La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IV/Chapitre XXXIII

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La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 91-92).
CHAPITRE XXXIII.
LA DURÉE DES EMPIRES ET DES ROIS NE DÉPEND QUE DES CONSEILS ET DE LA PUISSANCE DE DIEU.

Ce Dieu donc, auteur et dispensateur de la félicité, parce qu’il est le seul vrai Dieu, est aussi le seul qui distribue les royaumes de la terre aux bons et aux méchants. Il les donne, non pas d’une manière fortuite, car il est Dieu et non la Fortune, mais selon l’ordre des choses et des temps qu’il connaît et que nous ignorons. Ce n’est pas qu’il soit assujéti en esclave à cet ordre ; loin de là, il le règle en maître et le dispose en arbitre souverain. Aux bons seuls il donne la félicité : car, qu’on soit roi ou sujet, il n’importe, on peut également la posséder comme ne la posséder pas ; mais nul n’en jouira pleinement que dans cette vie supérieure où il n’y aura ni maîtres ni sujets. Or, si Dieu donne les royaumes de la terre aux bons et aux méchants, c’est de peur que ceux de ses serviteurs dont l’âme est encore jeune et peu éprouvée, ne désirent de tels objets comme des récompenses de la vertu et des biens d’un grand prix. Voilà tout le secret de l’Ancien Testament qui cachait le Nouveau sous ses figures. On y promettait les biens de la terre, mais les âmes spirituelles comprenaient déjà, quoique sans le proclamer hautement, que ces biens temporels figuraient ceux de l’éternité, et elles n’ignoraient pas en quels dons de Dieu consiste la félicité véritable.