La Cité de Dieu (Augustin)/Livre XI/Chapitre XIX

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La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 235).
CHAPITRE XIX.
CE QU’IL FAUT ENTENDRE PAR CES PAROLES DE L’ÉCRITURE : « DIEU SÉPARA LA LUMIÈRE DES TÉNÈBRES ».

L’obscurité même de l’Ecriture a cet avantage, que l’on peut d’un passage tirer divers sens, tous conformes à la vérité, tous confirmés par le témoignage de choses manifestes ou par d’autres passages très-clairs, de sorte que, dans le cours d’un long travail, si on ne parvient pas à découvrir le véritable sens du texte, on a du moins l’occasion de proclamer d’autres vérités. C’est pourquoi je crois pouvoir proposer d’entendre par la création de la première lumière la création des anges, et de voir la distinction des bons et des mauvais dans ces paroles : « Dieu sépara la lumière des ténèbres, et nomma la lumière jour et les ténèbres nuit[1] ». En effet, celui-là seul a pu les séparer qui a pu prévoir leur chute et connaître qu’ils demeureraient obstinés dans leur présomptueux aveuglement. Quant au jour proprement dit et à la nuit, Dieu les sépara par ces deux grands astres qui frappent nos sens : « Que les astres, dit-il, soient faits dans le firmament du ciel pour luire sur la terre et séparer le jour de la nuit[2] ». Et un peu après : « Dieu fit deux grands astres, l’un plus grand pour présider au jour, et l’autre moindre pour présider à la nuit avec les étoiles ; Dieu les mit dans le firmament du ciel pour luire sur la terre, et présider au jour et à la nuit, et séparer la lumière des ténèbres[3] ». Mais cette lumière, qui est la sainte société des anges, toute éclatante des splendeurs de la vérité intelligible, et ces ténèbres qui lui sont contraires, c’est-à-dire ces esprits corrompus, ces mauvais anges éloignés par leur faute de la lumière de la justice, je répète que celui-là seul pouvait opérer leur séparation, à qui le mal à venir (mal de la volonté, non de la nature) n’a pu être, avant de se produire, douteux ou caché.

  1. Gen. I, 4 et 5.
  2. Ibid. 14.
  3. Ibid. 16, 17 et 18.