IL SUFFIT DE CONSULTER L’HISTOIRE POUR VOIR QUELS MAUX SONT ARRIVÉS AUX ROMAINS PENDANT QU’ILS ADORAIENT LES DIEUX ET AVANT L’ÉTABLISSEMENT DE LA RELIGION CHRÉTIENNE.

En lisant le récit que je vais tracer, il faut se souvenir que parmi les adversaires à qui je m’adresse il y a des ignorants qui ont fait naître ce proverbe : « La pluie manque, c’est la faute des chrétiens[1] ». Il en est d’autres[2], je le sais, qui, munis d’études libérales, aiment l’histoire et connaissent les faits que j’ai dessein de rappeler ; mais afin de nous rendre odieux à la foule ignorante, ils feignent de ne pas les savoir et s’efforcent de faire croire au vulgaire que les désastres qui, selon l’ordre de la nature, affligent les hommes à certaines époques et dans certains lieux, n’arrivent présentement qu’à cause des progrès du christianisme qui se répand partout avec un éclat et une réputation incroyables, au détriment du culte des dieux. Qu’ils se souviennent donc avec nous de combien de calamités Rome a été accablée avant que Jésus-Christ ne se fût incarné, avant que son nom n’eût brillé parmi les peuples de cette gloire dont ils sont vainement jaloux. Comment justifieront-ils leurs dieux sur ce point, puisque, de leur propre aveu, ils ne les servent que pour se mettre à couvert de ces calamités qu’il leur plaît maintenant de nous imputer ? Je les prie de me dire pourquoi ces dieux ont permis que de si grands désastres arrivassent à leurs adorateurs avant que le nom de Jésus-Christ, partout proclamé, ne vînt offenser leur orgueil et mettre un terme à leurs sacrifices.

  1. Ce dicton païen est également rapporté par Tertullien, Apolog., cap. 40. Voyez aussi ce que répond Arnobe sur ce point aux adversaires du christianisme, Contr. Gent., lib. i, p. 3 et sq. de l’édition Stewech.
  2. Saint Augustin semble ici faire allusion à Symmaque, qui, dans son fameux mémoire adressé, en 384, à l’empereur Valentinien, accusait les chrétiens des malheurs de l’empire. Voyez Paul Orose et la préface de son livre adressée à saint Augustin.