La Cité de Dieu (Augustin)/Livre XXII/Chapitre X

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Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 526-527).
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CHAPITRE IX.

tous les miracles opérés par les martyrs au nom de jésus-christ sont autant de témoignages de la foi qu’ils ont eue en jésus-christ.

À qui ces miracles rendent-ils témoignage, sinon à cette foi qui prêche Jésus-Christ ressuscité et monté au ciel eu corps et en âme ? Les martyrs eux-mêmes ont été les martyrs, c’est-à-dire les témoins[1] de cette foi c’est pour elle qu’ils se sont attiré la haine et la persécution du monde, et qu’ils ont vaincu, non en résistant, mais en mourant. C’est pour elle qu’ils sont morts, eux qui peuvent obtenir ces grâces du Seigneur au nom duquel ils sont morts. C’est pour elle qu’ils ont souffert, afin que leur admirable patience fût suivie de ces miracles de puissance. Car s’il n’était pas vrai que la résurrection de la chair s’est d’abord manifestée en Jésus-Christ et qu’elle doit s’accomplir dans tous les hommes telle qu’elle a été annoncée par ce Sauveur et prédite par les Prophètes, pourquoi les martyrs, égorgés pour cette foi qui prêche la résurrection, ont-ils, quoique morts, un si grand pouvoir ? En effet, soit que Dieu fasse lui-même ces miracles, selon ce merveilleux mode d’action qui opère des effets temporels du sein de l’éternité, soit qu’il agisse par ses ministres, et, dans ce dernier cas, soit qu’il emploie le ministère des esprits des martyrs, comme s’ils étaient encore au monde, ou celui des anges, les martyrs y interposant seulement leurs prières, soit enfin qu’il agisse de quelque autre manière incompréhensible aux hommes, toujours faut-il tomber d’accord que les martyrs rendent témoignage à cette foi qui prêche la résurrection éternelle des corps.


CHAPITRE X.

combien sont plus dignes d’être honorés les martyrs qui opèrent de tels miracles pour que l’on adore dieu, que les démons qui ne font certains prodiges que pour se faire eux-mêmes adorer comme des dieux.

Nos adversaires diront peut-être que leurs dieux ont fait aussi des miracles. À merveille, pourvu qu’ils en viennent déjà à comparer leurs dieux aux hommes qui sont morts parmi nous. Diront-ils qu’ils ont aussi des dieux tirés du nombre des morts, comme Hercule, Romulus et plusieurs autres qu’ils croient élevés au rang des dieux ? Mais nous ne croyons point, nous, que nos martyrs soient des dieux, parce que nous savons que notre Dieu est le leur ; et cependant, les miracles que les païens prétendent avoir été faits par les temples de leurs dieux ne sont nullement comparables à ceux qui se font par les tombeaux de nos martyrs. Ou s’il en est quelques-uns qui paraissent du même ordre, nos martyrs ne laissent pas de vaincre leurs dieux, comme Moïse vainquit les mages de Pharaon[2]. En effet, les prodiges opérés par les démons sont inspirés par le même orgueil qui les a portés à vouloir être dieux ; au lieu que nos martyrs les font, ou plutôt Dieu les fait par eux et à leur prière, afin d’établir de plus en plus cette foi qui nous fait croire, non que les martyrs sont nos dieux, mais qu’ils n’ont avec nous qu’un même Dieu. Enfin, les païens ont bâti des temples aux divinités de leur choix, leur ont dressé des autels, donné des prêtres et fait des sacrifices ; mais nous, nous n’élevons point à nos martyrs des temples comme à des dieux, mais des tombeaux comiiK ! à des morts dont les es|ni(s sont vivants devant Dieu, INous ne dressons jioint d’autels pour leur oll’rir des sacrilices, mais nous innnolons l’hostie à l)i(Mi s(miI, (|ni ( ; st notre Dieu vA le leur. Pendant ce saci ilice, ils sont nonnné’S en leur lieu et en leur ordre, comme des hommes de Di(>u qui, en coid’essant son nom, ont vaincu le monde ; mais le prêtre {|ui sacrifie ne les invocjuc point : c’est à Dieu (ju’il sacrifie et non pas à eux, quoi<|u’il sacrifie en mémoire d’eux ; car il est prêtre de Dieu et non des martyrs. Et en quoi consiste le sacrifice lui-même ? c’est le corps de Jésus-Christ, lequel n’est pas offert aux martyrs, parce (ju’eux-mêmes sont aussi ce corps. A quels miracles croira-t-on de préférence ? aux miracles de ceux qui veulent passer pour dieux, ou aux miracles de ceux qui ne les font que pour établir la foi en la divinité de Jésus-Christ ? A qui se fier ? à ceux qui veulent faire consacrer leurs crimes ou à ceux (jui ne soutirent pas même que l’on consacre leurs louanges, et qui veulent qu’on les rapporte à la gloire de celui en qui on les loue ? C’est en Dieu, en effet, que leurs âmes sont glorifiées K Croyons donc à la vérité de leurs discours et à la puissance de leurs miracles ; car c’est pour avoir dit la vérité qu’ils ont souffert la mort, et c’est la mort librement subie qui leur a valu le don des miracles. Et l’une des principales vérités qu’ils ont affirmées, c’est que Jésus-Christ est ressuscité des morts et qu’il a fait voir en sa chair l’immortalité de la résurrection qu’il nous a promise au commencement du nouveau siècle ou à la fin de celui-ci.

  1. Marty, du grec μάρτυρ, témoin.
  2. Exod. VIII.