La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IX/Chapitre XVIII

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La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 190-191).
CHAPITRE XVIII.
DE LA FOURBERIE DES DÉMONS, QUI EN NOUS PROMETTANT DE NOUS CONDUIRE A DIEU NE CHERCHENT QU’A NOUS DÉTOURNER DE LA VOIE DE LA VÉRITÉ.

Quant aux démons, ces faux et fallacieux médiateurs qui, tout en ayant souvent trahi par leurs œuvres leur malice et leur misère, ne s’efforcent pas moins toutefois, grâce à leurs corps aériens et aux lieux qu’ils habitent, d’arrêter les progrès de nos âmes, ils sont si loin de nous ouvrir la voie pour aller à Dieu, qu’ils nous empêchent de nous y maintenir. Ce n’est pas en effet par la voie corporelle, voie d’erreur et de mensonge, où ne marche pas la justice, que nous devons nous élever à Dieu, mais par la voie spirituelle, c’est-à-dire par une ressemblance incorporelle avec lui. Et c’est néanmoins dans cette voie corporelle qui, selon les amis des démons, est occupée par les esprits aériens comme un lieu intermédiaire entre les dieux habitants du ciel et les hommes habitants de la terre, que les Platoniciens voient un avantage précieux pour les dieux, sous prétexte que l’intervalle les met à l'abri de tout contact humain. Ainsi ils croient plutôt les démons souillés par les hommes que les hommes purifiés par les démons, et ils estiment pareillement que les dieux eux-mêmes n'auraient pu échapper à la souillure sans l'intervalle qui les sépare des hommes. Qui serait assez malheureux pour espérer sa purification dans une voie où l’on dit que les hommes souillent, que les démons sont souillés et que les dieux peuvent l’être, et pour ne pas choisir de préférence la voie où l’on évite les démons corrupteurs et où le Dieu immuable purifie les hommes de toutes leurs souillures pour les faire entrer dans la société incorruptible des anges ?