La Comtesse de Rudolstadt/Chapitre XXVII

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Michel Levy Frères (tome 2p. 25-35).
XXVII.

La Porporina n’ayant plus sujet, d’après le langage bienveillant et paternel des Invisibles, d’être sérieusement inquiète du chevalier, et jugeant que Matteus n’avait pas vu très-clair dans cette affaire, éprouva en quittant ce mystérieux conciliabule, un grand soulagement d’esprit. Tout ce qu’on venait de lui dire flottait dans son imagination comme des rayons derrière un nuage ; et l’inquiétude ni l’effort de la volonté ne la soutenant plus, elle éprouva bientôt en marchant une fatigue insurmontable. La faim se fit sentir assez cruellement, le capuchon gommé l’étouffait. Elle s’arrêta plusieurs fois, fut forcée d’accepter les bras de ses guides pour continuer sa route, et, en arrivant dans sa chambre, elle tomba en faiblesse. Peu d’instants après, elle se sentit ranimée par un flacon qui lui fut présenté, et par l’air bienfaisant qui circulait dans l’appartement. Alors elle remarqua que les hommes qui l’avaient ramenée sortaient à la hâte, tandis que Matteus s’empressait de servir un souper des plus appétissants, et que le petit docteur masqué, qui l’avait mise en léthargie pour l’amener à cette résidence, lui tâtait le pouls et lui prodiguait ses soins. Elle le reconnaissait facilement à sa perruque, et à sa voix qu’elle avait entendue quelque part, sans pouvoir dire en quelle circonstance.

« Cher docteur, lui dit-elle en souriant, je crois que la meilleure prescription sera de me faire souper bien vite. Je n’ai pas d’autre mal que la faim ; mais je vous supplie de m’épargner cette fois le café que vous faites si bien. Je crois que je ne serais plus de force à le supporter.

— Le café préparé par moi, répondit le docteur, est un calmant recommandable. Mais soyez tranquille, madame la comtesse : mon ordonnance ne porte rien de semblable. Aujourd’hui voulez-vous vous fier à moi et me permettre de souper avec vous ? La volonté de Son Altesse est que je ne vous quitte pas avant que vous soyez complètement rétablie, et je pense que, dans une demi-heure, la réfection aura chassé cette faiblesse entièrement.

— Si tel est le bon plaisir de Son Altesse et le vôtre, monsieur le docteur, ce sera le mien aussi d’avoir l’honneur de votre compagnie pour souper, dit Consuelo en laissant rouler son fauteuil par Matteus auprès de la table.

— Ma compagnie ne vous sera pas inutile, reprit le docteur, en commençant à démolir un superbe pâté de faisans, et à découper ces volatiles avec la dextérité d’un praticien consommé. Sans moi, vous vous laisseriez aller à la voracité insurmontable qu’on éprouve après un long jeûne, et vous pourriez vous en mal trouver. Moi qui ne crains pas un pareil inconvénient, j’aurai soin de vous compter les morceaux, tout en les mettant doubles sur mon assiette. »

La voix de ce docteur gastronome occupait Consuelo malgré elle. Mais sa surprise fut grande lorsque, détachant lestement son masque, il le posa sur la table en disant :

« Au diable cette puérilité qui m’empêche de respirer et de sentir le goût de ce que je mange ! »

Consuelo tressaillit en reconnaissant, dans ce viveur de médecin, celui qu’elle avait vu au lit de mort de son mari, le docteur Supperville, premier médecin de la margrave de Bareith. Elle l’avait aperçu de loin à Berlin depuis, sans avoir le courage de le regarder ni de lui parler. En ce moment le contraste de son appétit glouton avec l’émotion et l’accablement qu’elle éprouvait, lui rappelèrent la sécheresse de ses idées et de ses discours au milieu de la consternation et de la douleur de la famille de Rudolstadt, et elle eut peine à lui cacher l’impression désagréable qu’il lui causait. Mais le Supperville, absorbé par le fumet du faisan, paraissait ne faire aucune attention à son trouble.

Matteus vint compléter le ridicule de la situation où se plaçait le docteur, par une exclamation naïve. Le circonspect serviteur le servait depuis cinq minutes sans s’apercevoir qu’il avait le visage découvert, et ce ne fut qu’au moment de prendre le masque pour le couvercle du pâté, et de le placer méthodiquement sur la brèche ouverte, qu’il s’écria avec terreur :

« Miséricorde, monsieur le docteur, vous avez laissé choir votre visage sur la table !

— Au diable ce visage d’étoffe ! te dis-je. Je ne pourrai jamais m’habituer à manger avec cela. Mets-le dans un coin, tu me le rendras quand je sortirai.

— Comme il vous plaira, monsieur le docteur, dit Matteus d’un ton consterné. Je m’en lave les mains. Mais Votre Seigneurie n’ignore pas que je suis forcé tous les soirs de rendre compte de point en point de tout ce qui s’est fait et dit ici. J’aurai beau dire que votre visage s’est détaché par mégarde, je ne pourrai pas nier que Madame n’ait vu ce qui était dessous.

— Fort bien, mon brave. Tu feras ton rapport, dit le docteur sans se déconcerter.

— Et vous remarquerez, monsieur Matteus, observa Consuelo, que je n’ai aucunement provoqué M. le docteur à cette désobéissance, et que ce n’est pas ma faute si je l’ai reconnu.

— Soyez donc tranquille, madame la comtesse, reprit Supperville la bouche pleine. Le prince n’est pas si diable qu’il est noir, et je ne le crains guère. Je lui dirai que, puisqu’il m’avait autorisé à souper avec vous, il m’avait autorisé par cela même à me délivrer de tout obstacle à la mastication et à la déglutition. D’ailleurs j’avais l’honneur d’être trop bien connu de vous pour que le son de ma voix ne m’eût pas déjà trahi. C’est donc une vaine formalité dont je me débarrasse, et dont le prince fera bon marché tout le premier.

— C’est égal, monsieur le docteur, dit Matteus scandalisé, j’aime mieux que vous ayez fait cette plaisanterie-là que moi. »

Le docteur haussa les épaules, railla le timoré Matteus, mangea énormément et but à proportion ; après quoi, Matteus s’étant retiré pour changer le service, il rapprocha un peu sa chaise, baissa la voix, et parla ainsi à Consuelo :

« Chère signora, je ne suis pas si gourmand que j’en ai l’air (Supperville, étant convenablement repu, parlait ainsi fort à son aise), et mon but, en venant souper avec vous, était de vous instruire de choses importantes qui vous intéressent très-particulièrement.

— De quelle part et en quel nom voulez-vous me révéler ces choses, monsieur ? dit Consuelo, qui se rappelait la promesse qu’elle venait de faire aux Invisibles.

— C’est de mon plein droit et de mon plein gré, répondit Supperville. Ne vous inquiétez donc pas. Je ne suis pas un mouchard, moi, et je parle à cœur ouvert, peu soucieux qu’on répète mes paroles. »

Consuelo pensa un instant que son devoir était de fermer absolument la bouche au docteur, afin de ne pas se rendre complice de sa trahison ; mais elle pensa aussi qu’un homme dévoué aux Invisibles au point de se charger d’empoisonner à demi les gens pour les amener, à leur insu, dans ce château, ne pouvait agir comme il le faisait sans y être secrètement autorisé. C’est un piège qu’on me tend, pensa-t-elle. C’est une série d’épreuves qui commence. Voyons, et observons l’attaque.

« Il faut donc, madame, continua le docteur, que je vous dise où et chez qui vous êtes. »

« Nous y voilà ! » se dit Consuelo ; et elle se hâta de répondre : « Grand merci, monsieur le docteur, je ne vous l’ai pas demandé, et je ne désire pas le savoir.

Ta ta ta ! reprit Supperville, vous voilà tombée dans la voie romanesque où il plaît au prince d’entraîner tous ses amis. Mais n’allez point donner sérieusement dans ces sornettes-là : le moins qui pourrait vous en arriver serait de devenir folle et de grossir son cortège d’aliénés et de visionnaires. Je n’ai pas l’intention, pour ma part, de manquer à la parole que je lui ai donnée de ne vous dire ni son nom ni celui du lieu où vous vous trouvez. C’est là d’ailleurs ce qui doit le moins vous préoccuper ; car ce ne serait qu’une satisfaction pour votre curiosité, et ce n’est pas cette maladie que je veux traiter chez vous ; c’est l’excès de confiance, au contraire. Vous pouvez donc apprendre, sans lui désobéir et sans risquer de lui déplaire (je suis intéressé à ne pas vous trahir), que vous êtes ici chez le meilleur et le plus absurde des vieillards. Un homme d’esprit, un philosophe, une âme courageuse et tendre jusqu’à l’héroïsme, jusqu’à la démence. Un rêveur qui traite l’idéal comme une réalité, et la vie comme un roman. Un savant qui, à force de lire les écrits des sages et de chercher la quintessence des idées, est arrivé, comme don Quichotte après la lecture de tous ses livres de chevalerie, à prendre les auberges pour des châteaux, les galériens pour d’innocentes victimes, et les moulins à vent pour des monstres. Enfin un saint, si on ne considère que la beauté de ses intentions, un fou si on en pèse le résultat. Il a imaginé, entre autres choses, un réseau de conspiration permanente et universelle pour prendre à la nasse et paralyser l’action des méchants dans le monde : 1° combattre et contrarier la tyrannie des gouvernants ; 2° réformer l’immoralité ou la barbarie des lois qui régissent les sociétés ; 3° verser dans le cœur de tous les hommes de courage et de dévouement l’enthousiasme de sa propagande et le zèle de sa doctrine. Rien que ça ? hein ? et il croit y parvenir ! Encore s’il était secondé par quelques hommes sincères et raisonnables, le peu de bien qu’il réussit à faire pourrait porter ses fruits ! Mais, par malheur, il est environné d’une clique d’intrigants et d’imposteurs audacieux qui feignent de partager sa foi et de servir ses projets, et qui se servent de son crédit pour accaparer de bonnes places dans toutes les cours de l’Europe, non sans se mettre au bout des doigts la meilleure partie de l’argent destiné à ses bonnes œuvres. Voilà l’homme et son entourage. C’est à vous de juger dans quelles mains vous êtes, et si cette protection généreuse qui vous a heureusement tirée des griffes du petit Fritz ne risque pas de vous faire tomber pis, à force de vouloir vous élever dans les nues. Vous voilà avertie. Méfiez-vous des belles promesses, des beaux discours, des scènes de tragédie, des tours de passe-passe des Cagliostro, des Saint-Germain et consorts.

— Ces deux derniers personnages sont-ils donc actuellement ici ? demanda Consuelo un peu troublée, et flottante entre le danger d’être jouée par le docteur et la vraisemblance de ses assertions.

— Je n’en sais rien, répondit-il. Tout s’y passe mystérieusement. Il y a deux châteaux : un visible et palpable, où l’on voit arriver des gens du monde qui ne se doutent de rien, où l’on donne des fêtes, où l’on déploie l’appareil d’une existence princière, frivole et inoffensive. Ce château-là couvre et cache l’autre, qui est un petit monde souterrain assez habilement masqué. Dans le château invisible s’élucubrent tous les songes creux de Son Altesse. Novateurs, réformateurs, inventeurs, sorciers, prophètes, alchimistes, tous architectes d’une société nouvelle toujours prête, selon leur dire, à avaler l’ancienne demain ou après-demain ; voilà les hôtes mystérieux que l’on reçoit, que l’on héberge, et que l’on consulte sans que personne le sache à la surface du sol, ou du moins sans qu’aucun profane puisse expliquer le bruit des caves autrement que par la présence d’esprits follets et de revenants tracassiers dans les œuvres basses du bâtiment. Maintenant concluez : les susdits charlatans peuvent être à cent lieues d’ici, car ils sont grands voyageurs de leur nature, ou à cent pas de nous, dans de bonnes chambres à portes secrètes et à double fond. On dit que ce vieux château a servi autrefois de rendez-vous aux francs-juges, et que depuis, à cause de certaines traditions héréditaires, les ancêtres de notre prince se sont toujours divertis à y tramer des complots terribles, qui n’ont jamais, que je sache, abouti à rien. C’est une vieille mode du pays, et les plus illustres cerveaux ne sont pas ceux qui y donnent le moins. Moi, je ne suis pas initié aux merveilles du château invisible. Je passe ici quelques jours de temps en temps, quand ma souveraine, la princesse Sophie de Prusse, margrave de Bareith, me donne la permission d’aller prendre l’air hors de ses États. Or, comme je m’ennuie prodigieusement à la délicieuse cour de Bareith, qu’au fond j’ai de l’attachement pour le prince dont nous parlons, et que je ne suis pas fâché de jouer parfois un petit tour au grand Frédéric que je déteste, je rends au susdit prince quelques services désintéressés, et dont je me divertis tout le premier. Comme je ne reçois d’ordres que de lui, ces services sont toujours fort innocents. Celui d’aider à vous tirer de Spandaw, et de vous amener ici comme une pauvre colombe endormie, n’avait rien qui me répugnât. Je savais que vous y seriez bien traitée, et je pensais que vous auriez occasion de vous y amuser. Mais si, au contraire, on vous y tourmente, si les conseillers charlatans de Son Altesse prétendent s’y emparer de vous, et de vous faire servir à leurs intrigues dans le monde…

— Je ne crains rien de semblable, répondit Consuelo de plus en plus frappée des explications du docteur. Je saurai me préserver de leurs suggestions, si elles blessent ma droiture et révoltent ma conscience.

— En êtes-vous bien sûr, madame la comtesse ? reprit Supperville. Tenez ! ne vous y fiez pas, et ne vous vantez de rien. Des gens fort raisonnables et fort honnêtes sont sortis d’ici timbrés et tout prêts à mal faire. Tous les moyens sont bons aux intrigants qui exploitent le prince, et ce cher prince est si facile à éblouir, que lui-même a mis la main à la perdition de quelques bonnes âmes en croyant les sauver. Sachez que ces intrigants sont fort habiles, qu’ils ont des secrets pour effrayer, pour convaincre, pour émouvoir, pour enivrer les sens et frapper l’imagination. D’abord une persistance de tracasseries et une foule de petits moyens incompréhensibles : et puis des recettes, des systèmes, des prestiges à leur service. Ils vous enverront des spectres, ils vous feront jeûner pour vous ôter la lucidité de l’esprit, ils vous assiégeront de fantasmagories riantes ou affreuses. Enfin ils vous rendront superstitieuse, folle peut-être, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, et alors…

— Et alors ? que peuvent-ils attendre de moi ? que suis-je dans le monde pour qu’ils aient besoin de m’attirer dans leurs filets ?

— Oui-da ! La comtesse de Rudolstadt ne s’en doute pas ?

— Nullement, monsieur le docteur.

— Vous devez vous rappeler pourtant que mons Cagliostro vous a fait voir feu le comte Albert, votre mari, vivant et agissant ?

— Comment savez-vous cela, si vous n’êtes pas initié aux mystères du monde souterrain dont vous parlez ?

— Vous l’avez raconté à la princesse Amélie de Prusse, qui est un peu bavarde, comme toutes les personnes curieuses. Ignorez-vous, d’ailleurs, qu’elle est fort liée avec le spectre du comte de Rudolstadt ?

— Un certain Trismégiste, à ce qu’on m’a dit !

— Précisément. J’ai vu ce Trismégiste, et il est de fait qu’il ressemble au comte d’une manière surprenante au premier abord. On peut le faire ressembler davantage en le coiffant et en l’habillant comme le comte avait coutume d’être, en lui rendant le visage blême, et en lui faisant étudier l’allure et les manières du défunt. Comprenez-vous maintenant ?

— Moins que jamais. Quel intérêt aurait-on à faire passer cet homme pour le comte Albert ?

— Que vous êtes simple et loyale ! Le comte Albert est mort, laissant une grande fortune, qui va tomber en quenouille, des mains de la chanoinesse Wenceslawa à celles de la petite baronne Amélie, cousine du comte Albert, à moins que vous ne fassiez valoir vos droits à un douaire ou à une jouissance viagère. On tâchera d’abord de vous y décider…

— Il est vrai, s’écria Consuelo ; vous m’éclairez sur le sens de certaines paroles !

— Ce n’est rien encore : cette jouissance viagère, très-contestable, du moins en partie, ne satisferait pas l’appétit des chevaliers d’industrie qui veulent vous accaparer. Vous n’avez pas d’enfant ; il vous faut un mari. Eh bien, le comte Albert n’est pas mort : il était en léthargie, on l’a enterré vivant ; le diable l’a tiré de là ; M. de Cagliostro lui a donné une potion ; M. de Saint-Germain l’a emmené promener. Bref, au bout d’un ou deux ans il reparaît, raconte ses aventures, se jette à vos pieds, consomme son mariage avec vous, part pour le château des Géants, se fait reconnaître de la vieille chanoinesse et de quelques vieux serviteurs qui n’y voient pas très-clair, provoque une enquête, s’il y a contestation, et paie les témoins. Il fait même le voyage de Vienne avec son épouse fidèle, pour réclamer ses droits auprès de l’impératrice. Un peu de scandale ne nuit pas à ces sortes d’affaires. Toutes les grandes dames s’intéressent à un bel homme, victime d’une funeste aventure et de l’ignorance d’un sot médecin. Le prince de Kaunitz, qui ne hait pas les cantatrices, vous protège ; votre cause triomphe ; vous retournez victorieuse à Riesenburg, vous mettez à la porte votre cousine Amélie ; vous êtes riche et puissante ; vous vous associez au prince d’ici et à ses charlatans pour réformer la société et changer la face du monde. Tout cela est fort agréable, et ne coûte que la peine de se tromper un peu, en prenant à la place d’un illustre époux un bel aventurier, homme d’esprit et grand diseur de bonne aventure par-dessus le marché. Y êtes-vous, maintenant ? Faites vos réflexions. Il était de mon devoir comme médecin, comme ami de la famille de Rudolstadt, et comme homme d’honneur, de vous dire tout cela. On avait compté sur moi pour constater, dans l’occasion, l’identité du Trismégiste avec le comte Albert. Mais moi qui l’ai vu mourir, non avec les yeux de l’imagination, mais avec ceux de la science, moi qui ai fort bien remarqué certaines différences entre ces deux hommes, et qui sais qu’à Berlin on connaît l’aventurier de longue date, je ne me prêterai point à une pareille imposture. Grand merci ! Je sais que vous ne vous y prêteriez pas davantage, mais qu’on mettra tout en œuvre pour vous persuader que le comte Albert a grandi de deux pouces et pris de la fraîcheur et de la santé dans son cercueil. J’entends ce Matteus qui revient ; c’est une bonne bête, qui ne se doute de rien. Moi, je me retire, j’ai dit. Je quitte ce château dans une heure, n’ayant que faire ici davantage. »

Après avoir parlé ainsi avec une remarquable volubilité, le docteur remit son masque, salua profondément Consuelo, et se retira, la laissant achever son souper toute seule si bon lui semblait : elle n’était guère disposée à le faire. Bouleversée et atterrée de tout ce qu’elle venait d’entendre, elle se retira dans sa chambre, et n’y trouva un peu de repos qu’après avoir souffert longtemps les plus douloureuses perplexités et les plus vagues angoisses du doute et de l’inquiétude.