La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IV/Chapitre XVI

La bibliothèque libre.
La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 80-81).
CHAPITRE XVI.
POURQUOI LES ROMAINS, QUI ATTACHAIENT UNE DIVINITÉ À TOUS LES OBJETS EXTÉRIEURS ET À TOUTES LES PASSIONS DE L’ÂME, AVAIENT PLACÉ HORS DE LA VILLE LE TEMPLE DU REPOS.

Je suis fort surpris que les Romains, qui affectaient une divinité à chaque objet et presque à chaque mouvement de l’âme, et qui avaient bâti des temples dans la ville à la déesse Agenoria, qui nous fait agir, à la déesse Stimula, qui nous stimule aux actions excessives, à la déesse Murcia, qui, tout au contraire, au lieu de nous exciter, nous rend, dit Pomponius, mous et languissants[1], à la déesse Strenia, qui nous donne de la résolution ; je m’étonne, dis-je, qu’ils n’aient pas voulu admettre le Repos aux honneurs publics de Rome et l’aient laissé hors de la porte Colline[2]. Était-ce un signe de leur esprit ennemi du repos, ou plutôt n’était-ce pas une preuve que les adorateurs obstinés de cette troupe de divinités ou plutôt de démons ne peuvent jouir de ce repos auquel le vrai Médecin nous convie, quand il dit : « Apprenez de moi à être doux et humbles de cœur, et vous trouverez dans vos âmes le repos[3] ».

  1. Il y a ici un rapport intraduisible dans les mots. La déesse Murcia, dit saint Augustin d’après Pomponius, rend l’homme murcidus c’est-à-dire mou et languissant. Quel est ce Pomponius ? on l’ignore.
  2. Le temple du Repos était situé sur la voie Lavicana, qui commençait à la porte Esquilina. Voyez Tite-Live, lib. iv, cap. 41.
  3. Matt. xi, 29.