La Connaissance surnaturelle/Texte entier

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Texte établi par Albert CamusGallimard.


NOTE DE L’ÉDITEUR


Ce livre est composé avec le contenu des derniers cahiers de Simone Weil. Ce sont, comme on le verra, en majeure partie, des pensées, des ébauches d’œuvres, des notes de lecture, mais aussi quelques bibliographies et des citations. Il y a sept cahiers et un carnet. Les cahiers sont de la période qui va du départ de Marseille pour le Maroc le 17 mai 1942, au départ des États-Unis pour l’Angleterre le 10 novembre 1942. Pendant ce temps Simone Weil avait passé un peu plus de deux semaines au camp d’Ain Seba près de Casablanca, puis elle s’était embarquée pour New-York où elle est arrivée fin juin 1942. Le carnet date du séjour en Angleterre, à Londres principalement, et va jusqu’aux derniers moments de Simone Weil : la fin est écrite au crayon. On sait que Simone Weil est morte le 24 août 1943 au sanatorium d’Ashford (Kent), où elle avait été transportée quelques jours auparavant.

Il est impossible de reconstituer la suite véritable des sept cahiers, malgré les numéros qui ont été inscrits par Simone Weil sur leurs couvertures, et même d’affirmer que les fragments qu’ils contiennent ont bien été écrits dans l’ordre où ils se présentent à l’intérieur des cahiers. Nous les avons simplement publiés ici sous le titre général de Cahiers d’Amérique. Quant au carnet d’Angleterre, c’est lui qui est reproduit à la fin du volume sous le titre de Notes écrites à Londres.

Les deux pages du Prologue se trouvaient, détachées, au milieu d’un cahier, sans rapport direct avec les notes prises à cet endroit.

Il va sans dire qu’aucun de ces textes n’était destiné, tel quel, à la publication. Le titre du volume est de nous. Nous l’avons adopté à cause de la fréquence de cette expression dans les pensées de Simone Weil.


PROLOGUE


Il entra dans ma chambre et dit : « Misérable qui ne comprends rien, qui ne sais rien. Viens avec moi et je t’enseignerai des choses dont tu ne te doutes pas. » Je le suivis.

Il m’emmena dans une église. Elle était neuve et laide. Il me conduisit en face de l’autel et me dit : « Agenouille-toi. » Je lui dis : « Je n’ai pas été baptisé. » Il dit : « Tombe à genoux devant ce lieu avec amour comme devant le lieu où existe la vérité. » J’obéis.

Il me fit sortir et monter jusqu’à une mansarde d’où l’on voyait par la fenêtre ouverte toute la ville, quelques échafaudages de bois, le fleuve où l’on déchargeait des bateaux. Il me fit asseoir.

Nous étions seuls. Il parla. Parfois quelqu’un entrait, se mêlait à la conversation, puis partait.

Ce n’était plus l’hiver. Ce n’était pas encore le printemps. Les branches des arbres étaient nues, sans bourgeons, dans un air froid et plein de soleil.

La lumière montait, resplendissait, diminuait, puis les étoiles et la lune entraient par la fenêtre. Puis de nouveau l’aurore montait.

Parfois il se taisait, tirait d’un placard un pain, et nous le partagions. Ce pain avait vraiment le goût du pain. Je n’ai jamais plus retrouvé ce goût.

Il me versait et se versait du vin qui avait le goût du soleil et de la terre où était bâtie cette cité.

Parfois nous nous étendions sur le plancher de la mansarde, et la douceur du sommeil descendait sur moi. Puis je me réveillais et je buvais la lumière du soleil.

Il m’avait promis un enseignement, mais il ne m’enseigna rien. Nous causions de toutes sortes de choses, à bâtons rompus, comme font de vieux amis.

Un jour il me dit : « Maintenant va-t’en. » Je tombai à genoux, j’embrassai ses jambes, je le suppliai de ne pas me chasser. Mais il me jeta dans l’escalier. Je le descendis sans rien savoir, le cœur comme en morceaux. Je marchai dans les rues. Puis je m’aperçus que je ne savais pas du tout où se trouvait cette maison.

Je n’ai jamais essayé de la retrouver. Je comprenais qu’il était venu me chercher par erreur. Ma place n’est pas dans cette mansarde. Elle est n’importe où, dans un cachot de prison, dans un de ces salons bourgeois pleins de bibelots et de peluche rouge, dans une salle d’attente de gare. N’importe où, mais non dans cette mansarde.

Je ne peux pas m’empêcher quelquefois, avec crainte et remords, de me répéter un peu de ce qu’il m’a dit. Comment savoir si je me rappelle exactement ? Il n’est pas là pour me le dire.

Je sais bien qu’il ne m’aime pas. Comment pourrait-il m’aimer ? Et pourtant au fond de moi quelque chose, un point de moi-même, ne peut pas s’empêcher de penser en tremblant de peur que peut-être, malgré, tout, il m’aime.

CAHIERS D’AMÉRIQUE

(mai-novembre 1942)

La résurrection est le pardon du Christ à ceux qui l’ont tué, le témoignage qu’en lui faisant tout le mal possible on ne lui a pas fait de mal. Le mal n’est senti que dans un être pur. Mais il n’y est pas du mal. Le mal est extérieur à soi-même. Là où il est il n’est pas senti. Il est senti là où il n’est pas. Le sentiment du mal n’est pas un mal.

Le mal étant la racine du mystère, la douleur est la racine de la connaissance.

La joie de Pâques n’est pas celle qui suit la douleur, la liberté après les chaînes, le rassasiement après la faim, la réunion après la séparation. Elle est la joie qui plane au-dessus de la douleur et l’achève. Le chant lui-même le rend manifeste, dans le grégorien (Salve, festa, dies…) La douleur et la joie sont en équilibre parfait. La douleur est le contraire de la joie ; mais la joie n’est pas le contraire de la douleur.

Celui qui reçoit et transmet la malédiction ne la laisse pas pénétrer au centre de lui-même. Il ne la sent pas. Celui sur qui elle s’arrête, celui qui l’arrête, celui-là, elle pénètre au centre de lui. Il devient malédiction. Il faut être pur pour devenir malédiction.

La plénitude de la joie est nécessaire pour rendre un être si pur qu’il puisse devenir malédiction.

La douleur et la joie alternées purifient un être jusqu’à ce qu’il soit assez pur pour devenir malédiction, et avoir en même temps en lui la plénitude de la douleur, et au-dessus de lui la plénitude de la joie.

Até court, la pointe des pieds sur la tête des hommes, de tête en tête — jusqu’à ce qu’un homme l’arrête ; alors elle entre en lui.

Nul ne l’arrête dans l’Iliade.

Prométhée l’arrête.

Les êtres ordinaires (c’est-à-dire non rédempteurs), le malheur passe sur eux sans les transpercer. Et pourtant il les change. Il les brise.

P. qui sent son malheur quand il attend le tram.

J. B. resté infantile par le malheur, comme les enfants qui ne grandissent pas parce qu’on les contraint à un travail trop dur.

Table ronde. S’asseoir à cette table, c’est perdre la perspective, s’installer dans l’absence de point de vue, dans l’universel.

De toute évidence, l’histoire du Graal a pour essence une identification de la pensée chrétienne avec des traditions ibéro-celtiques. Dans la Queste del Saint Graal, Israël est regardé comme le mal, conformément à la tradition de Marcion et des Manichéens. Sarraz (Tyr ? Sidon ?) est la ville spirituelle par excellence.

Cercle et trinité. Un cercle est défini par trois points. Une droite par deux.

Déjà avant la Passion, déjà par la Création, Dieu se vide de sa divinité, s’abaisse, prend la forme d’un esclave.

Transferts réels et imaginaires. J. B.

Désir sensuel et beauté. Besoin de briser l’impureté intérieure contre de la pureté. Mais le médiocre en nous se défend pour préserver sa vie, et a besoin de souiller la pureté.

Prendre puissance sur est souiller. Posséder est souiller.

ἐξ ὕδατος καὶ πνεύματος — à partir de (composition) — La sève végétale, synthèse de l’eau et de l’énergie ignée du soleil par la vertu chlorophyllienne, entre en nous et devient sang (Timée). Les Hébreux pensaient que le sang est la vie. Nous devons décomposer la synthèse, décomposer la vie en nous, mourir, redevenir eau. L’énergie surnaturelle se combine alors avec cette eau par la vertu chlorophyllienne de la grâce pour constituer une vie surnaturelle.

Un ordre d’hommes et de femmes qui iraient comme prisonniers dans les prisons, etc.

Grain de grenade qui lie irrévocablement à Dieu. On l’a déjà mangé quand on s’en aperçoit.

B/ Beau —

présence réelle de Dieu. Mais art démoniaque (hosties dans les messes noires).

L’éternel seul est invulnérable au temps. Seule une inspiration transcendante peut produire une peinture que supporterait un condamné à l’emprisonnement cellulaire.

Ceci a rapport à la relation invariant — variation (cube de la perception) [Éternel/temps || Invariant /variation || Nécessaire/possible || ]

Rep. 365a — sacrements

L’Amour est descendu par amour dans ce monde sous forme de beauté.

L’objet de la science est l’exploration du beau a priori

Essays in Buddhism, prof. Tataro Suzuki, London, Luzac & Co, 46 Great Russel Street, 1933.

Harmonie, κλείς, clef.
Douleur divine. Prométhée et Zeus.
La douleur qui ouvre la porte.

[Transformation d’énergie calorifique en mécanique ; se fait-elle vraiment ?]

Esquimaux. « Au temps où une nuit éternelle enveloppait la terre, le renard profitait de l’obscurité qui lui permettait de dérober de la viande dans les cachettes des hommes. Mais le corbeau qui dans la nuit éternelle ne pouvait pas trouver de nourriture désira la lumière et la terre s’éclaira. »

« Va chez les morts et aime-les. »

Histoire de la récitation du nom du Seigneur.


Il y a un bien qui est le contraire du mal ; et un qui ne l’est pas.

Contempler le non-contemplable (le malheur d’autrui), sans fuir, comme le désirable sans approcher — c’est le beau. [Beaucoup de manières de fuir.]

Déraciner autrui. Ersatz de décréation.

Venise sauvée — ennui à l’arrière — plan, chez les conjurés.

Tout plan discerné dans les événements est bien, quel qu’il soit, un plan de la Providence — parmi une infinité d’autres.

La vulnérabilité des choses précieuses est belle parce qu’elle est une marque d’existence. Fleurs des arbres fruitiers.

Ainsi la vulnérabilité de l’âme au froid, à la faim…

Dès qu’on sait que quelque chose est réel, on ne peut y être attaché.

La voie de cube en cube. La tracer (cube de la perception, invariant)

« Ce qui n’est pas manifesté, mais par quoi est manifesté ce qui l’est. »

Dieu aime la perspective de création qu’on ne peut voir que d’où je suis, et je fais écran.

Mathématique et distinction des niveaux. — [1] et constatation.

Faits à priori.

La nécessité dans le surnaturel et les itinéraires. Espace, nécessité suprême. « Je suis la voie. » Plus de nécessité que dans la nature.

Trois présences de Dieu : de création, d’ordonnance, d’inspiration.

Beau = présence manifeste du réel. τὸ ὄν. Joie, sentiment du réel.

Être poussé par Dieu vers le prochain comme le crayon est appuyé par moi sur le papier.

L’épée mauvaise (ou bonne) pareillement à la poignée et à la pointe. Venise sauvée.

Un ordre est un intermédiaire entre une multiplicité [de conditions] et une chose.

Dans l’ordre du monde — dans l’ordre esthétique — quelle est cette chose ?

Le vide.

Dieu.

De même : action suspendue seulement à Dieu. On ne peut pas passer par le bien sans passer par le beau.


Conte chilien du mari qui suce le sang… Les soldats de Napoléon étaient précipités dans la mort par l’énergie supplémentaire. Mais dès que l’énergie végétative apparaît, affleure à la surface, le plus froid égoïsme (sauf grâce surnaturelle). C’est alors qu’il n’y a pas plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Croix.

Croix et Antigone (emmurement).

Prométhée πυρὸς διδάσκαλος. ἑκόνθ’φιλότητα βροτῶνἐξελυσάμην — dessécher — Διὸς φίλονμὴ φρονεῖνσυμφρρὰ διδάσκαλος


μηχανήματα

σοφιστήν

Zeus perdra sa puissance.

Suppl. Ζεὺς ἑτερορρεπής.

Chine.

Au centre du monde, il y a un arbre auprès duquel rien ne donne d’écho, auprès duquel rien de ce qui est parfaitement droit ne donne d’ombre.


Phénomènes de transferts et de combinaisons psychologiques. Si on disait aux gens : ce qui fait que le désir charnel est impérieux en vous, ce n’est pas ce qu’il a de charnel. C’est parce que vous y faites porter ce qui est l’essentiel de vous-mêmes, le besoin d’unité, le besoin de Dieu. — Ils ne le croiraient pas. Il leur paraît manifeste que ce caractère de besoin impérieux est celui du désir charnel comme tel. De même il semble manifeste à l’avare que le caractère de désirabilité est celui de l’or comme tel, et non pas comme instrument d’échange. Lecture.

Il faut défaire ces combinaisons, décomposer sa propre âme en eau et en énergie et renaître à partir de là.

Pour rendre palpable la vérité chrétienne, il faut montrer qu’elle est implicitement enfermée, sous une forme dégradée, même dans les passions les plus basses. Ce dont nous vous parlons, c’est cela même que vous désirez de toute votre âme, en ce moment, dans votre état présent. Mais vous le nommez d’un faux nom. N’adoptez pas le nom que nous vous proposons. Cessez seulement tout à fait de le nommer. Persévérez dans ce silence intérieur. Et un jour vous entendrez une voix en vous qui vous dira le vrai nom.

Banquet, 196a. — Relation entre la beauté de la forme (εὐσχημοσύνη), la proportion et la fluidité. (συμμέτρου καὶ ὑγρᾶς ἰδέας). Extrêmement remarquable. Théorie parfaite de la sculpture grecque.

Fluide invariant.

196b — οὔτε αὐτὸς βίᾳ πάσχει, εἴ τι πάσχει, οὔτε ποιῶν ποιεῖ.

S’il souffre, ce n’est pas par force. Prométhée. Passion. Juste parfait.


Le vin sert dans la communion, est le sang du Christ. L’huile sert dans la confirmation où il s’agit de l’Esprit. Athéna, issue de la tête de Zeus, répondrait-elle à l’Esprit ? Dans Hésiode, Zeus mange Métis enceinte dont on a prédit qu’elle aurait un enfant plus puissant que lui. Après quoi Athéna sort de sa tête (cf. au moyen âge l’image d’une vierge chevalier comme incarnation de l’Esprit). Dans le mythe du Banquet, Poros est fils de Métis. Prométhée nomme le feu, symbole de l’Esprit, Poros. Métis, la sagesse, est la même chose que Prométhée. « Qui ex Patre Filioque procedit. »

Athéna a pour attribut l’égide assimilée à la foudre.

Lien entre la colombe, figure de l’Esprit, et l’olivier.

Eau, vin (= sang), huile (= πνεῦμα). Baptême, communion, confirmation. (L’huile joue aussi un rôle dans le baptême.)

Hephaïstos dans une tradition, Prométhée dans une autre, fait sortir Athéna de la tête de Zeus.

Tritogenie — la troisième ?

Est-ce à cause du caractère inflammable de l’huile ?…

La propriété qu’a l’huile de flotter sur l’eau a-t-elle rapport avec ce symbolisme ?


B. Ordre des mots par rapport à une pensée (ordre logique et grammatical). Par rapport à un effet de persuasion (images, etc.). — Par rapport à une transposition de la sensibilité. — Mais en poésie ?

Exposer ce qu’est la technique transcendante.
Le beau et la Providence. Le beau et le problème du mal.
Le beau et la douleur (douleur physique). Prométhée. Job.
« Harmonie », « proportion », union des contraires.
Rythme. Lent et rapide. Haut et bas. Chant grégorien.
Architecture. Haut et bas. Lourd et léger. Équilibre.
Peinture. Espace. Distance. « Ce que sont la largeur… »
Sculpture. Statues liquides. Platon.

Le beau dépasse l’intelligence, et pourtant toute chose belle nous offre quelque chose à comprendre, non seulement en elle-même, mais dans notre destinée.

Le beau dans la nature. Comment s’applique la notion d’ordre ?

« Naître à partir de l’eau et du πνεῦμα. » La douleur qui sépare les contraires.

Stoïciens. La semence est un πνεῦμα. Le Saint-Esprit entré dans la Vierge est la semence de Dieu.

Hérodote. Deux animaux sacrés — brebis (bélier) — chèvre,

Bélier. Agnus Dei. Christ. Équinoxe de Printemps.

Chèvre. Égide. Vent (αἰγίδες parfois pour vents) — Athéna, qui seule parmi les dieux a accès à la foudre — olivier — Saint-Esprit — Solstice d’hiver.

Panathénées, tous les 4 ans, le 28 Hekatombaeon.

Premier mois attique, qui commence au 15 juillet. Donc vers le 15 août.


Bélier. Taureau. Gémeaux. Cancer. Lion. Vierge.
20 mars 20 avril 20 mai 20 juin 20 juil. 20 août
Balance. Scorpion. Sagittaire. Capricorne. Verseau. Poissons.
20 sept. 20 octobre 20 novembre 20 décembre 20 janvier 20 février


Si le Christ est né à Noël, il a été conçu à Pâques. Est-ce pour cela ?

Pan, dieu chèvre.

Taureau, Osiris. Comme bélier.

Ténèbres. Tumulte pour imiter le tonnerre. Jean et Jacques « fils du tonnerre ».

Corne de chèvre — Lune au dernier quartier.

Poissons — Plies du Banquet ?

Rameau de suppliant. Olivier et laine.

Laine interdite aux prêtres égyptiens.

Bélier Balance.
Taureau Scorpion.
Gémeaux Sagittaire.
Crabe Chèvre.
Lion Verseau.
Vierge Poissons.
Balance Bélier.

La charité. Aimer les êtres humains en tant qu’ils sont néant. C’est les aimer comme fait Dieu.

La preuve ontologique par le beau est toujours applicable, car le beau, c’est le réel.

Ordre comme condition d’existence. L’ordre esthétique n’est une condition d’existence que pour soi-même. Mais chaque chose est condition pour soi-même ; cela n’a pas de sens. Quelle est cette chose qui est séparée de soi-même par la relation de condition d’existence ? Image de Dieu. C’est là la présence réelle de Dieu dans le beau.

Mat., 24,14 — κηρυχθήσεται… ἐν ὅλῃ τῇ οἰκουμένῃ… « la grande mer de la beauté ». Aphrodite céleste, née de la semence du Ciel tombée sur la mer (la semence est πνεῡμα) (L’Esprit de Dieu était sur les eaux). Baptême.


Étymologie du Cratyle.

Πέλοψπέλας — il n’a pas vu au loin.

Τάνταλοςταλντεία — suspension (de la pierre).

ταλάντατον — le plus malheureux.

Ζῆνα — δι’ὅν ζῆν —

ὁ θεὸς, δι’ ὅν ζῆν ἀεὶ πᾶσι τοῖς ξῶσι ὑπάρχει.

Κρόνος — κόρον σημαίνει, οὐ παῖδα, ἀλλὰ τὸ καθαρὸν αὐτοῦ καὶ ἀκήρατον τοῦ νοῦ —

οὐρανία — ὁρῶσα τὰ ἄνω.


θεοὺ, de τοῦθεῖν, parce que les premiers habitants de l’Hellade, comme encore la plupart des barbares, regardaient seulement comme dieux le soleil et la lune et la terre et les astres et le ciel, choses qu’on voit toujours ἀεὶ ἴοντα δρόμῳ καὶ θέοντα.

δαίμονας.

Hésiode, sur les hommes de l’âge d’or après leur mort

… οἱ μὲν δαίμονες ἁγνοὶ ἐπιχθόνιοι καλέονται

ἐσθλοί, ἀλεξίκακοι, φύλακες θνητῶν ἀνθρώπων.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Nicolas de Cues — Livre de Gandillac.

Saint Justin, Apolog. I, 59, 60. — Abélard, Introduction à la théologie chrétienne (Op. II, 22) — Glaber Rodulfus (cité dans Reuter, Relig. Aufklärung, t. I, l. 2).

(Abélard assimile les philosophes aux prophètes.)

Bernard Silvestre, qui mélange la Bible et le Timée. C£. Gilson, Cosmogonie de B.-S. Thierry de Chartres, qui cite comme autorités Pythagore, Platon et Hermès Trismégiste.

Festugière.

Jean de Salisbury, De Dogmate phil.

David de Dinant (hérétique).

Amaury de Benes. Amauriciens, égalent la sagesse païenne à la sagesse chrétienne — cf. Delacroix, Mysticisme spécul., ch. ii.

Lulle — (mais lui veut ramener tout le monde dans l’Église).

Alain de Lille. Hugues de Saint-Victor, Saint Bonaventure, Maître Eckart.

Rede von den 15 graden, texte allemand de date inconnue. Publié par Shömann — Dieu se présente comme professeur, berger, médecin, boutiquier, père de famille, hôte, voyageur, soldat. Spiritualité pour toutes les conditions.

Maître Eckart, Commentaire de saint Jean.

Proclus, in Parm., 735,4.

Livre des 24 philosophes. (Publié en 1913 par Bäumker.) Texte de la fin du xiie, attribué à Hermès Trismégiste (lequel est du iie ou du iiie. Contient « Dieu est une sphère infinie dont le centre est partout et la circonférence nulle part »).

Saint Bonaventure.

Angelius Silesius — poèmes religieux allemands.

Boetius.

Giordano Bruno — Opera — éd. Wagner) Leipzig, 1830. Le opere italiane (éd. Lagarde) Göttingen, 1888.


B. Toute une vie déterminée par l’irréalité d’un fait de guerre.

Les choses « par surcroît » — Dieu nous les donne et comme récompense et comme épreuve d’amour. Quand le maître récompense l’esclave, l’épreuve est plus dangereuse que quand il le laisse sans récompense. Mais par miséricorde infinie et comme avertissement il nous les retire si nous nous y attachons. Peu à peu cependant, non immédiatement, afin que l’amour ne nous soit pas facile.

Ainsi la dépendance de la technique à l’égard de la science pure qui ne se propose aucune fin technique. Expérience russe. C’est un avertissement.

La science — comme toute activité humaine — enferme une manière originale, spécifique, d’aimer Dieu. Cela, qui est sa destination, est aussi son origine.

Nulle chose ne peut avoir comme destination ce qu’elle n’a pas pour origine.

Idée contraire, idée de progrès, poison. Nous le constatons. La racine qui a porté ce fruit, mélangée à la foi, doit être arrachée.

À quoi serviraient les scandales de notre époque s’ils ne nous donnaient pas des lumières qu’on n’a pas eues au moyen âge ? On a besoin de lumières qu’on n’avait pas au moyen âge. La tâche est plus grande.

Si l’origine des activités profanes est surnaturelle, le christianisme n’a pas commencé avec le Christ.

La science pure est une contemplation de l’ordre du monde comme nécessité.

La nécessité n’apparaît que dans la démonstration.

Parenté évidente entre la notion de nécessité et l’obéissance. Le rapport de maître à esclave, c’est la nécessité dans les relations humaines.

Parenté entre la nécessité et la certitude.

C’est à cause de leur foi — foi inspirée par l’amour du Christ — que les Grecs ont eu cette faim de certitude qui leur a fait inventer la démonstration géométrique. C’est parce que leur mathématique était une théologie qu’ils y voulaient une certitude.

La marche de la caverne est faite pour nous, aujourd’hui.

Que cette nécessité mathématique soit la substance du monde — c’est le sceau de notre Père, le témoignage que la nécessité a été dès l’origine vaincue par une persuasion sage.

À contempler encore.

Avant de descendre dans les catacombes, le christianisme doit montrer qu’il est catholique. Il n’y a pas le point de vue chrétien et les autres, mais la vérité et l’erreur. Non pas : ce qui n’est pas chrétien est faux, mais : tout ce qui est vrai est chrétien.

La conception des relations entre le naturel et le surnaturel est la grande erreur du xiiie siècle, qui a préparé la Renaissance.

Orienter la science vers l’obéissance et non vers le pouvoir. Mais cette orientation est celle de la science pure, qui est contemplation de la nécessité.

La puissance est l’obéissance dégradée.

Il n’y a que le christianisme et l’idolâtrie. Et sous divers aspects, le social est la seule idole.

(Et Gide, le surréalisme, etc. ? Le moi aussi peut être idole.)

Le social et le moi sont les deux idoles.


L’« égalité géométrique » rend égal à Dieu. Et ce malheureux Calliclès qui veut seulement acquérir toujours davantage !

Un nombre mauvais, non carré, 17 par exemple, peut croire qu’il serait plus grand s’il était 18. Mais il ne sait pas que le secret, le principe créateur de toute grandeur n’est autre que 1. En devenant 18, il s’éloigne. Il dégrade le 1 dans le plan du nombre. Sa grandeur réside uniquement dans son identification à 1 par sa propre racine, , la médiation.

Chaque nombre à sa propre médiation en soi et hors de soi.

La direction vers 18, c’est le mal, ψεῡδος, φθόνος. La direction vers 1, c’est λόγος, ἀριθμός, ἁρμονία, ἁμολογία c’est la vérité, l’obéissance, le bien.

Liaison entre vérité et l’obéissance. La certitude est l’obéissance de l’intelligence (et non pas, nullement, la soumission à une autorité extérieure, même acceptée par foi).

Le malaise de l’intelligence dans le christianisme, qui dure depuis 20 siècles, vient de ce qu’on n’a pas su établir un modus vivendi satisfaisant, basé sur une vue exacte des analogies et des différences, entre le Saint-Esprit parlant au corps de l’Église et le Saint-Esprit parlant à l’âme.

Le Corps mystique n’est qu’un corps. L’âme dans l’état de perfection est l’image même du Christ.

συμφρόνησις … 3 sujets pensants.

« Aime Dieu. » Cela ne peut être que l’ordre du monde et le prochain, puisque Dieu, avant qu’il soit descendu pour se montrer, on ne le voit pas.


Aristote. On démontre l’incommensurabilité de la diagonale par l’absurde, car si elle était commensurable, le pair serait égal à l’impair.

Donc est pair et impair. λόγος ἄλογος — splendide !

L’impossibilité de trouver tel que doit être très antique, de toute antiquité.

[ou plutôt et tels que , une moyenne entre un nombre et son double. Dans la série infinie des nombres, il n’y a pas et ].

Rapport conçu sans l’usage des sens, et aussi certain que le nombre.

Amour de Dieu et « action non agissante ». Passage de Thucydide.

La Création, pour Dieu, n’a pas consisté à s’étendre, mais à se retirer. Il a cessé de « commander partout où il en avait le pouvoir ».

[ N.-B. que notre autonomie a comme contre-partie la nécessité mécanique aveugle. ]

La Création, la Passion, l’Eucharistie — toujours ce même mouvement de retrait. Ce mouvement est l’amour.


L’homme est comme un naufragé accroché à une planche, ballotté par la mer. Il est hors d’état de changer quoi que ce soit au mouvement que lui imprime la mer. Dieu lance une corde du haut du ciel. L’homme la saisit ou non. S’il la saisit, il reste soumis aux pressions de la mer, mais ces pressions se combinent avec le facteur mécanique nouveau constitué par la corde, de sorte que les relations mécaniques entre l’homme et la mer ont changé. Les mains saignent par l’étreinte de la corde. La mer le ballotte parfois tant qu’il la lâche et la reprend.

Mais s’il la repousse volontairement, Dieu la retire.


Ne pas parler aux malheureux du royaume de Dieu, car cela leur est trop étranger, mais seulement de la Croix. Dieu a souffert. Donc la souffrance est une chose divine. En elle-même. Non par les compensations, consolations, récompenses. Mais la souffrance qui fait horreur, qu’on subit malgré soi, qu’on voudrait fuir, dont on supplie de ne pas être frappé. Le malheur.

καρποφοροῦσιν ἐν ὑπομονῇ
ὑπομένω — Ils porteront des fruits dans l’attente (attendre — soutenir un choc).


Comme les prétextes de guerre, chez les agresseurs qui savent leur métier — tels que les Romains — auxquels personne ne croit, ni eux ni les autres, mais sans lesquels la guerre serait impossible ou malheureuse — de même les prétextes que met en avant le péché (maladie, etc.), que l’on sait faux, mais sans lesquels le péché serait impossible. Que faire à cet égard ?

Perfection du Père céleste vue dans l’ordre du monde : soleil et pluie, lis et oiseau.

Géants à la vie cachée. « Votre Père qui est dans le secret. »

« L’amitié est une égalité faite d’harmonie. » Charité pour les malheureux.

Test. Esp., etc. — Le malheur contraint à poser continuellement la question « pourquoi », la question essentiellement sans réponse. Ainsi par lui on entend la non-réponse. « Le silence essentiel… »

σωφροσύνη — pureté.

Le Fils séparé du Père par la totalité du temps et de l’espace, du fait qu’il a été fait créature ; ce temps qui est la substance de ma vie — et de même pour chacun — ce temps qui est si lourd dans la souffrance, est un segment de cette ligne tendue par la Création, l’Incarnation et la Passion entre le Père et le Fils.

Cercle. Deux points immédiatement voisins. Se touchent, et sont séparés par toute la circonférence. Héraclite.

Cercle infini. La circonférence est une droite. Les deux extrémités d’une droite infinie ne font qu’un seul point.

Ma vie est un segment de cette droite. Je suis une partie de la distance entre le Père et le Fils, de cette distance que traverse le Saint-Esprit. C’est ma misère elle-même qui fait de moi le réceptacle du Saint-Esprit. Pour devenir quelque chose de divin, je n’ai pas besoin de sortir de ma misère, je n’ai qu’à y adhérer. Mes péchés eux-mêmes me sont un secours à condition que je sache y lire toute l’étendue de ma misère. C’est tout au fond de ma misère que je touche Dieu.

La distance qui me sépare des êtres et des choses terrestres que j’aime est bénie, car elle est une image de la distance entre le Père et le Fils. Seulement une image ? Ou n’est-elle pas aussi une partie de cette distance même ?

(Elle est aussi du temps.)

Phèdre — La beauté d’un adolescent a seulement « le surnom » de beau. Le beau en soi visible aux yeux ici-bas, c’est la beauté du monde.

De tous les attributs de Dieu, un seul est incarné dans l’univers, dans le corps du Verbe, c’est la beauté.

Les autres ne peuvent être incarnés que dans un être humain.

La présence de la beauté dans le monde est la preuve expérimentale de la possibilité de l’incarnation.

La joie qui est une adhésion totale et pure de l’âme à la beauté du monde est un sacrement (celle de saint François).

(De même la beauté mathématique.)

[Sauf saint François, le christianisme a presque perdu la beauté du monde.]


Aristote. Diagonale du carré. Pair et impair.


Quelle dignité cela donne au malheureux qui reçoit, de savoir qu’il peut porter à son bienfaiteur le remerciement du Christ.

ὑπομονῇ — eau taoïste — stoïciens.


Un des plaisirs les plus délicieux de l’amour humain, servir l’être aimé sans qu’il le sache, n’est possible dans l’amour de Dieu que par l’athéisme.


L’amour charnel est une recherche de l’Incarnation. On veut aimer dans un être humain la beauté du monde, non pas la beauté du monde en général, mais cette beauté spécifique que le monde offre à chacun et qui correspond exactement à l’état de son corps et de son âme.


La mer, un mouvement dans l’immobilité. Équilibre ordre du monde. Image de la matière première. Χαῖρε κεχαριτωμένη. Dans l’art. Cela a l’air d’être en mouvement, et c’est immobile. Musique, le mouvement s’empare de toute l’âme — et ce mouvement, ce n’est pas autre chose que l’immobilité. Comme dans le spectacle d’une vague, le moment où elle commence à crouler est le point même de concentration de la beauté. De même dans la musique.

L’explication archéologique de l’immobilité des statues grecques comme règle corporative, exemple de choix de la stupidité contemporaine.


La fonction spirituelle du travail physique est la contemplation des choses, la contemplation de la nature.

Le passage à l’éternel, c’est l’opération de l’âme analogue à celle de la perception par laquelle, quoi que nous suggère la perspective, nous ne nous mettons pas au centre de l’espace. Et c’est de même la condition de la perception, la condition pour qu’apparaisse le réel.

Usage temporel des biens d’origine surnaturelle (chez moi, l’intelligence). — Or des fées qui se tourne en feuilles mortes.

Parabole du naufragé accroché à sa planche.

Accomplir dans le temps l’annulation de la perspective comme dans l’espace. Éternité.

De là la puissance du souvenir, des choses antiques, etc.


Hela. U. r.

Université catholique N. Y.

Serpent : à cause de la lune ? Cf. Varro : « hinc Epicharmus Enni Proserpinam quoque (sc. lunam) appellat quod solet esse sub terris ; dicta Proserpina, quod haec ut serpens modo in dexteram modo in sinisteram partem late movetur ».

Les deux croissants de lune symétriques mènent au serpent.

Le serpent d’airain.

Chevalier de la Gaule Narbonnaise supplicié pour adoration d’œuf de serpent sous… (Hermann).


Résumé du papier pour P. P.

La vérité mathématique était d’abord théologique (Philolaos). Médiation pour les nombres non carrés, injustes (Aristote). Logoi alogoi, scandale, absurdité. Passage du Timée sur la médiation géométrique. Epinomis. Loi naturelle, fonction et proportion.

Invention de la démonstration (âme de notre science, y compris la méthode expérimentale), due au besoin de certitude des Grecs pour les choses divines, même dans leurs images. Nombres, image privilégiée des choses divines à cause de leur certitude. Mais le nombre réel est mieux. Certitude et irreprésentabilité. Introduction à la foi.

Échelle du moins au plus certain et du plus au moins représentable. Mathématique intermédiaire. En même temps, résumé du mécanisme qui gouverne la matière et image des vérités divines. En même temps, a pour centre la médiation.

Poésie prodigieuse. Révélation.

On a perdu ce besoin de certitude pour les choses divines.

On retrouve depuis peu le besoin de rigueur en mathématique. Cela peut être un chemin. Car dans la mathématique il n’a pas d’objet.

Usage de la mathématique pour faire sentir la possibilité d’une certitude concernant ce qu’on ne comprend pas. Modeler la mathématique à cette fin.

(koan. C’est ce qu’on ne comprend pas dont on est certain. C’est l’opaque qui seul est vu.)

Arrangement providentiel empêchant la mathématique de sombrer dans la technique.

φιλίαν εἶναι ἐναρμόνιον ἰσότητα

1o Trinité. ἁρμονία, δίχα φρονεόντων συμφρόνησις

Preuve de la Trinité. Dieu sujet. Mais objet et lien des deux en lui. Et chacune de ces choses est « Je suis ».

Égalité entre un et plusieurs, entre un et deux.

(un, ἀρχή et premier composé, Phil.)

Saint Augustin, aequalitas, connexio).

2o Opposition entre créateur et créature, limitant et illimité. Second couple de contraires en Dieu (Philèbe). La plus belle harmonie, maximum de séparation et d’unité. Qu’une Personne divine soit chose, matière inerte (un homme esclave et à l’agonie). Agonie du Christ. « Pourquoi m’as-tu… » — Le Christ a beaucoup de jeunes frères.

Limite = nombre. Philèbe : un et plusieurs (Trinité), limite et illimité (création). Nombre, moyenne proportionnelle, Philèbe : toute étude reproduit cette hiérarchie. Intelligence, image de la foi.

[Passage à la limite, solution des difficultés insolubles. Ex. agonie du Christ.]

δίχα φρονεόντων « Mon Dieu, pourquoi… ? » — συμφρόνησις un seul Dieu. Amour qui passe toute connaissance.

3o Amitié entre Dieu et l’homme. Harmonie comme moyenne proportionnelle. Médiation. Timée, Banquet, Epinomis, saint Jean. Amitié, égalité géométrique dans le Gorgias. « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre. » ὁ θεὸς ἀεὶ γεωμετρεῖ (double sens). Géométrie, première des prophéties. C’est pourquoi la science est devenue diabolique. Vrai rapport de la science à la charité, analogue au chant grégorien.

La rigueur démonstrative est à la science comme la pierre à la sculpture.

4o Amitié entre hommes. Naturellement, ou je est au centre (perspective), ou un autre qui me domine par la force brutale, et le reste n’est que parcelles de l’univers, sauf le cas exceptionnel de justice naturelle (Thucydide, Athéniens et Méliens).

L’amitié est identique à la justice surnaturelle. Christ, médiateur entre les hommes.

« Nous », sentiment collectif, fausse amitié, sans harmonie, car là les termes sont de même espèce, de même racine, de même rang.

Justice surnaturelle, opération analogue à celle qui surmonte la perspective. Pas de centre dans le monde, seulement hors du monde. Renoncer par amour pour Dieu au pouvoir illusoire qu’il nous laisse de dire « Je suis ». Non pas, ce que font certains, en le transférant en Lui, comme Oenone en Phèdre ou Pylade en Oreste. Car le Je suis véritable de Dieu diffère infiniment de notre illusoire. Renoncement sans transfert. C’est amour de Dieu. Mais toute pensée humaine réelle ayant un objet concret ici-bas, il se présente d’abord ou comme amour de la beauté du monde ou comme amour du prochain. Ce renoncement, c’est l’abandon de tous les biens pour suivre le Christ. Les biens sociaux ne sont que des adjuvants au pouvoir de dire « Je ». Acceptation de la pauvreté : « Si on veut se rendre invisible… »

Harmonie ici, unité des contraires. Contraires : moi et l’autre. Unité seulement en Dieu. Justice et amour (du prochain), identiques.

Dieu médiation entre Dieu et Dieu, Dieu et l’homme, l’homme et l’homme. Unique harmonie.

Christ toujours présent entre deux vrais amis. Réciproquement la parole « Si deux ou trois… » est la promesse de l’amitié humaine à ses amis.

5o Harmonie dans les choses. 1) entre les choses et Dieu. 2) entre les choses. Dans les deux cas, la médiation est la limite, qui est aussi λόγος et ἀριθμός. Choses, hommes comme être naturels y compris (y compris moi).

L’opposition limite — illimité enferme toutes les théories de la connaissance.

Philolaos. Le nombre donne aux choses un corps. Gnonom. i. e. invariant et groupe de variation. Cube (Lagneau). Le cube est bien le corps de la boîte. La réalité de l’univers sensible est nécessité mathématique. Théorie de la perception. Matière, seulement support de la nécessité, qui en tant que conditionnelle a besoin d’un support.

Nécessité : ensemble de lois de variation déterminées par des rapports fixes et invariants.

Réalité = contact d’une nécessité. (contradiction) : la nécessité n’est pas tangible. Harmonie, mystère.

Cube, transcendant par rapport aux apparences de la boite.

Nécessité, conditionnelle, supportée par une matière (Timée) dont l’eau (baptême) est l’image. Mer, mère, matière, Marie… L’essence de la nécessité (variation et invariant) est la fonction. Fonction, proportion, λόγος, ἀριθμός.

Nécessité, ennemie pour l’homme qui dit je. Esclave dans la rêverie (et par la domination sociale). Maître brutal dans le malheur. Équilibre naturel apparent au point optimum de l’action méthodique. (De même 3 rapports entre hommes.) Cet équilibre joint à la justice naturelle serait le bonheur naturel. Objectif du législateur.

Mais cet équilibre est une apparence. L’état de fatigue le fait sentir. Le vouloir humain est aussi une chose inerte.

Dans l’épreuve pratique de la nécessité, toujours illusions attachées à l’exercice de la volonté. La nécessité n’est pensée pure que comme théorique et conditionnelle. Là, l’homme est absent, sinon quant à l’opération même de la pensée. Toute connaissance concrète des faits, même humains, est reconnaissance en eux d’une nécessité mathématique ou analogue.

(Sous une forme chaque fois spécifique. Analogie avec l’incarnation.)

Rapport de la nécessité à l’homme, alors, non de maître à esclave, ou d’égaux, mais de tableau à regard. Dans ce regard naît la faculté surnaturelle du consentement. On ne consent pas à la force comme telle (car elle contraint), mais comme nécessité. L’intelligence pure est à l’intersection de la nature et du surnaturel.

Ce consentement est une folie qui répond à la triple folie de Dieu (Création, Incarnation, Passion), mais d’abord à la première.

Δόγος, nom de la Nécessité, donné au Bien-Aimé — Lumière et pluie dans Évangile, stoïcisme.

Nécessité, médiatrice entre la partie naturelle de nous et le consentement surnaturel.

Par analogie, conçue comme médiatrice entre la matière et Dieu. Création et action ordonnatrice. Zeus et Bacchus. Mythe du Chaos. Nécessité, voulue à un degré plus élevé par Dieu.

Médiatrice entre chose et chose. Anaximandre. Déséquilibre oscillant, équilibre réfracté dans le temps.

Dieu médiateur entre
Dieu et Dieu
Dieu et l’homme
L’homme et l’homme
Dieu et les choses
Une chose et une chose
Moi et moi

Dieu est médiation, et en soi tout est médiation divine.

Analogiquement, pour la pensée humaine tout est rapport, λόγος.

Le rapport est la médiation divine. La médiation divine est Dieu.

« Tout est nombre. »

Dieu pense la nécessité. Elle est parce qu’il la pense. La pensée de Dieu est son Fils.

L’ordre du monde en Dieu est l’ordonnateur. En Dieu tout est sujet.

En soi, isolé, tout phénomène est principe de destruction de l’ordre universel. Par la connexion cet ordre y est totalement présent.

Le « je » nous tient enfermés dans la nécessité comme dans la voûte du ciel et la surface de la terre. Nous la voyons sous la face qui est domination brutale. La renonciation au « je » nous fait passer de l’autre côté, crever l’œuf du monde. Nous la voyons alors sous la face qui est obéissance. Enfants de la maison, nous aimons la docilité de l’esclave.

Nécessité — liberté ; l’obéissance est l’unité.

Nécessité, obéissance de la matière à Dieu.

Notion de miracle, vide de sens.

On consent à la nécessité avant de savoir que ce consentement fait percer l’œuf. Dieu consent pour nous en nous.

La partie naturelle de nous reste dans l’œuf.

Ce qu’un plan horizontal est à ses deux faces, la nécessité l’est à la domination et à l’obéissance.

Comme la nécessité en Dieu est Personne pensante, en nous elle est pensée en acte, rapport conçu, démonstration (Spinoza).

1 et 1 ne font pas deux sans addition.

Attention créatrice des connexions nécessaires. (Celles qui ne dépendent pas de l’attention ne le sont pas.)

Participation de la nécessité d’une part à la contrainte d’autre part à l’intelligence, à la justice, à la beauté, à la foi (langage symbolique des vérités divines — mouvement circulaire et alternatif, — pair et impair, etc.)

Attention de l’intelligence, image de la Sagesse.

Intelligence, intersection de la nature et du surnaturel. Produit une semi-réalité (nécessité conditionnelle). L’Amour (consentement) produit la réalité.

Beauté, joie pure : complicité du corps et de la partie naturelle de l’âme à la faculté de consentement surnaturel. Indispensable, même à ceux qui ont pour vocation la Croix.

Sentiment du beau, sentiment sensible à la partie charnelle de l’âme et même au corps que cette nécessité qui est contrainte est aussi obéissance à Dieu.

Image des mystères de la foi dans la mathématique. Mathématique, science rationnelle et abstraite, science concrète de la nature, mystique.

Univers, masse compacte d’obéissance avec points lumineux. Tout est beau.

Chacun aussi (petite masse, un point). Eau et esprit.

Influence mystérieuse (mais sans violation des lois), sur la nature, de la présence de l’amour surnaturel.

Philolaos. Clef.

Philèbe. Douleur et joie. Douleur et révélation de la beauté du monde : Job.

Beauté — Opération de l’intelligence pure dans la conception de la nécessité théorique, et incarnation dans la connaissance concrète du monde et la technique. — Éclairs de justice, de compassion, de gratitude entre hommes. Trois mystères surnaturels constamment présents en pleine nature. — Trois portes ouvertes sur la porte centrale qui est le Christ.

Pour nous, tout est rapport.

En soi, tout est médiation, médiation divine. Dieu est médiation. Toute médiation est Dieu.

Médiation suprême, harmonie entre le pourquoi du Christ (répété sans arrêt par toute âme dans le malheur) et le silence du Père. L’univers (nous y compris) est la vibration de cette harmonie.

(On ne comprend vraiment l’univers et la destinée des hommes, notamment l’effet du malheur sur l’âme des innocents, qu’en concevant qu’ils ont été créés, l’un comme la Croix, les autres comme les frères du Christ crucifié.)

Pour corriger le danger d’erreur panthéiste dans cette comparaison, comparaison avec le cube et la boîte cubique.

Toucher ainsi Dieu à travers tout.


Fuite du Christ en Égypte. Enfance cachée de Dionysos, d’Oreste…

Christ. Thème du voleur. Thème de l’esclave. Thème du vagabond.


Le Christ a dû être présent tout entier partout où il y a du malheur. Autrement où serait la miséricorde de Dieu ?

Sacrements. Choses absolument pures par hypothèse où user les impuretés.

Incroyants, périodes de doute des croyants. Ne pas accorder à autre chose son amour (folie !) — ἐν ὑπομονῆ.

Période infernale probable du christianisme sous les Antonins, due sans doute, d’une part aux persécutions antérieures, d’autre part à l’attente de la fin du monde.


Pouvoir de la prière sur l’âme. Si on croit qu’on obtiendra, le fait même de demander est un acte. Ainsi ces mots sont des actes. C’est pourquoi ils sont difficiles à prononcer.

Preuve par la cause première. Ce qui seul fait légitimement preuve, c’est que nous ayons cette notion et ce besoin étrange, absurde d’une cause première.

Pourquoi pas un argument analogue par la fin dernière ?

Et qui prouve que la cause première et la fin dernière soient une seule chose ?

Ce qui en l’homme est l’image même de Dieu, c’est quelque chose qui en nous est attaché au fait d’être une personne, mais qui n’est pas la personne. C’est la faculté de renoncement à la personne. C’est l’obéissance.

Parmi les hommes l’esclave ne se rend pas semblable au maître en lui obéissant. Au contraire, plus l’esclave est soumis, plus il est différent de celui qui commande.

Mais de l’homme à Dieu, la créature, pour se rendre, autant qu’il lui appartient, tout à fait semblable au Tout-Puissant, comme un fils à un père, comme une image à un modèle, n’a qu’à se faire parfaitement obéissante,

Cette connaissance est surnaturelle.


Nécessité.

Mathématique. Termes limités, dénombrables, définis. Abstraits. Liens établis par nous : rapports. Image créée par notre attention de la nécessité qui est la substance du monde, mais qui comme telle ne nous est sensible que sous forme de coups.

Amitié. Tant qu’on recherche un bien dans un être humain les conditions de l’amitié ne sont pas présentes. Il faut qu’il soit devenu nécessaire, qu’il soit un besoin. On est alors à sa discrétion et on veut qu’il soit à la nôtre. Si néanmoins on désire en lui la conservation de la faculté de libre consentement, il y a harmonie pythagoricienne. C’est l’amitié.

L’amour du prochain est surnaturel quand une nécessité de nature s’oppose à ce que nous désirions la conservation en lui du libre consentement, quand la nature établit entre lui et nous des rapports de nécessité.

Analogie entre amitié et mendicité.


Morale (laïque) et religion ; effort (ou volonté) et désir.


L’amour, en tous domaines, n’est réel que dirigé sur un objet particulier. Il devient universel sans cesser d’être réel seulement par la vertu de l’analogie et du transfert.

C’est ce qu’a voulu dire Platon dans le Banquet.

Étude de l’analogie et du transfert. Mathématique. Philosophie. Rapport de cette étude avec l’amour.

ποιοῦντες ἀληθείαν (Saint Jean). Maat. Traduit de l’égyptien ?


Eucharistie. Convention qui opère. Pureté inconditionnée (posée par hypothèse, au sens des géomètres) et réelle. Harmonie.

Obéissance. Activité passive. Id.

Pierre du géant et oiseau du petit tailleur. Volonté et grâce.

Dans l’art et la science de 1er ordre, la création est renoncement à soi.

Dieu…

Géométrie non euclidienne. Les parallèles se rencontrent si on regarde l’infini comme fini. Ordres d’infini. Cantor.

Sixième Églogue. Symbole de Pan (λόγος) surpris dans son sommeil] par des bergers, enchaîné, et achetant la liberté par un poème.

C’est la notion mallarméenne de la poésie.

L’idée de Platon sur le Souverain Bien est qu’il enferme tous les biens. On ne peut donc pas renoncer à un bien partiel par amour du bien : absolu sans y retrouver ce bien partiel dans sa spécificité à un degré d’intensité au moins égal.

(Vous le retrouverez au centuple)
C’est le sens du Philèbe.

Vagues. Tout et parties — Même et Autre —

Horizon en pleine mer. Nous sommes encerclés par notre propre vue.

Pan, dieu des bergers. Bergers à Noël.

Vocation des travailleurs : contemplation des choses.


La miséricorde est un attribut proprement divin. Il n’y a pas de miséricorde humaine. La miséricorde implique une distance infinie. On n’a pas compassion de ce qui est proche.

Jaffier.

La miséricorde descend de ce qui ne souffre pas à ce qui souffre.

Il faut avoir en soi un point de l’âme impassible pour être miséricordieux.

Et tout le reste exposé sans défense aux hasards de la fortune.

La compassion qu’on éprouve pour le malheureux, c’est la compassion que la partie impassible de sa propre âme éprouve, dans le malheur, pour la partie sensible. La compassion que le Christ éprouvait pour lui-même quand il disait « Mon Père, que ce calice soit écarté… Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » La compassion muette du Père pour le Christ.

Cette compassion pour soi est ce qu’éprouve une âme pure dans le malheur. Une âme pure éprouve la même compassion devant le malheur des autres.

L’amour qui unit le Christ abandonné sur la Croix à son Père à travers une distance infinie habite dans toute âme sainte. Un point de cette âme est en permanence chez le Père. « Là où un homme a son trésor, il a son cœur. » La partie sensible est toujours exposée au supplice du malheur. Dans cette âme, le dialogue que font le cri du Christ et le silence du Père retentit perpétuellement en un accord parfait.

Devant un malheureux, cette âme rend aussitôt le son juste. « Mon Père, pourquoi l’as-tu abandonné ? » Et au centre d’elle-même le silence du Père répond.

« Pourquoi a-t-il été permis qu’il ait faim ? » Pendant que la pensée est occupée par cette question, on va machinalement chercher du pain.

Quand l’action est accomplie ainsi, le malheureux est dispensé de gratitude, car c’est le Christ qui remercie.

« Mon Père, pourquoi… ? » Dieu s’accuse lui-même de la Passion du Christ. « Celui qui me livre est plus coupable… »

On ne peut pardonner le mal aux hommes qu’en en accusant Dieu. Si on accuse Dieu, on pardonne, car Dieu est le Bien.

À travers la multitude de tous ceux qui apparemment nous doivent, Dieu est notre unique débiteur. Mais notre dette envers lui est plus grande. Il nous la remettra, si nous Lui pardonnons.

Le péché est une offense à Dieu par rancune des dettes qu’il ne nous paie pas. Si nous pardonnons à Dieu, nous coupons la racine du péché en nous. Il y a de la colère contre Dieu au fond de tout péché.

Si nous pardonnons à Dieu son crime contre nous, qui est de nous avoir fait des créatures finies, Il nous pardonnera notre crime contre lui, qui est d’être des créatures finies.

Nous sommes délivrés du passé si nous acceptons d’être des créatures.

Comme, par la bouche du Christ, Dieu s’est accusé de la Passion, de même accuser Dieu de tout malheur humain. Et comme Dieu a répondu par le silence, répondre par le silence.

La compassion suppose que toute la partie spirituelle de l’âme a émigré en Dieu, et que la partie charnelle de l’âme demeure nue, sans vêtements ni armures, exposée à tous les coups. À cause de cette nudité, la simple présence d’un malheureux rend sensible la possibilité du malheur.

Les imparfaits font de la partie spirituelle de leur âme un vêtement pour la partie charnelle. Quand la partie spirituelle s’est transportée en Dieu, le reste demeure nu.

Le Christ cloué nu sur la Croix, exposé aux lances.

N’avoir plus conscience de soi que comme d’une chose vouée à l’obéissance.

Vivre nu et cloué sur l’Arbre de Vie.

N’agir que contraint, ou par la nécessité matérielle, ou par une obligation stricte, ou par un ordre irrésistible de Dieu, ou par une vive inclination naturelle. Le « je » périt alors d’inanition.

Là où ni la nécessité, ni l’obligation, ni Dieu n’imposent une direction, suivre l’inclination.

Prendre l’habitude de toujours faire ce à quoi on se croit obligé.

Je voudrais y parvenir sans effort.

Qu’il me soit donné de discerner le point d’où sort la racine des fautes, et de couper d’un coup. Il ne restera alors que de mauvaises habitudes à dompter par un travail pénible. Il y a encore de la perversité.

ἀπεθάνετε, καὶ ἡ ζωὴ ὑμῶν κέκρυπται σὺν τῷ Χριστῷ ἐν τῷ θεῷ

On ne peut aimer le prochain que d’un amour de compassion. C’est le seul amour juste.

Même dans : οὐαὶ ὑμῖν, il y a de la compassion.

Aimer les hommes comme le soleil nous aimerait s’il nous voyait.

δειλοῖσι βροτοῖσιν

Le soleil supposé pensant est modèle de perfection.

Combien Dieu a de manières de se donner !

La compassion rend l’amour égal pour tous. Le mépris du crime et l’admiration de la grandeur ont leur juste point dans la compassion.

Le dogme de la Trinité est nécessaire pour qu’il n’y ait pas dialogue de nous avec Dieu, mais de Dieu avec lui-même en nous. Pour que nous soyons absents.

Dieu résidant dans la nourriture. Agneau, pain. Dans la matière fabriquée par du travail humain, pain, vin.

Cela devrait être le centre de la vie paysanne. Par son travail le paysan, s’il a cette intention, donne un peu de sa chair pour qu’elle devienne la chair du Christ.

Il devrait être consacré.

La sainteté est une transmutation comme l’eucharistie.

Pour qu’un homme soit réellement habité par le Christ comme l’hostie après la consécration, il faut qu’au préalable sa chair et son sang soient devenus matière inerte, et de plus comestible pour ses semblables. Alors cette matière peut devenir par une consécration secrète chair et sang du Christ. Cette seconde transmutation est l’affaire de Dieu seul, mais la première est en partie notre affaire,

Il suffit de regarder ma chair et mon sang comme de la matière inerte, insensible, et comestible pour autrui.

« Ne pas s’écouter », « il faut bien », — le stoïcisme populaire contient le germe de cela.

Si le travail de labourer me fait maigrir, ma chair devient réellement du blé. Si ce blé sert à l’hostie, elle devient chair du Christ. Quiconque laboure avec cette intention doit devenir un saint.


Dieu m’a créée comme du non-être qui a l’air d’exister, afin qu’en renonçant par amour à cette existence apparente, la plénitude de l’être m’anéantisse.


Intégrer à la foi le stoïcisme populaire. On ne l’a jamais fait. Donner spirituellement aux malheureux leur droit de cité dans le christianisme.

N’y a-t-il pas dans la liste des saints plus de princes que de paysans ?

Dieu m’a créée comme du non-être qui a l’air d’être, afin qu’en renonçant par amour à ce que je crois mon être, je sorte du néant. Alors il n’y a plus de je. Le je est du néant. Mais je n’ai pas le droit de savoir cela. Si je le savais, où serait le renoncement ? Je ne le saurai jamais.

Les autres sont des illusions d’être pour eux-mêmes.

Cette manière de les considérer me rend leur existence non pas moins, mais plus réelle. Car je les vois dans leur rapport avec eux-mêmes, non avec moi.

Pour éprouver la compassion devant un malheureux, il faut que l’âme soit divisée en deux. Une partie absolument préservée de toute contagion, de tout danger de contagion. Une partie contaminée jusqu’à l’identification. Cette tension est passion, com — passion. La Passion du Christ est ce phénomène en Dieu.

Tant qu’on n’a pas dans l’âme un point d’éternité préservé de toute contagion du malheur, on ne peut pas avoir la compassion des malheureux. Ou la différence des situations et le manque d’imagination maintient loin d’eux, ou si on en approche vraiment la pitié est mélangée d’horreur, de dégoût, de crainte, d’une répulsion invincible.

Tout mouvement de compassion pure dans une âme est une nouvelle descente du Christ sur terre pour être crucifié.

Les âmes absorbées en Dieu qui n’éprouvent pas la compassion pour la misère humaine sont au stade montant, non descendant (même si elles s’appliquent à de bonnes œuvres).

Un seul morceau de pain donné à quelqu’un qui a faim est assez pour sauver une âme — s’il est donné de la bonne manière.

Donner avec autant d’humilité qu’il convient d’en avoir quand on reçoit n’est pas facile. Donner avec une attitude de mendiant.


Il faut à la fois savoir qu’on n’est pas et vouloir n’être pas.

L’humilité est la racine de l’amour.

L’humilité a un pouvoir irrésistible sur Dieu.

Dieu nous serait inférieur, si, dans la personne du Christ, il n’avait pas été humilié.


La faim (soif, etc.) et tout désir de la chair est une orientation du corps vers l’avenir. Toute la partie charnelle de notre âme est orientée vers l’avenir. La mort la glace. La privation ressemble de loin à la mort.

La chair vit orientée vers l’avenir. La concupiscence est la vie même. Le détachement est une mort.

« Terit carni superbiam — potus cibique parcitas. » La superbe de la chair est de croire qu’elle puise sa vie en elle-même. La faim et la soif lui font sentir qu’elle dépend du dehors. Le sentiment de dépendance la rend humble.

Io, la fille errante, et la lune des Gitanes.

Chercher dans Origène : Mat., 5, 45-48 (soyez parfaits…)


Postulat : ce qui est inférieur dépend de ce qui est supérieur.

Il n’y a qu’une source unique de lumière. La pénombre, ce ne sont pas des rayons venant d’une autre source, mi-obscure, c’est la même lumière dégradée.

Ainsi la mystique doit fournir la clef de toutes les connaissances et de toutes les valeurs.

L’harmonie est la clef (Philolaos).

Le Christ est la clef.

Toute géométrie procède de la Croix.

Le beau, c’est le contact du bien avec la faculté sensible. (Le réel est la même chose.)

Le vrai, c’est le contact du bien avec l’intelligence.

Tous les biens d’ici-bas, toutes les beautés, toutes les vérités sont des aspects divers et partiels d’un bien unique. Par suite ce sont des biens à ordonner. Les jeux de puzzle sont une image de cette opération. Tout cela, vu du point convenable et convenablement relié, fait architecture. Cette architecture permet d’appréhender le bien unique et non saisissable.

Toute architecture est un symbole de cela, une image de cela.

L’univers entier n’est qu’une grande métaphore.

L’astrologie, etc., constituent des reflets dégradés de cette connaissance de l’univers comme métaphore, peut-être des tentatives — mais illégitimes (il me semble) — d’en trouver des preuves matérielles. De même l’alchimie.


Supplier, c’est attendre du dehors la vie ou la mort. À genoux, la tête inclinée, dans la position la plus commode pour que le vainqueur, d’un coup d’épée, tranche le cou ; la main touchant ses genoux (mais probablement, primitivement élevée au-dessus) pour recevoir de sa compassion, comme de la semence d’un père, le don de la vie. Dans le silence quelques minutes d’attente s’écoulent ainsi. Le cœur se vide de tous ses attachements, glacé par le contact imminent de la mort. Une vie nouvelle est reçue, faite purement de miséricorde.

Il faudrait prier Dieu ainsi.

L’attente est le fondement de la vie spirituelle.

La piété filiale n’est qu’une image de l’attitude envers Dieu.

Si l’âme criait vers Dieu sa faim du pain de vie, sans aucune interruption, infatigablement, comme crie un nouveau-né que sa mère oublie de faire téter…

Que ces cris que je poussais quand j’avais une ou deux semaines résonnent en moi sans interruption pour ce lait qui est la semence du Père.

Le lait de la Vierge, la semence du Père — je l’aurai si je crie pour l’avoir. C’est la première technique qui soit donnée à l’être humain, le cri. Ce que le travail ne procurerait jamais, on crie pour l’avoir. La première nourriture coule de la mère et est accordée aux cris de l’enfant ; nul travail n’y a part.

Le lait de la Vierge, c’est la beauté du monde. Le monde est parfaitement pur sous l’aspect de la beauté.

La Justice — le monde aperçu comme beau apparaît comme parfaitement juste. La Vierge est la Justice. La Vierge du Zodiaque, porteuse d’un épi. Vierge cosmique, dans l’Apocalypse. La Vierge est la création sous l’aspect de la pureté.

(Une femme vivante a été pure au point de l’équivalence avec cette pureté parfaite de la création regardée comme telle. Du moins — peut-être…)

La Vérité — la beauté de l’univers, est la marque qu’il est réel.


Deut., 12-23. « Évite d’en manger le sang, car le sang, c’est la vie, et tu ne dois pas absorber la vie avec la chair. Ne le mange point ! Répands-le à terre comme de l’eau ! »

(Id. dans Lev., 17, 10-15.)

Cf. Les os dans les contes des Indiens d’Amérique et dans les recommandations pour l’Agneau Pascal, Ex., XII, 46 —

« Vous n’en romprez pas un seul os. »

« Répandre le sang et le couvrir de terre. Car le principe vital de toute créature, c’est son sang qui est dans son corps. Car la vie de toute créature, c’est son sang. »

Pratiques en vue de la résurrection de l’animal.

Pas un os du Christ n’a été brisé ; son sang a coulé sur la terre.

Mais les chrétiens mangent du sang.

Deut., 16, 21. « Ne plante chez toi ni bosquet ni arbre quelconque auprès de l’autel que tu devras ériger à l’Éternel ton Dieu, et n’érige pas de statue chez toi, chose odieuse à l’Éternel ton Dieu. »

Au contraire, arbres et bois sacrés chez les Grecs.

Deut., 19, 10. « Qu’il ne se trouve personne chez toi qui fasse passer par le feu son fils ou sa fille. »

Cf. la parole de Jean-Baptiste. Il baptisera dans l’Esprit et le feu.

C’est le baptême que Déméter et Isis ont donné à leurs nourrissons, leurs enfants adoptifs.

Était-ce un sacrifice, ou simplement un baptême ?


Iaveh a fait à Israël les mêmes promesses que le Diable au Christ.


Dieu n’est tout-puissant ici-bas que pour sauver ceux qui désirent être sauvés par Lui. Tout le reste de sa puissance. Il l’a abandonnée au Prince de ce monde et à la matière inerte. Il n’a de puissance que spirituelle. Et la spiritualité elle-même a ici-bas le minimum de puissance nécessaire pour exister. Grain de senevé, perle, levain, sel.


Le serpent, image de la lune ; d’autre part, le changement de peau était peut-être un symbole de la nouvelle naissance.


L’effort de la volonté dans le sens de la vertu et de l’accomplissement des obligations n’a pas de valeur comme tel, mais comme une prière sans parole, comme une prière par gestes, muette.

L’enfant de quelques mois qui veut un objet brillant peut crier pour se le faire donner. Il peut aussi tendre la main, la laisser retomber d’épuisement, la tendre encore, pendant des heures. Sa mère finira par le remarquer et ne pourra pas le supporter ; elle donnera l’objet.

Une fourmi grimpe un plan vertical et lisse, fait quelques centimètres, et tombe, grimpe encore, et tombe, grimpe encore, et tombe. Un enfant qui l’observe s’amusera de ce spectacle dix minutes, puis ne pourra plus le supporter ; il met la fourmi sur un brin de paille et la soulève au-dessus du plan vertical.

Ainsi, en lassant Dieu par notre patience, nous le contraignons à transformer le temps en éternité.

Une patience capable de lasser Dieu procède d’une humilité infinie.

L’humilité nous donne pouvoir sur Lui. Seul le néant parfaitement vide peut épouser l’être parfaitement compact. Par l’humilité seule nous pouvons être parfaits comme notre Père.

Il y faut un cœur complètement broyé.

Une prière par gestes, telle que celle de la fourmi qui monte et retombe, est plus humble encore qu’une prière par parole ou cris même intérieurs ou par une direction silencieuse du désir. C’est savoir qu’on ne peut rien, et pourtant s’épuiser en efforts connus comme inutiles, dans l’humble attente du jour où peut-être cela sera remarqué par la Puissance qu’on n’ose pas implorer.

Il n’y a pas d’attitude de plus grande humilité que l’attente muette et patiente. C’est l’attitude de l’esclave prêt à n’importe quel ordre du maître, ou à l’absence d’ordre.

L’attente est la passivité de la pensée en acte.

L’attente est transmutatrice de temps en éternité.

« Ils porteront des fruits dans l’attente. »


La superbe de la chair consiste à croire qu’elle a prise sur l’avenir, que la faim lui donne un droit à manger prochainement, la soif un droit à boire prochainement. La privation la détrompe et lui fait éprouver sous forme d’angoisse l’incertitude de l’avenir, l’absence de prise, l’impuissance totale de l’homme sur l’avenir même prochain.

Le cri de l’orgueil, c’est « l’avenir est à moi », sous quelque forme que ce soit.

L’humilité est la connaissance de la vérité contraire.

Si le présent seul est à moi, je suis néant, car le présent est néant.

Le pain transcendant est le pain d’aujourd’hui ; aussi est-ce la nourriture de l’âme humble.

Tous les péchés sont des essais pour fuir le temps. La vertu est de subir le temps, de presser le temps sur son cœur jusqu’à broyer le cœur. Alors on est dans l’éternel.

Le malheur glace l’âme en la réduisant au présent malgré elle.

L’humilité est le consentement à cette réduction.

L’humilité est le consentement à ce qui fait horreur à la nature, le néant.

Je ne suis pas et je consens à ne pas être, car je ne suis pas le bien, et je veux que le bien seul soit.

Dieu serait jaloux d’un tel amour s’il n’en avait pas la perfection comme Christ.

Dieu veut être, non parce qu’il est soi, mais parce qu’il est le bien. Le Père fait être le Fils par amour, parce que le Fils est le Bien. Le Fils ne veut pas être par amour, parce que le Père seul est le Bien.

Pour le Père, Dieu est le Fils. Pour le Fils, Dieu est le Père. Tous deux ont raison, et cela fait une seule vérité. Ainsi Ils sont deux Personnes et un seul Dieu.

Le Père est création de l’être, le Fils est renoncement à être ; cette double pulsation est un unique acte qui est Amour ou Esprit. Quand l’humilité nous y donne part, la Trinité est en nous.

Cet échange d’amour entre le Père et le Fils passe par la création. Il ne nous est rien demandé d’autre ni de plus que de consentir à ce passage. Nous ne sommes que ce consentement.


Louange à Dieu et compassion pour les créatures.

C’est le même mouvement du cœur.

Comment est-ce possible, alors qu’il y a évidemment contradiction entre les deux ?

Remercier Dieu à cause de sa grande gloire, et avoir pitié des créatures à cause de leur misère.

Avoir pitié du Christ qui a eu soif et faim et a été fatigué.

Gratitude à Dieu et compassion à toute créature.

Louange à Dieu et miséricorde à toute créature.

Une créature ne peut pas légitimement être l’objet d’un autre amour que la miséricorde.

Ni Dieu l’objet d’un autre amour que la louange.

Notre misère est la louange de Sa gloire.

ἐγώ σε ἐδόξασα ἐπὶ τῆς γῆς.
j’ai été ta gloire sur terre.
ἐφανέρωσα σοῦ τὸ ὄνομα
j’ai rendu visible ton nom.
δεδόξαμαι ἐν αὐτοῖς
j’ai ma gloire en eux.

Compassion pour toute créature, parce qu’elle est loin du Bien. Infiniment loin. Abandonnée.

Dieu abandonne notre être tout entier, chair, sang, sensibilité, intelligence, amour, à la nécessité impitoyable de la matière et à la cruauté du démon, sauf la partie éternelle et surnaturelle de l’âme.

La Création est abandon. En créant ce qui est autre que Lui, Dieu l’a nécessairement abandonné. Il ne conserve sous sa garde que ce qui dans la Création est Lui — la partie incréée de toute créature. Cela, c’est la Vie, la Lumière, le Verbe. C’est la présence du Fils unique de Dieu ici-bas.

Consentir à cet ordre suffit.

Comment le consentement s’unit-il à la compassion ? Comment est-ce un acte d’amour unique, alors que cela semble inconciliable ?

Sagesse, enseigne-moi cela.

Dieu est absent du monde, sauf par l’existence en ce monde de ceux en qui vit Son amour. Ils doivent donc être présents au monde par la miséricorde. Leur miséricorde est la présence visible de Dieu ici-bas.

Quand nous manquons de miséricorde, nous séparons violemment une créature et Dieu.

Par la miséricorde nous pouvons mettre en communication avec Dieu la partie créée, temporelle d’une créature.

C’est une merveille analogue à l’acte même de la création.

La cruauté des Juifs et des Romains a eu tant de pouvoir sur le Christ que par son effet il s’est senti abandonné de Dieu.

La miséricorde comble cet abîme que la création a établi entre Dieu et la créature.

C’est l’arc-en-ciel.

La miséricorde doit être de la même dimension que l’acte créateur. Nulle créature ne peut en être exceptée.

Ne s’aimer soi-même que d’un amour de compassion.

Toute chose créée est objet de compassion parce qu’elle passe.

Toute chose créée est objet de compassion parce qu’elle est limitée.

La compassion tournée vers soi-même, c’est l’humilité.

L’humilité est la seule forme permise d’amour de soi.

Louange à Dieu, compassion aux créatures, pour soi-même humilité.

Toutes les vertus sont finies sans l’humilité. L’humilité seule les rend infinies.


Appliquer à la métaphysique le passage à la limite mathématique.

Dans le calcul infinitésimal, les contradictoires sont vraies, et pourtant il comporte des démonstrations rigoureuses.

L’échelle des connaissances dans Platon (de la perception à la dialectique) n’a que ce sens : préparer l’esprit à monter au point où il saisit la vérité simultanée des contradictoires.

Comment aimer Dieu, sinon de ce point ?


Dans les contes indiens d’Amérique, pour ressusciter un animal mangé, on jette ses os dans l’eau.

eau vivante.

Si tu savais le don de Dieu… tu lui demanderais,

et il te donnerait l’eau qui vit.

ἔδωκεν ἄν σοι ὕδωρ ζῶν

τὸ ὕδωρ ὃ δώσω

L’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillit dans la vie éternelle.


4e Évangile

Il était la lumière vraie.

voici l’agneau de Dieu.

l’eau devenue vin.

marchands chassés du temple.

si quelqu’un n’est pas engendré d’en haut à partir de l’eau et du souffle.

Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert…

il baptise

il te donnerait l’eau qui vit

ma nourriture est de faire sa volonté.

Guérison.

piscine de Bethsaida.

je ne puis rien faire de moi-même

pain et poissons.

mon père vous a donné le pain véritable du ciel. Je suis le pain de la vie. Je suis le pain qui est descendu du ciel. Je suis le pain de la vie. Voici le pain qui descend du ciel. Je suis le pain qui vit et qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra toujours, et le pain que je donne est ma chair pour la vie du monde. Ma chair est une vraie nourriture et mon sang est une vraie boisson. Ainsi m’a envoyé le Père vivant et je vis par le Père, et celui qui me mange lui aussi vivra par moi. Ceci est le pain qui est descendu du ciel. Le souffle rend vivant, la chair ne sert à rien. Les paroles que je vous ai dites sont souffle et sont vie.

… il connaîtra au sujet de l’enseignement si cela vient de Dieu ou si je parle de moi-même.

Il est véridique et l’injustice n’est pas en lui.

ἀληθής ἐστιν καὶ ἀδικία ἐν αὐτῷ οὐκ ἔστιν.

celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vivante couleront de son ventre. Il disait cela du souffle.

Isaïe « tu seras

Si quelqu’un veut faire sa volonté, il connaîtra, concernant la doctrine, si elle est celle de Dieu ou si je parle de moi-même,

Celui qui cherche la gloire de qui l’a envoyé, celui-là est vrai et il n’y a pas d’injustice en lui.

Celui qui croit en moi, comme a dit l’Écriture, des fleuves d’eau vivante couleront de son ventre.

Cantique : … C’est un jardin clos que ma sœur, ma fiancée, une source fermée, une fontaine scellée, un parc de plaisance où poussent des grenades et tous les beaux fruits, le troëne et les nards… une fontaine, des jardins, une source d’eau vive, un ruisseau qui descend du Liban.

Voir eau vive, dans les Septantes ?

Que celui qui est innocent commence (la lapidation).

Je suis la lumière du monde.

je sais d’où je viens et où je vais (à Nicodème : tu ne sais pas d’où [le souffle] vient et où il va ; ainsi est quiconque a été engendré à partir du souffle [ainsi, i.e. comme le souffle])

(Le souffle souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient et où il va ; ainsi est quiconque a été engendré à partir du souffle.)

Vous ne savez pas d’où je viens et où je vais.

Vous jugerez selon la chair, je ne juge personne.

Je ne suis pas de ce monde.

Si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans vos fautes — qui es-tu ? — Le principe, comme je vous dis.

Celui qui m’envoie est vrai, et ce que j’ai entendu de lui, je le dis dans le monde.

De moi-même je ne fais rien. Comme m’a appris le Père, cela, je le dis. Je fais toujours ce qui lui plaît.

Si vous restez dans ma parole, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous fera libres.

Si le fils vous a libérés, vous êtes vraiment libres.

Si Dieu était votre père, vous m’aimeriez, car je viens de Dieu. Mais votre père est le diable, et vous voulez faire les désirs de votre père. Il a été tueur d’homme dès l’origine. Il n’y a pas de vérité en lui. Il est menteur, et son père aussi. Si je dis que je ne le connais pas (Dieu), je serai semblable à vous, menteur.

Il n’a pas péché, ni ses parents ; mais pour que soient manifestes les œuvres de Dieu en lui.

La nuit vient où nul ne peut travailler. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.

Je suis la porte des brebis.

Je suis le bon pasteur

Moi et le Père sommes un.


Mort de Lazare.

Jésus, quand il la vit qui pleurait et les Juifs autour d’elle qui pleuraient, frémit dans son esprit et fut troublé, et il dit : « Où l’avez-vous enseveli ? » et ils lui dirent : « Seigneur, viens et vois. » Jésus pleura.

Marie et le nard.

Rameaux.

Des Gentils viennent à Philippe, demandant à voir Jésus. Il répond :

… si le grain de blé tombant dans la terre ne meurt, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et où je serai, là aussi mon serviteur sera… À présent mon âme est troublée…

Voix du ciel.

Si je suis élevé de la terre, je tirerai tous les êtres après moi.

Je ne le juge pas.

Celui qui ne reçoit pas mes paroles a qui le jugera : la doctrine que j’ai prononcée le jugera au dernier jour ; car je ne parle pas de moi-même, mais celui qui m’envoie, le Père lui-même, m’a donné en commandement ce que j’ai à dire et à prononcer. Et je sais que son commandement est vie éternelle.

Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi… vous êtes purs, mais non pas tous.

… il a été troublé en esprit, et a témoigné, et a dit l’un de vous me trahira.

Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, que vous aussi vous vous aimiez les uns les autres.

Comment connaîtrons-nous la route ?

Je suis la route, et la vérité, et la vie. Nul ne va vers le Père sinon à travers moi.

Celui qui m’a vu a vu le Père. Le Père demeurant en moi opère ses Œuvres.

Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai.

Le souffle de vérité, que le monde ne peut pas recevoir, car il ne le contemple ni ne le connaît. Vous le connaîtrez. Je vis, et vous vivrez. Vous connaîtrez que je suis dans mon Père, et vous en moi, et moi en vous. Celui qui m’aime sera aimé par mon Père.

Nous viendrons vers lui et ferons notre demeure chez lui.

Je vous laisse de la paix, je vous donne ma paix.

Il vient, le prince de ce monde, et en moi il n’a rien. Mais pour que le monde sache que j’aime le Père.

Je suis la vigne véritable, et mon père est le cultivateur. Je suis la vigne, et vous les rameaux.

Nul n’a d’amour plus grand que celui-ci, de déposer sa vie pour ses aimés. Je ne vous nomme plus esclaves. Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Vous ne m’avez pas choisi, je vous ai choisis. Si vous étiez du monde, le monde aime ce qui lui appartient ; parce que vous n’êtes pas du monde, mais je vous ai choisis du monde, pour cela le monde vous haïra.

Si je n’étais pas venu et ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas de faute. Mais ils n’ont pas de prétexte. Qui me hait hait mon Père. Si je n’avais pas fait des œuvres parmi eux que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de faute ; mais ils ont vu et ils ont haï et moi et mon père.

Le souffle de vérité venant du Père témoignera pour moi.

Ils n’ont pas connu le Père ni moi.

Le Prince de ce monde est jugé.

J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez le porter.

Le souffle de vérité vous guidera vers la vérité totale.

Tout ce qu’a le Père est mien.

Quand la femme enfante, elle a de la peine, parce que son heure est venue.

Votre joie, nul ne vous l’enlèvera.

Pour qu’ils soient un comme nous.

Sanctifie-les dans la vérité. Ta doctrine est la vérité. Pour eux je me sanctifie, pour qu’eux aussi soient sanctifiés dans la vérité.

Ils ne sont pas du monde… je les envoie dans le monde.

Mets ton épée au fourreau.

Mon royaume n’est pas d’ici-bas.

— j’ai été engendré pour cela, pour que je témoigne pour la vérité. Quiconque est de la vérité entend ma voix.

Flagellation, couronne d’épines, pourpre, gifles.

Jésus ne donna pas de réponse. Pilate lui dit « Tu ne me parles pas ? Tu ne sais pas que j’ai le pouvoir de t’absoudre et que j’ai le pouvoir de te crucifier ? » Jésus répondit : « Tu n’as aucun pouvoir sur moi s’il ne t’est pas donné d’en haut ; c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi a une plus grande faute. »

J’ai soif.

Tout est achevé. (τετέλεσται).

Comme ils le virent déjà mort, ils ne brisèrent pas ses cuisses, mais un des soldats perça son côté de sa lance, et il sortit aussitôt du sang et de l’eau. Et celui qui a vu a témoigné. Ces choses se sont faites pour que l’Écriture fût accomplie : vous ne briserez pas un de ses os.

Joseph d’Arimathie et Nicodème.

Elle, croyant que c’était le jardinier…

Simon Pierre, m’aimes-tu plus que ceux-ci ?

Lumière. Agneau. Serpent. Pain qui vit et qui est descendu du ciel.

Des fleuves d’eau qui vit couleront de son ventre.

Lumière du monde.

Je ne juge personne.

Le principe.

Porte. Bon Pasteur. Grain de blé. Route, vérité, vie. Je vis. Ma paix. Vigne


Tertullien contre Marcion :

Le vrai Prométhée, Dieu tout-puissant [est mutilé par les blasphèmes de Marcion].

Justin martyr, milieu du iie, alliance du christianisme et de la philosophie grecque.


Vérité la plus importante :

Les mystères de la foi peuvent avoir et ont eu l’usage que la dialectique marxiste a eu pour Lénine (dans les deux cas, il s’agit de l’élimination de la contradiction comme critérium logique de l’erreur), asservir totalement les esprits par le maniement habile de l’anathème. Les élus qui répugnent à la fois à la révolte et à la servilité d’esprit en font des ko-ans par la contemplation. Mais leur secret est ailleurs. C’est qu’il y a deux raisons.

Il y a une raison surnaturelle. C’est la connaissance, gnose, γνῶσις, dont le Christ était la clef, la connaissance de la Vérité dont le souffle est envoyé par le Père.

Ce qui est contradictoire pour la raison naturelle ne l’est pas pour la surnaturelle, mais celle-ci ne dispose que du langage de l’autre.

Néanmoins la logique de la raison surnaturelle est plus rigoureuse que celle de la raison naturelle.

La mathématique nous donne une image de cette hiérarchie.

C’est là la doctrine fondamentale du pythagorisme, du platonisme et du christianisme primitif, la source des dogmes de la Trinité, de la double nature du Christ en une personne, de la dualité et de l’unité du bien et du mal, de la transsubstantiation, préservés, croirait-on, par une protection quasi miraculeuse du Saint-Esprit.

La raison naturelle appliquée aux mystères de la foi produit l’hérésie.

Les mystères de la foi séparés de toute raison sont non plus des mystères, mais des absurdités.

Mais la raison surnaturelle n’existe que dans les âmes qui brûlent de l’amour surnaturel de Dieu.

Le Christ et Prométhée sont venus jeter un feu sur la terre.

Saint Jean de la Croix savait qu’il y a une raison surnaturelle, lui qui écrivait qu’on pénètre seulement par la Croix dans les secrets de la Sagesse de Dieu.

Odin aussi a appris la sagesse surnaturelle des Runes pendu à l’Arbre, offert à Odin, le côté percé d’une lance, ayant faim et soif. τῷ πάθει μ άθος.

« être engendré d’en-haut à partir de l’eau et de l’esprit » —

Saint Paul : « ce qui plaît à Dieu, c’est une nouvelle création (καινὴ κτίσις) » — Et la première création était : « Le souffle de Dieu planait sur la surface des eaux, Dieu dit : Que la lumière soit ! »

Le Déluge est presque une nouvelle création. Noé sort presque des eaux.

N’y avait-il pas une autre forme du récit où il était submergé dans l’arche, puis surgissait ?

Noé doit être Osiris, qui est Dionysos. C’est un rédempteur dont le sacrifice a sauvé l’humanité. C’est aussi Prométhée.

« être engendré à partir de l’eau et de l’esprit », c’est une doctrine du microcosme. L’homme est créé à nouveau sur le modèle de la création du monde.

Il sort de l’eau comme l’oiseau perce l’œuf du monde.


Aimer Dieu à travers le mal que l’on hait.


Histoire irlandaise (Lady Gregory). — Un ménage pauvre désirait un fils, mais eut une fille. La mère dit : « Elle sera la Mère de Dieu. » Devenue une jeune fille, un ange vient lui dire : « Désires-tu être la Mère de Dieu ? — Je le désire. » Et aussitôt le Sauveur entre en elle comme enfant. L’ange l’emmène. (Époque de sainte Brigitte.)


L’homme (et toute créature) étant un composé d’eau et de feu (contraires : froid et humide — chaud et sec — n.-b. : 4 contraires), être engendré à partir de l’eau et du feu implique une dissolution. Le sang même est dans une angoisse mortelle dissocié en eau et feu. — Puis les deux sont recomposés en sang.

Ou plutôt ce feu s’éteint, et un autre feu, inextinguible, descend du ciel.

Cette eau, c’est la mort intérieure.

Eau, image de l’attente. La matière qui ressemble au néant. Feu, ce qui dans la matière ressemble à l’être.

L’humilité, c’est l’attente.


Si on fait le mort, le Seigneur vient apporter la vie d’en haut.

Attendre est l’extrême de la passivité. C’est obéir au temps. La soumission totale au temps oblige Dieu à envoyer l’éternité.

épreuve négative : ne pas manger un fruit — ne pas ouvrir une porte — ne pas penser à l’ours blanc — c’est le passage du temps dans l’éternel par l’intermédiaire du perpétuel.

accepter une souffrance ou une privation perpétuelle est la porte de l’éternité ; une joie perpétuelle aussi mais c’est plus difficile. La souffrance après une certaine durée est par elle-même colorée de perpétuité.

accepter le temps — la partie de l’âme qui accepte est soustraite au temps.

par la descente de ce qui appartient au bas, ce qui appartient au haut est élevé.

nous n’avons pas le pouvoir d’élever. Nous n’avons

que le pouvoir d’abaisser. C’est pourquoi s’abaisser est la seule ascension.


Le panthéisme n’est vrai que pour les saints parvenus à l’état de perfection.

Il n’y a pas de vérité des états inférieurs, car ils enferment l’erreur. C’est pourquoi il n’y a pas de vérité du mal, sinon sous la forme d’un être parfait qui souffre.

Ainsi être lavé du péché et ensuite souffrir, c’est la condition pour parvenir à la vérité. La Croix est la route.


Le bras étendu est moyenne proportionnelle entre la tête et le corps — si l’homme est un peu élevé au-dessus de terre. (et dans les statues grecques ? chercher le canon).

Tout ce qui est ici-bas est conditionnel.

L’acceptation en nous est seule inconditionnelle.

N’importe quoi enferme l’infini.

Là encore, la mathématique contient une image de la méthode de rédemption.

Accepter n’importe quoi, non pas faire n’importe quoi. N’importe quoi, comme complément de faire n’est pas infini. Ce qui transporte le faire dans l’infini, c’est au contraire la limitation. Ne jamais… Le tabou.

Mais le tabou perd sa vertu s’il est conditionné par une récompense et un châtiment.

Si le tabou est pure obéissance, faire devient une forme de l’acceptation. Cela est nécessaire pour que l’acceptation soit totale. Autrement des compensations se présentent toujours.

Attendre et obéir.

Attendre implique toute la tension du désir, mais sans désir, une tension acceptée à perpétuité.

Dieu impersonnel dans l’Évangile. « Je ne le jugerai pas, ma parole le jugera. »

Dieu doit être impersonnel pour être innocent du mal, personnel pour être responsable du bien.


« Quiconque n’est pas engendré d’en haut à partir du néant et de l’être… »

Être mangé, puis avoir ses os jetés dans l’eau.


Tout ce qui est ici-bas est esclave de la mort. L’horreur de la mort est la loi de fer qui détermine toutes nos pensées et toutes nos actions.

L’acceptation de la mort est l’unique libération.

Celui qui a confiance en moi, des fleuves couleront de son ventre, des fleuves d’eau vivante.

Le pouvoir de devenir enfants de Dieu, ceux qui ont eu confiance dans son nom, qui ont été engendrés non à parti de la volonté de la chair ou de la volonté de l’homme, mais de Dieu.

La volonté de l’homme — quand un homme se dit : je vais m’unir à ma femme pour avoir un enfant.

La volonté de la chair, quand un homme est entraîné par la concupiscence à s’unir à une femme.


Pour devenir enfant de Dieu, il faut mourir et renaître. Être engendré par la semence de Dieu.

Une semence incorruptible est semée dans le corps.

Celui qui baptise dans le souffle saint.

L’eau vient d’abord.

Quand l’invité est ivre, alors le Christ lui donne le meilleur vin.

En envoyant le feu céleste dans l’eau, il en fait le vin parfait.

Ce qui est engendré à partir de la chair est chair, ce qui est engendré à partir du souffle est souffle.

Le souffle ne peut pas s’unir à la chair pour engendrer. Seulement à l’eau. La chair doit devenir eau.

Quiconque a été engendré à partir du souffle souffle où il veut, et fait entendre sa voix, sans que nul sache d’où il vient ni où il va (sinon ses semblables).

Je te dis des choses terrestres.

Nul n’est monté jusqu’au ciel sinon celui qui est descendu du ciel,

Quiconque a confiance en lui a la vie éternelle.


Dieu a aimé le monde à ce point qu’il a donné son fils unique pour que quiconque a confiance en lui ne soit pas perdu mais ait la vie éternelle. Dieu n’a pas envoyé son fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé à travers lui. Celui qui a confiance en lui n’est pas jugé. Celui qui n’a pas confiance est déjà jugé, parce qu’il n’a pas eu confiance dans le nom du fils unique de Dieu. C’est là le jugement, que la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière ; car leurs œuvres étaient mauvaises. Quiconque fait des choses médiocres hait la lumière, et ne va pas vers la lumière, pour que ses œuvres ne soient pas confondues. Quiconque accomplit la vérité va vers la lumière, pour que soient manifestes ses œuvres et qu’elles ont été œuvrées en Dieu.

Donc la présence de la lumière opère un triage.

Celui qui accepte son témoignage a signé que Dieu est véritable.

Celui qui a confiance dans le fils a la vie éternelle ; celui qui est rebelle au fils ne verra pas la vie.

Ceux qui accomplissent les commandements du Christ l’aiment — même s’ils ne croient pas à l’Incarnation.

Dieu est souffle et ceux qui adorent doivent adorer dans le souffle et la vérité.

Le Messie vient, qu’on appelle Christ — c’est moi qui te parle.

Je fais la volonté de celui qui m’a envoyé et j’accomplis son œuvre.

D’autres ont travaillé, et vous entrez dans leur travail.

Cette moisson, c’est le Christ, que d’autres avaient semé, tous les saints qui l’avaient désiré.

En cela la parole est vraie qu’autre est celui qui sème, autre celui qui récolte.

Celui qui m’a envoyé pour que j’achève son œuvre.

Tout ce que le Père a fait, le fils le fait semblablement.

Il s’agit du bien.

Le Père aime le fils et lui a montré tout ce que lui-même fait.

Mes œuvres témoignent que le Père m’a envoyé.

Parce qu’il fait du bien.

Vous recevez votre gloire les uns des autres, vous ne cherchez pas la gloire de Dieu seul.

Le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel et a donné la vie au monde. Je suis le pain de la vie.

Celui qui a mes commandements et les garde, celui-là est celui qui m’aime. Celui qui m’aime sera aimé par mon père, et moi aussi je l’aime et je lui manifeste ce qui m’appartient.


Histoire du test américain où « oui, (mais seulement au cas où…) » est compté comme faux, parce que la réponse est « non (excepté au cas où…) ».

Les hommes raisonnent presque toujours ainsi.


Vous pensez avoir la vie éternelle dans les Écritures.

Il n’est pas venu seulement à travers l’eau, mais à travers l’eau et le sang. C’est-à-dire qu’il n’était pas seulement matière et Dieu ; il avait une âme humaine (la ψυχή est dans le sang). Une âme humaine peut être absolument pure, faite d’eau et de souffle.

Celui qui croit au fils de Dieu a le témoignage en lui-même.

La foi est le témoignage.

« Roi de la paix, sans père, sans mère, sans généalogie, n’ayant ni commencement de sa vie ni fin de ses Jours, rendu semblable au fils de Dieu, il demeure prêtre à perpétuité. »

« Moïse a parlé de moi. » Ne serait-ce pas Melchisédec ?

« Il était prêtre du Dieu suprême… Je lève la main devant Iahweh, qui est le Dieu suprême, auteur des cieux et de la terre. »

Iahweh a dit à mon maître : assieds-toi à ma droite. Du sein de l’aurore t’arrive la rosée qui vivifie ta jeunesse… Tu es prêtre pour l’éternité à la façon de Melchisédec… Il boira sur la route de l’eau du torrent aussi portera-t-il haut la tête.

(eau, semence du ciel)

Si vous croyez Moïse, vous devez croire en moi. En un prêtre du Dieu suprême qui n’est pas Iahweh.

Lui, comme il demeure perpétuellement, a un sacerdoce inébranlable.

« Jésus est entré non dans un autel fait de main d’homme, mais dans le ciel lui-même, pour paraître devant la face de Dieu en notre faveur ; non pour qu’il s’apporte lui-même plusieurs fois, comme le prêtre va vers le lieu saint chaque année dans le sang d’autrui, parce qu’il aurait fallu qu’il souffre souvent depuis la fondation du monde ; en fait une seule fois à la consommation des siècles pour l’effacement de la faute par son propre sacrifice il a été manifeste, et comme il incombe aux hommes de mourir une fois, puis vient le jugement, ainsi le Christ a été offert une fois pour ôter la faute de beaucoup ; puis, sans faute, il sera vu par ceux qui le reçoivent pour le salut. »

La Passion est au destin de l’humanité (qui a été suppliciée dans le Christ) ce qu’est la mort pour l’individu. (Dans l’état d’esprit du pré-millénaire.)

L’innocent doit toujours souffrir pour le coupable dans une vie individuelle ; car le châtiment n’est expiation que s’il est précédé du repentir. Le repenti, devenu innocent, souffre pour le coupable, qui a été aboli par le repentir.

L’humanité regardée comme un seul être a péché en Adam et a expié dans le Christ.

Seule l’innocence expie. Le crime souffre d’une tout autre manière.

Ce texte de saint Paul semble en contradiction, d’une part avec l’idée du sacrifice de la messe, d’autre part avec la phrase de l’Apocalypse (l’agneau égorgé depuis la constitution du monde).

Le Christ parle du diable meurtrier depuis l’origine, de sorte que le meurtre d’Abel serait une forme du péché originel.

Si tous les êtres absolument purs sont des incarnations, cela donne : Abel — Henoch — Noé — Melchisédec.

Et Job ? Mais Job peut n’être qu’une allégorie.

Et Daniel ? Très mystérieux.

Noé, Job et Daniel mis ensemble dans Ezéchiel.

Comment se fait-il que les Grecs ne fassent pas menüon de Daniel ? (voir Xénophon, Cyropédie, s’il n’y aurait pas une identification possible ?)

Abel est égorgé. Noé est (à peu près) noyé.

Caïn et Judas.

Abel et Zagreus.

Noé. Le deuxième mois, le 17e jour, s’ouvrent les cataractes du ciel. C’est le 17e jour qu’Osiris meurt. — Quel est le deuxième mois ? À partir de l’automne ?

Abraham servait les divinités de son pays : au moment où l’Éternel s’est révélé à lui. L’Éternel est son dieu à lui. D’autre part les Juifs en Égypte avaient cessé d’adorer Iaveh. Ils avaient part à la religion du pays.

Abraham s’est mis à vagabonder en se réclamant d’un Dieu nouveau (Dieu souverain). Ce Dieu admettait les sacrifices humains et toute sorte de turpitudes. Pas trace de moralité. Joseph encore est son serviteur.

Ses descendants l’oublient (cela ne leur est reproché à aucun moment). Moïse, élevé à l’égyptienne, comme fils de la fille du Pharaon, mais devenu fugitif, le remet en circulation, mais avec un progrès (Iaveh, l’Être, le « Je suis » ).

D’où a-t-il un frère, puisqu’on ignore sa mère ?

Moïse fabrique des Écritures avec un mélange des traditions des Hébreux avant l’assimilation par les Égyptiens, et des traditions égyptiennes elles-mêmes, suffisamment dégradées pour permettre une théocratie.

Pourquoi cette obsession de l’unité de Dieu et ce refus des images ? Y a-t-il un rapport entre le refus des images et la théocratie ?


La Croix, c’est l’enfer accepté. La souffrance est un passage ou vers le Néant d’en haut ou vers celui d’en bas.

Dieu à Adam après le péché : « maudite est la terre, à cause de toi ». Dieu après le sacrifice de Noé : « Désormais je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme. » Sacrifice rédempteur.

Il n’est dit nulle part que Moïse ait entendu de Dieu ce qui est raconté dans la Genèse, et par suite il a dû le savoir de son éducation égyptienne.

Moïse parle de Iaveh à Pharaon comme d’un Dieu purement hébreu, qui réclame seulement qu’on laisse partir les Hébreux pour qu’ils l’adorent. Il ne réclame aucune adoration de Pharaon.


Saint Augustin (contre Pelasge). Si un infidèle habille ceux qui sont nus, etc., il agit mal, quoique l’œuvre soit bonne. Car les fruits d’un arbre mauvais sont mauvais. Et l’arbre est mauvais, car « sans la foi on ne peut plaire à Dieu ».

Cela est directement contraire au Christ, qui a dit : Vous connaîtrez l’arbre à ses fruits — et non pas les fruits à l’arbre. Cela est au contraire tout à fait semblable à l’attitude des Pharisiens envers le Christ. C’est de l’idolâtrie sociale, une idolâtrie de l’Église semblable à l’idolâtrie d’Israël chez les Hébreux. — Directement contraire à l’histoire du Samaritain (hérétiques de l’époque).

C’est du totalitarisme.

Comment le christianisme peut-il imprégner tout sans être totalitaire ? Tout en tous, et non totalitaire ?

Seulement si le sacré est reconnu comme l’unique source d’inspiration du profane, la raison naturelle comme une dégradation de la surnaturelle, l’art comme une dégradation de la foi. Non pas dégradation, mais la même chose à un degré de lumière moindre.

La lumière surnaturelle descendant dans le domaine de la nature devient lumière naturelle. Cela est bon si la procession est reconnue. Sans la source surnaturelle de la lumière, il n’y a bientôt que ténèbres au niveau même de la nature.


Le bélier qui se trouve près d’Abraham quand il va égorger Isaac — n’était-ce pas dans la version primitive l’Agneau de Dieu ?

Bois du bûcher. Les croyances concernant les arbres et le feu n’ont-elles pas une part dans le symbolisme du sacrifice ? Les êtres sacrifiés sont « baptisés dans le feu ». Le « balancement » des viandes devant l’autel a-t-il un rapport avec la pendaison ?

Le Seigneur visite le Philistin Abimelec.

Dieu dit à Caïn : « Qu’as-tu fait ? Le cri du sang de ton frère s’élève jusqu’à moi de la terre. Eh bien ! tu es maudit à cause de cette terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère ! Lorsque tu cultiveras la terre, elle cessera de te faire part de sa fécondité, tu seras errant et fugitif par le monde. »

Après avoir aspiré la délectable odeur du sacrifice de Noé et avoir juré de ne plus maudire la terre à cause de l’homme, Dieu dit à Noé : « … je vous livre tout. Toutefois aucune créature, tant que son sang maintient sa vie, vous n’en mangerez. Toutefois encore, votre sang, qui fait votre vie, j’en demanderai compte ; je le redemanderai à tout animal ; et à l’homme lui-même, si l’homme frappe son frère, je redemanderai la vie de l’homme. Celui qui verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé ; car l’homme a été fait à l’image de Dieu. »

C’est dans la Genèse le premier en date des commandements de Dieu.

Abraham se bat pour les gens de Canaan et est béni par Melchisédec, qui est roi cananéen.

Holocauste : « sacrifice qui se consume toute la nuit ». Les Grecs, en brûlant les morts, les offraient-ils à Dieu ? Les baptisaient-ils dans le feu ? Le Phénix aussi est brûlé.

Le feu seul détruit complètement. Ce qui est brûlé passe hors de ce monde, dans l’autre, chez Dieu. C’est le même symbole que la libation.

Dans la libation, on offre à Dieu une goutte. C’est l’infiniment petit qui appartient à Dieu.

La matière brûlée est transformée en odeur.

La destruction est le sacrifice.

L’huile sert à consacrer dans l’Ancien Testament. La colombe, image du Saint-Esprit, apporte à Noé une branche d’olivier (la colombe vient à Noé après la submersion comme au Christ). — Les rameaux d’olivier des suppliants dans toute l’antiquité. L’huile symbolise l’Esprit, l’amour, la bonté de Dieu. Athéna.

L’autel de Moïse est consacré avec l’huile et purifié avec le sang.

taureau expiatoire, entièrement consumé
bélier destiné à l’holocauste
bélier d’inauguration
gâteau à l’huile
Moïse asperge Aron avec un mélange d’huile et de sang.

Un feu descend du ciel pour consumer les offrandes.

« Tout homme qui égorge une bête sans l’avoir amenée à l’entrée de la Tente d’Assignation pour en faire offrande à l’Éternel… sera réputé meurtrier. Cet homme a répandu le sang… Quiconque… mangera de quelque sang… je le retrancherai… Car le principe vital de la chair gît dans le sang, et moi je vous l’ai accordé sur l’autel pour procurer l’expiation à vos personnes ; car c’est le sang qui fait expiation pour la personne… Tout homme… qui aurait pris un gibier… devra en répandre le sang et le couvrir de terre… Car le principe vital de toute créature, c’est son sang qui est dans son corps, aussi ai-je dit aux enfants d’Israël : ne mangez le sang d’aucune créature. Car la vie de toute créature, c’est son sang : quiconque en mangera sera retranché. »

Cette partie de la révélation de Moïse procède de celle de Noé. Mais il s’agit seulement des animaux.

Au Paradis terrestre, les animaux sauvages eux-mêmes sont végétariens. L’homme se nourrit de graines et de fruits (de semences végétales, des parties qui contiennent l’énergie vitale à la deuxième puissance), et les animaux d’herbes et de feuilles.

On ne dit pas si Abel mangeait du bétail.

Dieu dit à Noé : « Tout ce qui se meut, tout ce qui vit servira à votre nourriture ; de même que les végétaux, je vous livre tout. Toutefois aucune créature, tant que son sang maintient sa vie, vous n’en mangerez. »

Unique prescription alimentaire. Est-ce contre ceux qui déchirent et mangent crue une bête encore vivante ?

Seuls les ruminants vivent de verdure comme faisaient toutes les bêtes du Paradis terrestre.

Le porc, qui a le pied cornu mais ne rumine point, est-il une bête déchue, maudite, comme le serpent ?

Et le chameau, qui n’a pas le pied corné ?

Les Hébreux ne pouvaient pas (après Moïse seulement) avoir de pacte avec les autres peuples, à cause de leur soi-disant idolâtrie.


Rome et Israël ont fait passer dans le christianisme, mélangé à l’Esprit du Christ, celui de la Bête. Israël est bien la figure de l’Église telle que saint Augustin la conçoit, Israël qui a tué le Christ. En condamnant un infidèle qui nourrit un affamé, n’a-t-il pas péché contre l’Esprit ? La Bête, c’est l’idolâtrie sociale, l’idolâtrie du gros animal de Platon. C’est la Bête qui dit « … anathema sit ». « Vous les connaîtrez à leur fruit », c’est-à-dire que tout bien pur procède du Christ. Tout bien est issu de Dieu.

C’est la vérité essentielle et non reconnue. Tout ce qui est bien est d’origine divine et surnaturelle, procède ou directement ou indirectement de la source céleste, transcendante de tout bien.

Tout ce qui procède d’une autre source, tout ce qui est d’origine naturelle, est étranger au bien.

Dieu n’est pas tout-puissant, puisqu’il est créateur. La création est abdication. Mais il est tout-puissant en ce sens que son abdication est volontaire. Il en sait les effets et les veut.

Il veut donner son pain à quiconque en demande, mais seulement à qui le demande, et seulement son pain. Il a abandonné notre être tout entier, sauf la partie de notre âme qui comme Lui réside dans les cieux. Le Christ lui-même n’a su cette vérité que sur la Croix.

La puissance de Dieu ici-bas, comparée à celle du Prince de ce monde, est un infiniment petit.

Dieu a abandonné Dieu.

Dieu s’est vidé. Ce mot enveloppe à la fois la Création et l’Incarnation avec la Passion.


Saint Augustin : il y a eu avant le Christ, hors d’Israël, des « membres spirituels » d’Israël parmi les autres peuples, et à chacun de ceux-là, le Médiateur unique a été divinement révélé comme devant venir. Ex. : Job.

Leur nombre et leur influence ne sont limités par aucune indication. Rien n’empêche de penser que les prêtres d’Égypte, les initiés d’Éleusis à la bonne époque, les Pythagoriciens, les Druides, les gymnosophistes de l’Inde, les Taoïstes chinois, étaient la plupart dans ce cas. Si on l’admet, ces traditions sont vraies, et ceux qui y vivent aujourd’hui sont dans la vérité. Ce n’est pas comme récit historique que la Bonne Nouvelle importe au salut.

Si l’attente angoissée d’un Sauveur a amené à prendre à tort pour ce sauveur le personnage qu’on a nommé Bouddha, s’il est invoqué aujourd’hui comme homme parfait, divin et rédempteur, cette invocation est aussi efficace que celles adressées au Christ.


L’enfer à perpétuité admis par saint Augustin. Il définit le mal comme du non-être. Donc tout ce qui existe est bien sous quelque rapport. Aujourd’hui le diable sert à la sanctification des saints. Après la fin du monde et le jugement dernier, sous quel rapport pourrait-il être bien ? Donc il devient néant, et l’enfer aussi.

(Voir, en fait, comment il s’en tire.)

Cette définition du mal et la croyance à l’enfer perpétuel, c’est un exemple de contradiction non légitime dans le domaine transcendant.

Comment en distinguer l’espèce de celle des contradictions légitimes par une définition ?

Dans le cas de la contradiction illégitime, si on supprime un terme, l’intelligence de l’autre n’en est pas modifiée,

Il faut trouver mieux.


Il y a des absurdités qu’il est utile de supposer. Ex. : au cas où Dieu voudrait ma damnation.… C’est absurde, la volonté de Dieu sur moi et mon salut sont identiques en Dieu. Mais utile parce que diriger mon désir vers la volonté de Dieu ou vers mon salut sont en moi deux choses très différentes.

Il y a des vérités qu’il ne faut pas savoir, ou pas trop. Ex. que le terme de l’obéissance à Dieu est sans doute la béatitude.

Il y a telles choses qui sont bonnes à penser pour tels, non pour tels. L’acceptation de l’enfer par respect pour la volonté de Dieu est bonne quand une âme se sent au bord de la damnation ; mauvaise quand elle se sent à portée du salut, car alors on accepte l’enfer pour les autres.

Plusieurs représentations ont ainsi une valeur de vérité, mais une valeur d’usage qui varie.

En matière transcendante, il y a une architecture des représentations et notions. Certaines sont à mettre au premier plan, d’autres à loger dans la partie de l’âme muette, secrète, inconnue à la conscience. Certaines à loger dans l’imagination, d’autres dans l’intelligence tout à fait abstraite, d’autres dans l’une et l’autre, etc.

Cette architecture compliquée et raffinée, qui s’opère même chez ceux qu’on nomme des simples, s’ils s’approchent de la sainteté, est ce qui bâtit une âme prête au salut.

L’homme ne l’opère pas ; elle s’opère par l’effet de la grâce si elle n’est pas entravée. Généralement celui chez qui elle s’opère ne s’en rend pas compte ou presque.

À l’égard d’une telle architecture, combien l’énoncé d’une proposition, avec au bout « anathema sit » est misérablement inadéquat ! Souvent l’anathème est légitime ou non suivant le lieu de l’âme où est logée l’idée énoncée dans la proposition.

Ces choses sont trop ténues pour qu’un instrument aussi grossier que « anathema sit » puisse y opérer autre chose qu’une destruction aveugle.

À la bonne époque, les procédés d’élimination dans les cultes et sectes initiatiques étaient sans doute de meilleurs critériums de l’architecture intérieure de l’âme.


Dieu est impuissant, sinon pour la répartition équitable et miséricordieuse du bien. Il ne peut rien d’autre. Mais cela suffit.

Il a le monopole du bien. Il est présent Lui-même dans tout ce qui opère du bien pur. Tout ce qui opère du bien d’ordre inférieur procède des choses où Il est présent. Tout bien authentique de quelque ordre que ce soit découle surnaturellement de Lui. Tout ce qui n’est pas directement ou indirectement l’effet de l’opération surnaturelle de Dieu est mauvais ou indifférent.

Le non-bien peut avec autant de légitimité selon le point de vue d’où on le considère, être regardé ou comme mauvais ou comme indifférent.

Dieu peut faire seulement le bien et seulement à qui le mérite, et ne peut en priver qui le mérite.

Ce monde, excepté par la présence secrète et surnaturelle de Dieu (dont une forme est l’ordre et la beauté du monde — il faudrait énumérer les autres) peut faire seulement du mal ou de l’indifférent.

Il peut faire tout le mal possible à tout ce qui n’est pas surnaturellement protégé par le bien issu de Dieu.

La mesure du mal qu’il peut faire là où Dieu est présent est indiquée avec une véracité parfaite dans les quatre Évangiles.

Être chrétien, ce n’est pas autre chose que croire cela.

La croyance est suscitée par la beauté des textes et la lumière qu’on acquiert sur la condition humaine en méditant sur eux.

La Genèse sépare création et péché originel à cause des nécessités d’un récit fait en langage humain. Mais la créature en étant créée s’est préférée à Dieu. Autrement, y aurait-il eu création ? Dieu a créé parce qu’il était bon, mais la créature s’est laissé créer parce qu’elle était mauvaise. Elle se rachète en persuadant Dieu à force de prières de la détruire.


Si on a faim, on mange, non pour l’amour de Dieu, mais parce qu’on a faim.

Si un inconnu effondré au bord de la route a faim, il faut lui donner à manger, quand même on n’aurait pas assez pour soi, non pas pour l’amour de Dieu, mais parce qu’il a faim.

C’est cela, aimer le prochain comme soi-même.

Donner « pour Dieu », aimer l’autre « pour Dieu », « en Dieu », ce n’est pas l’aimer comme soi-même. On s’aime soi-même par l’effet d’une sensibilité animale,

Il faut que cette sensibilité animale elle-même devienne chose universelle. Cela est contradictoire. Miraculeux. Surnaturel.

La contradiction, l’impossibilité est le signe du surnaturel.

On ne s’aime pas « pour Dieu », « en Dieu », mais on juge légitime l’amour de soi que la nature met au fond de l’âme pour autant qu’on est une créature de Dieu.

De même pour l’amour du prochain.

Tout être pensant est digne d’amour seulement pour autant qu’il a reçu l’existence de l’acte créateur de Dieu et possède la capacité de renoncer à cette existence par amour pour Dieu. J’ai le droit d’aimer moi-même ou autrui seulement à ce titre.

Dieu seul est le bien, seul donc Il vaut la peine d’être l’objet de soins, de la sollicitude, des soucis, des désirs, des élans de la pensée. Seul Il vaut la peine d’être l’objet de tous ces mouvements de l’âme qui ont rapport à quelque valeur. Seul Il a une affinité avec ce mouvement vers le bien, ce désir du bien qui est le centre même de mon être.

Quant à cette créature qu’on appelle moi, elle n’est pas le bien, et par suite elle m’est aussi étrangère et aussi indifférente que n’importe quoi dans le monde.

Il en est vraiment ainsi.

Pourquoi m’intéresserai-je à ce qui n’est pas le bien ?

Pourtant désobéir à Dieu m’est intolérablement douloureux (quoique ce soit si fréquent).

Cela s’arrange comment ?

Contradiction irréductible et légitime.

La contradiction est légitime quand la suppression d’un terme aboutit à détruire ou vider de sa substance l’autre terme. Autrement dit, quand elle est inévitable. La nécessité est le critérium suprême dans toutes les logiques. La nécessité met seule l’esprit au contact de la vérité.

Pourquoi ? À méditer aussi.

Quand on distingue en Dieu (et non pas sous forme d’hypothèse absurde ayant uniquement rapport à la pensée de l’homme) miséricorde et justice, vouloir et pouvoir, on commet une absurdité illégitime de première gravité.

Ex. Dieu peut tout. Il aurait pu… Mais en fait il a voulu…

Absurde. Les limites du vouloir et du pouvoir sont les mêmes en Dieu. Il ne veut que ce qu’Il peut, et s’Il ne peut pas davantage, c’est qu’Il ne veut pas pouvoir davantage. Et ainsi de suite à l’infini, en cercle. Le cercle est la projection de la vérité divine.

De même miséricorde et justice. Sa justice exige qu’il accorde sa miséricorde à quiconque est capable de la recevoir, et toute espèce de bien. Sa miséricorde exige qu’il prive de son pardon et de toute espèce de bien ceux qui n’en veulent pas.

Il est puéril de distinguer la miséricorde et la justice de Dieu au moment où on pense à Dieu. Et même si l’on pense à l’homme, cette distinction n’est pas légitime parce qu’il n’y a pas d’usage à faire de cette absurdité, contrairement à d’autres. Du moins c’est ce qu’il me semble.

Les attributs de Dieu ne se débordent pas les uns les autres.

Ils ont la même limite, l’abdication constituée par l’acte créateur de Dieu.

Nous effaçons cette limite en abdiquant à notre tour notre existence de créatures.

« Vous rendre tout le sang que vous m’avez donné. »


On ne peut pas tuer un homme à moins de nécessité absolue quand on a compris que tout homme enferme la possibilité d’une chose aussi sublime. Quand on a fait couler son sang, lui ne peut plus le rendre.

Dieu seul sait si la possibilité se prolonge après la mort. Il a voulu que nous l’ignorions.


Le malheureux agenouillé qui implore la vie dit, sans s’en rendre compte lui-même : Laisse-moi encore le temps de devenir parfait. Ne me supprime pas ayant eu si peu de part au bien.

Comment celui qui aime Dieu n’entendrait-il pas une telle supplication ?

Dieu seul sait ce qui se passe si le malheureux n’est pas entendu, s’il est tué.

La révélation à Noé : « Tout ce qui répand le sang de l’homme devra en rendre compte. »

Fragment de la sagesse préhistorique. Il doit y avoir là un abîme de signification insondablement profonde. Mais quelle signification ? À méditer.

L’impossibiilté dans le raisonnement mathématique (démonstration par l’absurde, à quoi les autres se ramènent), le jamais dans la vie morale transportent du temps dans l’éternité.

La négation est le passage dans l’éternel.

« Je ne ferai jamais cela. » Ces quelques mots, qu’on prononce en quelques secondes, enferment une durée perpétuelle.

Jamais a cette propriété, non pas toujours. « Je ferai toujours cela » n’a en fait aucun sens.

C’est pourquoi la confession justificative du Livre des Morts égyptien est négative.

De même pour la mathématique. Il y a une diversité illimitée de triangles, mais jamais aucun triangle n’aura un côté plus grand que la somme des deux autres.

Ce jamais est l’essence de tout théorème.

(Chercher alors pourquoi à première vue la preuve par l’absurde a souvent quelque chose de peu satisfaisant ?)

Toute connaissance précise des choses qui passent découle de ces propositions éternelles qui enferment un jamais.

Les choses sont naturelles, temporelles, mais les limites des choses viennent de Dieu.

C’est ce que disent les Pythagoriciens. Il y a l’illimité et ce qui limite, et ce qui limite est Dieu. Par suite les limites sont éternelles.

Il a dit à la mer « Tu n’iras pas plus loin ».

De cela, la mathématique est la traduction et le garant.

Dieu seul vaut qu’on s’intéresse à lui, et absolument rien d’autre.

Que faut-il en conclure concernant la multitude des choses intéressantes qui ne parlent pas de Dieu ? Faut-il conclure que ce sont des prestiges du démon ?

Non, non, non. Il faut conclure qu’elles parlent de Dieu.

Il est urgent aujourd’hui de le montrer.

C’est en cela que consiste le devoir d’élever le serpent d’airain, pour qu’il soit vu et que quiconque le regarde soit sauvé.

Dans la conduite de la vie, c’est aussi la limite qui porte du temps dans l’éternité, le « jamais ».

Tu ne mangeras pas les fruits de cet arbre. Les jours se succéderont dans une variété infinie, tu les rempliras de toutes sortes de choses, mais un acte ne figurera dans aucun d’eux, l’acte de manger ces fruits.

« Tu n’ouvriras pas cette porte. Tu ne penseras pas à l’ours blanc. »

Vertu surnaturelle du tabou. On ne connaît aujourd’hui de cette vertu qu’une image pervertie, la vertu magique.

Pourtant le péché d’Adam n’a pas été la désobéissance à un tel ordre. Cette histoire n’est que la traduction en langage humain du vrai péché. Car le temps procède du péché et ne l’a pas précédé.

« Tu ne mangeras pas… », « tu n’ouvriras pas… », « tu ne penseras pas ».

Heureux qui est capable d’obéir à de tels ordres.

Les privations volontaires, si elles procèdent de l’obéissance, sont de cette nature et portent dans l’éternité.

Elles ne sont pas utiles si elles procèdent d’une résolution. L’effet d’une résolution dure un jour, huit jours, vingt ans, plus qu’une vie humaine, mais non pas toujours. Aucune résolution ne porte dans l’éternité.

Au contraire « tu ne feras pas cela », c’est « tu ne feras jamais cela », quand tu vivrais cent siècles.

L’obéissance acceptée porte le centre de l’âme dans l’éternité.

C’est pourquoi les vœux des religieux ne sont utiles au salut que s’ils sont la simple expression d’une vocation ; autrement dit une simple expression d’obéissance, le « voilà ! voilà ! » du domestique appelé par son maître.

S’ils expriment une résolution d’observer la chasteté, la pauvreté, l’obéissance aux supérieurs, ils sont inutiles et même nuisibles au salut.

Seul un ordre de Dieu est éternel.

L’inconditionné seul transporte en Dieu.

(Une messe « offerte pour… », une prière, une souffrance « offertes pour… », ne constituent pas des contacts avec Dieu.)

L’inconditionné est contact avec Dieu. Tout ce qui est conditionné est d’ici-bas.

(Ex. Jacob : Si… si… si…, tu auras été mon Dieu.)

L’inconditionné est l’absolu.


L’amour est surnaturel quand il est inconditionné. Un amour inconditionné est une folie. L’amour d’une mère en est la meilleure image ici-bas. Mais ce n’est qu’une image. Même l’amour d’une mère s’épuise si aucune des conditions de son renouvellement n’existe.

Seuls l’amour pour Dieu et l’amour anonyme pour le prochain sont inconditionnés.

On peut y ajouter l’amour (l’amitié) entre deux amis de Dieu parvenus sur la route de la sainteté au delà de ce point où la sainteté est quelque chose de définitif. Car la seule condition de cette amitié, c’est la persévérance dans la sainteté chez l’un et l’autre ; mais comme leur établissement dans la sainteté est une chose définitive et dont la continuation n’est subordonnée à aucune condition, on peut regarder cette amitié comme inconditionnée.

Mais un tel degré de sainteté est très rare, et par suite aussi une telle amitié,

C’est cette amitié que le Christ a ajoutée comme un troisième commandement, c’est-à-dire comme un troisième amour parfaitement saint, aux deux amours de Dieu et du prochain.

Tous les autres amours sont conditionnés, malgré les serments, et s’épuisent peu à peu quand les conditions manquent.

[Quant à l’amour conjugal, si les deux époux sont des saints, c’est l’amitié entre saints — si un seul l’est seulement, l’amour anonyme du prochain, appliqué par lui à l’autre, est le seul facteur stable de leurs relations. — Si aucun des deux ne l’est, les conditions manquant, l’amour conjugal s’épuise et disparaît, malgré le sacrement.]

La haine n’est jamais inconditionnée.

Tous les événements de la vie, quels qu’ils soient, sans Exception, sont des marques d’amour de Dieu par convention, de la même manière que le pain de l’Eucharistie est chair du Christ.

Mais une convention avec Dieu est plus réelle qu’aucune réalité.

Dieu établit avec ses amis un langage conventionnel. Chaque événement de la vie est un mot de ce langage. Ces mots sont tous synonymes, mais, comme il arrive dans les beaux langages, chacun avec sa nuance tout à fait spécifique, chacun intraduisible. Le sens commun à tous ces mots, c’est : je t’aime.

Il boit un verre d’eau. L’eau est le « je t’aime » de Dieu. Il reste deux jours dans le désert sans rien trouver à boire. Le desséchement de la gorge est le « je t’aime » de Dieu. Dieu est comme une femme importune collée à son amant et lui disant tout bas dans l’oreille, pendant des heures, sans arrêter : « Je t’aime — je t’aime — je t’aime — je t’aime… »

Ceux qui sont des commençants dans l’apprentissage de ce langage croient que certains de ces mots seulement veulent dire « je t’aime ».

Ceux qui connaissent le langage savent qu’il ne s’y trouve qu’une signification.

Dieu n’a pas de mot pour dire à sa créature : je te hais.

Mais la créature a des mots pour dire à Dieu : je te hais.

En un sens la créature est plus puissante que Dieu. Elle peut haïr Dieu et Dieu ne peut pas la haïr à son tour.

Cette impuissance fait de lui une Personne impersonnelle. I] aime, non pas comme j’aime, mais comme une émeraude est verte. Il est « J’aime ».

Et moi aussi, si j’étais dans l’état de perfection, j’aimerais comme une émeraude est verte. Je serais une personne impersonnelle.

On ne peut pas aller au delà d’un certain point dans la voie de la perfection si on pense Dieu seulement comme personnel. Pour aller au delà il faut — à force de désir — se rendre semblable à une perfection impersonnelle.

La perfection du Père dont le soleil et la pluie [esprit et eau] sont aveugles au crime et à la vertu.

Ce double aspect personnel et impersonnel de Dieu est indiqué dans sa contradiction par l’Évangile à propos de la fonction judiciaire de Dieu. « Le Père m’a remis tout jugement. » Juge suprême personnel. « Je ne le jugerai pas, la parole que j’ai prononcée, c’est elle qui le jugera. » Juge suprême impersonnel.

Les hommes ont toujours éprouvé la nécessité, pour rendre sensible à leur amour les deux aspects contradictoires de cet amour, d’adorer la personne de Dieu dans une chose. Soleil, pierre, statue, pain de l’Eucharistie.

L’adoration du soleil, c’est-à-dire de Dieu à travers le soleil, est une forme très belle et poignante de ce double amour.

Si on se représente le soleil, tel qu’il est — lointain, parfaitement impartial dans la distribution de la lumière, absolument astreint à un cours déterminé — comme un être sentant et pensant, quelle meilleure représentation de Dieu peut-on trouver ? Quel meilleur modèle à imiter ?

Si le soleil voyait les crimes et les malheurs d’ici-bas, quelle compassion impuissante et parfaitement pure descendrait de lui sur nous ?

Le soleil ainsi conçu est un équivalent de l’Incarnation. Meilleur à certains égards, moins bon à d’autres, parce que loin de la forme humaine.

Platon propose, non pas le soleil, mais l’ordre même du monde, et surtout des astres. Un être, l’ordre du monde, qui a pour corps le monde et pour âme la perfection.

Si on adore Dieu dans un homme, il faut alors que cet homme soit une chose à force de passivité, qu’il souffre une passion et la souffre en silence.

Ou encore qu’il soit un prêtre (Melchisédec) astreint dans les cérémonies à un ordre aussi fixe que celui des astres.

La cérémonie est une imitation de l’ordre du monde et du silence des choses.

Le Père dans les cieux, qui abandonne son Fils et garde le silence ; le Christ abandonné, cloué dans le silence ; deux divinités impersonnelles qui se reflètent l’une dans l’autre et font un seul Dieu.

L’image de la puissance indifférente de Dieu, c’est l’obéissance passive de la créature.

Dieu crée Dieu, Dieu connaît Dieu, Dieu aime Dieu — et Dieu commande à Dieu qui lui obéit.

La Trinité implique l’incarnation — et par suite la Création.

Mystère, Usage légitime et illégitime de cette notion ? Cela aussi est à définir rigoureusement, et c’est de la plus haute importance.

(Saint Augustin, par exemple, en a fait un usage illégitime.)

Il ne faut pas s’en couvrir au moment où on dit n’importe quoi — comme saint Augustin. Car alors cette notion devient l’instrument d’un pouvoir totalitaire. Tout ce qu’il plaît à l’Église de dire est alors à accepter, ou comme vérité reconnue par l’adhésion de la raison, ou comme mystère. Autrement dit, adhésion inconditionnelle à l’Église. C’est ce que saint Thomas nomme la foi, ainsi que le catéchisme du Concile de Trente.

Il n’y a que trois amours inconditionnels : l’amour de Dieu, — l’amour anonyme du prochain — l’amitié de deux saints.

L’amour inconditionnel de l’Église est de l’idolâtrie.

On n’a le droit d’aimer inconditionnellement que ce qui est inconditionné.

C’est-à-dire Dieu et la présence infuse de Dieu — soit actuelle dans un saint, soit potentielle dans toute créature pensante.

Il y a une chose inconditionnée dans l’Église, mais c’est seulement la présence du Christ dans l’Eucharistie.

L’Église comme société émettant des opinions est un phénomène de ce monde, conditionné.

Dieu a mis en tout être pensant la capacité de lumière nécessaire pour contrôler la vérité de toute pensée. Le Verbe est la lumière qui éclaire tout homme. Quel texte plus formel pourrait-on désirer ?

La notion de mystère est légitime quand l’usage le plus logique, le plus rigoureux de l’intelligence mène à une impasse, à une contradiction qu’on ne peut éviter, en ce sens que la suppression d’un terme rend l’autre vide de sens, que poser un terme contraint à poser l’autre. Alors la notion de mystère, comme un levier, transporte la pensée de l’autre côté de l’impasse, de l’autre côté de la porte impossible à ouvrir, au delà du domaine de l’intelligence, au-dessus. Mais pour parvenir au delà du domaine de l’intelligence, il faut l’avoir traversé jusqu’au bout, et traversé en suivant un chemin tracé avec une rigueur irréprochable. Autrement on n’est pas au delà, mais en deçà.

C’est ce sentiment qui a fait adopter instinctivement par Platon et saint Jean de la Croix, l’un la forme argumentative, l’autre la forme classificatrice, qui surprennent le lecteur, mais répondent chez l’auteur à la nécessité d’un contrepoids pour la mystique.

Le mystère étant ainsi défini, les mystères de la foi sont contrôlables par l’intelligence.

Un autre critérium est que quand l’esprit s’est nourri du mystère par une longue et amoureuse contemplation, il constate qu’en supprimant, en niant le mystère, il ôte à l’intelligence en lui des trésors saisissables pour elle, qui sont de son domaine, qui lui appartiennent.

L’intelligence ne peut contrôler le mystère lui-même, mais elle est parfaitement en possession du pouvoir de contrôle sur les chemins qui conduisent au mystère, qui y montent, et les chemins qui en redescendent. Elle reste ainsi absolument fidèle à elle-même en reconnaissant l’existence dans l’âme d’une faculté supérieure à elle-même et qui conduit la pensée au-dessus d’elle. Cette faculté est l’amour surnaturel.

La subordination consentie de toutes les facultés naturelles de l’âme à l’amour surnaturel est la foi.

C’est ce que Platon dans la République nomme justice.

Dans saint Paul, foi et justice sont constamment identifiées : « sa foi lui a été comptée comme justice, sa foi l’a justifié », etc.

Dans un autre usage du mot, la justice est l’exercice de l’amour surnaturel.

Cela revient au même, car l’amour surnaturel s’exerce, s’incarne, passe dans les actes seulement si les autres facultés de l’âme se font ses servantes, et le corps même, par leur intermédiaire, son serviteur.

Les facultés naturelles doivent avoir chacune dans sa propre nature un motif suffisant pour la contraindre à se subordonner à l’amour surnaturel, à moins de mensonge.

L’âme qui est hors de la justice — hors de la foi — se ment.

Dire je, c’est mentir.

Seigneur, je ne suis rien que de l’erreur. L’erreur n’est rien que du néant. Seigneur que mon Âme toute entière sache cela, et toutes les parties de mon âme, et mon corps lui-même.

Que mon âme soit seulement au corps et à Dieu ce qu’est ce porte-plume à ma main et au papier — un intermédiaire.

Le Christ a montré qu’une âme humaine, une personne humaine peut n’être que cela.

Elle est alors la même chose que celle des Personnes divines qui est engendrée, est connue, est aimée et aime en. retour, est commandée et obéit.

Quand un homme a atteint cet état, le Christ est lui.

Mais peut-être que les plus grands saints ne l’atteignent qu’à l’agonie, pour un instant ?

Ou bien un très, très petit nombre l’atteint auparavant ?

Le Christ a été ainsi en naissant. Et pourtant il n’a été achevé que sur la croix.


On dit que les fous (ceux d’un certain type) sont logiques à l’excès.

Pour un motif analogue, les mystiques authentiques doivent l’être aussi.

Est-ce un critérium ?

Platon — saint Jean de la Croix. —


La foi n’est pas un contact avec Dieu, sans quoi elle ne serait pas nommée une nuit, un voile, Elle est la soumission des parties qui n’ont pas contact avec Dieu à celle qui a contact.

Les spéculations qu’il est légitime de condamner comme hérétiques sont celles qui diminuent la réalité des choses divines en voilant sous une apparence de conciliation les contradictions qui en constituent le mystère,

Par exemple, faire du Fils un être seulement à demi divin. Ou mitiger la divinité et l’humanité dans le Christ pour les concilier. Ou réduire le pain et le vin de l’Eucharistie à un simple symbole.

Les mystères cessent alors d’être un objet de contemplation ; ils ne sont plus d’aucun usage.

Il y a là un usage illégitime de l’intelligence, et on peut penser que ceux qui se livrent à ces spéculations n’ont pas encore l’âme illuminée par l’amour surnaturel.

Pourtant ce n’est pas un motif légitime d’exclusion de l’Église, car la plupart de ceux qui se soumettent au dogme n’ont pas non plus l’âme illuminée par l’amour surnaturel. C’est seulement un motif d’exclusion des fonctions enseignantes.

Il faudrait tâcher de définir, dans le calcul infinitésimal, les contradictions légitimes et non légitimes, pour avoir une analogie.

L’autorité de l’Église ne commande à bon droit que l’attention. L’adhésion doit procéder, pour chaque vérité en particulier, d’une illumination intérieure de l’intelligence et de l’amour.

L’adhésion inconditionnée et globale à tout ce que l’Église enseigne, a enseigné et enseignera, que saint Thomas nomme la foi, n’est pas de la foi, mais de l’idolâtrie sociale.

Il est certain qu’une multitude d’hommes la plupart imparfaits ne peut pas formuler la vérité que Dieu fait parvenir dans le secret, sous forme de silence, à un être parfait en état de contemplation.

L’Église n’a exercé légitimement son autorité qu’en écartant les tentatives d’édulcoration de l’absurdité dans les mystères authentiques.

Cet exercice légitime n’est pas facile à définir. Mais il peut l’être.


Les attributs supposés de Dieu sont des attributs humains transformés par l’opération du passage à la limite.

Cette transformation n’est légitime que si elle s’opère selon une méthode tout à fait rigoureuse.

Trois rapports doivent être distingués dans cette description de Dieu.

Le rapport de Dieu à lui-même. C’est là qu’intervient la Trinité.

Le rapport de Dieu à sa création dans la conduite des événements du monde. Cette conduite est l’enchaînement des causes secondes. La volonté de Dieu dans ce domaine est étrangère à toute morale.

Le rapport de Dieu à sa création dans l’inspiration communiquée aux créatures pensantes. La volonté de Dieu dans ce domaine ne peut jamais contredire le sens de l’obligation essentiel à toute conscience.

C’est ce que le Christ voulait dire en disant : je n’ôte pas un iota à la loi.

La volonté de Dieu au premier sens peut être rapportée au Père — car on rapporte au Père l’acte d’abdication créatrice —, la volonté de Dieu au deuxième sens peut être rapportée au Saint-Esprit.

Il semble qu’Abélard ait aperçu cela.

Les Hébreux se sont représenté la seconde sur le modèle de la première.

Le Verbe, la Sagesse, est médiatrice.

Platon : une sage persuasion a convaincu la nécessité de faire tourner la plupart des choses au bien.

La justice de Dieu doit donc être entendue autrement pour la première et la deuxième volonté.

Pourtant le Christ (soyez parfaits…) rapproche les deux. (Soyez parfaits…)

Il n’y a pas deux justices de Dieu, mais une seule.

Contraire à elle-même.

La contradiction est le levier de la transcendance.


Un point n’est rien. Deux segments qui ne diffèrent que d’un point sont égaux.

Mais quand ce point est celui de l’intersection de deux droites, c’est beaucoup. Car il définit deux demi-droites de part et d’autre.

Un point qui est le centre de gravité est équivalent au tout, puisque s’il est soutenu rien ne tombe.

Appliquer la théorie des ensembles à la physique, et d’abord à la physique classique (pesanteur, etc.)

Dans un volume pesant il y a un point tel que s’il ne descend pas rien ne descend.

Pourtant un point est un néant de volume, un néant de pesanteur.

Mais pour l’empêcher de descendre il faut une résistance égale au volume du tout.

On pourrait faire la liste des fonctions remplies par un point à l’égard d’un segment de droite.

Une nouvelle logique basée sur la notion de domaines. Ce qui est vrai dans un domaine ne l’est pas dans un autre.

La vérité ne se trouve pas par preuves, mais par exploration. Elle est toujours expérimentale. Seulement la nécessité aussi est objet d’exploration.

Si on dit : montrez qu’il est possible de construire un triangle tel que… — il suffit de tomber par hasard sur un triangle répondant à la question.

Si on dit : montrez qu’il est impossible de construire un triangle tel que… ; cette demande enveloppe l’infini et ne peut être satisfaite sans passer du domaine de l’empirisme dans celui de la nécessité.

L’impossibilité est ce qui limite les possibles ; la limite est nécessité soustraite au temps.

Elle est, concernant les choses visibles, la source d’une certitude plus certaine que la vue.

Si on dit : faites telle chose, l’accomplissement de l’ordre laisse l’âme dans le domaine du temporel.

Si on dit : ne faites pas telle chose, il est impossible d’obéir sans hisser le centre de l’âme au niveau de l’éternel.

Au reste une même action peut être pensée de l’une ou de l’autre manière, et alors, selon le cas, l’accomplissement produit dans l’âme des fruits temporels ou éternels.

C’est un des secrets du salut.

C’est là au moins un aspect de la vertu d’humilité.

La subordination des possibles temporels et changeants à des limites fixes est une image et une garantie de la subordination de ce monde à l’autre, et par suite l’objet d’une contemplation qui est la source d’une joie secrète et pure.

Ma propre âme, mon propre moi est au nombre de ces possibles temporels et changeants.

La subordination de mon moi, de mon âme, de mon corps, de tous mes désirs à des limites inflexibles est un objet de contemplation qui est la source d’une joie secrète et qui comble.

D’autres hommes aussi, quand par l’imagination je loge mon moi en eux.

La satisfaction d’un désir rend cette subordination sensible si les causes en sont claires, clairement étrangères au désir lui-même, si la satisfaction est sentie comme précaire.

Alors manger un morceau de pain quand on a faim est communier avec l’univers et son Créateur.

Le malheur rend cette subordination bien plus sensible, pourvu que le mécanisme des causes soit clair. De là vient la sauvage beauté du malheur.

Apprendre l’obéissance, comme a fait le Christ, c’est cela.

Le Christ a été enchaîné comme l’océan.

τοῦτο δὸς ἐμοί.

La seule partie de notre âme dont il ne convient pas qu’elle soit sujette au malheur est celle qui est située dans l’autre monde. Le malheur n’a pas pouvoir sur elle — car peut-être, comme disait Maître Eckart, elle est incréée — mais il a le pouvoir de la séparer violemment de la partie temporelle de l’âme, de sorte que, bien que l’amour surnaturel réside dans l’âme, la douceur n’en est pas sentie. C’est alors que s’élève le cri : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Une fois qu’on a reconnu Dieu comme le bien suprême et réel, éternellement satisfait par soi-même, c’est assez. On peut supposer que non seulement Il ne récompense ni ne punit ses créatures, mais que même Il ignore leurs efforts pour lui obéir, leurs défaillances ou leurs révoltes. On ne désirera pas moins lui obéir plus que toute autre chose, avec un désir plus fort que la faim, la soif, la flamme charnelle ou le besoin d’un répit au milieu d’une torture physique. En même temps toute chose paraîtra sans importance, y compris la possession de Dieu, devant la certitude qu’Il se possède éternellement et parfaitement lui-même.

Tout le désir que la nature a mis dans l’âme humaine et attaché à la nourriture, à la boisson, au repos, au bien-être physique, aux plaisirs des yeux et des oreilles, aux êtres humains, doit être enlevé à ces choses et dirigé exclusivement sur l’obéissance à Dieu.

Les choses d’ici-bas sont légitimement objets de plaisir et de douleur, mais non pas de désir ou de répulsion.

Et l’obéissance à Dieu, unique objet de tout le désir de l’âme, est un objet inconnaissable. J’ignore ce que Dieu me commandera demain.

De plus je sais que si je refuse de lui obéir, ou si ma faiblesse m’en rend incapable, je lui obéis quand même, car rien ne se produit ici-bas qu’Il ne le veuille.

Ce désir est donc certain de son accomplissement. Il est déjà accompli. C’est une faim qui est déjà rassasiée, qui le sera toujours, et qui cependant crie perpétuellement dans l’âme comme si elle ne pouvait jamais l’être.

C’est un cri à vide, un appel éternellement sans réponse.

Cet appel, c’est lui qui est la louange de la gloire de Dieu. Nos cris d’angoisse Le louent.

Le Christ sur la croix et disant « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » C’est là la louange parfaite de la gloire de Dieu.

Crier ainsi pendant notre bref et interminable, interminable et bref séjour ici-bas, puis disparaître dans le néant — c’est assez ; que demander davantage ? Si Dieu accorde davantage, c’est son affaire ; nous le saurons plus tard. J’aime mieux supposer que même dans le meilleur des cas Il n’accorde que cela. Car cela est la plénitude de la satisfaction — si seulement, depuis maintenant jusqu’à l’instant de la mort, il pouvait n’y avoir pas d’autre parole en mon âme que ce cri ininterrompu dans le silence éternel.

Le Christ est médiateur entre les hommes et le Père, entre le Père et l’Esprit. Dans la Trinité il est l’objet, et l’objet est médiateur entre le sujet et l’acte, quoiqu’on puisse aussi se représenter la relation autrement. La chose aimée est médiatrice entre mon amour et moi.

Quand nous aimons Dieu, le Père à travers nous aime le Fils. Car Dieu objet, c’est le Fils. Il est médiateur entre le Père et son Amour.

Désobéir à Dieu, c’est cesser de connaître qu’Il est réel. Aussitôt le désir s’accroche aux choses terrestres. Pour éviter de l’en arracher, nous voudrions continuer à désobéir. Mais en même temps la conscience qu’on est obligé à cet arrachement met l’âme dans l’angoisse.

En réalité même ma désobéissance envers Dieu est sans importance dès lors que Dieu est ; mais je ne le sais que quand je suis dans l’obéissance. Dès que je désobéis, ma désobéissance prend une importance illusoire, que je ne puis effacer que de deux manières, ou par le retour dans l’obéissance à travers l’angoisse et l’arrachement, ou par le mensonge vis-à-vis de moi-même.

Ce mécanisme empêche que la connaissance de Dieu ne mène au relâchement moral.

Là où cet effet se produit, l’objet de l’amour, sous le nom de Dieu, est autre chose.

Pour obéir à Dieu, il faut recevoir ses ordres.

Comment se fait-il que je les aie reçus dans l’adolescence, pendant que je professais l’athéisme ?

Croire que le désir du bien est toujours rétribué — c’est là la foi, et quiconque l’a n’est pas athée.

Croire en un Dieu qui peut laisser dans les ténèbres ceux qui désirent la lumière, et réciproquement, c’est n’avoir pas la foi.

La foi, c’est la certitude d’un domaine autre que ce mélange inextricable de bien et de mal qui constitue ce monde, un domaine où le bien ne produit que du bien, où le mal ne produit que du mal.

Reconnaître du bien comme bien, et lui assigner comme origine le mal, c’est le péché contre l’Esprit, non pardonné.

Le bien et le mal, c’est le centre du problème, et la vérité essentielle est que leur relation n’est pas réciproque. Le mal est le contraire du bien, mais le bien n’est le contraire de rien.

Relations non réciproques dans la physique moderne ; s’agit-il de phénomènes appartenant à deux domaines différents, avec deux qualités différentes d’énergie, bien que ce ne soit pas reconnu ?

(Les savants croient à la science comme la plupart des catholiques à l’Église, à savoir comme à la Vérité cristallisée en opinion collective infaillible ; ils s’arrangent pour y croire ainsi malgré le changement perpétuel des théories. Dans l’un et l’autre cas, c’est faute d’avoir foi en Dieu.)

Un catholique dirige sa pensée, secondairement vers la vérité, mais d’abord vers la conformité à la doctrine de l’Église. Un savant en fait autant, mais là il s’agit non pas d’une doctrine établie, mais d’une opinion collective en formation ; il dirige sa pensée selon un certain courant intuitivement senti avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de prescience.

Du point de vue de la probité intellectuelle, c’est pire. C’est un étouffement de l’intelligence encore pire.

Il n’en a peut-être pas toujours été ainsi ? Même dans la dernière période de 4 ou 5 siècles ? comment le savoir ? En tout cas cela s’est beaucoup aggravé.

On ne peut choisir qu’entre Dieu et l’idolâtrie. Il n’y a pas d’autre possibilité. Car la faculté d’adoration est en nous, et elle est dirigée quelque part dans ce monde ou dans l’autre.

Si on affirme Dieu, ou on adore Dieu, ou des choses de ce monde déguisées sous cette étiquette.

Si on nie Dieu, ou on adore Dieu à son propre insu, ou des choses de ce monde qu’on croit regarder seulement comme telles, mais où on imagine en fait, bien qu’à son propre insu, les attributs de la Divinité.

Il y a une période de croissance de l’âme où la faculté d’adoration est divisée — dirigée en partie vers les choses de ce monde, en partie vers l’autre.

Le critérium est ceci. Adore le vrai Dieu quiconque n’aime les choses conditionnées que conditionnellement, sans exception.

Le Bien est hors de ce monde.

Grâce à la sagesse de Dieu qui à mis sur ce monde la marque du bien sous forme de beauté, on peut aimer le Bien à travers les choses d’ici-bas.

Cette docilité de la matière, cette qualité maternelle de la nature, a été incarnée dans la Vierge.

La matière sourde est néanmoins attentive à la persuasion de Dieu.

« ce monde consent à ta domination ».

Par amour, la matière reçoit l’empreinte de la Sagesse divine et devient belle.

On a raison d’aimer la beauté du monde, puisqu’elle est la marque d’un échange d’amour entre le Créateur et la création.

La beauté est aux choses ce que la sainteté est à l’âme.

Les êtres humains vraiment beaux méritent d’être aimés. La concupiscence inspirée par la beauté d’un visage et d’un corps n’est pas l’amour que cette beauté mérite, c’est une espèce de haine qui saisit la chair devant ce qui est trop pur pour elle. Platon savait cela.

La grâce de Dieu est telle que parfois dans notre malheur même il nous fait sentir une beauté C’est alors la révélation d’une beauté plus pure que celle qu’on connaissait jusque-là. Job.

Mais toujours la première atteinte du malheur est privation de beauté, envahissement de l’âme par la laideur. Alors ceux qui ne maintiennent pas en dépit de tout sens commun leur amour pointé dans la même direction, quoique désormais sans objet, perdent tout contact avec le bien, peut-être définitivement.

Si, comme je crois que c’est possible, il y a une limite qu’on peut passer dès ici-bas et au delà de laquelle il n’y a plus aucun espoir de salut, je veux croire que ceux qui l’ont passée sont insensibles même à la douleur physique, ou presque.

Une souffrance qui n’a aucun usage possible, ce serait du mal pur, et saint Augustin dit que le mal pur est néant.

C’est pourquoi aussi je veux croire que les animaux ne souffrent pas.

Dieu nous permet de porter notre amour vers lui de deux manières, à travers la beauté et à vide.

Nous devons chérir, dans tout le passé, l’accomplissement de la volonté de Dieu. Dans l’avenir, l’espérance du bien pur envoyé par Dieu sous forme d’inspiration à ses créatures pensantes. Le présent est intermédiaire. Il est objet non d’acceptation ni d’espérance, mais de contemplation. Contemplation de la Sagesse divine dans la beauté du monde où s’unissent les deux contraires, la nécessité et le bien. Les faits accomplis étaient nécessaires, on attend le bien à venir.

« Que se produise ta volonté », acceptation ; « que vienne ton royaume », espérance. « Que soit sanctifié ton nom », c’est seulement de la contemplation amoureuse, de l’admiration.

« Remets-nous nos dettes… »

Notre créancier est Dieu ; Dieu est aussi notre seul débiteur. Nous nous sentons frustrés d’un dû par tout événement contraire à nos désirs.

Mais la plus difficile des remises de dettes consiste à pardonner à Dieu nos péchés. Le sentiment de culpabilité est accompagné d’une sorte de rancune et de haine contre le Bien, contre Dieu, et c’est par ce mécanisme que le crime est nuisible à l’âme.

Les crimes non accompagnés d’un sentiment même fugitif de culpabilité ne nuisent pas à l’âme. Mais cela ne peut se produire que dans certains états de l’âme qui sont des maladies morales.

Ces crimes nuisent dès qu’il y a convalescence, car alors le sentiment de culpabilité surgit et est refoulé.


Dieu lui-même ne peut faire que ce qui a été n’ait pas été. Quelle meilleure preuve que la création est une abdication ?

Quelle plus grande abdication de Dieu que le temps ?

Nous sommes abandonnés dans le temps.

Dieu n’est pas dans le temps.

La création et le péché originel ne sont que deux aspects, différents pour nous, d’un acte unique d’abdication de Dieu. Et l’Incarnation, la Passion, sont aussi des aspects de cet acte.

Dieu s’est vidé de sa divinité et nous a emplis d’une fausse divinité. Vidons-nous d’elle. Cet acte est la fin de l’acte qui nous a créés.

En ce moment même, Dieu par sa volonté créatrice me maintient dans l’existence pour que j’y renonce.

Dieu attend avec patience que je veuille bien enfin consentir à l’aimer.

Dieu attend comme un mendiant qui se tient debout, immobile et silencieux, devant quelqu’un qui peut-être va lui donner un morceau de pain. Le temps est cette attente,

Le temps est l’attente de Dieu qui mendie notre amour.

Les astres, les montagnes, la mer, tout ce qui nous parle du temps nous apporte la supplication de Dieu.

L’humilité dans l’attente nous rend semblables à Dieu.

Dieu est seulement le bien. C’est pourquoi il est là et attend en silence. Quiconque s’avance ou parle use un peu de force. Le bien qui n’est que bien ne peut qu’être là.

Les mendiants qui ont de la pudeur sont Ses images.

L’humilité est un certain rapport de l’âme au temps. C’est une acceptation de l’attente. C’est pourquoi, socialement, la marque des inférieurs est qu’on les fait attendre. La parole du tyran est « j’ai failli attendre ». Mais la cérémonie, qui fait tous les hommes égaux dans sa poésie, est attente pour tous.

L’art est attente. L’inspiration est attente.

Il portera des fruits dans l’attente.

L’humilité participe à l’attente de Dieu. L’âme parfaite attend le bien avec autant de silence, d’immobilité et d’humilité que Dieu lui-même. Le Christ cloué sur la croix est la parfaite image du Père.

Aucun saint n’a pu obtenir de Dieu, ni que le passé n’ait pas été, ni qu’il vieillisse de dix ans en un jour, ni qu’il vieillisse d’un jour en dix ans, ni… Aucun miracle ne peut rien contre le temps. La foi qui transporte les montagnes est impuissante contre le temps.

Dieu nous a abandonnés dans le temps.

Dieu et l’humanité sont comme un amant et une amante qui ont fait erreur sur le lieu du rendez-vous. Chacun est là avant l’heure, mais chacun dans un endroit différent, et ils attendent, attendent, attendent. L’amant est debout, immobile, cloué sur place pour la perpétuité des temps. L’amante est distraite et impatiente. Malheur à elle si elle en a assez et s’en va ! Car les deux points où ils se trouvent sont le même point dans la quatrième dimension…

La crucifixion du Christ est l’image de cette fixité de Dieu.

Dieu est l’attention sans distraction.

Il faut imiter l’attente et l’humilité de Dieu.

« Soyez saints parce que je suis saint. » Imitation de Dieu. Sans doute emprunt de Moïse à la sagesse égyptienne.

C’est dans le temps que nous avons notre moi.

L’acceptation du temps et de tout ce qu’il peut apporter — sans aucune exception — (amor fati) — c’est la seule disposition de l’âme qui soit inconditionnée par rapport au temps. Elle enferme l’infini. Quoi qu’il arrive…

Dieu a donné à ses créatures finies ce pouvoir de se transporter dans l’infini.

La mathématique en est l’image.

Si le contenu agréable ou douloureux de chaque minute (même celles où nous péchons) est regardé comme une caresse spéciale de Dieu, en quoi le temps nous sépare-t-il du Ciel ?

L’abandon où Dieu nous laisse, c’est sa manière à lui de nous caresser.

Le temps, qui est notre unique misère, est le contact même de sa main. C’est l’abdication par laquelle il nous fait exister.

Il reste loin de nous, parce que s’Il s’approchait Il nous ferait disparaître. Il attend que nous allions vers lui et disparaissions.

À la mort, les uns disparaissent dans l’absence de Dieu, les autres dans la présence de Dieu. Nous ne pouvons pas concevoir cette différence. C’est pourquoi, à titre d’approximation saisissable pour l’imagination, on a forgé les représentations du paradis et de l’enfer.


Essence de la foi : Il est impossible de désirer vraiment le bien et de ne pas l’obtenir.

Ou réciproquement : ce qu’il est possible de désirer vraiment sans l’obtenir n’est pas vraiment le bien.

Il est impossible de recevoir le bien quand on ne l’a pas désiré.

C’est là ce que signifie le précepte, de ne tenir à rien qu’à ce qui dépend de soi.

Mais cela ne veut pas dire ce qu’on a en soi ou ce qu’on peut se procurer par sa volonté. Car tout cela est misérable et sans valeur. Il s’agit d’un objet de désir humble et désespéré, de supplication.

Le bien est quelque chose qu’on ne peut jamais se procurer par soi-même, mais qu’on ne peut jamais non plus désirer sans l’obtenir.

C’est pourquoi notre situation est tout à fait semblable à celle de petits enfants qui crient qu’ils ont faim et reçoivent du pain.

C’est pourquoi les suppliants de toute espèce sont sacrés, la supplication est sacrée.

On a le devoir d’accorder tout ce qu’on n’a pas le devoir de refuser.

Rameau d’olivier. L’arbre du Saint-Esprit, emblème des suppliants.

Dieu a séparé en ce monde le bien et la force et gardé pour lui le bien.

Ses commandements ont la forme de demandes.


Tout ce que nous nous procurons par notre volonté et nos efforts, et tout ce que les circonstances extérieures accordent ou refusent au gré du sort, est absolument sans valeur. Cela peut être ou mauvais ou indifférent, mais jamais bon.

Dieu nous laisse en ce monde exposés au mal.

Pourtant si nous désirons que la partie éternelle et non sensible de notre âme soit préservée de tout mal, elle le sera.

Tout ce qui existe est soumis à la nécessité. Mais il y a une nécessité charnelle où l’opposition du bien et du mal n’intervient pas, et une nécessité spirituelle entièrement soumise à cette opposition.

La notion même de rédemption implique une nécessité spirituelle.

La nécessité seule est un objet de connaissance. Rien d’autre n’est saisissable par la pensée. La nécessité est connue par exploration, par expérience. La mathématique est une certaine espèce d’expérience. La nécessité est ce avec quoi la pensée humaine a contact.

Une seule chose en nous est inconditionnée, le désir. Il convient qu’il soit dirigé vers l’être inconditionné, Dieu.

Rien ne peut se produire sans que soient réunies les conditions de la production.

Telle chose exige telle condition. Mais si l’on pense : tout peut se produire sous condition, et tout est équivalent…

Si on désire telle chose, on se met sous l’esclavage de l’enchaînement des conditions. Mais si on désire l’enchaînement même des conditions, la satisfaction de ce désir est inconditionnée.

C’est pourquoi aimer l’ordre du monde est l’unique libération.

Le Christ en croix, le plus grand mal infligé au plus grand bien : si on aime cela, on aime l’ordre du monde.

Dans l’eau et le sang. La vie publique du Christ a commencé par un baptême d’eau et fini par un baptême de sang.

Sur la croix, il a rendu à César ce qui était à César et à Dieu ce qui était à Dieu.


Vous les jugerez à leurs fruits. Il n’y a pas de plus grand mal que de faire du mal aux hommes, ni de plus grand bien que de faire du bien aux hommes.

On ne peut pas savoir ce qu’un homme a dans l’esprit quand il prononce tel mot (Dieu, liberté, progrès.). On ne peut juger le bien qu’il y a dans son âme que par le bien qui est dans ses actes, ou dans l’expression de pensées originales.

On ne peut pas percevoir la présence de Dieu dans un homme, mais seulement le reflet de cette lumière dans la manière dont il conçoit la vie terrestre. Ainsi le vrai Dieu est présent dans l’Iliade et non dans le livre de Josué.

L’auteur de l’Iliade dépeint la vie humaine comme peut seul la voir celui qui aime Dieu. L’auteur de Josué, comme peut seul la voir celui qui n’aime pas Dieu.

On témoigne moins bien pour Dieu en parlant de Lui qu’en exprimant, soit en actes, soit en paroles, l’aspect nouveau que prend la création quand l’âme a passé par le Créateur.

À vrai dire, même, on témoigne seulement ainsi.

Mourir pour Dieu n’est pas un témoignage qu’on a foi en Dieu. Mourir pour un repris de justice inconnu et répugnant qui subit une injustice, cela est un témoignage qu’on a foi en Dieu.

C’est ce qu’a voulu faire comprendre le Christ : « J’étais nu… j’avais faim… »

L’amour de Dieu n’est qu’un intermédiaire entre l’amour naturel et l’amour surnaturel des créatures.

C’est uniquement à cause de la crucifixion que la foi au Christ peut, comme dit saint Jean, être un criterium. Accepter pour dieu un condamné de droit commun honteusement torturé et mis à mort, c’est bien vaincre le monde. (Aussi ne parle-t-il pas de la résurrection.) C’est renoncer à toute protection temporelle. C’est accepter et aimer la nécessité,

Mais aujourd’hui qui pense au Christ comme à un condamné de droit commun, excepté ses ennemis ? On adore la grandeur historique de l’Église.

Les esclaves noirs ont vaincu le monde par la foi au Christ : « They crucified my Lord ».

Dieu est présent, le Christ est présent partout où s’opère d’un homme à un homme un acte de vertu surnaturelle.

L’attitude d’une âme à l’égard de Dieu n’est pas une chose constatable, même par elle-même, parce que Dieu est ailleurs, dans les cieux, dans le secret. Si on croit la constater, c’est qu’une chose terrestre se trouve dissimulée sous l’étiquette Dieu. On peut seulement constater si le comportement de l’âme vis-à-vis de ce monde-ci a passé ou non par Dieu.

De même les amis d’une fiancée n’entrent pas dans la chambre conjugale ; mais quand il apparaît qu’elle est grosse, on sait qu’elle a perdu sa virginité.

Il n’y a pas de feu dans un plat cuisiné ; mais on sait qu’il a passé sur le feu.

Au contraire, quand même on aurait cru voir l’éclat de la flamme, si des pommes de terre sont crues, il est certain qu’elles n’ont pas passé sur le feu.

Ce n’est pas par la manière dont un homme parle de Dieu, mais par la manière dont il parle des choses terrestres, qu’on peut le mieux discerner si son âme a séjourné dans le feu de l’amour de Dieu. Là nul déguisement n’est possible. Il y a de fausses imitations de l’amour de Dieu, mais non pas de la transformation qu’il opère dans l’âme, car on n’a aucune idée de cette transformation autrement qu’en y passant soi-même.

De même, la preuve qu’un enfant sait faire une division, ce n’est pas qu’il récite la règle ; c’est qu’il fait des divisions. S’il me récite la règle, j’ignore s’il la comprend. Si je lui donne plusieurs divisions difficiles et qu’il m’apporte des résultats justes, je n’ai pas besoin de lui faire exposer la règle. Peu m’importe même qu’il en soit incapable, ou même qu’il ignore le nom de l’opération. Je sais qu’il la comprend. Si l’enfant qui a su me réciter la règle m’apporte les sommes des nombres que je lui ai proposés au lieu de quotients, je sais qu’il ne comprend pas.

De la même manière, je sais que l’auteur de l’Iliade connaissait et aimait Dieu, et non celui du livre de Josué.

Quand dans la manière d’agir à l’égard des choses et des hommes, ou simplement dans la manière de les regarder, il apparaît des vertus surnaturelles, on sait que l’âme n’est plus vierge, qu’elle a couché avec Dieu ; fût-ce même à son insu, comme une fille violée pendant le sommeil. Cela n’importe pas, le fait seul importe.

La grossesse d’une jeune femme est pour ses amis la seule preuve certaine qu’elle a perdu sa virginité. Autrement, elle a beau aller jusqu’à l’indécence dans ses propos et son comportement, il n’y a pas preuve. Son mari est peut-être impuissant.

De même les paroles de foi et d’amour prononcées par une âme à l’égard de Dieu, publiquement ou intérieurement, ne font pas preuve, ni pour autrui, ni pour elle-même. Il est possible que ce qu’elle nomme Dieu soit un être impuissant, c’est-à-dire un faux Dieu ; qu’elle n’ait pas vraiment couché avec Dieu.

Ce qui fait preuve, c’est l’apparition de vertus surnaturelles dans la face de son comportement qui est tournée vers les créatures.

La foi d’un juge n’apparaît pas dans son attitude à l’église, mais dans son attitude au tribunal.

Mais, comme la grossesse d’une femme, cette transformation s’opère, non par des efforts directs, mais par l’union d’amour avec Dieu.

Une femme peut tenir les propos les plus lascifs et être vierge. Mais si elle est grosse, elle n’est pas vierge, quand même elle affecterait une profonde ignorance. De même l’Ancien Testament et l’Iliade.

Iliade. Seul l’amour de Dieu peut permettre à une âme de discerner aussi lucidement, aussi froidement l’horreur de la misère humaine sans perdre la tendresse ni la sérénité.

Le Romain qui est mort pour épargner la torture à ses esclaves aimait Dieu.

Tout maître qui croit que des esclaves sont ses égaux connaît et aime Dieu. Et réciproquement.

Un peintre ne dessine pas l’endroit où il est. Mais en regardant son tableau je connais sa position par rapport aux choses dessinées.

Au contraire, s’il se représente dans son tableau, je sais avec certitude que le lieu où il feint d’être n’est pas celui où il est.

D’après la conception de la vie humaine exprimée dans les actes et les paroles d’un homme, je sais (je veux dire que je saurais, si j’avais le discernement) s’il regarde cette vie d’un point situé ici-bas ou du haut du ciel.

Au contraire, quand il parle de Dieu, je ne peux pas discerner (pourtant je le peux parfois…) s’il parle du dedans ou du dehors.

Un homme qui dit avoir été en avion et a dessiné les nuages, son dessin n’est pas une preuve pour moi ; je peux croire que c’est une fantaisie. S’il m’apporte un dessin de la ville à vol d’oiseau, c’est une preuve.

L’Évangile contient une conception de la vie humaine, non une théologie.

Si dehors, dans la nuit, j’allume une lampe électrique de poche, ce n’est pas en regardant l’ampoule que j’en juge la puissance, mais en regardant quelle quantité d’objets est éclairée.

L’éclat d’une source lumineuse s’apprécie par l’éclairement projeté sur les objets non lumineux.

La valeur d’une forme de vie religieuse, ou plus généralement spirituelle, s’apprécie par l’éclairement projeté sur les choses d’ici-bas.

Les choses charnelles sont le critérium des choses spirituelles.

C’est ce qu’on ne veut généralement pas reconnaître, parce qu’on a peur d’un critérium.

La vertu d’une chose quelconque se manifeste hors d’elle.

Si sous prétexte que les choses spirituelles ont seules une valeur on refuse de prendre pour critérium l’éclairage projeté sur les choses charnelles, on risque de n’avoir pour trésor que du néant.

Les choses spirituelles ont seules une valeur, mais les choses charnelles ont seules une existence constatable. Par suite la valeur des premières n’est constatable que comme éclairement projeté sur les secondes.

(Voilà pourquoi les ksatryas instruisent les brahmanes.)

Dieu, qui a voulu créer ce monde, a voulu qu’il en soit ainsi.

Si un homme prenait le gant de ma main gauche et, le passant derrière son dos, me le restituait transformé en gant de la main droite, je saurais qu’il a accès à la 4e dimension. Nulle autre preuve n’est possible.

De même si un homme donne d’une certaine manière un morceau de pain à un malheureux, ou parle d’une certaine manière d’une armée vaincue, je sais que sa pensée est sortie du monde, et s’est assise, avec le Christ, à côté du Père qui est dans les Cieux.

Si un homme me décrit en même temps deux flancs opposés d’une montagne, je sais qu’il se trouve en un lieu plus élevé que le sommet.

Il est impossible de comprendre et d’aimer à la fois les vainqueurs et les vaincus, comme fait l’Iliade, sinon du lieu, situé hors du monde, où siège la Sagesse de Dieu.


État de l’homme qui a prostitué sa femme à Volpone et qui apprend qu’il n’est pas héritier.

On s’attache à un bien espéré en faisant en vue de ce bien des actions qui autrement seraient impossibles.

Privé de ce bien, on est dans l’impossible. Ces actions sont faites ; ne peuvent jamais être défaites. Pourtant elles étaient impossibles.

Un homme qui a une femme jeune, chaste et belle, et l’aime, ne la prostituerait pas sans motif à un vieillard répugnant. Cela est aussi impossible que la montée spontanée d’un poids.

Mais s’il l’a fait parce qu’il croyait obtenir ainsi l’héritage, et s’il s’aperçoit qu’il n’a jamais été question qu’il obtienne l’héritage, tout se passe comme si cela avait été accompli sans motif, comme si le poids était spontanément remonté.

L’âme vit dans l’impossible sans pouvoir en sortir, car c’est de l’impossible accompli, de l’impossible passé.

La seule ressource est alors de se déraciner de son propre passé, ce qui est pour l’homme le plus grand mal.

Le passé nous tient. Il est plus réel que le présent. Et chaque être a son passé à quoi nul autre ne peut toucher.

En pensée l’âme refait l’acte, avec le motif en moins.

Souhaitant sans cesse que sa femme soit encore intacte (ne serait-il pas un bon héros de tragédie ?), sa pensée se porte au temps encore proche où elle l’était. Pour rejoindre le présent, sa pensée doit traverser cet acte. Or cet acte a perdu maintenant le mobile qui seul le rendait possible. La pensée tombe sans cesse dans le passé, et ne peut rejoindre le présent qu’en passant par de l’impossible.

Il en est de même pour une action dont l’accomplissement détruit le mobile qui seul la rendait possible. Par exemple un meurtre causé par une colère qui s’évanouit dès qu’il est accompli.

La pensée, enfuie dans le passé innocent, doit retraverser le meurtre étant sans colère. Or c’est un voyage impossible,

Les conséquences d’une action sont plus durables que leurs mobiles. Les conséquences malheureuses forcent l’âme à se réfugier dans le passé où elles n’étaient pas, et à rejoindre le présent en passant par des actions sans mobiles. C’est une torture pour la pensée.

Il en est ainsi quelle que soit la nature des mobiles, qu’ils soient honorables ou honteux.

L’homme n’échapperait à ce supplice qu’en accomplissant des actions sans mobile.

Le peut-il ?

Seulement si Dieu descend en lui pour agir à sa place.

Comment peut-il y parvenir ?

En suppliant Dieu de descendre.

L’obéissance à Dieu est le seul motif inconditionné et qui ne peut jamais disparaître. Elle transporte l’action dans l’éternité.

Si on se dit ceci : quand même le moment de la mort n’apporterait rien de nouveau, mais terminerait seulement la vie d’ici-bas sans être le prélude d’une autre vie ; quand même la mort apporterait seulement le néant ; et quand même ce monde-ci serait complètement abandonné de Dieu ; et quand même absolument rien de réel ne correspondrait à ce mot, Dieu, mais seulement des illusions puériles — en admettant qu’il en soit ainsi, néanmoins, même dans ce cas, j’aime mieux exécuter ce qui me semble être ordonné par Dieu, quand il en résulterait les plus affreux malheurs, que d’accomplir n’importe quoi d’autre.

Seul un fou peut penser ainsi.

Mais si on a contracté cette folie, on peut être tout à fait sûr de ne jamais regretter aucune action accomplie conformément à cette pensée.

La seule difficulté est que cette pensée ne fournit que peu d’énergie, une énergie insuffisante pour l’accomplissement des actions.

Comment accroître cette énergie ?

La prière doit l’accroître.

La pratique même de l’obéissance doit l’accroître, car chaque action accomplie pour un mobile augmente l’énergie de ce mobile.

Ou bien l’épuise, il est vrai. Il y a là deux mécanismes possibles, tout à fait distincts.

Il est de toute première importance de les discerner.

Ce qui épuise un mobile, ce sont les actions faites au delà de ce à quoi il pousse.

Donc la proportion de l’énergie mise au service de Dieu augmentera dans une âme si un grand soin est apporté à ne jamais aller au delà de ce à quoi on se sent presque irrésistiblement poussé par l’obéissance.

Autrement ou l’amour de Dieu s’épuise, ou il est remplacé, sous le même nom, par un autre amour.

Cela est tellement important — car tant d’amours charnels peuvent se glisser sous ce nom…


La prière n’est dirigée vers Dieu que si elle est inconditionnée. Prier inconditionnellement, c’est demander au nom du Christ. C’est cela, la prière qui n’est jamais refusée.

Que ta volonté soit faite — quelle qu’elle soit.

Descends en moi pour accomplir par moi ta volonté — quelle qu’elle soit.

La foi, c’est croire que les actions accomplies après une telle prière seront moins éloignées de l’obéissance à Dieu que celles accomplies avant.

Si une action semble avoir été ordonnée par Dieu, on peut supplier Dieu d’aider à l’accomplir.

Mais seulement avec cette restriction sous-entendue : je te demande ton aide pour cette action seulement parce que je crois qu’elle est conforme à ta volonté et seulement pour le cas où elle le serait.

En même temps il faut désirer le succès d’une telle action aussi violemment qu’un avare désire de l’or ou un affamé du pain.

Car nous pouvons nous tromper sur la volonté de Dieu — mais nous pouvons regarder comme certain que Dieu veut que nous exécutions tout ce que nous croyons conforme à sa volonté.

Saint François croyait avoir reçu l’ordre d’apporter des pierres à saint Damien, et tant qu’il était dans cette illusion, Dieu voulait qu’il apporte des pierres.

Comment est-il possible que surgisse dans une âme humaine le sentiment que Dieu veut telle chose particulière ? C’est un prodige aussi miraculeux que l’Incarnation.

Ou plutôt c’est le prodige même de l’Incarnation. Une âme perpétuellement gouvernée par ce sentiment, de la naissance à la mort, c’est Dieu devenu homme.

L’art est une merveille de même espèce, car l’inspiration artistique, dans l’art de tout premier ordre (qui est très rare) est de cette nature. De même toute illumination de l’intelligence.

Tous ces prodiges consistent en présence de l’inconditionné dans le conditionné, en direction imprimée à la pensée par l’immobile.

Sans ce prodige, nous serions des êtres purement terrestres.

Tous ceux — et c’est peut-être de loin le plus grand nombre — qui n’ont jamais éprouvé ce prodige en eux-mêmes sont des êtres purement terrestres.

Comment certains l’éprouvent-ils ?

Mais il y a un second prodige, c’est que les actes et les paroles produits par une inspiration de ce genre possèdent un rayonnement qui porte les cœurs les plus terrestres à les aimer.

Si on les aime sans mélange de haine, sans envie, sans retour sur soi-même, et pourtant avec le désir d’en posséder à son tour la source un jour, seulement parce que le bien est là et sans aucun autre mobile — on parviendra.

Ce rayonnement des choses inspirées et saintes d’ici-bas est ce qui juge les Âmes terrestres et les force finalement à se donner à Dieu ou au diable.

C’est pourquoi le Christ, dans l’Évangile de saint Jean, parle sans cesse de l’attitude envers lui. Il s’agit de lui, comme homme, non d’une église ou d’une théologie.

Notre âme est une balance. La direction de l’énergie dans les actes est l’aiguille de la balance qui marque tel ou tel chiffre. Mais la balance est fausse.

Quand Dieu, le vrai Dieu, occupe dans une âme toute la place qui lui revient, la balance est devenue juste.

Dieu ne dit pas quel chiffre doit indiquer l’aiguille, mais du fait qu’Il est là l’aiguille marque juste.

La balance est agitée en tous sens. Un clou en fixe le centre. Désormais elle marque juste. Le clou ne marque aucun chiffre, mais par le clou l’aiguille marque juste.

Upanishad : Dieu n’est pas ce qui est manifesté par la parole, mais ce par quoi la parole est manifestée. Il est ce par quoi tout est manifesté et qui n’est manifesté par rien.

Non pas des chiffres indiqués par l’aiguille, mais ce par quoi l’aiguille indique des chiffres justes.

C’est pourquoi l’être humain parfait n’agit pas pour Dieu, mais par Dieu, de la part de Dieu, et n’aime pas les êtres humains en Dieu, mais de la part de Dieu et à travers Dieu.

Dieu a souffert au lieu de l’homme — cela ne signifie pas que le malheur du Christ ait diminué si peu que ce soit le malheur des hommes, mais que par le malheur du Christ (aussi bien dans les siècles antérieurs que dans les siècles postérieurs) le malheur de tout malheureux prend une signification et une valeur d’expiation, si seulement il le désire. Le malheur prend alors une valeur infinie qui ne peut venir que de Dieu.

Toute expiation suppose que ce soit Dieu qui expie.

Les difficultés de la notion de rédemption, et les absurdités dont elle est entourée, obligent à examiner de plus près la notion même de châtiment, et sa relation avec la notion de sacrifice.

Tout ce que dit saint Paul sur la rédemption est acceptable seulement si on regarde l’humanité comme un seul être vivant — qui a péché au temps d’Adam, a été sous la tutelle de la loi, atteint la pureté et la liberté dans la mort et ressuscite.

L’attente de la fin imminente du monde est essentielle au christianisme primitif et explique quantité d’anomalies. C’était sans doute la partie la plus populaire du message.


Le Jugement s’exercera ainsi. — L’âme qui vient de traverser ce que les hommes nomment la mort reçoit soudain la certitude, irrésistible, ne laissant place à aucun doute, que toutes les fins de toutes les actions accomplies pendant la vie étaient illusoires, y compris Dieu.

Avec cette certitude qui la pénètre tout entière, y compris la sensibilité, elle revit par la pensée toutes ses actions.

Alors, dans la plupart des cas, saisie d’horreur, elle désire le néant et disparaît.

Dans des cas rares, elle ne regrette rien ; ou au moins elle peut s’accrocher à certaines actions qu’elle ne regrette pas, parce qu’elles étaient inconditionnées, parce qu’elles étaient pure obéissance.

L’horreur ne la saisit pas, elle continue à être tournée amoureusement vers le bien.

Mais sentant que sa personnalité la sépare du contact parfait avec le bien, elle en désire la dissolution et disparaît.

Un seul acte accompli par pure obéissance suffit peut-être. Mais s’il y en a eu un, il y en a eu beaucoup.


Quel est le lien du châtiment et du pardon ? Il y a la satisfaction — un homme offensé ne pardonne que si l’offenseur a subi une peine et une humiliation, soit qu’il consente lui-même à s’y soumettre (comme c’était fréquent au moyen âge), soit qu’y ayant été contraint il dise, comme les esclaves fouettés à Rome : pardonne-moi, j’ai assez souffert.

Un autre lien est la guérison — on espère que le châtiment sera un remède qui amendera le criminel ; une fois amendé, il sera pardonné de ce fait même.

Ce sont là deux rapports humains, mais qui peuvent légitimement être transposés dans la relation entre Dieu et l’homme, à condition d’observer les règles d’une telle transposition.

Quelles sont-elles ?

La satisfaction n’a pas pour but la guérison du criminel, mais de l’offensé, qui ne peut oublier l’offense ou y penser sans trouble qu’après avoir vu souffrir le coupable.

Cela répond au besoin de transférer la souffrance. Le capitaine réprimandé par le colonel remâche la réprimande jusqu’à ce qu’il s’en soit délivré en réprimandant le lieutenant.

Mais si on a été offensé par un inférieur, on reporte la souffrance sur celui qui l’a causée, en l’aggravant.

Le vase de porcelaine brisé ne peut être raccommodé ; mais en revanche, heureusement, l’esclave qui l’a brisé peut être déchiré à coups de fouet.

Si l’esclave tombe à genoux, le seul fait de le tenir ainsi en sa puissance suffit parfois.

L’esclave fouetté — ou même n’aurait-il eu que la douleur de demander grâce — a besoin à son tour d’une satisfaction.

Tout mal suscité dans ce monde voyage de tête en tête (c’est le mythe d’Até dans Homère) jusqu’à ce qu’il tombe sur un être parfaitement pur qui le subit tout entier et le détruit.

Le Père qui est dans les cieux n’est pas atteint par nos offenses comme l’est un homme : Mais pour cette raison même, contrairement aux offenses contre les hommes, toute offense dirigée directement contre Lui retombe sur l’offenseur sous forme de malédiction ; et il ne peut alors s’empêcher d’essayer de se délivrer de ce mal en faisant du mal aux créatures. Il met en circulation un mal qui passe perpétuellement d’être en être.

C’est ce qui est arrivé à Caïn — en supposant que Caïn a sacrifié de mauvaise grâce.

Ce mal ainsi mis en circulation circule toujours jusqu’à ce qu’il tombe sur une victime parfaitement pure.

Dieu qui est dans les cieux ne peut pas détruire le mal, il ne peut que le renvoyer sous forme de malédiction. Seul Dieu ici-bas, devenu victime, peut détruire le mal en le subissant.

Ainsi la conception du mal comme satisfaction mène à la notion de rédemption avec une transposition correcte.

Le Père qui est aux cieux ne renvoie pas le mal, mais comme Il ne peut en être touché d’aucune manière, le mal retombe.

Celui qui se venge imite Dieu le Père. C’est la mauvaise manière d’imiter Dieu. Il n’est permis à l’homme d’imiter que Dieu le Fils. C’est pourquoi « Nul n’arrive au Père sinon par moi ».

Cependant : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Mais il s’agit là d’imiter Dieu le Père dans son abdication, dont l’Incarnation est la plénitude.

Les hommes ont toujours senti le besoin de se purifier par le sacrifice d’êtres innocents, animaux, enfants, vierges. L’innocence est au degré suprême quand le sacrifice est volontaire.

L’homme qui a reçu du mal souhaite en être délivré en le portant ailleurs : c’est là le désir de la satisfaction. Il ne désire pas l’abolir, mais l’abolir de son existence à lui, et pour cela le jeter au dehors.

Mais Dieu n’a pas de dehors où jeter le mal : la sphère de son existence, c’est toutes choses. Dieu ne peut désirer qu’abolir le mal. Mais le mal ne tombe dans le néant que par contact avec Dieu.

Ainsi la satisfaction, qui consiste pour l’homme à rejeter l’offense loin de soi, consiste pour Dieu à s’y soumettre.

Adam en mangeant la pomme a offensé Dieu, et cette offense est retombée en malédiction, parce qu’elle n’a pas touché Dieu. Mais ceux qui ont enfoncé des clous dans la chair du Christ, leur offense n’est pas retombée en malédiction, elle a touché Dieu et a disparu.


Chant d’Orphée : « Leges in superos datas — et qui tempora digerit — quatuor praecipites deus — anni disposuit vices. » — Il y a des lois pour les dieux, même pour le dieu qui a déterminé les temps et disposé les quatre tournants rapides de l’année (Sénèque, Her. Œt. 1093).

Id. : « jam jam legibus obrutis — mundo cum veniet dies — australis polus obruet — quidquid per Libyam jacet ».


La rapide diffusion du christianisme est due à ce que tous ces malheureux souhaitaient tellement la fin du monde ! Et comme cela se comprend.

Aucun des cultes, aucune des sectes rivales n’avaient à offrir une garantie aussi palpable de la fin tout à fait imminente du monde que la vie, la mort, la résurrection du Christ.

« omnes pariter deos — perdet mors aliqua et chaos — et mors fata novissima — in se constituet sibi ».

Cf. saint Paul. La mort sera détruite la dernière.

Le Zodiaque — « Leo flammiferis aestibus ardens iterum e caelo cadet Herculeus (une note dit qu’il était tombé de la Lune), cadet in terras Virgo relictas, justaeque cadent pondera Librae. » — Verseau « … frangetque tuam, quisquis es, urnam ».

« … in nos aetas ultima venit ? »… « o nos dura sorte creatos — seu perdidimus solem miseri — seu expellimus. »

Atrée, au sujet de Thyestes « miserum videre nolo, sed dum fit miser ». C’est esprit expérimental des empereurs romains.

« flendi miseris dira cupido est ».

Monologue de Sénèque, personnage de la tragédie prétexte Octavia (Néron est mort en 68). « qui si senescit, tantum in caecum chaos — casurus iterum, tunc adest mundo dies — supremus ille, qui premat — genus impium — caeli ruina, rursus ut stirpem novam — generet renascens melior, ut quondam tulit — juvenis, tenente regna Saturno poli — tunc illa VIrgo, numinis magni dea — Justitia, caelo missa cum sancta Fide — terris regebat mitis humanum genus ».

La 4e race ose chasser, pêcher « vomere immunem pruis — sulcare terram, laesa quae fruges suas — alterius alte condidit sacro sinu », et par un crime pire prendre le fer et l’or.

« neglecta terras fugit… Astraea virgo, siderum magnum decus ».

Signe de la Vierge, mois d’août (balance, qui suit équinoxe d’automne, 21 septembre). — 15 août, fête de l’Assomption de la Vierge. Fête de la Nativité de la Vierge, le 8 septembre.

« non ursa pontum sicca caeruleum bibet ». L’ourse a soif et voudrait plonger dans la mer, mais ne peut pas.

Les 12 travaux d’Hercule sont :


Lion de Nemée Taureau de Crète
Hydre de Lerne Jument de Diomède
Cerf d’Arcadie Ceinture d’Hyppolite
Sanglier d’Érymanthe Bœufs de Geryon
Étables d’Augée Pommes des Hespérides
Oiseaux de Stymphales Descente aux enfers
(Cerbère)


Il dit dans Sénèque « Junon a transporté les monstres » (dans le ciel).

Il y compte le Crabe (assimilé à l’Hydre ?) — Le Lion — Mais il n’y en a pas d’autre, sauf le taureau.

Est-ce que cette liste répond à un Zodiaque plus ancien ?

Description des mystères d’Éleusis, H. fer. 842.


Si on subordonne toutes choses à l’obéissance à Dieu, sans aucune restriction, avec cette pensée : Si Dieu est réel, on gagne ainsi tout — quand même l’instant de la mort apporterait le néant ; si ce mot ne correspond à rien qu’à des illusions, on n’a rien perdu, car alors il n’y a absolument aucun bien, et par suite rien à perdre ; on a même gagné d’être dans la vérité, car on a laissé des biens illusoires, qui existent, mais qui ne sont pas des biens, pour une chose qui (dans cette supposition), n’existe pas, mais qui, si elle existait, serait encore l’unique bien.

Si on gouverne ainsi sa vie, aucune révélation au moment de la mort ne peut causer de regret ; car quand le hasard ou le démon gouverneraient tous les mondes, on n’aurait pas à regretter d’avoir vécu ainsi.

Cela est bien préférable au pari de Pascal.

Quand Dieu serait une illusion du point de vue de l’existence, Il est l’unique réalité du point de vue du bien. Cela, j’en ai la certitude, car c’est une définition. « Dieu est le bien » est aussi certain que « je suis ». Je suis dans la vérité si j’arrache mon désir de toutes les choses qui ne sont pas des biens pour le diriger uniquement vers le bien, sans savoir s’il existe ou non.

Quand une fois tout mon désir est dirigé vers le bien, quel autre bien ai-je à attendre ? Je possède alors tout le bien. C’est cela, posséder tout le bien. Quelle absurdité d’imaginer une autre félicité ?

Pour le privilège de me trouver avant de mourir dans un état parfaitement semblable à celui du Christ quand, étant sur la croix, il disait : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » — pour ce privilège, je renoncerais volontiers à tout ce qu’on nomme le Paradis.

Car tout son désir était entièrement dirigé vers Dieu, et dès lors il possédait parfaitement Dieu.

Il souffrait une souffrance presque infernale, mais qu’importe ce détail ?

C’est pour les faux biens que désir et possession sont différents ; pour le vrai bien, il n’y a aucune différence.

Dès lors Dieu est, puisque je Le désire ; cela est aussi certain que mon existence.

Je me trouve en ce monde avec mon désir collé sur des choses qui ne sont pas des biens, qui ne sont ni bonnes ni mauvaises. Je dois l’en arracher, mais cela fait saigner.

Il n’est pas étonnant que tant que le désir est collé sur ces choses il soit différent de la possession, puisqu’il lui faut du bien et qu’elles ne sont pas des biens.

Dès qu’il se décolle et se tourne vers le bien, il est possession.

Mais cela ne se fait pas d’un coup pour tout le désir de l’âme. D’abord pour une partie infinitésimale.

Cependant ce grain de désir qui est possession est plus fort que tout le reste du désir qui est vide.

Si je désire seulement désirer le bien, en désirant le bien je suis comblée.

Ce n’est pas plus difficile que cela.

Et je n’ai pas besoin de me représenter quelque chose sous ce mot. Au contraire, il faut que l’objet de mon désir soit seulement la réalité complètement ignorée de moi qui est derrière ce mot.

Je désire exclusivement le bien (je veux dire que je devrais être ainsi), mais de cette chose que je désire exclusivement je sais que je ne connais absolument rien sinon le nom. Et pourtant mon désir est parfaitement comblé, et il ne me faut absolument rien d’autre.

Le secret du salut est tellement simple qu’il échappe à l’intelligence par sa simplicité. Il a l’air d’un calembour.

Il en est ainsi pour les passages des Upanishads sur l’Atman.

Mais ce n’est pas tout que d’avoir le secret. L’application n’est pas facile, parce que le désir colle à ces choses qui ne sont pas des biens.

Quel est le mécanisme de cet attachement ?

Qu’est-ce qui contraint à désirer manger quand on a faim, boire quand on a soif, avoir un répit quand on a mal à une partie du corps, recevoir des égards quand on est humilié, se distraire quand on s’ennuie, changer d’attitude quand on est resté longtemps dans la même, dormir quand on a sommeil, s’arrêter quand on est épuisé de fatigue, voir un être chéri, lui serrer la main, lui parler, l’entendre, avoir l’usage de ses membres et des organes des sens ?

Tant qu’on désire toutes ces choses frivoles, le centre de l’âme n’est pas dans le bien.

Comment, pourquoi les désire-t-on sans pouvoir s’en défendre ? De quelle manière supprimer ces désirs ?

Il s’agit, non de se rendre insensible aux douleurs et aux joies — ce serait plus facile — mais en laissant intacte toute la susceptibilité de l’âme aux douleurs et aux joies, ne pas désirer éviter les unes et obtenir les autres.

Quand le sentiment de la nécessité s’empare très fortement de l’âme, souvent il tue le désir, même les désirs les plus naturels.

Là donc est le secret. Couper tous les désirs avec l’obéissance comme avec une épée.


Vide

Ceux qui ont fait du mal à tel homme sont loin, hors de sa portée ; ceux qui sont à sa portée lui ont fait du bien ; il ne doit rien leur faire payer, il leur doit des égards, des sourires, et n’y parvient qu’au prix d’un effort dont on ne se doute pas, car cette attitude de sa part paraît naturelle.

Si un homme a besoin d’un violent effort pour avoir le comportement qu’on attend de lui comme naturel — vide, amertume sans fond.

Vide, quand rien d’extérieur ne répond à une tension intérieure.

Exemple de vide : supplice de camp de concentration, consistant à déplacer une pierre de B en A, puis de A en B, puis de B en A, et ainsi de suite toute la journée. Bien différent du même effort dans un travail.

R. « S’il fallait travailler seulement pour vivre, je ne pourrais pas. Je ne peux travailler que pour m’agrandir de plus en plus. » (Vide)

[R. Ses paroles sur le vol de pommes de terre. On n’a qu’à mendier. « Mais, pour demander l’aumône, il faut avoir le caractère à ça. » À propos du père J. « Moi, je ne pourrais pas me plier, me soumettre ainsi, couper des raisins 8 heures par jour. — Et s’il fallait ? — S’il fallait, s’il fallait… eh bien, je ne le ferais pas ! Je me débrouillerais autrement. »]

Le vide ne sert qu’à la grâce. Il faut donc l’éliminer tant qu’on peut de la vie sociale, car la société n’est pas faite de saints. Il y en aura toujours assez pour les élus.

Le vide vaut mieux que l’équilibre apporté de l’extérieur. Mais cet équilibre vaut mieux que celui fabriqué par l’imagination.

L’imagination travaille sans cesse à boucher les moindres fissures par où passerait la grâce.

Il y a aussi les facteurs d’équilibre à la fois réels et imaginaires. Sourires de Louis XIV. Argent.

On pourrait ainsi faire une hiérarchie des facteurs d’équilibre autres que la grâce, des plus réels aux plus imaginaires (ceux-ci étant aussi ceux qui enferment la plus grande part d’illimité).

[R. se plaignant de la fourniture obligatoire d’alcool vinique pour les grands propriétaires, qui fait qu’il ne gagne pas plus que s’il avait 3 fois moins de vigne, 500 hect. — « De cette manière, je travaille pour rien. » ]

Mobiles. Les pensées sont mobiles, obéissent aux fantaisies, aux passions, à la fatigue. L’activité doit être continue, beaucoup d’heures chaque jour, tous les jours. Il faut donc des mobiles qui échappent à la mobilité des pensées, donc à la relation, c’est-à-dire des absolus, des idoles.

Ou bien, chaque jour, le pain surnaturel.

Les passions idolâtres sont donc une nécessité, dans la caverne.

Il faut les idoles les moins mauvaises possible.

Le Christ a connu le vide total, un moment avant qu’il ne ressuscitât.

Il a eu toute la misère humaine, sauf le péché ; mais il a eu tout ce qui rend l’homme capable de péché. Ce qui rend l’homme capable de péché, c’est le vide ; tous les péchés sont des tentatives pour combler des vides. Ainsi ma pitoyable vie pleine de souillures est toute proche de sa vie parfaitement pure, et de même pour les vies les plus basses. Quoi que je fasse, si bas que je tombe, je ne m’éloignerai jamais beaucoup de lui. Mais cette vérité, si je tombais trop bas, je ne pourrais plus la connaître, La grâce quotidienne permet seule de la connaître tous les jours.

Repentir. Contempler un mal passé, qu’on a fait, irréparable, le connaissant tel, sans y chercher d’excuse, c’est supporter un vide.

De même, si le mal est réparable, le travail de la réparation est un travail à vide.

Tout sert, etiam peccata. Ne pas trop le croire, car c’est une pensée guérisseuse d’amertume, combleuse de vide, comme la croyance à l’immortalité ou à l’ordre providentiel des événements.

Le vide est la plénitude suprême, mais l’homme n’a pas le droit de le savoir, et la preuve, c’est que le Christ lui-même, un moment, l’a complètement ignoré. Une partie de l’homme doit le savoir, mais les autres non, car elles ne le sauraient que bassement, d’une manière imaginaire, et ainsi le détruiraient.

Les parties basses de moi-même doivent aimer Dieu, mais non pas trop, ou ce ne serait pas le même Dieu.

La vertu négative est du travail à vide. Ne pas faire cela. On fait effort, et rien n’est changé au dehors. Ne pas cueillir le fruit.

Une représentation du monde où il y ait du vide, afin que le monde ait besoin de Dieu. Cela suppose du mal. « ὑπεναντίον ἀγαθῷ. »

Et en même temps le monde, comme manifestation de Dieu, est plein. « Ceci est plein, cela est plein. »

Le monde manifeste et cache Dieu. « Tu es vraiment le Dieu caché. » Et pourtant « Ils pouvaient connaître Dieu par le monde qui le manifeste ».


Reniement de saint Pierre. Dire au Christ « Je ne te renierai pas », c’était déjà le renier, car c’était supposer la source de la fidélité en soi, non dans la grâce. Comme il était élu, ce reniement est heureusement devenu manifeste. Chez d’autres, de telles vantardises se vérifient, s’accomplissent en apparence, et ils ne comprennent jamais.

Combien ne dois-je pas de reconnaissance pour être née incapable même de cueillir des raisins sans la grâce.


chant de porteurs nègres.

Kilima muzuri mbali
Karibu kinamayuto !

Qu’elle est belle de loin, la montagne ! Pourquoi si rude faut-il qu’elle soit à la montée ?


L’Amandier —

Femme mange une pomme sous l’amandier parmi la neige, se coupe, souhaite un enfant rouge comme le sang et blanc comme la neige, a un garçon, meurt, est enterrée sous l’amandier, Le père se remarie. A une fille. Le garçon est maltraité.

La fille demande une pomme pour elle et son frère. La belle-mère offre une pomme au petit et lui referme le coffre sur le cou, coupant le cou. S’arrange pour que la petite croie l’avoir tué. Le cuit, le fait manger au père, qui n’a jamais rien mangé de si délicieux. La fillette pleure, met les os dans son plus beau mouchoir, les enterre sous l’amandier. Elle se sent de nouveau gaie. Il sort un oiseau qui chante

mein’ Mutter die mich schlacht,
mein Vater der mich ass,
mein’ Schwester das Marlenichen
sucht alle meine Benichen,

bindt sie in ein seiden Tuch,
legts unter den Machandelbaum.
kywitt, kywitt, wat vör’n schön’ Vogel bün ich !

gagne avec son chant une chaîne d’or (pour le père), une paire de souliers rouges (pour la fillette), une meule (pour la femme). Le père entend l’oiseau chanter, est joyeux. La fillette pleure. La femme est angoissée. Le père reçoit son cadeau et est plus joyeux encore ; la fillette le sien et est consolée ; la femme est tuée. Le garçon ressuscite.

Cf. histoires indiennes d’animaux mangés qui ressuscitent à partir de leurs os.

Graal. Une pierre précieuse, c’est de l’eau et du feu congelés.

[Ap., i, 13 ; ποδήρη ?]

Isaïe « La terre sera pleine de la connaissance de Dieu, comme l’eau abonde dans l’eau des mers ». Cf. Platon.

Clément, V, 5 —

Pythagoras and his followers, with Plato also and most of the other philosophers, were best acquainted with the Lawgiver, as may be concluded from their doctrine. And by a happy utterance of divination, not without divine help, concurring in certain prophetic declarations, and seizing the truth in portions and aspect —

Le symbole des orgies bachiques est un serpent consacré (Clém. Exh. heath.) — Hevia en hébreu, serpent femelle)
Initiations —

Aphrodite — on donne un morceau de sel et le phallus —

Zeus viole Démèter — Puis comme châtiment lui jette dans son sein un sexe coupé, comme étant le sien (mais c’est celui d’un bélier)

Sabazian mysteries — serpent glissant sur le sein de l’initié (symbole de la divinité) —

Coré enfante un taureau —

« the bull »

The dragon’s father, and the father of the bull the dragon,

On a hill the herdsman’s hidden ox-goad.

(reed of bacchanals)

swine of Euboileus swallowed up with the two goddesses — In the Thesmophoria, they thrust out swines —
Cendrillon —

Les oiseaux chantent :

rucke di guck (bis)
Blut ist
Kein Blut
im Schuck
Der Schuck ist [nicht] zu klein,
die rechte Braut sitzt noch daheim
die führt er heim

[Le désir infini de bien qui est en nous est le symbolum — ce qui est plus petit n’est pas le bien.

Inégalité retournée dans Cendrillon. Ce pied trop grand…]
Allerleirauh — Un roi ayant promis à sa femme mourante de n’épouser qu’une femme aussi belle qu’elle veut épouser sa fille.
Le filleul de la mort — Les vies humaines représentées par des lumières (bougies ? torches ?) qui se consument.

Un homme pauvre cherche un parrain pour son 13e enfant. Dieu s’offre — Il refuse. « Du giebst dem Reichen und lässest den Armen hungern. » Le diable s’offre. Il refuse — « Du betrügst und verführst die Menschen ». La mort s’offre — « Ich bin der Tod, der alle gleich macht » — « Du bist der Rechte, du holst den Reichen wie den Armen ohne Unterschied, du sollst mein Gevattersmann sein ».

λέων, lion, de λάω, voir. Manetho dit que le lion ne dort jamais. (En égyptien, lion m′ et voir m″) —

Invasion en Égypte — ῥᾳδίως ἀμαχητὶ ταύτην κατὰ κράτος εἶλον

Hyksôs — quelques-uns disent qu’ils étaient Arabes. Le nom veut dire, soit « Bergers-rois », soit « Bergers-captifs ».

L’archéologie montre que l’usurpation des Hyksôs aurait duré de 1700 à 1580.

Les Ποιμένας s’en vont en Judée et construisent Jérusalem.

Joseph, citant Manetho, les assimile aux Hébreux. rappr. Abel et Baal et Baldur.
ὦ θεός, εἰς τὴν βοήθειάν μου πρόσχες,
Κύριε, εἰς τὸ βοηθῆσαι μοι σπεῦσον.

Ne pas nommer Dieu ce qui est vu et ne voit pas, mais ce qui voit et n’est pas vu.

(on ne voit pas Dieu, on se sent vu par Lui)


La grâce de Dieu comme piège

La parole « I would be glad to wed the Black Bull o’ Norroway » —

La rose de la Belle et la Bête — Das singende, springende — Löweneckerchen — Le narcisse de Proserpine —

Le labyrinthe —

Le cerf poursuivi qui se change en homme et dit : « c’est bien que je t’aie ! nu das is gut, dass ik dik hewe ; ik hewe schon sess paar gleserne Schlitchau hivenen di caput jaget un hewe dik nig kriegen könnt ».

(On avait prédit que ce fils de roi devait être tué par un cerf à 16 ans.)
Falada. La princesse a soif. Sa servante refuse de lui donner à boire. Elle descend de cheval et boit au ruisseau. La troisième fois, le mouchoir que sa mère lui avait donné après l’avoir imprégné de trois gouttes de son sang tombe, et elle devient impuissante à se défendre contre la servante.

La première fois, les gouttes ont parlé et dit :

« Ach Gott ! wenn das deine Frau Mutter wüsst, das Herz im Leib ihr zerspringen müsst !

Dialogue avec le cheval :

O du Falada, dass du hangest.

— O du Jungfer Königin, dass du gangest ; wenn das deine Frau Mutter wüsst das Herz im Leib ihr zerspringen müsst.
Hangatyn, the God of Hanged Men. ash (?) Yggdrasil —

Die Lieder der Edda — Havamal.

« I know that I (Odin) hung on the windswept tree for three full nights, pierced with a spear and dedicated to Odin, I to myself, on the tree whereof no man can tell from the roots of what tree it springs » —

Odin had two ravens, Memory and Wisdom.

God of Hanged Men. Lord of the Gallows.

It was a custom to dedicate men to Odin by hanging them on a gallows and piercing them with spears
Justin — I apol. LXI, baptême comparé à la génération naturelle.
Tertullien désapprouve le baptême des enfants (De baptismo).
Grégoire de Nazan recommande de baptiser à 3 ans.
lire saint Augustin, de baptismo. De pecati meritis et remissionne

Joseph of Arimathea Legend. * ZA
(1350) EL 2 n = 44
Film reproduction

id. ed. by Rev. Skeat
Lachner Julius — The grail Romance and the Taret — Occult review London 1921 — v. 34 p. 278 — 284
Murray — Egyptian elements in Grail Romance
(Ancient Egypt — London 1916 — p. 14, 54, 69 — La queste del saint Graal — 9
Wolfram von Eschenbach Waite — The hidden cherch of the Holy Graal
Formula antiqua receptionis Manichae orum
Gerard, epist. Migne v. 142
Manichäische Handschriften der Sammlung Beatty

Bd. i — (chapitres ?)
――――――――――― der staatlichen Museen
Berlin, Carl Schmidt, B.l.
Poltsky — Manichäische Homilien
Schmitt — Ein Mani Fun in Aegypten
Kephalaia —
Manichäische Handschriften der staatlichen Museen

Berlin — Stuttgart 1933-37 Bd. i p. 1-144

(translated by Dr. Polstky)
Jackson — The Manichean fragment S. 8. in Turfan Pahlavi — in oriental studies in honour of Cursetyi Erachji
Parry — London 1933 — p. 163-171.
Henning Walter — Ein manichäisches Bet-und Beichtbuch — (Preussische Akad. der Wissenschaften zu Berlin Philosoph — historische Klasse — Abhandlungen — 1936 Nr. 10 p. 1-143.
Chavannes — Un traité manichéen retrouvé en Chine.
Bang W. — Manichäische Hymnen — Museen — 1925
Tome 38 — p. 155.
Allberry — A Manichaen psalm-book.
Manichäische Handschriften der Sammlung
A Chester Beatty Bd. 2.
Wieger — Taoïsm — tome II.
The secret of the Golden Flower (alchimie taoïste)
T’ai i chin hua Tsung chih.
Shing king.
Lao Tzu Tao te ching English Goddard.
Harlez — Textes taoïstes.
Balfour — Taoïst texts (peu intéressants).
Chuang-Chou —
Reden und Gleichnisse des Tschung-Tse (allemand).
Senzaki — 101 Zen stories.
Suzuki — Daisetz Teitare.
Zen Buddhism and its influence on Japanese culture.
Buddhist philosophy and its effects on the life and thought of the Japanese people v. 190.
Essays in Zen Buddhism — 3 v.
An introduction to Zen Buddhism.
Japanese Buddhism.
Manual of Zen Bud.
Outlines of Mahâyâna B.
Studies in the Lankavatara Sutra.
Lankavatara sutra — edited by Buryie Nanjio.


Belhomme — Documents inédits sur l’hérésie des Albigeois.
Schmidt — Histoire et doctrine de la secte des Cathares ou Albigeois.
Broeckx Edmond — Le catharisme (Université).
Holmes — The Albigensian or Catharist heresy.
Warner, Henry James — The Albigensian heresy.


Lee — Folk Tales of all nations — 1930.
Celtic sources — J. Jacobs : English Fairy TalesCeltic
Morceltic fairy tales
traditional sources (?)
Red Bull o’Norroway

Un roi a trois filles. Elles parlent une nuit de leur mariage — L’une veut un roi — La 2e un prince — La 3e (la plus belle) « I would be content with the Red Bull o’ Norroway » —

Le lendemain, le Red Bull vient la chercher. Ses parents la cachent, mais sont forcés de la livrer. La princesse et le bull traversent beaucoup de pays. Un jour elle voit une épingle dans son cuir. Elle tire. Un beau prince apparaît, tombe à ses pieds, la remercie. Mais il disparaît aussitôt. Elle cherche.

Presque mourante de soif et de faim, elle rencontre une vieille qui lui donne 3 noisettes qu’elle ne doit pas briser « till her heart was like to break, and over again like to break ».

Elle arrive dans un pays où tout le monde parle du mariage du « Duke o’Norroway » pour le jour même — Elle l’aperçoit — Her heart was now like to break — Brise la noisette — Y trouve « a wee wife carding ». L’offre à la fiancée pour une nuit avec le duc — chante :

« Far hae I sought ye, near am I brought to ye

Dear Duke o’Norroway, will ye no turn and speak to me ? »
A wee wife spinning
A wee wife singing

Le valet du duc, qui a entendu des chants et des gémissements, lui conseille de ne pas prendre de potion soporifique — Le duc reconnaît la voix de sa princesse et lui dit qu’il a été au pouvoir d’une enchanteresse. Ils se marient.

Une noisette à ne pas ouvrir « till her heart is like to break, and over again like to break ».

Far hae I sought ye, near am I brought to ye.

Dear Duke o’ Norroway, will ye no turn and speak to me ?

Firdausi — pr. de E. M. Wilssot Buxton The Book of Rustem

« Come, sit beside me on this sand, and take
My head betwixt thy hands, and kiss my cheeks,
And wash them with thy tears, and say : My son !
Quick ! quick ! for numbered are my sands of life,
And swift ; for like the lightning to the field
I came, and like the wind I go away. »

The little Feather of Fenist — The bright falcon de R. Nisbet Bain’s Russian Fairy Tales

(La belle et la bête) La plus jeune des 3 filles demande « a scarlet flower » — Un vieux la lui donne à condition qu’il accepte de donner sa fille à « Fenist the bright falcon ». Il accepte, puis regrette.

Le faucon lui donne une fleur par laquelle elle peut l’appeler. Il lui donne tout ce qu’elle veut.

Les sœurs blessent le faucon. Il part en disant : Seek me in the land of Thrice-nine »… « Il te faut « wear out slippers of iron, fret away reins of stone, break to pieces staff of steel, before thou findst me ».

Elle reçoit des dons en route.

Elle trouve Fenist fiancé à une Tsarevna.

Elle lui dit « I, thy lovely damsel, have come to thee from afar. I have worn out slippers of iron, I have ground down a staff of steel, I have fretted away reins of stone. Everywhere and all times have I been seeking thee, my love ».

La deuxième nuit, bien qu’il ait pris sa potion, les larmes brûlantes de la jeune fille tombant sur son visage l’éveillent.

Il demande à son peuple quelle femme il doit prendre pour épouse. Her who sold me, or her who bought me back again ? » On lui dit the second.

Dans sa course errante, la jeune fille a rencontré une vieille qui l’envoie à sa sœur au moyen d’une balle. Elle donne « a silver spinning board and a golden spindle, thou wilt spin a spindleful of flax and draw out threads of gold » (transmutation du lin en or) — La seconde donne une pomme d’or sur un plat d’argent — La 3e lui donne des renseignements et des conseils (un cadeau et une nuit ont dû se perdre).


Séries des contes sur la recherche du pays « where there is neïther death nor old age ».

Gypsy — The red king and the witch (Groom : Gypsy Folk-tales).
Japan — Urashima Taro — Marjory Bruce — A treasury of tales — Visu — Adland Davis — Myths and legends of Japan.
Korean — The woedman and the Moutain fairies.
Holland — Rip Van Winkle.
Turkey — Youth without age, life without death.
Crow and daylight — Esquimo.

Le crow va au ciel chercher daylight, qui est sur une balle avec laquelle joue un bébé.

Histoire de la sœur qui cherche ses frères — identique en Finlande et chez les Kabyles.

Histoire d’Albanie. — La princesse qui a épousé un serpent. Type Psyché. Quête. « Serpent et rédempteur » — En jetant une balle d’or sur les jeunes gens pour choisir un mari, cette balle est tombée sur le serpent.

Histoire norvégienne. — The 12 wild ducks — Une reine promet à une sorcière ce qu’elle rencontrera sur le pont si elle a une fille. Elle rencontre ses 12 fils. Ils sont changés —

Pick thistledown, card it, spin it, weave it. Faire 12 chemises. Ne pas parler, rire ni pleurer —

Le roi l’enlève et l’épouse. « The king’s guardian » l’accuse de sorcellerie —


East o’the sun and west o’ the moon. — Un pauvre donne sa plus jeune fille à un ours blanc, en échange de la richesse — (Psyché).

Elle laisse tomber 3 gouttes de chandelle brûlante sur l’époux. Il lui dit qu’il doit disparaître dans le château d’une sorcière, East of the sun and west o’ the moon et y épouser une sorcière — « There is no way to that place » — Elle cherche. Interroge tous les vents. Le vent du Nord l’y envoie — Elle arrive le jour du mariage. —

Il doit épouser celle qui peut laver 3 taches de chandelle de sa famille. Plus les sorcières lavent, plus la chemise est noire. — La « beggar lassie » l’a à peine trempée qu’elle est blanche comme la neige. Aussitôt les sorciers et trolls sont pétrifiés. Ils s’en vont tous les deux.

(Thorre-Thomson, recueil de ce titre)


Contes danois (Stôbe) — The Deer Prince — Portes défendues, mais en les ouvrant la princesse brise l’enchantement. —

Grisélidis — Le roi consent à prendre femme à condition de la choisir comme il veut — Choisit la fille de son portier — Lui fait promettre une patience inaltérable. —

The snake — Psyché — Serpent adopté par des gens sans enfant. Il les envoie demander pour lui la main de la fille du roi. Le roi pose 3 conditions, Transformer son verger en fruits et feuilles d’or et d’argent. Incruster les allées et les bancs du jardin de pierres précieuses. Dorer le palais. Le serpent vient au palais prendre possession d’elle. Il s’enroule autour d’elle jusqu’à ce que sa bouche touche celle de la princesse. Alors il devient un beau prince, Mais le roi ayant brûlé la peau du serpent, il devient colombe et s’envole.

La princesse cherche. Un renard la guide. Il lui fait boire l’eau d’un ruisseau pour la fortifier.

Avec du sang d’oiseau et de renard elle guérit le prince malade.

« The pastor’s wife » — Comme pénitence elle passe une nuit dans une église avec un livre que quantité de gens (dont certains ressemblent au pasteur qui le lui a donné — qui ne sont pas son mari) lui demandent, mais qu’elle rend seulement au pasteur quand il vient la redemander le matin.
« The mill at the bottom of the sea. » English fairy tales retold by Steel — The black bull o’ Norroway —

To wilder measure now they turn,
The black black bull of Norroway —
Sudden the tapers cease to burn,
The minstrels cease to play —

Elle mange du bull quand elle a faim —

Eat out of my left ear,
Drink out of my right,
And set by what you leave
To serve the morrow’s night —

Il se bat avec the Old one et lui enjoint de ne pas bouger.
S’il est
Edda Saemundar — 1930
The British Edda
A Wadden
Edda Saemundar —
transl. Benjamin Thorpe
Collection (1907)
Younger Edda
Arc-en-ciel, pont entre le ciel et la terre.
Elder Edda
The High One’s Lay — (i.e. Odin)
Odin’s Rune — Song

(Saemund, né en Islande vers 1055, 50 ans après l’établissement du christianisme en Islande. Est allé en Allemagne, France, Italie. A eu pour cousin un saint évêque. Est lui-même devenu prêtre. Mort à 77 ans. A écrit une histoire de Norvège et d’Islande. L’Edda a été trouvée en 1643 et lui a été attribuée alors.

I know that I hung, on a wind-rocked tree, nine whole nights, with a spear wounded, and to Odin offered, myself to myself ; on that tree of which no one knows from what root it springs.

Bread no one gave me, nor a horn of drink ; downward I peered, to runes applied myself, wailing learnt them, then fell down thence.

Potent songs nine from the famed son I learned of Bolthorn, Bestla’s sire, and a draught obtained of the precious mead drawn from Odhr aerir —

Then I began to bear fruit and to know many things, to grow and well thrive : word by word I sought out words, fact by fact I sought out facts.

Runes thou wilt find, and explained characters, very potent characters, which the great speaker depicted, and the high powers fored, and the powers’ prince graved.

(suite, magie)

Un fils d’Odin vient plaider auprès de Hel (Hadès) pour la résurrection de Baldur. Elle répond : « If all things in the world, both living and lifeless, weep for him, then shall he return to the Æsir ; but if any one thing speak against him or refuse to weep, he shall be kept in Hel —

Tout pleure, hommes, animaux, pierres, arbres, métaux, sauf une sorcière, qui est Loki, son meurtrier. Les dieux capturent et supplicient Loki —

Baldur ne ressuscitera qu’à la fin du monde.

« I saw of Balder, the blood-stained god, Odin’s son, the hidden fate. There stood grown up, high on the plain, slender and passing fair, the mistletoe —

Odin
sons :
Thor, strongest of gods and men
Baldur

« It may truly be said of him that he is the best, and that all mankind are loud in his praise. So fair and dazzling is he in form and feature that rays of light seem to issue from him ; and thou mayst have some idea of the beauty of his hair, when I tell thee that the whitest of all plants is called Baldur’s brow. Baldur is the mildest, the wisest, and the most eloquent of all the Æsir, yet such is his nature that the judgment he has pronounced can never be altered. »
Hermes Trismegistus — Pymander — 1657
Trad. de L. Ménard, 1867, chez Didier
The Virgin of the World — en anglais
Dr. Anna Kingsford
Hermes Trismegistus —
Hermetica — texte grec et latin et traduction — — Walter Scott — 1924
Arm.
The book of quint essence 2 no 16a
Jabir ibn Hayan al — Tartusi —
in hoc — alchemia (contient les Tables d’Émeraudes)


Il faudrait inonder le public de choses moyenâgeuses authentiquement belles.

Rattacher, raccrocher au moyen âge et l’idée conservatrice, et ce qu’il y a d’authentique dans l’idée révolutionnaire, c’est-à-dire ce qui n’est pas imagination du progrès ni volonté de puissance, ce qui est simplement désir de justice.


Une vie où dans tous les travaux, dans chacun des actes du travail, dans toutes les fêtes, dans tous les rapports de hiérarchie sociale, dans tout l’art, dans toute la science, dans toute la philosophie, se liraient les vérités surnaturelles.

Oui, mais la guerre ? Dans la guerre, il faut lire les vérités surnaturelles qui concernent le mal.


Religion et behaviorism.

Le surnaturel est la différence entre le comportement humain et le comportement animal.

Cette différence est un infiniment petit.

Le grain de grenade, ou de sénevé.

(Clément d’Alexandrie : Les femmes d’Athènes croyaient la grenade issue du sang de Dionysos.)


Malheur.

Quand ce que la pensée embrasse en un instant est vécu pendant une longue durée.

[9 péchés bouddhistes : killing — theft — sexual impurity — lies — laying up treasure — partiality — hate — stupidity — fear.]

Le réflexe animal consistant à faire « le mort » — attitude que souvent la torture et la mutilation ne peuvent changer — ce réflexe est celui de l’âme humaine touchée par le malheur. C’est là le mécanisme de l’esclavage.

Mélange de feu et d’eau. Sang. Vin. Pierres précieuses. Arc-en-ciel.

Noé. Trouve le vin. Dieu lui interdit le sang. Fait avec lui le pacte de l’arc-en-ciel. Sacrifice rédempteur.

Zodiaque dans les textes Pahlavi (Zoroastre).
Varak (Lamb) — Tora (Bull) — Do-patkar (Gemini) — Kalakan (Crab) — Ser (Lion) — Khusak (Virgo) — Tarazuk (Balance) — Gazdum (Scorpion) — Nimasp (Centaur) — Vahik (Capricornus) — Dul (Waterpot) — Mahik (Fish).

28 sub-divisions des astronomes.

Tir, 4e mois de l’année, soumis au Cancer. Mois du déluge.

Pahlavi. La semence du mâle descend du cerveau. Toute la partie qui ne va pas dans la matrice circule dans les veines de la femme, mélangée au sang, et devient du lait. (Cf. Grecs.)

[Le ciel, le métal, le vent et le feu sont mâles. L’eau, la terre, les plantes et les poissons (?) femelles.]

[Génération d’après le Livre des Morts thibétain. L’âme s’incarne par participation au désir des amants ; elle s’incarne dans le sexe correspondant à celui des deux désirs avec lequel elle sympathise.]


Un souverain bien, c’est-à-dire un bien qui enferme tous les biens possibles. C’est l’hypothèse du Philèbe. À savoir qu’il n’y a pas incompatibilité entre les biens.

On ne renonce donc pas à un bien partiel ou secondaire pour le bien suprême,

Mais on doit renoncer à la poursuite et au désir de tous les biens qui ne sont pas le bien suprême ; par suite, de tous les biens représentables, sans aucune exception :

Non seulement le bien suprême enferme tous les biens, mais les biens ne sont bons que comme ombres du bien suprême.

Tropismes. Le scorpion d’eau (?) Ranatra, sorti de l’eau, feint la mort. On le ranime en faisant mouvoir une lumière devant lui. Après quelque temps il la suit. Si la source lumineuse dégage une grande chaleur, il s’en approche jusqu’à ce que la chaleur le fasse tomber en défaillance. Des Ranatras presque tués par la chaleur d’une lampe emploient leur dernier reste d’énergie vitale à se traîner un peu plus près d’elle.

Πάτερ, τοῦτο δὸς ἐμοί…

Transpositions. Les Sirènes ne proposent pas à Ulysse le plaisir, mais la connaissance. Il y a beaucoup à parier que c’est aussi le fond des discours de séduction les plus grossiers de n’importe quel gamin de 20 ans à n’importe quelle gamine de 16 (Cf. chez Renault, photographies). C’est toujours le bien qui est proposé. Nul n’est méchant volontairement. Cette parole indique, non une identité, mais une analogie entre le péché et l’erreur.

[Apocalypse — L’épouse de l’Agneau est vêtue de lin. Le lin est la justification des justes.

L’Agneau, qui a sept yeux, i.e. les sept esprits de Dieu, ouvre le premier sceau. Vient un cheval blanc, et le cavalier a un arc, et on lui donne une couronne, et il s’en va vainqueur (6,2) — Un cheval rouge, et le cavalier reçoit le pouvoir de faire disparaître la paix, et une grande épée — Un cheval noir, et le cavalier a une balance — Un cheval livide (χλωρός) et le cavalier a nom Mort et tue par l’épée, la faim, la mort et les bêtes sauvages.

Plus loin (19,13), le cavalier du cheval blanc est nommé πιστός, ἀληθινός et ὁ λόγος τοῦ θεοῦ — et il a un vêtement sanglant. De sa bouche sort un glaive à double tranchant.

À la fin un des 7 Anges porteurs des vases où étaient les plaies suprêmes mesure la Jérusalem nouvelle. Il dit à Jean agenouillé : Vide ne feceris… conservus tuus sum — Deum adora. Mais plus loin : Ego sum α et ωEgo Jesus.

Εγὼ εἰμὶ ἡ ρίζα καὶ τὸ γένος Δαυίδ, ὁ ἀστὴρ ὁ λαμπρὸς ὁ πρωϊνός — ]

Des palmes dans leurs mains. φοίνικες ἐν ταῖς χέρσιν (cf. Odyssée).

Clément d’Alexandrie, Str. V 35 … κιβωτοῦ

(Str. VI 53, τῆς τοῦ Χάμ προφητείας…) « Ἄτλας, ὁ μὴ πάσχων πόλος — Schol. Arist.

Apoc. 1,20 — μυστήριον traduit par sacramentum —

Graal. Pierres précieuses, union du visible (lumineux) et du tangible, symboles de l’Incarnation. Les autres objets ne sont pas visibles, ce qui est visible, c’est le reflet de la lumière sur eux. Une pierre précieuse est visible par elle-même.

Ezechiel « Tu étais le Keroub d’élection… au milieu des pierres de feu tu circulais ».

La pierre de feu qui purifie les lèvres (Isaïe).

Don Quichotte. Irréalité de l’aspiration au bien en ce monde.


L’énergie sexuelle humaine n’est pas saisonnière. C’est le meilleur signe qu’elle n’est pas destinée à un usage naturel, mais à l’amour de Dieu.


[Father and Son — Premiers péchés d’un enfant pieusement élevé, en 1850 — parents puritains). Il ne dit pas qu’il a fait un trou dans le tuyau, et à cette occasion découvre que son père n’est pas omniscient (5 ans). À cette occasion aussi découvre sa propre individualité dans le plaisir de partager un secret avec lui-même. Invente la magie. Perd une partie de sa foi dans la prière après que son père lui a défendu de prier pour recevoir un jouet coûteux. À 6 ans, hait son père plusieurs jours après un châtiment corporel.

Surtout : après avoir obtenu de son père des explications sur la définition de l’idolâtrie et la colère correspondante de Dieu, étant seul, met une petite chaise sur la table, s’agenouille devant, et dit sa prière, en disant « chaise » au lieu de Seigneur, puis attend vainement un signe de la colère de Dieu.]


[Sainte Th. de Lisieux : « Je sens qu’une lettre ne produira aucun fruit tant que je ne l’écrirai pas avec une certaine répugnance et pour le seul motif d’obéir. »]

Sainte Th. de L. Absurdité qui mérite vraiment d’être examinée que celle d’avoir proposé comme modèle : aux foules une destinée qui a son point de départ dans des circonstances absolument exceptionnelles. Elle-même déjà avait commis cette absurdité. Le secret de son succès réside dans son idée d’inventer un « ascenseur » pour aller au ciel. C’est cela qui a plu à ses contemporains, et non pas son amour pour le Christ. — Depuis 1914, et encore plus depuis 1940, la qualité particulière de sainteté qui a été la sienne est aussi peu d’actualité qu’il est possible.


« Nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine. » Mais il est bien inutile de se poser la question. Le drame du salut se passe derrière le rideau. L’amour de Dieu, si on l’a en soi, on ne peut pas en constater la présence. Il n’est pas un objet pour la conscience. Car c’est Dieu en nous qui aime Dieu, et Dieu n’est pas un objet. Quant au prochain, les actes de bienfaisance dont nous nous souvenons ne seront pas mentionnés dans les remerciements du Christ, car dès lors que nous nous en souvenons nous avons « reçu notre salaire ». Quant à ceux dont nous ne nous souvenons pas, par définition nous ne savons pas s’ils ont eu lieu.

Le mal, en revanche, on en a une connaissance certaine. Quand on fait une chose qu’on croit contraire à la volonté de Dieu, il est certain qu’on est coupable de désobéissance, même s’il s’agit en réalité d’une chose innocente. Quand on se souvient de malheureux qu’on n’a pas secourus, on est certain qu’on ne les a pas secourus.

On doit donc admettre en principe que s’il y a jugement on sera sans doute trouvé condamnable. Mais on doit aussi n’y attacher aucune importance, être indifférent à cela, et avoir pour unique désir d’obéir parfaitement à Dieu pendant tout l’espace de temps qui sépare l’instant présent et celui de la mort. Le reste ne nous regarde aucunement.

L’instant de la mort, intersection du temps et de l’éternité, point de rencontre des branches de la croix. Instant qui est aux autres instants du temps comme le Christ aux hommes. Il faut avoir le regard de la pensée fixé sur cet instant, et non sur la vie mortelle, ni non plus sur l’éternité, car l’ignorance où nous sommes de l’éternité fait qu’en y pensant l’imagination joue sans aucun frein.

Axiome : tout ce qui m’appartient est de valeur nulle. Car il y a par essence incompatibilité entre la valeur véritable et la propriété.


Que l’esclave attende le maître jusqu’à la défaillance totale du corps.

Cette attente peut avoir la forme d’une action épuisante, L’immobilité dont il s’agit est celle de l’âme, qui peut avoir lieu dans la plus grande agitation.

Pêcher toute la nuit sans rien prendre. La patience des pêcheurs est une forme, une belle image de la patience… (leur spiritualité propre devrait être fondée là-dessus. Spiritualité pour chaque métier.)

On a tort de dire que Dieu donne gratuitement et ne doit rien aux hommes. Nous ayant créés, il nous doit tout. Et en effet il nous donne tout. Mais il ne nous contraint pas à recevoir. Il nous demande de consentir à ce qu’il acquitte envers nous sa dette ; et nous refusons, ou bien nous consentons à moitié. La création étant acte d’amour est la création d’une faculté de libre consentement.

Ce qu’il nous doit, c’est de nous tenir en esclavage. C’est à être esclaves que nous avons à consentir.

S’il nous offrait la joie, la puissance et la gloire, il ne serait pas en notre pouvoir de refuser ses dons. Il choisit ses dons de telle manière que nous soyons libres de les refuser.

Il est en notre pouvoir, il est facile de refuser la croix.


Il ne faut pas chercher dans la pensée du surnaturel, ici-bas ou après la mort, un relâchement des chaînes de la nécessité. Le surnaturel est plus précis, plus rigoureux que le mécanisme grossier de la matière. Il s’ajoute à ce mécanisme et ne l’altère pas. C’est une chaîne sur une chaîne, une chaîne d’acier sur une chaîne de laiton.

Mon existence est un amoindrissement de la gloire de Dieu. Dieu me la donne pour que je désire la perdre.


Hymne de Cléanthe. La foudre, cet objet de terreur — c’est l’Esprit, l’Amour par le moyen duquel le monde est persuadé par Dieu et consent à sa domination. Merveilleux — extraordinaire. Identité du malheur et de l’amour divin. Quand Dieu semble contraindre — si on y regarde de près, il persuade.

Un esclave romain, arraché à sa vie, mis au pouvoir d’un maître, maltraité, finalement crucifié, devait mourir le cœur plein de haine — et par suite être damné — si le Christ ne descendait pas en lui. Si on pense que le Christ n’est venu qu’il y a vingt siècles, comment pardonner à Dieu le malheur des esclaves de Rome ?


Noté sur le bateau, en plein océan :

Vagues et mer
Harmonie (pythagoricienne)
musique

Topologie

Ensemble et parties — Invariant

Pensée unique des pensants séparés (pensée, image du pensant)

Le Même et l’Autre de Platon

Image de la Trinité

(développés des essais de mécanicien d’aviation).


La notion des couches planes verticalement superposées dans la vie de l’âme, et dont la plus haute est au-dessus de la conscience et du psychologique, il n’y a rien de plus important. Ce qui est vrai dans la plus haute est faux au-dessous, et réciproquement. Ainsi c’est dans le secret de la plus haute que l’amour de Dieu et l’amour du prochain ne font qu’un. Au-dessous, dans la conscience, l’amour authentique de Dieu apparaît comme une trahison à l’égard des hommes (Hippolyte) et l’amour authentique de l’homme comme une trahison à l’égard de Dieu (Prométhée). Le Christ unit les deux.

« haï des dieux pour avoir trop aimé les mortels ».

Légende russe de saint Nicolas manquant un rendez-vous avec Dieu pour aider un paysan embourbé.

[D’après Philon, cité par Eusèbe, Hist. eccl., II, xvii, il y avait au ier siècle en Égypte, près d’Alexandrie, une secte qui vivait ascétiquement, avec un « sanctuaire » dans chaque maison, et consacrant leur temps à l’interprétation symbolique des Écritures, en s’aidant d’écrits d’hommes anciens qui contiennent des symboles allégoriques interprétés, écrits qui leur servent de modèles. Eusèbe croit ou feint de croire que c’est le Nouveau Testament ; absurdité.

(Rapprocher de ce que dit Clément d’Alexandrie, d’après Isidore, de la « prophétie de Cham ».)

Ils composent des chants religieux, vivent chastement, ne mangent qu’après le coucher du soleil, ou même tous les trois ou six jours.

(νομοθεσία) La loi ne leur paraît qu’un corps, l’âme étant la signification cachée.

Ils abandonnent la propriété et vivent hors des murs, hommes d’un côté, femmes de l’autre. Nommés θεραπευτάς et θεραπευτρίδας. Se trouvent surtout en Égypte, mais aussi en Grèce et ailleurs.

Traité de Philon intitulé περὶ βίου θεωρητικοῦ ἢ ἱκετῶν.

Il dit d’eux ἀγαθοῦ τελείου.

Eusèbe pense que ce sont des chrétiens, convertis par Marc lui-même, fondateur de l’Église d’Alexandrie, (mais cela semble bien douteux).]

(Eusèbe, Hist. eccl., VI, xix, 7, cite Porphyre sur Origène : …

« Il a grécisé quant aux opinions sur les êtres et la divinité, et a injecté la pensée hellénique dans les fables (étrangères ?). Car il fréquentait constamment Platon, avait pour compagnons les écrits des Pythagoriciens les plus connus, et se servait aussi des livres de Cheremon le stoïcien. Ayant appris dans ces livres la méthode (analogique ? interprétative ? de transposition ?) des mystères grecs, il les appliquait aux écritures judaïques. »

Origène, (tout au début du iiie siècle) n’a que des louanges d’Eusèbe (contemporain de Constantin, meurt vers 340).

N.-B. — aussi qu’Eusèbe n’a que des éloges superlatifs et sans réserves à l’égard des chrétiennes qui se tuent pour éviter le viol. Il était évêque.]

(μεταλαμϐάνω) transposer — changer de l’argent.

Comparer : μεταληπτικὸν τῶν παρ’ Ἕλλησιν μυστηρίων τρόπον et la parole du Christ aux disciples intimes γένεσθε δόκιμοι τραπεξῖται Devenez de bons changeurs.

Eusèbe cite sûrement ce passage de Porphyre avec intention. Il traite Porphyre de menteur pour avoir affirmé qu’Origène venait du paganisme. Mais il ne réfute pas le reste.

Signe d’une doctrine secrète ?

Entre autres éloges, Eusèbe dit d’Origène (et de plusieurs autres) …φιλοσόφου βίου. Il dit de même des religieux du ier siècle… ἀρχομένους φιλοσοφεῖν…]

[Passage mystérieux, Eusèbe, Hist. IV, 26, cite une lettre de Melito, évêque, à Marc-Aurèle : « Notre philosophie s’est développée (ἤκμασεν) d’abord chez les barbares, mais a eu sa floraison parmi tes peuples (ἐπανθήσασα τοῖς σοῖς ἔθνεσιν) sous le grand règne d’Auguste ton ancêtre, et a été pour ton empire un bon présage (αἴσιον), car dès lors la force des Romains est devenue grande et éclatante… maintiens la philosophie (σύντροφον) nourrie avec ton empire, contemporaine d’Auguste, que tes ancêtres ont honorée parmi (πρός, dat.) les autres cultes ; et le meilleur signe que notre doctrine (λόγος) a grandi (συνακμάσαι ?) pour le bien en même temps que le beau commencement de l’empire est qu’elle n’a subi nulle humiliation de l’autorité d’Auguste (μηδὲν φαῦλον ἀπὸ τῆς Αὐγούστου ἀρχῆς ἀπαντῆσαι). mais au contraire toute splendeur et toute gloire conformément aux vœux de tous.

(L’année 0 de notre ère est la 43e du règne d’Auguste, 14 ans avant la mort d’Auguste.)|

Oiseaux, les 3 délégués des dieux : Poseidon, Héraclès et le « Triballien ».

Poseidon : Τὸν ἄνδρα χαίρειν οἱ θεοὶ κελεύομεν τρεῖς ὄντες ἡμεῖς.

βούλευμα (v. 163)

Prométhée conseille à l’homme devenu roi des oiseaux d’exiger de Zeus, comme épouse, βασίλεια, qui lance la foudre.

Philon — Legum allegoria III. 8a, sur Melchisédec apportant le vin :

… pour qu’ils s’emplissent de l’ivresse divine plus sobre que la sobriété même. Car il est le prêtre, le λόγος, ayant pour sa part celui qui est et le concevant d’une manière sublime.

Incarnation ?

Assimile le pain à la parole (le pain du ciel, la manne).


Paix, v. 1095 ; un interprète de prophéties dit au sujet de vers qu’on lui cite :

οὐ μετέχω τούτων᾽ οὐ γάρ ταῦτ´ εἶπε Σίβυλλα.


No japonais. C’est Buddha qui fait sortir les fleurs aux branches des arbres pour amener les hommes à regarder en haut. C’est par lui que la lune se noie dans les vagues, afin que les malheureux sachent que Dieu descend.


Conte kabyle. Une noble fille blanche, servie par une négresse, emportant un oiseau (genre perroquet) va chercher ses sept frères. La négresse demande à monter sur le cheval. La fille dit « Ô mon père et ma mère, que dois-je faire ? » L’oiseau répond « Toujours ainsi. » Mais un jour elle oublie son oiseau. Dès lors elle cède à la négresse, qui monte à cheval, va en avant, arrive à une source qui rend blancs les nègres, s’y lave. La noble fille se lave dans la source à côté, qui rend noir. Les sept frères accueillent la négresse comme leur sœur ; l’autre paît les chameaux, mais tous, l’entendant se lamenter, pleurent et maigrissent, sauf un qui est sourd. Cela fait tout découvrir.


L’humilité n’est pas une mauvaise opinion sur sa propre personne par comparaison avec d’autres. C’est une opinion radicalement mauvaise sur sa propre personne par rapport à ce qui en soi-même est impersonnel.

Quand l’impersonnel s’est implanté dans l’âme et y pousse, il attire à soi tout le bien. La personne ne garde comme propriété propre que le mal. Dès lors, quand on se compare aux autres, on se trouve toujours inférieur à eux, qu’on aperçoit comme un mélange de bien et de mal.


Tâche urgente, essentielle : faire une logique de l’absurde. Définir autant que possible le criterium du vrai et du faux dans le domaine transcendant où la contradiction est à sa place, le domaine du mystère. Il faut plus de rigueur dans ce domaine que dans la mathématique. Une rigueur nouvelle, dont aujourd’hui on n’a pas idée.

Le critérium, c’est qu’une absurdité vraie est un reflet, une transposition, une traduction d’une des absurdités irréductibles de la condition humaine.

Il faut donc une investigation de ces absurdités irréductibles.


Usage théologique de la notion de limite.

L’instant où le Christ expire sur la croix est l’intersection du créé et du créant. Jusque-là l’unité de la divinité et de l’humanité en lui devait être d’une certaine manière virtuelle, tendant vers la plénitude de la réalité touchée seulement en cet instant (plénitude impossible à toucher — limite à la fois possible et impossible, comme dans les paradoxes de Zénon ou les séries infinies à somme finie).

Saint Paul dit du Christ : ἔπρεπεν… τὸν ἀρχηγὸν τῆς σωτηρίας διὰ παθημάτων τελειῶσαι. Il convenait que le chef du salut fût rendu parfait à travers les souffrances.


Livre sur les « nôs », à propos d’une danse : dans l’art, si quelque chose de bien est ennuyeux quand cela dure 5 minutes, ne pas le réduire à 2 ½ m., mais le prolonger à 10 m., 20 m., une heure (Waley).

Ce qui est intolérable permet de crever un plafond.

Théâtre — que le début et la fin donnent le sens du temps.


La contemplation du temps est la clef de la vie humaine, C’est le mystère irréductible sur quoi nulle science n’a prise. L’humilité est inévitable quand on sait qu’on n’est pas sûr de soi pour l’avenir. On n’atteint la stabilité qu’en abandonnant le moi qui est sujet au temps et modifiable.

Deux choses irréductibles à tout rationalisme : le temps et la beauté. C’est de là qu’il faut partir.


Mabinogion. La belle-mère irritée dit « Je mets ce destin sur toi. Ton côté ne touchera jamais une épouse tant que tu n’auras pas Olwen, la fille du Chef des Géants ». Le jeune garçon rougit, l’amour entre dans chacun de ses membres. Arthur toute une année fait vainement chercher pour lui s’il y a quelque part une Olwen. Il part à son tour à la quête, accompagné de chevaliers d’Arthur. Il arrive près de sa demeure, la fait chercher ; et dès qu’il la voit il la reconnaît. Et il lui dit : « Ah ! jeune fille, je t’ai aimée ! »

Il n’y a pas déceptions dans les contes. On est toujours comblé.

Pwyll qui sous l’aspect d’un ami dort toute une année avec la femme de cet ami sans la toucher, quoiqu’il l’y ait autorisé.

Plus tard il épouse Rhiannon, celle des oiseaux.

(« The birds of Rhiannon, they who awake the dead and put the living to sleep. » )

C’est elle qui est venue le chercher, sur un cheval que nul ne peut rattraper au galop, pas même lui, jusqu’à ce qu’il lui ait dit « pour l’amour de celui que tu aimes, attends-moi ».

Plus tard elle est faussement accusée d’avoir tué son enfant, et cruellement châtiée.

L’enfant est recueilli par un seigneur et sa femme, et : « They caused the boy to be baptized with the baptism they used then. »

(écrit fin du xie siècle ou début du xiie)

De même dans « Math » :

« Yes, said Math, we will seek, I and you, by our charms and our illusion, to enchant a wife for him out of flowers. » Now he had come to man’s stature, and he was the handsomest youth that man had ever beheld. And they took the flowers of the oak, and the flowers of the broom, and the flowers of the meadowsweet, and out of them invoked the fairest and most comely maiden that man ever saw. And they baptized her with the baptism which was used there ».

Branwen. Les sept survivants avec la tête coupée de leur chef qui, dans un palais au bord de la mer où deux portes sont ouvertes et la troisième fermée (ils savent qu’elle doit rester fermée) vivent quatre-vingts ans sans aucune pensée de tristesse. Enfin l’un d’eux ouvre la porte, qui donne sur la Cornouaille.

« And when he looked, they were as fully conscious of the multitude of losses they had ever endured, and of the multitude of friends and companions they had lost, and of the multitude of evil that had come to them, as if it were that they had met with them ; and above all else of their lord. » (splendide !)

Avant ces quatre-vingts ans, ils ont passé sept années heureuses à Harlech (above the sea). « Then they set forth to Harlech, and there they began to sit down. Meat and liquor was begun to be provided, and they began to eat and to drink. Three birds came and began singing a kind of song to them, and whatever of songs they had heard were all unpleasing compared thereto. And a far sight it was for them to see them above the waters outside. And they were as clear to them as if they were with them ; and at this feasting they were seven years. »

(Ce sont les oiseaux de Rhiannon.)

L’histoire commence avec le roi à Harlech qui voit arriver des bateaux.

Toujours le principe du prolongement.

Manawydan, chassé de ville en ville par les artisans parce qu’il travaille trop bien. (xiiie ?)

[Géographie : Pwyll, Caemarthen et Pembroke ; Annwn, pays des morts || Branwen à Harlech (existe encore) — Manawydan, Galles S.O., Hereford et Oxford (« centre » de l’île). Math, Caernarvon (nord). — Dream, id — Dream2, (Arthur —, Montgomery)

Le « Mabinogion » a été écrit par des moines. Au xiie siècle, ils savaient encore qu’il y avait un baptême pré-chrétien.

Neige et sang, dans Parceval et

Histoire indienne (p. 120) — « Dirty — Boy. » Le Soleil et l’Étoile s’incarnent, pour l’amour de deux filles de chef qui ont repoussé tous les prétendants, elle en une vieille femme en haillons, lui en un garçon sale, aux yeux malades, toujours alité ; tous deux dans la plus misérable des tentes.

Le chef fait un concours : quiconque atteindra un aigle d’une flèche aura ses filles. Le Soleil dit à l’Étoile : « Grand-mère, fais-moi un arc et des flèches. » Elle dit : « À quoi bon, tu ne peux pas tirer de l’arc. » Pourtant, par pitié, elle lui en fait avec une branche, une corde et quelques branchages. Le lendemain, tirant le dernier, de son lit, il abat l’aigle.

Le chef fait un autre concours. Celui qui avec deux pièges prendra deux « fishers », très rare animal des montagnes, aura ses filles.

Le Soleil dit à l’Étoile « Grand-mère, fais-moi deux pièges. » Elle dit « D’abord sors du lit. » Mais par pitié elle en fait deux avec des branches de saule et les met près de la porte. Deux « fishers » sont pris.

Le chef envoie ses filles à Dirty-Boy.

En chemin, elles passent devant la maison des Corbeaux et entendent des rires.

L’aînée y entre et épouse un Corbeau. Elle est choyée par la famille.

La jeune, pour obéir à son père, va chez Dirty-Boy. La vieille lui dit : « Ton mari est malade et va mourir. Il pue trop, tu ne dois pas dormir avec lui. Soigne-le le jour et rentre chez ton père le soir. » C’est ce qu’elle fait.

Après trois jours, la vieille tente devient la plus luxueuse des tentes, la vieille une femme splendide avec des vêtements couverts d’étoiles, Dirty-Boy un splendide jeune homme avec des vêtements couverts de cuivre resplendissant. Le Soleil verse sur sa femme une eau qui la couvre d’étoiles scintillantes. Il lui fait vider l’eau, qui devient comme un chemin de poussière d’or de cette tente à celle du chef.

C’est un mythe de l’Incarnation et de la Rédemption. L’admirable est que le Soleil et l’Étoile une fois incarnés semblent avoir partiellement perdu conscience de leur nature divine. À preuve les réponses de la vieille : « Tu ne sais pas tirer de l’arc… Sors d’abord de ton lit… », et sa condescendance due à la pitié.

Remarquer que pendant que le Soleil est incarné il y a quand même un soleil dans le ciel, puisqu’il y a des jours et des nuits.

[Okanagon : Teit, Memoirs of the American Folklore Society, XI, 85, No 6.]

Remarquer aussi qu’une jeune fille doit avoir refusé tous les prétendants, pour que le soleil descende pour l’amour d’elle.

The beginning of newness (Zuni : Cushing, Report of the Bureau of American Ethnology, XIII, 379).

Before the beginning of the new-making, Awonawilona (The Maker and Container of All, the All-father Father) solely had being. There was nothing else whatsoever throughout the great space of the ages save everywhere black darkness in it, and everywhere void desolation.

In the beginning of the new-made, Awonawilona conceived within himself and thought outward in space, whereby mists of increase, steams potent of growth, were evolved and uplifted. Thus, by means of his innate knowledge, the All-container made himself in person and form of the Sun whom we hold to be our father and who thus came to exist and appear. With his appearance came the brightening of the spaces with light, and with the brightening of the spaces the great mist-clouds were thickened together and fell, whereby was evolved water in water ; yea, and the world-holding sea.

With his substance of flesh outdrawn from the surface of his person, the Sun-father formed the seed-stuff of twain worlds, impregnating therewith the great waters, and lo ! in the heat of his light these waters of the sea grew green and scum rose upon them, waxing wide and weighty until, behold ! they became the « pourfold Containing Mother-earth » and the « All-covering Father-sky ».

From the lying together of these twain upon the great worldwaters, so vitalizing, terrestrial life was conceived ; whence began all beings of earth, men and the creatures, in the Fourfold womb of the World.

Thereupon the Earth-mother repulsed the Sky-father, growing big and sinking deep into the embrace of the waters below, thus separating from the Sky-father, in the embrace of the waters above. »


Le Corbeau et la Lumière

(Tsimshian : Boas, « Report of the Bureau of American Ethnology »)

Le monde était ténébreux. Dans la ville des animaux, un chef et sa femme perdent leur garçon. Ils le pleurent tellement tous les jours que le Ciel, importuné par leurs constantes lamentations, le renvoie. Il ne mange rien. Mais après que deux esclaves lui ont fait goûter « scabs from their shin bones » (?) il devient si vorace qu’il doit s’expatrier.

Il s’envole en corbeau, puis dépose sa peau de corbeau. Il pense qu’il sera difficile de trouver de la nourriture dans les ténèbres et, se souvenant de la lumière du ciel d’où il descend, résout de l’apporter dans le monde. Il met sa peau de corbeau et retourne au ciel. Il se transforme en feuille de cèdre dans de l’eau que boit la fille du Chef du ciel. Il ressort d’elle comme enfant qu’elle enfante, Par ses cris il se fait donner la boîte où est enfermée la lumière du jour, nommée ma. Il s’enfuit à terre en l’emportant.

(Infiniment moins beau que l’histoire esquimau.)

Être avalé pour être remis au monde, procédé pour voler la lumière, le soleil ou le feu dans de nombreux contes.

« Quiconque n’est pas né de nouveau, ou d’en haut… »


Contes du Caucase.

Le garçon qui cherche le pays de la vie éternelle, et enfin le trouve, et dans ce pays une jeune fille immortelle qui se nomme Beauté. Après un peu de temps, il veut revoir sa famille. Elle lui dit « Tu ne trouveras même plus leurs os » — « Pourquoi ? Je suis venu il y a peu de temps » — « Je t’ai dit dès le début que tu ne mérites pas la vie éternelle ». Il arrive chez lui, trouve que mille ans se sont écoulés, et soudain vieillit et meurt. Le conte est intitulé « The earth will have its own ».

Un paysan et son fils ont soif, voient une fontaine, boivent et se relèvent en disant : Ah ! comme tu es bonne ! Aussitôt le diable apparaît hors de la fontaine.


Les jeûnes, les veilles, etc., — quand ce sont des actes de piété, il est beau que ce soit facile. Il y a quelque chose de merveilleux dans la facilité, quelque chose que reflètent les quintettes de Mozart et les chants de Monteverdi. Je désire souffrir des violences de la part des êtres humains et être contrainte à me faire violence moi-même pour eux ; mais pour Dieu je voudrais ne faire que des choses faciles. Excepté l’orientation même de la pensée vers Dieu, qui est la suprême et intime violence que l’âme se fait à elle-même.


Révélation d’Homère à Ennius dans un songe. Varro : Haec duo caelum et terra quod anima et corpus. Humidum et frigidum terra, eaque corpus, caldor caeli et inde anima, sive :

« Ova parire solet genus pennis condecoratum
non animam »,
ut ait Ennius
« et post inde venit divinitus pullis
ipsa anima »
sive, ut Zenon Citieus, animalium semen ignis isque anima et mens.
(semence ou sperme — feu — pneuma)

Epicharmus : καὶ γὰρ τὸ θῆλυ τῶν ἀλεκτορίδων γένος, αἰ λῆς καταμαθεῖν, ἀτενὲς οὐ τίκτει τέκνα ζῶντ’ ἀλλ’ ἐπῴζει καὶ ποιεῖ ψυχὰν ἔχειν.
Varro — L L V 60 — Quibus junctis caelum et terra omnia ex se genuerunt, quod per hos natura

« Frigori miscet calorem atque humori aritudinem ».

Principia mundi :
« aqua terra anima et sol.

« … quod gerit fruges, Ceres ».

« Terris gentis omnis peperit et resumit denuo ».

« Terra corpus est at mentis [mens] ignis est.

De mente humana

« Istic est de sole sumptus ignis »

idem de sole

« isque totus mentis est (i.e. mens.)
Varro L L V 18 (de luna) … hinc Epicharmus Enni Proserpinam quoque appellat quod solet esse sub terris ; dicta Proserpina, quod haec ut serpens modo in dexteram modo in sinisteram partem late movetur.

Enn. fr, 354-5 (de Nonius, 195,10 —)

« malo cruce uti des, Juppiter »
(fais-les périr de malemort, Jupiter !)

Frazer — À Pouilly (Bourgogne), à la fin de la moisson, un bœuf orné de rubans, de fleurs et d’épis était mené autour du champ. Les moissonneurs le suivaient en dansant. Un homme déguisé en diable coupait les derniers épis et aussitôt tuait le bœuf. On en mangeait une partie au repas du soir, le même jour ; on en conservait une partie pour les semailles du printemps. À Pont-à-Mousson, on prenait un veau né au printemps. À Lunéville on faisait tuer le veau par un Juif.

Pork. En Suède et Danemark, on fait à Noël un porc (ou sanglier ?) en pâte, parfois avec la farine tirée de la dernière gerbe. (Cf. Hérodote.) On le met sur la table. Mais on ne le mange qu’au printemps, au moment des semailles.

En Esthonie on tue un porcelet à la Noël, on le rôtit, et il reste plusieurs jours sur la table.

Corn Spirit known as « Poor man », « Poor woman ».

Seuphonia (à propos de Dionysos)

Porc, consacré à Démèter ? Des porcs sont tombés dans le gouffre où était entraînée Proserpine ? (source ?) Aux Thesmophories, on jetait des porcs dans des cavernes où vivaient des serpents (?)

Black Demeter (?)

Contes indiens ayant pour thème la croyance que les animaux qu’on mange ressuscitent si on traite leurs os selon une certaine méthode. Cette méthode est enseignée par une tribu vivant tantôt sous forme humaine, tantôt sous forme animale (saumons, chevreuils) et se nourrissant de ses propres enfants.
Edda (en prose), source de l’histoire scandinave de Balder, fils d’Odin.
Frazer. When the god is a corngod, the corn is his proper body ; when he is a vine god, the juice of the grape is his blood ; and so by eating the bread and drinking the wine the worshipper partakes of the real body and blood of his god. (Homeopathie magic of a flesh diet.)

Aztecs mangent le Dieu Vitziliputzli sous la forme d’une pâte de maïs modelée à l’image d’un Dieu et consacrée par une cérémonie la transformant en la chair du Dieu.

Supposition de Frazer concernant les prêtres châtrés de Cybèle, qu’elle avait besoin de leur force Virile pour la résurrection d’Attis et de la nature.

Pour travailler en nous, Dieu a besoin que nous lui offrions notre énergie vitale, que nous la mettions à sa disposition.

Attis. Baptême dans le sang d’un taureau, purification et nouvelle naissance, à l’équinoxe du printemps, date de la mort et de la résurrection d’Attis. (?)

« He was adressed as the « reaped green (or yellow) ear of corn, and the story of his sufferings, death and resurrection was interpreted as the ripe grain wounded by the reaper, buried in the granary, and coming to life again when it is sown in the ground. »

Statue d’Attis, au Musée Lateran de Rome, tenant à la main du blé et des fruits, couronné de pommes de pins, de grenades et d’autres fruits.

Grenade, pomme de pin — pouvoir multiplicateur de la semence ?

Adonis et Attis, tree-gods (myrrhe et pin).

Et l’arbre de la croix… In ligno pependit

[À propos d’Attis.]

Odin was called the « Lord of the Gallows, God of the Hanged ». He says in the Havamal :

« I know that I hung on the windy tree
For nine whole nights,
Wounded with the spear, dedicated to Odin,
Myself to myself »
(il serait devenu dieu ainsi)
(extraordinaire !)
Arcadian Artemis, named the Hanged One ?

Pour la fête d’Attis à Rome, on coupait un pin dans une forêt, on l’amenait au sanctuaire de Cybèle, on l’ornait de guirlandes et de violettes, on attachait une image d’Attis au tronc. Cela le 22 mars. Le 25 mars Attis ressuscitait.

Des monnaies d’Ilion représentent un bœuf (ou une vache) pendu à un arbre et frappé d’un coup de couteau.

Chercher la référence de l’ouvrage anonyme du ive siècle sur la similitude d’Attis et du Christ.

Le fondement de la mythologie, c’est que l’univers est une métaphore des vérités divines.

Il y a dû y avoir une révélation liée à l’invention du blé et de la vigne. Celle de Noé ?

Une, auparavant, liée à l’invention de l’élevage. Celle d’Abel ?

Et la chasse ? Nemrod ? (Héraclès ?)

« Eating the God. » En Inde, croyance brahmanique d’une transsubstantiation des gâteaux de riz en chair humaine ? Référence ?

Culte du chêne comme étant l’arbre le plus souvent frappé par la foudre. L’arbre monte vers le ciel de toutes ses forces. Dieu lui envoie sa flamme.

On se servait surtout du bois de chêne pour faire le feu. (?)

Procope « The Slaves believe that one god, the maker of lightning, is alone lord of all things, and they sacrifice to him oxen and every victim. »

Un Grec ? « The Celts worship Zeus, and the image of Zeus is a tall oak. »

« The Maidu Indians of California believe that a Great Man created the world and all its inhabitants, and that lightning is nothing but the Great Man himself descending swiftly out of heaven and rending the trees with his flaming arms. »

Pline. Les Druides croyaient que le gui tombe du ciel.

Frazer suppose qu’on le croyait descendu avec la foudre.

Équivalent de l’Eucharistie ?

Dans la légende du Graal, l’hostie qui descend du ciel sur le Graal chaque Vendredi Saint et en renouvelle la vertu.

Thompson : Indians of Bristish Columbia. Paroles prononcées par les jeunes gens au printemps en mangeant les premières baies et racines de l’année : « I inform thee that I intend to eat thee. Mayest thou always help me to ascend, so that I may always be able to reach the tops of mountains, and may I never be clumsy ! I ask this from thee, Sunflower-Root. Thou art the greatest of all in mystery. »



Légende australienne d’un oiseau époux d’un serpent, lequel fait la pluie.

Dans la Genèse, le serpent rampe comme punition. Donc, auparavant, il était vertical. Comme le serpent d’airain de Moïse. Il était vertical comme l’homme et arbre.

Animal sacrament. Dr. Pelkin, sur les Madi ou Moru d’Afrique Centrale. Une fois par an, le peuple s’assied autour d’un cercle de pierres. Un jeune garçon conduit tout autour un agneau choisi ; chacun prend un peu de sa laine et la met sur son corps. Un prêtre le tue sur les pierres, arrose le peuple de son sang, puis fait une marque avec le sang sur chacun individuellement. Puis il fait un sermon. La chair de l’agneau est distribuée aux pauvres ; sa carcasse est pendue à un arbre près des pierres. Avant cette cérémonie, une grande tristesse est apparente dans le peuple. Après, une grande joie.

Cet agneau doit être apparenté au bélier thébain.

Certains bergers du Caucase font un repas sacramentel, les reins ceints et un bâton à la main.

À Abdera, un citoyen, une fois l’an, était lapidé, et, six jours auparavant, excommunié « afin qu’il portât seul les péchés du peuple ». (Chercher référence.)

Un être pur doit porter les péchés, parce que le crime est un empêchement à l’expiation.

« At Babylon the criminal who played the god was scourged before he was crucified. » (Chercher référence.)

La conception magique d’une divinité soumise à des lois, de sorte qu’on la soumet par le savoir. La conception d’une divinité capricieuse comme une personne royale, qui donne à qui lui plaît. Il faut trouver leur unité derrière l’une et l’autre,

Ce savoir n’est pas une technique, mais dépend entièrement de l’amour. Cette faveur est libre, mais non pas arbitraire, car elle est juste.

C’est Hippolyte qu’Esculape avait ressuscité quand Zeus l’a tué (source ?)



Ne pas rompre un seul os de l’agneau pascal (Exode, VII, 46). Cela a-t-il rapport aux pratiques des peuples éleveurs et chasseurs, de ne pas rompre les os des animaux qu’ils mangent, afin d’en permettre la résurrection ? Cf. le folk-lore des Indiens d’Amérique du Nord.

« The youth who joined the deer », Thompson. « Two young deer, his brothers-in-law, ran ahead.… The hunter killed both… The people ate and were glad. They saved all the bones and put them away in one place… When the deer were eaten, the bones were wrapped in bundles, and the chief sent a man to throw them into the water… The two brothers-in-law… came to life when their bones were thrown into the water. Thus these Deer people lived by hunting and killng each other and then reviving. » Plus tard le chasseur, rentré dans sa tribu, y apprend aux gens à préserver les os et à les jeter dans l’eau.

L’eau, facteur de résurrection. Cf. baptême ?



« L’Éternel vit que les méfaits de l’homme se multipliaient sur la terre, et que le produit des pensées de son cœur était uniquement, constamment mauvais ; et l’Éternel regretta d’avoir créé l’homme sur la terre, et il s’affligea en lui-même… Je ne maudirai plus la terre à cause de l’homme, car les conceptions du cœur de l’homme sont mauvaises dès son enfance. »

« L’Éternel — Dieu dit au serpent : Parce que tu as fait cela, tu te traîneras sur le ventre… »

« Fais toi-même un serpent et place-le au haut d’une perche ; quiconque aura été mordu, qu’il le regarde et il vivra ! » Et Moïse fit un serpent d’airain, le fixa sur une perche ; et alors, si quelqu’un était mordu par un serpent, il levait les yeux vers le serpent d’airain et était sauvé. »

Serpent vertical, apparemment.

[Quelle différence avec le veau d’or ?]


L’ataraxie est à base d’amour. L’amour est ce qui empêche d’être troublé. Mais quiconque est troublé l’est par amour. C’est donc seulement un amour mal

dirigé.
Housman :

To think that two and two are four
And neither five nor three
The heart of man has long been sore
And long t’is like to be.

C’est précisément pour cela que, comme le disaient les Pythagoriciens, le nombre est divin.


La coutume d’enterrer n’a-t-elle pas pour origine la métaphore du grain ?

Êtres parfaitement purs dans l’Iliade ; Patrocle et Polydamas ?

La beauté et l’amour charnel — La beauté est la figure du « oui » éternel — La beauté est l’éternité sensible.


L’amour de Dieu est essentiellement un sentiment inconditionnel. Indépendant non seulement des malheurs, mais même des crimes où l’Âme peut tomber. C’est-à-dire que le crime ne doit pas empêcher l’amour de Dieu. Mais l’amour de Dieu doit empêcher le crime.

Les criminels repentants auraient un trop grand privilège par rapport aux innocents si ceux-ci n’étaient « faits malédiction » par le malheur.

La justice dans le hasard des événements est assurée par le fait que ceux qui sont au-dessous du niveau spirituel où le malheur ne fait aucun mal sont aussi au-dessous du niveau spirituel où on n’exerce pas de cruautés à l’égard des hommes quand les circonstances le permettent. Ceux à qui on fait du mal sont les mêmes qui en feraient s’ils en avaient le pouvoir. Ceux qui n’en feraient en aucun cas, on ne peut leur en faire aucun, bien qu’on puisse les mettre dans un état où ils sont « faits malédiction ».

Le fond du surnaturel, c’est la dyssymétrie, les rapports non réciproques — les relations « non abéliennes ».

L’histoire du Christ est un symbole, une métaphore. Mais on croyait autrefois que les métaphores se produisent comme événements dans le monde. Dieu est le suprême poète.

« Les quatre imbéciles » (Folk-lore de Schoharie Hills) — Celle qui amène le four vers le pain pour le cuire. Celle qui amène le tonneau de cidre dans la cuisine où est le pot à cidre. Celui qui amène du soleil dans le grenier à foin au lieu de sortir le foin au soleil. Celui qui essaie d’entrer dans son pantalon en y sautant, au lieu de le mettre.

Sûrement métaphores à signification spirituelle. Soleil et foin. Essayer d’amener Dieu dans ce monde au lieu de sortir du monde.

Thème de folk-lore sur le caractère relatif de la force. La souris, cherchant l’époux le plus fort, a finalement une souris mâle.

Tout le problème de la mystique et des questions connexes est celui du degré de valeur des sensations de présence.

Reginald Scot (?) [cité par Hardwick] « the devil loveth no salt in his meat because salt is a sign of eternity and is used by God’s commandment in all sacrifices. »

Schoharie. « If, before cutting a loaf of bread, you pinch a piece off and throw it away, you will never want for bread. »

« If you see the new moon and do not think of a red fox’s tail, you will have good luck. » (cf. ours blanc).


« … The very old tale of the Black Bull of Norroway mentioned in the complaynt of Scotland. 1549. » Halliwell, Popular Rhymes and Nursery Tales (1849) p. 52-55. The Bull of Norroway. Beckwith, Bull of All-the-Land, Jamaica Anansi Stories, p. 1030. Carter : « Mountain White Folk-Lore, Tales from the Southern Blue Ridge, J A P L, 38 (1925) 357-590. Kittredge (?) p. 210. Aarne-Thompson, The types of the Folk-Tale. F. F. Communications, vol. 25, no 74. (Type 425, « The search for the Lost Husband », form A « The Monster as Bridegroom ».

Bolte — Polivka « Anmerkungen zu den Kinder-und-Hausmärchen der Brüder Grimm » 3 vol, Berlin 1913-18
(II, no 88 — III, no 127 — II, no 93)
Folk-lore russe — surtout Ralston — Russian Folk-Tales, London 1873.
Clouston. Popular tales and fictions 2 vol. London 1887. (I, 205-214) — Crans, Italian popular tales (1-7, 17-23). Thorpe — Northern Mythology — 3 vol. London 1857. Yule-Tide Stories, London 1910.
Scarborough Dorothy — On the trail of Negro folk-songs — 1925.
Polson — Our Highland Folklore heritage — 1926.
Parsons — Folklore d’Amérique.
Owen (Rev. Elias) — Welsh Folklore 1896.
Jacobs — English Fairy Tales.
Greenleaf and Mansfield — Ballads and sea-songs of Newfoundland.
Dasent — Popular tales from the Norse 1859.
Davies — Folklore of West and Mid-Wales 1911.
Burre — The handbook of Folklore 1914.
Burne and Jackson — Shropshire Folklore 1882.
Campbell — Popular tales of West Highlands — 4 vol. 1890-93. I, 64-68 — II, 208-213.
Cosquin — Contes populaires de Lorraine — 2 vol. 1387. [Professeurs de Folk-lore — Boas, Campbell, Columbia — Strauss, Bonner, Michigan — Thompson, Indiana University. Folklore Fellos Communications, vol. 25, n° 74, « The Types of the Folk-Tale » vol. 20, no 106, « Motif-Index of Folk-Literature Collection célèbre de folk-lore (collection White) à la Public Library de Cleveland.]
Romany — Soleil, kam ou kan (ou guin ?). Lune, chone.
« The people of Turkey », edited by M. St. L. Pool, London 1878.

Tradition turque sur les Gitans. En arrivant en Turquie, ils construisirent une splendide machine à roue. Mais elle ne marchait pas. Un mauvais esprit déguisé en sage dit au chef, nommé Chen, que la roue ne tournerait que quand il aurait épousé sa sœur Gin. Il le fit, la roue tourna, et depuis les Gitans en Turquie sont nommés Chen guin. Depuis lors aussi, maudits par un saint musulman, ils sont condamnés à errer.

Zigane vient de Chen-guin ? Et Chen-guin veut dire lune-soleil ?

Mythe commun aux Esquimaux et aux Gitans de Roumanie sur le jeune homme incestueux qui est transformé en lune, et sa sœur en soleil. (Il existe aussi, paraît-il, dans l’Irlande antique.)

Idée du péché originel jointe à celle de création.

Un Gitan anglais disait que son peuple regardait le Christ comme un Gitan, parce qu’il était pauvre, errait sur un âne, et était persécuté.

(Io et Prométhée, doublets. Le supplice du vagabondage est indiqué aussi dans l’histoire du Christ. Amour de Platon.)

kekkavi, kettle — chinamangri, bill-hook or chopper — kam sun, mot donné parfois comme un secret, ainsi que chone ou shule, moon, bien qu’ils soient très connus.

La légende de la Lune et du Soleil est dans « A Winter in the City of Pleasure » by Florence K. Berger. Mais là le Soleil est mâle.

hokkani boro, great trick — pen dukkerin, fortune-telling — lel dudikabin, conveying away of property — chir o manzin apré lati, put under oath.

Shelta, langue secrète celtique des Tinkers — Soobli ou Soobri, brother. (babylonien ubri ?) Bewr, woman — Durra, bread — Pani, water (romany) — Stall, go — Biyêg, to steal — odd, two — Thari, ou bug, talk — Larkin, girl — thari, speak — Grannis, know — nyok, head — riaglon, iron — krädyin, to stop — Oura, town (!) — [Ur] — Gyami, bad — Theddy, fire — blihunka, horse — Leicheen, girl — Soobli, man — binny, small — médthel, black — respun, stealshoich, water — chimmes, wood — mailyas, arms — thari, word — bog, get — masheen, cat — cambra, dog — rawg, wagon — analt, to sweepderri, bread — sunain, see — koris, feet — kradying, being, lying — okonneh, priest — turks, eyes — ainoch, thing — gut, black — gothni, child — crimum, sheep.

The ridias of the kiéna dont granny what we’re a tharyin.

The people of the house don’t know what we’re saying

Cosson kailyah corrum me morre sr,

Me gul ogalyach mir,

Rahet marent trasha moroch

Me tu sosti mo dièle.

(Talk of the Picts ?)


Mythe du soleil et de la lune. Rapport du péché et du temps. Le temps est un châtiment.

Peuples errants. Descendance de Caïn dans la Bible (bien qu’Abel fût le berger). Là c’est le meurtre d’un frère.

Le meurtre d’Abel est une autre version du péché originel.

Le mythe des Danaïdes et celui du soleil et de la lune.

Les Gitans se regarderaient comme un peuple particulièrement témoin et héritier du péché originel.

Diamant en gitan : o latcho bar, la vraie pierre. (Qu’est-ce que « Consuelo », œuvre d’un Allemand slave, et « Der letzte Taborit » de Herlossohn ?)

En Russie, les Gitans avaient la réputation de posséder le secret de conserver la chaleur.

Salut gitan : Sarishan !


Tout le problème de la mystique et des questions connexes est celui du degré de valeur des sensations de présence.


Les supplices infernaux des Grecs — Danaïdes, etc. — assignent comme punition au péché, purement et simplement, le temps.

La sainteté seule fait sortir du temps.

Nous vivons ici-bas dans un mélange de temps et d’éternité. L’enfer serait du temps pur.


Or, chez les Indiens Hopi, « seed of the sun ».

Transmutation des métaux en or, figure pour la transmutation de la matière en lumière.


Dans ce mélange de temps et d’éternité, la joie correspond à un accroissement du facteur éternité ; la douleur à une prédominance du facteur temps. Pourquoi donc le passage par la douleur rend-il plus sensible à la beauté ?


Nous avons ici-bas à choisir entre le temps et l’éternité. En un sens ce choix correspond au choix entre joie et douleur. Et pourtant non visiblement. Comment cela ?


Nous n’avons pas besoin de croyance en la vie éternelle — car la seule preuve d’une telle vie, ce sont les pressentiments d’éternité que nous avons ici-bas. Et ces pressentiments se suffisent. Certes ils supposent la plénitude de la vie éternelle. Mais non pas nécessairement pour nous.

La joie nous cloue à l’éternité et la douleur au temps. Mais désir et crainte nous enchaînent au temps et le détachement brise les chaînes.

La poursuite de la joie nous attache au temps. La joie est notre évasion hors du temps.

La douleur nous cloue au temps, mais l’acceptation de la douleur nous transporte au bout du temps, dans l’éternité. Nous épuisons la longueur indéfinie du temps, nous la franchissons.

Nouvelle naissance. Au lieu que la semence serve à engendrer un autre être, elle sert à engendrer une seconde fois le même être. Retour sur soi, circuit bouclé, cercle.

Le mouvement circulaire est aussi le symbole de l’éloignement apparent qui est rapprochement.

« Celui qui n’est pas engendré d’en haut n’entrera pas au royaume des cieux. » Il faut descendre du ciel pour pouvoir y remonter.

« À partir de l’eau et de l’esprit. » La première génération vient du sang.


Apocalypse — Les rois de la terre et leurs armées font la guerre contre le Verbe de Dieu, ayant dans la bouche une épée à deux tranchants, et son armée, cavaliers vêtus de lin blanc sur des chevaux blancs.

On ne pouvait ni acheter ni vendre si on n’avait le caractère de la bête.

Dans le ciel, une femme revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds et une couronne de douze étoiles criait dans les douleurs de l’enfantement. Un dragon à sept têtes et dix cornes se tient devant la femme pour dévorer le nouveau-né, mais celui-ci est enlevé au thrône de Dieu ; la femme se réfugie dans la solitude pour 1 260 jours (3 ans et demi, ce qui correspond au chiffre de Daniel). Michel jette sur terre le dragon (« ὁ δράκων ὁ μέγας, ὁ ὄφις, ὁ ἀρχαῖος, ὁ καλούμενος, Διάβολος, καὶ ὁ Σατανᾶς, ὁ πλανῶν τὴν οἰκουμένην ὅλην »). Une voix dit dans le ciel : « Maintenant est accompli le salut, la puissance, le règne de notre Dieu et la puissance de son Christ ; il a été jeté en bas, celui qui accusait nos frères devant notre Dieu jour et nuit. Ils l’ont vaincu à cause du sang de l’Agneau et de la parole de leur propre témoignage ; ils n’ont pas aimé leur âme jusqu’à la mort. C’est pourquoi soyez joyeux, cieux et leurs habitants ; malheur à la terre et à la mer, parce que le diable y est descendu, avec une grande passion, sachant qu’il n’a plus que peu d’occasion. »

Le dragon poursuit la femme, qui reçoit deux ailes d’aigle pour s’envoler. Là elle est nourrie trois ans et demi loin du serpent. Le serpent émet de sa bouche de l’eau comme un fleuve pour entraîner la femme. Mais la terre engloutit le fleuve. Le dragon s’en va faire la guerre aux restes de la semence de la femme, ceux qui témoignent pour Jésus. Et il se tient sur le sable de la mer. Et de la mer surgit une bête à sept têtes et sept cornes et dix diadèmes à laquelle le dragon donne sa vertu, son trône et sa puissance. La terre entière admire la bête et adore le dragon et la bête. Elle est toute-puissante pendant 42 mois. (, trois ans et demi.) Elle combat victorieusement les saints, toute puissance lui est donnée, et tous l’adorent, sauf ceux dont les noms sont au livre de vie. « εἰ τις εἰς αἰχμαλωσίαν, εἰς αἰγμαλωσίαν ὑπάγει, εἰ τις ἐν μαχαίρῃ ἀποκτενεῖ, δεῖ αὐτὸν ἐν μαχαίρῃ ἀποκτανθῆναι. Ὥδε ἐστιν ἡ ὑπομονὴ καὶ ἡ πίστις τῶν ἁγίων.

Une autre bête monte de la terre, avec deux cornes semblables à celles d’un agneau, et parlant comme le dragon ; égalant la première en puissance. La première ayant été comme tuée en une de ses têtes et ayant guéri de sa plaie mortelle, la seconde amène tous les hommes À adorer la première. La seconde fait descendre le feu du ciel sur terre devant les hommes et séduit les habitants de la terre, leur disant de faire une image pour la bête qui a la blessure de l’épée et a vécu. Et il lui est accordé de donner un souffle à l’image de la bête, et l’image parle, et ceux qui ne l’adorent pas sont mis à mort. Tous ont le caractère de la bête au front, son nom ou le nombre de son nom.

L’Agneau était avec 144 000 vierges. (). παρθένοι εἰσιν… ἠγοράσθησαν ἀπὸ τῶν ἀνθρώπων ἀπαρχὴ τῷ θεῷ καὶ τῷ ἀρνίῳ… ἄμωμοί εἰσιν.

De la bouche du dragon, et de la bête, et du pseudo-prophète, trois esprits impurs (trinité diabolique).

Le Verbe de Dieu et son armée livre bataille aux rois de la terre et à leurs armées, et envoie la bête et le pseudo-prophète dans le lac sulfureux de feu brûlant. Il est lié pour mille ans. Après mille ans, nouvelle bataille.

Le diable et la bête et le pseudo-prophète seront torturés nuit et jour dans les siècles des siècles.
ξύλον ζοῆς ποιοῦν καρποὺς δώδεκα,κατὰ μῆνα ἕκαστον ἀποδιδοῦν τὸν καρπὸν αὐτοῦ. C’est évidemment l’axe des pôles.

πᾶν κατάθεμα οὐκ ἔσται ἔτι. Il n’y aura plus de malédiction.

Dehors, quiconque aime et fait le mensonge.

Noms du Christ dans l’Apocalypse —

Je suis le premier et le dernier et le vivant et je suis devenu cadavre et me voici vivant pour les siècles des siècles et j’ai les clefs de la mort et de l’enfer.

Celui qui tient sept étoiles dans sa main droite, qui marche parmi sept candélabres d’or.

Le premier et le dernier, qui est devenu cadavre et a vécu.

Celui qui a l’épée à deux tranchants, aiguisée de part et d’autre.

Le fils de Dieu, qui a les yeux comme la flamme du feu et les pieds comme la pierre du Liban. (ivoire ? bronze ?)

Celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles.

Le saint, le véritable, celui qui a la clef de David, celui qui ouvre et nul ne ferme, qui ferme et nul n’ouvre.

L’Amen, le témoin fidèle et véritable, le principe de la création de Dieu.

Un agneau debout comme égorgé ayant sept cornes et sept yeux qui sont les sept esprits de Dieu envoyés par toute la terre.

Les quatre animaux : lion, taureau, homme, aigle — tous ailés, pleins d’yeux, chantant la gloire de Dieu.

Un cheval blanc, dessus un archer couronné (premier sceau).

Un cheval roux, dessus un homme à épée.
Un cheval noir, « un homme à balance.
Un cheval pâle, « la Mort et l’enfer.

5e sceau : les martyrs montent et crient.

6e sceau : les étoiles tombent — « montagnes, rochers, tombez, cachez-vous de la colère de l’Agneau ».

On marque du signe de Dieu — 144 000 de toutes les tribus d’Israël, puis une foule innombrable de tous les peuples. Tous ont lavé leurs robes au sang de l’Agneau.

7e sceau « un silence se fit dans le ciel, d’une demi-heure ». Les 7 anges sonnent de leurs trompettes.

Les peuples fouleront aux pieds la cité sainte quarante-deux mois. Mes deux témoins prophétiseront 1 260 jours. Ensuite la bête les tuera. Ils seront gisants trois jours et demi, puis ressusciteront et monteront au ciel dans un nuage,

Nombre de Ἰησοῦς : 888—, ou . ||

(La marque du Père serait 888 ?)

Le seul signe clair, c’est que la marque de la Bête est nécessaire « pour acheter et vendre ».

Aussi, ceux qui sont avec l’Agneau sont vierges.

À part cela, symétrie du bien et du mal.

La Bête a reçu une blessure mortelle et a vécu.

Les rois et leurs armées sont du côté de la Bête.


Les sauterelles qui sortiront du puits de l’abîme après la cinquième trompette ne s’attaqueront qu’aux hommes, à ceux non marqués du signe divin. Elles ne les tueront pas, mais en les torturant comme de morsures de scorpion pendant cinq mois les contraindront à désirer vainement la mort. Ces sauterelles ressembleront à des chevaux harnachés. Elles auront comme des faces humaines, et comme des couronnes d’or, et comme des cheveux de femmes, et comme des dents de lions, et des voix comme des chars de guerre, et des queues de scorpion, et des aiguillons dans les queues, et l’ange de l’abîime sera leur roi.


Sceaux : 1er, archer || 2e, épée || 3e, balance || 4e, mort || 5e, cris des martyrs || 6e, les étoiles tombent || 7e, trompettes.

Les anges sonnent leurs trompettes.

À la première, il se fait une grêle et un feu mélangés dans du sang qui tombent sur la terre, et le tiers en est brûlé.

À la seconde, du feu tombe sur la mer, et le tiers de la mer est transformé en sang. Le tiers des vaisseaux périt.

À la troisième, l’étoile absinthe tombe et transforme en absinthe le tiers des eaux, ce qui fait mourir beaucoup d’hommes.

À la quatrième, le tiers du soleil, de la lune et des étoiles s’éteint, et il y a des ténèbres le tiers du jour et de la nuit.

À la cinquième, une étoile tombe, ouvre le puits de l’abîme, et les sauterelles en sortent.

À la sixième les quatre Anges de l’Euphrate tuent le tiers du genre humain, par des chevaux à tête de lion dont la queue mord comme un serpent et dont la bouche envoie le feu, la fumée et le soufre (πῦρ — καπνός — θεῖον). Les deux prophètes envoient du feu qui tue leurs ennemis, prophétisent 3 ans et ½, sont tués par la Bête dans la ville où leur seigneur a été crucifié, gisent 3 jours ½, ressuscitent, montent au ciel. Le temple de Dieu dans le ciel s’ouvre. Septième trompette.

La femme vêtue de soleil et couronnée de douze étoiles enfante, La Bête sort de la mer, le Pseudoprophète de la terre. Le Fils de l’Homme et un ange envoient leurs faucilles faucher des vies sur terre. Puis sept Anges sortent avec les sept dernières plaies, ayant reçu des 4 bêtes 7 fioles pleines de la colère de Dieu.

Plaies contre ceux qui ont le caractère de la Bête.

1ere fiole vidée sur terre — blessure terrible sur les hommes.

2e sur la mer — elle est devenue comme du sang de cadavre,

3e sur les eaux des fleuves et des fontaines — Elles deviennent du sang.

4e sur le soleil — il brûle les hommes.

5e sur le thrône de la Bête — Son royaume devient ténébreux et les hommes mordent leurs langues de douleur.

6e sur l’Euphrate — Il se dessèche, et les rois de l’Orient assemblent leurs peuples pour la bataille au lieu nommé Armagedon.

7e dans l’air — Alors foudre, tonnerre, tremblement de terre, grêle.

La femme assise sur la Bête est maudite.

Le Verbe de Dieu livre victorieusement bataille aux rois de la terre avec leurs armées. Le diable est lié pour 1000 ans. Première résurrection.

Puis il séduit de nouveau les hommes, qui livrent bataille à la ville céleste et sont détruits.

Jugement dernier. La Jérusalem céleste descend du ciel. Épouse de l’Agneau.

Donc, plan :

7 sceaux.

Au 7e, les anges sonnent 7 trompettes.

À la 7e les anges envoient 7 plaies.
7 sceaux : 1] archer || 2] épée || 3] balance || 4] mort || 5] cris des martyrs || 6] chute des étoiles || 7] trompettes.

(victoire)(cachez-nous…)
7 trompettes — 1] grêle, feu, sang sur 1/3 de la terre || 2] feu transforme en sang 1/3 de la mer || 3] absinthe sur 1/3 des eaux || 4] extinction de 1/3 des astres || 5 ] sauterelles || 6] chevaux et 2 prophètes || 7] guerre au ciel ; Bête.
7 fioles 1] blessures sur les hommes — 2] mer transformée en sang de cadavre || 3] eaux changées en sang || 4] le soleil brûle les hommes || 5] le royaume de la Bête devient ténébreux || 6] l’Euphrate desséché, les armées se rassemblent à Armagedon || 7] Foudre, tonnerre, tremblement de terre, grêle. Destruction de Babylone. Le Verbe de Dieu triomphe des rois. Le diable est enchaîné pour 1 000 ans.

Le feu tombant sur la mer en fait du sang.

Il est celui qui est venu à travers l’eau et le sang, Jésus Christ. Non pas dans l’eau seulement, mais dans l’eau et dans le sang. Et l’Esprit est ce qui rend témoignage, car l’Esprit est la vérité. Car il y a trois témoins, l’esprit, et l’eau, et le sang, et les trois sont en un (εἰς τὸ ἔν εἰσιν).

Celui qui croit au fils de Dieu a le témoignage en soi. Celui qui ne croit pas en Dieu le fait menteur, n’ayant pas cru au témoignage rendu par Dieu au sujet de son fils. Et ceci est le témoignage, que Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son fils. Celui qui a le fils a la vie. Celui qui n’a pas le fils de Dieu n’a pas la vie. Je vous écris cela, pour que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui croyez au nom du fils de Dieu.

ἐκ τοῦ θεοῦ ἐσμεν, καὶ ὁ κόσμος ὅλος ἐν τῷ πονηρῷ κεῖται.

Quiconque a été engendré de Dieu ne commet pas de faute, car la semence de Dieu demeure en lui, et il ne peut pas commettre de faute, car il a été engendré de Dieu. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Celui qui hait son frère est homicide, et aucun homicide n’a la vie éternelle en lui.

Nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est. Et quiconque a cet espoir en lui, qu’il se purifie comme lui est pur. Quiconque demeure en lui ne commet pas de fautes. Quiconque commet des fautes ne l’a pas vu et ne l’a pas connu.


L’Esprit rend témoignage. L’Esprit qui transforme l’eau en sang. Si le Christ était venu dans l’eau seulement, il n’y aurait pas ce témoignage de l’Esprit.

Engendré d’en haut. Que l’Esprit descende dans l’homme de chair y composer avec l’eau un sang nouveau. Quelle eau ? La semence ?

« Chevreau, tu es tombé dans du lait. » Les anciens croyaient que le lait est la semence. Tomber dans du lait, retour à l’enfance ?

Nous avons en nous la vie éternelle. Il y a eu une transformation réelle, donc aussi corporelle. Cette transformation est la nouvelle naissance.

« Je baptise dans l’eau, mais celui qui vient après moi baptisera dans l’esprit et le feu. »

L’« état d’enfance » et « la mort du vieil homme », c’est la même chose.

Non pas seulement dans l’eau, mais aussi dans le sang ; cela doit vouloir dire : il n’était pas seulement homme, mais Dieu incarné. Naître d’en haut à partir de l’eau et de l’esprit, c’est devenir son semblable. L’eau et l’esprit, c’est comme la terre (en ce qu’elle a de parfaitement pur) et le ciel. Il faut naître d’en haut par une rencontre du ciel et de la terre.

Il faudrait faire la liste des choses qu’il faut obtenir par des moyens humains et non demander à Dieu — et de celles qu’il faut demander à Dieu, et non pas essayer jamais d’obtenir par des moyens humains.

« Miroir des âmes simples ». Mystique français du xive
Ruysbrock, The sparkling stone, ch. viii.
Sacrum commercium. Speculum Perfectionis. Ouvrages franciscains.


Jacopone da Todi :

De lo ’nferno non temere
e del ciel spem non avere ;
e de nullo ben gaudere
e non doler d’aversitate.

La virtu non è perchene,
ca’l perchene è for de téne,
sempre encognito te tène
a curar tua enfermitate.

cf. Lauda XCI « Spro’ onne lengua amore »

— O alma nobilissima,
dinne que cose vide !
— Veggo un tal non veggio
che onne cosa me ride.

Quand on en arrive à l’absolu, on ne s’exprime que par des identités « le bien est le bien », « je est je » (atman) — car seule une identité exprime l’inconditionné.

Être détaché des fruits de l’action. Il faut pour cela une architecture en profondeur dans l’âme. Car la partie de l’âme qui agit doit être passionnément tendue vers le fruit de l’action. Une autre partie doit être détachée.


Havamal (dans l’Edda). — Paroles d’Odin :

« I know that I hung on the wind-swept tree for three full nights, pierced with a spear and dedicated to Odin, I to myself, on the tree whereof no man can tell from the roots of what tree it springs. »

God of Hanged Men, Lord of the Gallows.


Idée du sacrifice. — Idée de donner quelque chose à Dieu, à qui tout appartient… on ne peut lui donner que le consentement. Ce consentement vient de Dieu.

« Dedicated to Odin, I to myself. »


Agenouillement. Supplex et supplicium. S’agenouiller est se présenter pour le fouet, la perte de la tête et n’importe quel châtiment ; se mettre dans la position la plus commode pour le glaive. En même temps c’est s’approcher de ce qui donne la vie, s’apprêter à être engendré par la pitié. Ce geste a rapport aux deux symboles qui étaient anciennement les attributs de la divinité et de la royauté, glaive et phallus.

L’eau du baptême enferme ce double symbole de mort et de vie par l’analogie avec la mer qui noie, la mer du déluge, et la semence. La pluie est la semence du ciel sur la terre. La semence du Ciel mutilé, devenue écume sur la mer, a fait surgir de la mer Aphrodite céleste. Le nouveau baptisé est noyé comme l’humanité au temps de Noé, comme les Égyptiens dans la mer Rouge, et surgit comme Aphrodite céleste, La même eau tue et enfante. Mais l’eau tue seule, et elle enfante conjointement avec le souffle enflammé.

Les arbres poussent par l’eau et la lumière qui descendent du ciel. De même l’arbre de sénevé dans notre âme.

« Nous vivons la mort des Dieux et les Dieux vivent notre mort. »

Il faut retrouver la notion de la métaphore réelle. Autrement l’histoire du Christ, par exemple, perd soit sa réalité, soit sa signification.

Le doute est une vertu pour l’intelligence, et par conséquent il y a un doute qui n’est pas incompatible avec la foi ; et la foi n’est pas la croyance,


L’unité de l’eau et du feu dans le sang est l’image de l’unité du Père et du Fils dans l’Esprit.

L’eau est la Vierge, le feu est l’Esprit, le sang est le Christ.

Dieu, la Vierge et le Christ dans son humanité font une trinité qui est l’image de l’autre.

La mer, la semence d’Ouranos et Aphrodite céleste.

Le Créateur, la créature et le médiateur.

Les deux harmonies des pythagoriciens. — La pensée commune des pensants séparés. — L’unité des contraires.

La Mère du Christ, c’est la Création tout entière.

Marie est un équivalent de la Création. D’où l’Immaculée Conception. La Création comme totalité est sans souillure. Tout le mal qui s’y trouve est seulement souffrance.

L’eau est une image de la pureté et de la docilité originelle de la création.


Définition de la foi dans le catéchisme du Concile de Trente.

« La fin dernière de l’homme… est beaucoup trop élevée pour qu’il puisse la découvrir par les seules lumières de son esprit. Il était donc nécessaire que Dieu lui-même lui en donnât la connaissance. Or cette connaissance n’est autre chose que la Foi, par laquelle, et sans hésitation aucune, nous tenons pour certain tout ce que l’autorité de la Sainte Église notre mère nous propose comme révélé de Dieu. Car il est impossible de concevoir le moindre doute sur les choses qui viennent de Dieu, puisqu’il est la Vérité même. » Mauvais.

« Symbole » des apôtres. Cf. la signification du mot « symbole » dans le Banquet.

Création. Rédemption. Sanctification.


« The bitter Withy », ballade anglaise trouvée en 1868. Jésus va jouer à la balle. Trois enfants nobles refusent de jouer avec lui. Il fait un pont avec des rayons de soleil et le passe ; eux le suivent et se noient. Marie le met sur ses genoux et le fouette de trois coups de branche de saule. Il dit alors : « The bitter withy… shall be the very first tree that perishes at the heart. »
Sir Gawain and the Green Knight — texte du xive ou xve siècle. Le Pentagone (confondu avec le sceau de Salomon) est nommé « the endless knot ». C’est une figure sans fin, parce qu’on peut la dessiner d’un seul trait, comme un cercle.

« each line overlaps
and locks in another ».
« These (virtues : generosity, fellowship, purity, courtesy and pity that passes all qualities…) were established fivefold in this knight, and each one was established in another that had no end, and they were fastened on five points that never failed, nor met anywhere, nor sundered either, but finished always without end at each corner, wherever the game began or concluded. »


La fin de la vie humaine est de construire une architecture dans l’âme.

L’éternité se trouve au bout d’un temps infini. La douleur, la fatigue, la faim donnent au temps la couleur de l’infini.


Le grand obstacle à la perte de la personnalité est le sentiment de culpabilité. Il faut le perdre.

Le but est de perdre la personnalité. Comme elle est inséparablement attachée au sentiment de culpabilité, le véritable prix de la vertu est l’abolition de ce sentiment. On ne combat le sentiment de la culpabilité que par la pratique de la vertu.

La nature humaine est ainsi faite qu’il n’y a pas d’autre voie pour sortir du sentiment de culpabilité qui est en son centre identique au sentiment du je.

Comment trouver le point d’unité pour la contradiction entre l’obligation de trouver tout bien et celle de ressentir la compassion et le remords ?

Donner d’une manière pure, par pur amour, implique qu’on accepterait de recevoir. Tant que l’orgueil empêche de consentir à recevoir, on n’a pas le droit de donner.

Astrée, la Vierge — la Justice qui a quitté la terre et s’est réfugiée au ciel…

Il n’y a aucun bien dans cet univers, mais cet univers est bon.


L’âme collective est à une dimension. Elle n’a pas d’architecture.

Elle n’en acquiert que dans la cérémonie qui la réduit au silence,

La propagande est à une dimension.


La compassion est la reconnaissance en autrui de sa propre misère. La reconnaissance de sa propre misère dans le malheur d’autrui. Elle est pure par le mécanisme même où La Rochefoucauld croyait en discerner l’impureté.

Un saint malheureux trouve que son malheur est une bonne chose, mais seulement avec la partie non sensible de son âme.

Et le remords ?

Quand la sensibilité domine les actions, l’illusion du « je » n’est pas percée.

Ou réciproquement ?

Dois-je faire appel à la volonté, ou tout attendre de la seule contemplation ?

De la seule contemplation, même si cette voie est plus longue et apparemment moins efficace.

La contemplation non mélangée de volonté, purement obéissante. On verra bien ce que cela donnera.


Faire des actes de vertu simplement une circonstance de la contemplation.

La compassion et l’humilité sont liées.

L’humilité est la racine de toutes les vertus authentiques. Par exemple la chasteté. La tempérance. La patience.

La compassion est naturelle à l’homme si l’obstacle du sentiment du je est supprimé. Ce qui est surnaturel n’est pas la compassion, mais cette suppression.

L’humilité seule rend les vertus illimitées.

Agir comme ferait le soleil, s’il savait. Il n’est sans pitié que parce qu’il ne sait pas.

La justice. Être comme serait la matière inconsciente — si elle était consciente.

Image de Dieu.


« Remets-nous nos dettes comme nous remettons… » Le sentiment de culpabilité est toujours lié à un esprit revendicatif. Nous accusons des choses et des êtres autres que nous de nos manquements et de nos insuffisances. En fin de compte, nous accusons Dieu.

Si nous pardonnons nos péchés à Dieu, Dieu nous les pardonne.

Toutes nos dettes sont envers Dieu, et notre unique débiteur est aussi Dieu (comment en vouloir à l’homme qui nous offense sans en vouloir à Dieu qui a permis qu’il réussît à nous offenser ?). En offensant Dieu nous contractons une dette infinie parce qu’il est infiniment bon. En permettant qu’on nous offense il contracte une dette infinie parce qu’il est infiniment puissant. Les dettes s’annulent.

Le criminel accuse Dieu de ses crimes. L’innocent se sent coupable de ses malheurs.


Πὰς γὰρ πυρὶ ἁλισθήσεται. Chacun sera salé par le feu. Tout sera en proie au feu, mais celui qui déjà auparavant sera devenu feu n’en subira pas de mal.

Chacun sera détruit par le contact de Dieu, mais celui qui auparavant sera mort en esprit par amour sera rendu parfait par cette destruction.


Si deux d’entre vous sont d’accord en toutes leurs demandes…

apparemment deux hommes ne peuvent pas être d’accord en tout entre eux sans être d’accord en tout avec Dieu.


La parabole des ouvriers de la 11e heure signifie qu’il y a un seul salaire, et non pas des degrés de gloire.

L’enfant prodigue demande à son père la part qui lui revient, et d’abord l’épuise en une vie de perdition. Alors il a faim, travaille en mercenaire, et quand même a faim. Alors seulement il revient en lui-même. ἰες ἑαυτὸν ἐλθών.

Cette part, c’est le libre arbitre. Il faut avoir épuisé la volonté dans la recherche des biens apparents d’ici-bas et avoir encore longtemps désiré en vain avant de pouvoir rentrer en soi-même et se souvenir de son Père. Ce sont les prodigues, ceux qui dépensent toute leur énergie à la poursuite de ce qui leur paraît bien, et qui au delà de leur énergie persistent à désirer quoiqu’impuissants, en qui revient le souvenir de la maison de leur Père. Si le fils avait vécu économe, il n’aurait jamais songé à revenir.

« Donne-moi ma portion », c’est le péché originel. Donne-moi le libre arbitre, le choix du bien et du mal.

Ce don du libre arbitre n’est-il pas la création elle-même ?

Ce qui est création du point de vue de Dieu est péché du point de vue de la créature.

Dieu nous a demandé « voulez-vous être créés » et nous avons répondu oui. Il nous le demande encore à tout instant, et à tout instant nous répondons oui. Sauf quelques-uns dont l’âme est divisée en deux ; pendant que presque toute l’âme dit oui, un point de l’âme s’épuise à crier en suppliant : non, non, non ! En criant ce point s’élargit, devient une tache qui un jour envahit toute l’âme.


Habacuc. « Ô toi qui as les yeux trop purs pour voir le mal et qui ne peux regarder l’iniquité… »

Tout contact entre Dieu et l’homme est douleur de part et d’autre. Dieu ne peut regarder le mal et l’homme ne peut regarder le bien. Prométhée et Hippolyte. Leurs supplices se répondent. Dieu qui aime trop l’homme, l’homme qui aime trop Dieu.


Le sacrifice est un don à Dieu, et donner à Dieu, c’est détruire. C’est donc bien qu’on pense que Dieu a abdiqué en créant, et qu’on lui restitue en détruisant.

Le sacrifice de Dieu est la création ; celui de l’homme est la destruction.

Seulement l’homme n’a le droit de détruire que ce qui lui appartient ; c’est-à-dire non pas même son corps, mais exclusivement sa volonté.

Avant de boire, on jette une goutte ; c’est la donner à Dieu. Une seule goutte dans une coupe, c’est la proportion de ce que l’homme peut donner à Dieu de sa vie. S’il parvient à donner cela, il est sauvé.

La goutte qu’on jette, c’est une dépense gratuite d’énergie. Toute dépense gratuite d’énergie est un don fait à Dieu et une destruction d’une partie de la volonté.

Cette goutte qu’on jette, on la jette hors du monde, de l’autre côté de l’horizon, de l’autre côté du ciel.

Une seule goutte, mais pour laquelle on ne demande rien en échange.

Le Christ s’est donné ainsi tout entier.

En quel sens est-ce que le Christ a expié pour l’humanité ? Expier, c’est restituer ce qu’on a pris injustement. L’humanité : avait volé le libre arbitre, le choix du bien et du mal. Le Christ l’a rendu en apprenant l’obéissance. La naissance est une participation au vol d’Adam. La mort est une participation à la restitution du Christ. Mais cette participation ne sauve que si elle est consentie.

Le salut est de consentir à mourir.


Abel est le premier mort. Abel n’est-il pas la première incarnation du Verbe ? Le premier-né des morts ? Est-ce le Pan des Égyptiens ? Et est-ce lui (plutôt qu’Osiris) dont on célébrait la Passion à Saïs ?

(Chercher les œuvres de cet Égyptien qui assimilait les Hébreux aux Hyksôs.)


La naissance nous met dans le péché originel, la mort nous en retire. La Croix du Christ comme étant le parfait modèle de la mort, la mort en soi, au sens platonicien, nous a tous rachetés. Mais si nous consentons à être nés et non pas à mourir, nous commettons personnellement pour notre perte le péché d’Adam.

Dieu seul peut naître sans péché originel. Car pour Dieu naître est renoncer. La naissance du Christ est déjà un sacrifice. Noël devrait être une fête aussi douloureuse que le Vendredi Saint.

Tout homme, se plaçant du point de vue de Dieu créateur, doit regarder sa propre existence comme un sacrifice de Dieu. Je suis l’abdication de Dieu. Plus je suis, plus Dieu abdique. Or si je choisis la cause de Dieu plutôt que la mienne, je dois regarder mon existence comme étant un amoindrissement, une diminution.

Quiconque y parvient, le Christ s’installe dans son âme.

Vis-à-vis de moi-même, je dois reproduire en sens inverse l’abdication de Dieu, refuser l’existence qui m’a été donnée, et la refuser parce que Dieu est bon. Visa-vis des autres, je dois imiter dans le même sens l’abdication de Dieu, consentir à ne pas être afin qu’ils soient, et cela quoiqu’ils soient mauvais.

C’est pourquoi il faut servir les autres dans leurs besoins charnels, pour autant qu’ils sont légitimes. Car il faut les servir comme créatures. Il n’appartient pas à un être créé de les amener à renoncer à leur existence de créatures. Les servir gratuitement dans leurs besoins de créatures est ce qu’on peut faire de mieux à cet effet. Le Christ a guéri et nourri. L’échange pur de compassion et de gratitude est le rapport entre créatures qui introduit l’âme dans l’amitié de Dieu.

Tout ce qui est donné gratuitement à quelque chose de créé, comme une goutte de vin versée hors de la coupe à terre, tout cela est donné à Dieu.

On ne donne qu’à des créatures — si on brûle, on donne au feu. Mais ce qui est donné pour un salaire est donné humainement, et ce qui est donné gratuitement est donné à Dieu.

Si on pense qu’on a donné quelque chose gratuitement, cette seule pensée est un salaire.

On ne peut donc jamais savoir si on a ou non donné gratuitement.

Il faudrait faire la liste de ces pensées qui sont vraies à condition qu’on ne les pense pas et deviennent fausses dès qu’on les pense.

De même le Crétois « je suis un menteur ». Au moment où il pense, il n’est pas un menteur. Ce sophisme est très profond.

Tout le bien et tout le mal qu’on pense de soi-même est faux au moment où on le pense. C’est pourquoi il ne faut penser que du mal de soi-même. Et il ne faut pas savoir que c’est faux.


Les noirs de certaines tribus ont chacun un fétiche personnel ; au reste ils croient en Dieu. Si l’un s’avisait de dire que son fétiche est Dieu même, il s’ensuivrait qu’il doit régner sur tout l’univers. C’est ainsi qu’Israël a donné à son fétiche national — non représenté par une image, mais qu’importe — le nom de Dieu.

C’est là le sens de la prohibition des images par Moïse. Pour qu’Israël continuât à croire que sa petite idole nationale était Dieu même, créateur de l’univers. On ne l’aurait pas cru si la petite idole avait été une statue. Moïse a voulu cela pour la grandeur temporelle d’Israël.

Au contraire le Christ fait de Dieu son unique idole. Cela peut sembler revenir au même, mais ce sont deux mouvements contraires, faire de son idole Dieu, ou faire de Dieu son idole. De même que faire de son désir la loi ou faire de la loi son désir sont deux manières contraires de concevoir la royauté.

Les Arabes aspirant aussi à la domination temporelle au nom de la religion ont conservé la prohibition des images.

Les images sont une garantie contre une certaine espèce d’idolâtrie. On ne peut pas se mettre devant un morceau de bois sculpté et lui dire : « Tu as fait le ciel et la terre. » Au contraire les Hébreux, exaltés par la présence de leur propre âme collective, pouvaient très bien lui adresser ce discours, car n’étant pas un objet matériel il n’était pas évident qu’elle était une créature.

Rome a voulu supprimer toute pensée de Dieu et ne permettre aux hommes d’adorer que la puissance de l’État, Mais les hommes ne peuvent pas entièrement oublier Dieu.

Les Hébreux ont nommé leur propre âme collective Dieu, feignant et se persuadant qu’elle avait créé et gouvernait le ciel et la terre. Ce n’était pas facile à croire toujours… Il semble pourtant que cela aurait dû leur donner davantage de force. Quant aux autres peuples, ils ne pouvaient leur persuader cela qu’après les avoir conquis.

Les peuples étrangers ne voulaient frayer avec eux qu’en les obligeant à pratiquer l’idolâtrie, parce que cette prétention d’avoir Dieu pour fétiche national et d’en avoir l’exclusivité impliquait des visées impérialistes effrayantes.

Cela ne pouvait guère réussir chez un peuple encore faible, très peu militaire, qui avait été brisé par l’esclavage. Cela a beaucoup mieux réussi chez les musulmans.

Cette prétention stérile pour les Hébreux aurait servi excellemment les Romains une fois l’Empire établi. Les Romains ont voulu adopter la religion juive. Seulement une religion nationale ne peut pas passer d’un peuple à un autre comme un vêtement. C’est pourquoi les Romains ont pris la forme non nationale de la religion juive, la forme chrétienne. La religion juive, avec comme addendum le transfert du privilège d’Israël aux Gentils baptisés, voilà qui convenait parfaitement comme religion de l’Empire romain. L’Ancien Testament, plus les passages de saint Paul sur le transfert de l’Alliance, et « allez enseigner les nations ».

Voilà pourquoi on a conservé l’Ancien Testament.

Malheureusement pour Rome, elle s’y est prise un peu tard. Elle était déjà croulante sous Constantin. Les préjugés, le conservatisme ont retardé l’opération jusqu’à un moment où elle ne pouvait plus sauver l’Empire.

La « Cité de Dieu » de saint Augustin marque un nouveau transfert. L’Empire a succédé à Israël, l’Église succède à l’Empire.

Si quiconque meurt hors de l’Église est damné, le pouvoir de l’Église peut être bien plus totalitaire que celui de l’Empire.

Mais l’Église n’a pas réussi parce qu’elle n’a pas osé assumer ouvertement et directement la royauté temporelle. Étant donné l’Évangile, elle le pouvait difficilement. Est-ce là ce que veut dire « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ? » C’est bien possible.

Les Juifs ont été persécutés parce qu’une fois leur privilège annexé par l’Église ils étaient trop gênants, eux qui prétendaient l’avoir toujours gardé.

La religion, au vrai sens du mot, n’avait rien à voir là dedans. De part et d’autre, l’obstination avait des mobiles purement temporel.

Hitler persécute les Juifs pour la même raison. Il voudrait bien les plagier, baptiser l’âme collective allemande Wotan, et dire que Wotan a créé le ciel et la terre.

Il est bien vrai que Iaveh, le Dieu des armées, sous son déguisement chrétien, a conquis par les armes tout le globe terrestre. Maintenant Wotan essaie de supplanter Iaveh. Il n’est au moins pas gêné par l’Évangile.

Ce serait le moment de mettre en lumière la différence entre l’âme collective et Dieu.

Dieu est ici-bas un dissolvant. L’amitié avec Lui ne donne aucun pouvoir, mais tant qu’Il est présent dans sa vérité aux pensées des hommes aucun pouvoir terrestre n’atteint la stabilité.

La velléité d’Auguste (est-ce bien lui ?) de transporter les mystères d’Éleusis à Rome montre que le problème spirituel était un problème dans l’Empire romain.

Aucune victoire du mal ne peut faire que le mal cesse d’être mal. Aucune.

En revanche une défaite totale du bien peut faire que le bien cesse d’être bien.

Mais tant que le mal est jugé comme tel, le bien n’est pas totalement vaincu.

Un larron crucifié se tourne vers le Christ crucifié aussi. C’est assez ; le bien n’est pas totalement vaincu.

Un grain de grenade de bien suffit.

Il faudrait purger le christianisme de l’héritage d’Israël.

À cause de la parfaite pureté spirituelle du christianisme, trop parfaite pour les hommes, il y avait chez les chrétiens une faim de temporel. Cette faim a été assouvie d’abord par l’attente de la Parousie imminente. Puis, cette attente étant épuisée, par l’Empire. Puis, Rome étant saccagée, par l’Église.

Chez les protestants, qui n’ont plus l’Église, la religion est devenue dans une large mesure nationale. De là le regain d’importance de l’Ancien Testament.


Dates. Decius tué en 251. Valérien (253-260), favorise, puis persécute les chrétiens. Gallienus les favorise. Ils sont en faveur pendant 40 ans. Persécution en 303, sous Dioclétien. Il abdique en 306. Constantin se déclare chrétien en 312. Édit de Milan reconnaissant l’Église, 312. Constantin seul empereur en 324. Meurt en 337. Constantius (Arien) seul empereur en 350. Concile arien en 360. Julien. Valentinien (catholique), en Ouest, 364- 375. Gratien (cath.) 375-382. En 392, Theodosius (cath.) empereur unique. (Humilié par saint Ambroise.) Il fait du catholicisme la religion officielle de l’Empire. Interdit les rites païens publics et privés (déjà Gratien avait supprimé les privilèges et confisqué les biens des temples et du clergé païens). Les hérétiques, ariens et autres, n’ont ni évêchés ni églises, ne peuvent ni léguer ni hériter.

Cause du conflit avec saint Ambroise (d’après saint Augustin). Il avait promis le pardon des Thessaloniens à leurs évêques, et néanmoins a sévi. En pénitence, s’est prosterné en public.

[Saint Augustin ; histoire de l’Apollon de Cumes qui pleurait avant chaque victoire des Romains sur les Grecs.]

[Laomédon faisant travailler Apollon et Neptune comme mercenaires et ne leur payant pas leur salaire.]

Sac de Rome, 410 (par Alaric).

L’Apocalypse parle de 3 ans ½. 1260 jours. . . [42 mois sont aussi 3 ans ½ : 36 mois + 6 mois.]

La femme, mère de l’Enfant divin, a un lieu préparé dans la solitude pour 1 260 jours.

Plus loin : καιρὸν καὶ καιροὺς καὶ ἥμισυ καιροῦ.
Un temps et des temps et une moitié de temps.

La puissance est donnée à la bête 3 ans ½.

350 ans.

. C’est à peu près le moment où la religion catholique devient religion d’État. L’Église est effectivement nourrie 3 siècles 1 dans le désert, loin du serpent.

Ils fouleront ma cité aux pieds 42 mois, et mes deux témoins prophétiseront 1 260 jours. Quand leur témoignage finira, la Bête les vaincra (mais ceci est avant le Christ ? ? ?)

Un oracle grec avait prédit que le nom du Christ serait adoré 365 ans. À peu près la même période.


Celui qui n’a pas renoncé à tout sans aucune exception au moment de penser à Dieu donne le nom de Dieu à une de ses idoles.


La véritable mort morale, c’est consentir à être soumis à n’importe quoi apporté par le sort. Car tout ce que je nomme moi, le sort peut m’en priver.

Accepter de n’être qu’une créature et pas autre chose. C’est comme accepter de perdre toute existence,

Nous ne sommes que des créatures. Or accepter de n’être que cela, c’est comme accepter de n’être rien. Cet être que Dieu nous a donné, à notre insu c’est du non-être. Si nous désirons le non-être, nous l’avons. Nous n’avons qu’à nous en apercevoir.

Notre péché consiste à vouloir être, et notre châtiment est de croire être. L’expiation est vouloir ne plus être ; et le salut pour nous consiste à voir que nous ne sommes pas.

Adam nous a fait croire que nous étions ; le Christ nous a montré que nous n’étions pas.

Pour nous apprendre que nous sommes non-être, Dieu s’est fait non-être.

Pour Dieu, le sacrifice, c’est laisser un homme croire qu’il est. Pour un homme, le sacrifice, c’est reconnaître qu’il n’est pas.

Dieu charge le mal de nous apprendre que nous ne sommes pas.

Le désir et l’illusion d’être, de la part des créatures, suscitent le mal, et le mal leur apprend qu’elles ne sont pas. Dieu ne se mêle pas de cette première pédagogie.

Ceux qui ont pleinement reconnu qu’ils ne sont pas sont passés du côté de Dieu. Loin d’apprendre aux autres créatures qu’elles ne sont pas, ils les traitent selon la fiction qu’elles sont.

La création est une fiction de Dieu.

La quantité de mal dans le monde est rigoureusement égale à la quantité de châtiment nécessaire. Seulement elle frappe au hasard.

Souffrir le mal est l’unique manière de le détruire.

Aucune action ne détruit du mal, mais seulement la souffrance en apparence inutile et parfaitement patiente.

L’existence imaginaire des créatures pensantes qui croient exister est ce qui retombe sous forme de mal. Le mal est illusoire, et quiconque est sorti de l’illusion est affranchi de tout mal. De plus c’est une illusion qui dans certaines conditions pousse elle-même hors de l’illusion.

L’enfer, c’est de s’apercevoir qu’on n’existe pas et de ne pas y consentir.

La pureté attire le mal qui vient s’y coller pour être détruit comme les papillons dans la flamme.

Tout doit passer par le feu. Mais ceux qui sont devenus flamme sont chez eux dans le feu. Mais il faut avoir traversé l’enfer pour devenir feu.


Usage de la douleur physique. Que dans n’importe quel degré de douleur, quand presque toute l’âme crie intérieurement « Que cela finisse, je n’en peux plus », une partie fût-elle infinitésimale de l’âme dise : « Je consens à ce que cela dure pendant la perpétuité des temps, s’il convient à la sagesse divine qu’il en soit ainsi. » L’âme est alors coupée en deux. Car la partie sensible de l’âme ne peut pas — du moins à certains moments — consentir à la douleur. Cette division en deux de l’âme est une seconde douleur, une douleur spirituelle plus aiguë que la douleur physique qui en est l’occasion. On peut faire le même usage de la faim, de la fatigue, de la peur, de tout ce qui contraint impérieusement la partie sensible de l’âme à crier : Je n’en peux plus ! Que cela finisse ! Quelque chose doit répondre : Je consens, soit à ce que cela finisse seulement par là mort, soit à ce que cela ne finisse même pas avec la mort, mais dure perpétuellement. C’est alors que l’âme est divisée comme par un glaive à deux tranchants.

Il vaut mieux faire cet usage des souffrances que le sort inflige que de s’administrer la discipline.

Les souffrances qu’on pourrait éviter sont assimilables aux premières si une obligation très claire oblige de les éviter. Une obligation de justice envers les hommes. Par exemple un homme contraint de rester un jour sans manger faute d’argent n’est pas moins contraint du fait qu’une possibilité d’escroquerie s’offre à lui. Car pour un homme honnête une escroquerie n’est jamais possible.

Mais étant donnée la situation générale et permanente de l’humanité dans ce monde, peut-être bien que manger à sa faim est toujours une escroquerie.

(J’en ai commis beaucoup.)

Il ne faut pas regarder la privation comme un exercice de perfectionnement spirituel, ou une offrande à Dieu, ou la condition d’actes de bienfaisance volontaire, mais comme une obligation sociale stricte, c’est-à-dire l’équivalent d’une nécessité. Et la seule part que doit y prendre la partie supérieure de l’âme, c’est, quand la sensibilité n’en peut plus et crie : « J’en ai assez », de répondre : « Je consens à ce que cela dure perpétuellement. »

Ce point de l’âme n’a pas d’autre fonction à l’égard de cette vie terrestre que d’en regarder chaque instant fugitif, et quel qu’en soit le contenu, dire : « Je consens à ce que cela cesse immédiatement et je consens à ce que cela dure perpétuellement. »

Toute l’âme terrestre crie « j’en ai assez » quand toutes ses ressources d’énergie supplémentaire sont épuisées, quand l’énergie végétative, qui sert à l’entretien même de la vie, est mise à nu et commence à être dépensée. Cela est intolérable. La volonté qui permet de résister a alors disparu. La chair vive est entamée et dévorée. (Prométhée, comme le Christ, est mangé.) Il est impossible alors que l’âme charnelle ne crie pas tout entière : « Assez ! » À qui adresse-t-elle cet ordre ou cette supplication ? Elle ne sait pas, mais elle ne peut pas s’empêcher de crier. Alors, si la partie éternelle de l’âme répond, parlant au vrai Dieu : « Toujours, si tu veux », l’âme est coupée en deux. Ce qu’on sent comme étant le moi est dans la partie qui crie : « Assez ! », et pourtant on prend le parti de l’autre interlocuteur. C’est vraiment sortir de soi.

Une partie de notre énergie est au niveau du temps. C’est l’énergie animale. Elle permet de se dire : « Cela ne durera plus qu’une heure. » Elle permet à la pensée de traverser des espaces finis de temps. C’est l’énergie supplémentaire, celle qui nourrit le désir, celle qui alimente la volonté.

L’énergie végétative qui fait fonctionner les mécanismes chimico-biologiques indispensables à la vie est au-dessous du temps. Quand l’autre énergie est épuisée et que celle-là doit être dépensée pour autre chose que pour les fonctions biologiques auxquelles elle est destinée, alors un quart d’heure est comme une durée perpétuelle. C’est alors que le cri : Assez ! envahit l’âme, et que l’âme est divisée en deux si tout en elle ne s’associe pas à ce cri. C’est quand la sève même s’écoule et que l’homme encore vivant devient du bois mort.

Un quart d’heure de cela est réellement équivalent à une durée perpétuelle d’efforts volontaires, de sorte qu’après ce quart d’heure la partie de l’âme qui a refusé de crier « assez ! » a traversé la longueur indéfinie du temps et a passé de l’autre côté du temps, dans l’éternité.

Cela n’arrive qu’à qui a pris racine dans l’amour.

Femmes mythologiques transformées en arbres.

Un arbre ne se meut que vers le haut. Symbole de l’état de contemplation pure.

La condition est que l’énergie supplémentaire ait été épuisée. Dans certains états d’âme la volonté permet à l’homme de supporter les plus affreux supplices. Criminels torturés au moyen âge qui n’avouaient pas. Mais quand c’est le cas, aucun degré de souffrance ni de résistance à la souffrance n’est de la moindre utilité pour le salut.

L’esprit de compétition sportive permet de tout endurer sans aucune vertu véritable. Le stoïcisme romain avait dégénéré en cet esprit.

L’énergie supplémentaire, que l’homme dirige à son gré vers ce qui lui paraît bien pour lui, est la part d’héritage emportée par l’enfant prodigue. Elle doit être dépensée totalement avant que l’âme puisse faire un seul pas dans la direction de l’éternité. Si elle se reconstitue ensuite, comme il arrive souvent, elle doit être redépensée. L’enfant prodigue réconcilié avec son père a de nouveau reçu de l’argent de lui, et est de nouveau parti, et est de nouveau revenu, et encore et encore, et chaque fois le père a tué le veau gras. Mais ses absences ont été de plus en plus courtes. — Est-ce bien là la description juste ?

Il importe peu que cette énergie soit dépensée à chercher des biens d’ici-bas ou Dieu ; car si c’est Dieu, il s’agit d’un faux Dieu, fût-il en tout semblable au vrai, tant que cette énergie n’est pas dissipée. Il faut que l’enfant échappé dépense sa part avec des prostituées. Peu importe que l’une d’elles dise ou non qu’elle vient de la part de son père. Il ne fera pas un pas vers son père tant qu’il aura un sou.

L’essentiel, c’est qu’il dépense et ne gagne pas. Si au lieu de gaspiller son argent avec des prostituées, il le place à intérêt, il ne rentrera jamais chez son père.

Il faut que l’énergie volontaire soit dépensée de manière à ne pas être récupérée, de manière à être épuisée. Pour cela, il faut que la volonté soit dirigée vers des choses placées au-dessus de son pouvoir. Peu importe lesquelles, pourvu qu’elle se tende et se tende et ne parvienne pas. Il faut qu’elle sente ses limites et s’y heurte continuellement.

Il faut que tout ce qui est obtenu apparaisse sans valeur, qu’en échange des dépenses d’énergie on ne reçoive jamais un bien. Qu’il y ait ou échec ou succès méprisé aussitôt qu’obtenu.

Si on estime les biens d’ici-bas, on puise en eux de quoi renouveler l’énergie dépensée à les poursuivre.

Si on désire des choses terrestres (car on ne sait pas encore du tout ce que c’est que le ciel), mais impossibles, l’énergie se dépense sans se renouveler.

Si on est capable d’être satisfait par quelque chose de possible, fût-ce l’empire du monde, on ne dépensera pas la portion emportée de la maison paternelle.

Quand l’énergie volontaire est épuisée, le désir devenu impuissant se dirige vers les mêmes objets terrestres qui étaient auparavant l’objectif de la volonté (et peu importe s’ils ont des étiquettes célestes). L’âme crie vers les choses qu’elle désire comme un enfant qui ne sait pas encore marcher. C’est la première étape du retour à l’enfance. Mais personne ne l’entend. Elle crie et crie dans l’indifférence générale. Quand le pouvoir même de crier est épuisé, elle regarde.

Alors peut-être elle se souvient qu’il y a un autre bien auquel les choses inanimées elles-mêmes ont une part abondante.

Comment ce souvenir entre-t-il dans une âme charnelle ?

À ce moment où l’énergie volontaire est épuisée, où l’énergie végétative est à nu, l’âme choisit entre l’enfer ou le paradis. Et elle ne sait pas qu’elle choisit.

Peut-être recommence-t-elle seulement un choix fait dès la constitution du monde.

Ceux qui meurent sans avoir jamais épuisé l’énergie volontaire meurent sans avoir fait ce choix — quelle que soit au reste la vie qu’ils ont menée, vertueuse ou criminelle. Quel est leur sort une fois morts, c’est un mystère.

En est-il bien ainsi ?

Si au moment où ils sont en danger imminent d’avoir épuisé l’énergie volontaire ils décident de la placer à intérêt au lieu de continuer à la dépenser — on peut dire aussi qu’ils ont mal choisi.

Le désir impuissant se détache de ses objets et revient sur lui-même. La notion de bien pur, inconditionné,

notion ineffable, entre alors dans l’âme. L’âme alors y adhère ou non.

Ce choix est un mystère.

Si elle y adhère, elle supplie de ne plus jamais avoir le choix.

Le problème est alors de consacrer à ce bien dont on ne sait que le nom la totalité de l’énergie.

Si les circonstances remettent dans l’organisme une certaine quantité de cette énergie dont s’alimente la volonté, dépenser cette énergie sans avoir de volonté. La dépenser comme on dépense une somme qui a été remise par un autre à cet effet, et en faisant usage de l’obligation pour suppléer à la nécessité partout où celle-ci a des trous.

Après la réconciliation du fils prodigue, s’il s’en va à la ville avec de l’argent, ce n’est pas comme un fils qui emporte sa part d’héritage, c’est comme un esclave qui est chargé par son maître de faire des achats dont rien ne lui reviendra et dont nul ne le remerciera. Marcher jusqu’à la ville, courir de boutique en boutique faire les achats commandés jusqu’à épuisement de l’argent qu’on lui a confié, revenir en portant des fardeaux, ou bien aller sans argent dans les champs et passer la journée à labourer, c’est équivalent pour un esclave. Si l’esclave a fidèlement dépensé l’argent pour les achats prescrits, il n’est ni remercié ni récompensé. On lui reproche peut-être de n’avoir pas su chercher les magasins bon marché. S’il a détourné un sou pour le mettre de côté ou le dépenser pour lui, il est battu.

Ainsi l’énergie supplémentaire, volontaire, doit être dépensée jusqu’à épuisement dans les activités obligatoires.

Ou bien brûlée dans la contemplation.

L’important est qu’il n’en reste pas une parcelle, soit pour le caprice, soit pour l’exercice de la volonté, S’il en reste une parcelle, c’est un vol.

(Je n’ai jamais cessé de voler.)

Quand les circonstances mettent l’énergie végétative à nu et commencent à la consommer, il faut que cette énergie même s’arrache aux fonctions biologiques qu’elle alimente et se consacre à Dieu. C’est la mort spirituelle, qui est aussi une opération corporelle. L’homme se donne à manger aux créatures de Dieu.

Mais cette énergie n’est pas mobile ; elle est végétale. Elle ne peut pas se donner une direction. La partie de l’âme qui est située à l’autre pôle peut seulement dire : je consens à ce que ma chair soit dévorée jusqu’à la mort — ou encore : jusqu’à la perpétuité des temps.

Il y a alors comme un transfert de la douleur de la partie charnelle de l’âme, qui a péché, sur la partie éternelle, qui est innocente.

L’âme se divise en deux, une partie innocente et une partie coupable, et la partie innocente souffre pour la coupable et la justifie.

L’âme se divise en une partie illimitée et une partie limitante. Le composé qui est sur le plan du fini a disparu. Dans ce microcosme, le chaos originel est reproduit, les eaux originelles où flotte l’Esprit. Une partie souffre au-dessous du temps, et toute fraction du temps lui semble une perpétuité. Une partie souffre au-dessus du temps, et la perpétuité lui semble chose finie. L’âme est coupée en deux et entre les deux parties se trouve la totalité du temps. Le temps est l’épée qui coupe l’âme en deux. (En un autre sens, l’Amour est cette épée.) La partie sensible de l’âme est en enfer, la partie qui est au ciel ne sent rien, sinon par une contagion de la première.

Après cela il y a nouvelle création, que l’âme accepte non pas pour exister, car elle aspire à ne pas exister, mais uniquement pour l’amour des créatures, comme Dieu accepte de créer.

Accepter d’être créé comme Dieu accepte de créer, pour l’amour des autres créatures.

Cette nouvelle création est comme une incarnation. La seconde création n’est pas création, mais génération. Le Christ entre dans l’âme et se substitue à elle.

Ceux qui ont été engendrés d’en haut ne sont pas fils adoptifs de Dieu, mais fils véritables. Mais le Fils est unique. C’est donc Lui qui entre dans ces âmes.

Mais à ce compte les plus grands saints ne verront pas le royaume des cieux. Car presque tous ont fait ou dit des choses que, semble-t-il, le Christ n’aurait pas dites ou faites.

Après tout, il n’y a peut-être qu’un homme sauvé dans une génération.

Pour les autres, ceux qui ne sont pas définitivement perdus, on doit concevoir quelque chose d’équivalent aux notions de purgatoire, réincarnation, etc.

Naître d’en haut à partir de l’eau et de l’esprit, à partir de l’eau et du souffle.

Être engendré d’en haut, être engendré à partir de l’eau et du souffle — c’est-à-dire après la dissolution de l’âme — microcosme dans le chaos primitif — c’est être parfait.

Le baptême est seulement le désir de la nouvelle naissance. Si un enfant est baptisé, ceux qui l’aiment expriment le désir qu’il soit un jour engendré d’en haut. Si un adulte est baptisé, il exprime lui-même ce désir. Or le désir du bien a toujours une vertu. Et plus encore l’expression d’un tel désir, quelque forme qu’elle prenne. Une forme rituelle a peut-être une vertu éminente. Mais alors elle devrait être inconditionnelle, et ne pas impliquer la soumission à une organisation sociale.


Bélier

Lion de Némée || Sanglier d’Érymanthe (?) || Taureau de Crète || Hydre || Geryon à 3 têtes || Chevaux de Diomède || Ceinture d’Hippolyte || Oiseaux de Stymphale = Pommes des Hespérides || Cerbère || Cerf d’Arcadie || Étables d’Augée ||

Toutes ces histoires doivent avoir un sens symbolique. Pour les étables, c’est trop clair. Aucun effort de volonté ne peut purifier l’âme du péché ; il faut l’ouvrir aux eaux de la grâce.

Taureau
Gémeaux
Crabe
Lion
Vierge
Balance
Scorpion
Sagittaire
Capricorne
Verseau
Poisson
Cette histoire correspond-elle au signe du Verseau ? [Le lion de Némée au Lion ? Le Taureau de Crète au Taureau ? L’Hydre au Crabe ? Hippolyte à la Vierge ? — Chevaux à Sagittaire, via Chiron ??? — Sanglier à la Chèvre ? (on se demande comment !) — Cerbère au Scorpion ? (là aussi !) — Cerf à Bélier (!!!) ? En prenant les pommes, il tue un dragon, qui devient constellation.]

Bélier et Balance. L’Agneau égorgé sur un plateau de la balance, l’univers sur l’autre. Le plateau où est Agneau infiniment éloigné du point d’appui, l’autre tout près. Le support de la balance moyenne proportionnelle entre les deux. La Croix est la balance.

Taureau et Scorpion. Le Taureau est Osiris. Le Taureau noir de Norvège. Etc. Le Minotaure. Le Taureau d’Europe. Pourquoi ? À cause de la force virile et de la puissance de génération. Symbole de la génération. La vache qui donne le lait est symbole de la Nature. Inde : « La vache de tous les désirs ». Le scorpion d’eau, sorti de l’eau, fait le mort ; mais si on allume une flamme non loin, va vers la flamme, jusqu’à ce qu’il soit si près que la chaleur le fait mourir d’épuisement.

Gémeaux et Sagittaire. Les Gémeaux sont Castor et Pollux. Ils sont au-dessus d’Orion, qui est Oros, ou Apollon. Qu’y a-t-il à dire de ces Gémeaux ? — Le Sagittaire est, dit-on, Chiron. Un Centaure. Donc le cheval est représenté. Il s’est, dit-on, substitué à Prométhée dans le Tartare. C’est un instructeur et un guérisseur. Le Sagittaire est peut-être aussi Apollon ?

Crabe. Corne de la Chèvre. Que dire du Crabe ? C’est peut-être la même chose que l’Hydre. C’est Typhon, meurtrier d’Osiris. Le Soleil au solstice d’été est mauvais. Il brûle. La corne est la corne d’abondance de la chèvre Amalthée qui a nourri Zeus. Pan est assimilé à un chevreau, comme Zeus Ammon à un bélier.

Thor a des boucs qu’il tue pour les manger en prenant soin que la peau et les os restent intacts, à partir de quoi il les ressuscite. Un jour l’un d’eux devient boiteux, parce qu’un jeune garçon a ouvert un os pour sucer la moelle. Péché originel.

1 2 3 4 5
Priam Troan Loridi Einridi Vingethor
6 7 8 9 10 11
Vingener Mode Magi Seskef Bedvig Athra
12 13 14 15 16
Iterman Heremed Skjaldum Bjaf Jat
17 18 19 20 21
Gudolfr Finn Friallaf Voden (Odin Sigi
22 23 24 25
Rerir Volsung Sigmund Sigurd


— 25 générations en 1700 ans ? 5 en 340 ? 1 en 68 ? 20 en 1260 ?


Autre généalogie. Il y a d’abord le Père et Ymir avec les autres Rime-Giants. [The dizzling rain that rose from the venom congealed to rime (?) and the rime increased, frost over frost, into the Yawning Void.] Une vache surgit du rime. Elle nourrit Ymir. Elle lèche pour se nourrir un bloc salé de glace, qui devient un homme, Buri. Il met au monde un fils, Borr, qui épouse une fille de géant. Ils ont trois enfants, Odin, Vili et Vé, qui gouvernent le ciel et la terre. Ils tuent Ymir et tous les géants sauf deux. Ils mettent Ymir au milieu du Yawning Void, et de son cadavre font la terre ; de son sang, la mer et les fleuves, de sa chair, la terre, de ses os, des pierres, de son crâne, le ciel. Ils y mettent des feux. Ils donnent les confins circulaires de la terre et de la mer à habiter aux géants, et protègent les hommes par une citadelle, Midgard, qui est le front d’Ymir. Ils transforment deux arbres en homme et femme (Askr et Embla) et les font habiter près de Midgard. Puis ils se font une cité, Asgard, qui est Troie. Le Père a à un Haut-lieu d’où il voit tout. Il épouse Frigg et engendre les Æsir qui peuplent Elder Asgard. Il est père des dieux et des hommes. La Terre est sa fille et son épouse. Elle lui engendre Thor.

Yggdrasill a une racine parmi les Æsir ; une parmi les Rime Giants, où avant était le Yawning Void. Là est le Puits où gît la sagesse. Le Père a dû donner un de ses yeux pour en boire. Une autre racine est à Niflheim, l’origine du froid. Le séjour des Æsir est le ciel, et l’arc-en-ciel permet d’y monter.

Il y a le Dieu primitif. Il y a les Trois qui ont façonné la terre avec le cadavre du géant. Et il y a un homme, descendant de Priam, situé dans le temps aux environs de l’ère chrétienne. Car il y a 25 générations entre Priam et Attila, soit 1700 ans, ce qui fait 68 ans pour une génération (, ), et Voden est la 20e. Or , et si Priam est un peu avant — 1300, cela amène aux environs de l’ère chrétienne.

L’Edda en prose (Skáldskaparmál) calcule autrement. Frodi, fils d’un petit-fils d’Odin, aurait régné au Danemark au temps d’Auguste, quand le Christ est né. On parlait de la Paix de Frodi. Un moulin magique produisait pour lui de la paix et de la prospérité, jusqu’à ce que les filles esclaves chargées de moudre, fatiguées, se furent mises à moudre la destruction de Frodi.

Cette différence chronologique n’est pas si considérable.

Odin, descendant de Priam, a pour femme Frigg, et second fils Baldr, comme Odin, roi du ciel et de la terre. Les autres noms ne coïncident pas.

Odin, descendant de Priam, est-il une incarnation d’Odin, Dieu auteur du ciel et de la terre ?

En ce cas il serait remarquable que la date soit si proche de celle du Christ.

Odin est venu dans le Nord d’Orient. Vingtième descendant de Priam, issu d’une lignée qui a régné en Thrace jusqu’à lui.

Qu’en dit Hérodote ?


Lion et Verseau, Lion de Nemée. Lion dans l’Apocalypse. Quoi d’autre ? Verseau, verseur d’eau. Eau de la grâce.

Vierge et Poissons. La Vierge est la Justice, la vierge Astrée. Elle tient un épi : c’est Démèter et Proserpine. C’est Marie aussi ? Le Poisson est celui qui nage dans l’eau du baptême. C’est le Christ. (Pourquoi deux poissons ?) — Verseau, Poisson, Bélier : succession naturelle. Lion, Vierge, Balance ?

L’eau de la régénération, le poisson qui y nage — comme Noé — l’agneau sacrifié dès l’origine, le taureau qui engendre toutes choses et dont la semence, devenue lait de vache, nous nourrit, les jumeaux inséparables qui sont un seul immortel (Trinité ?) — Le Crabe, c’est le mal, il semble. La force du lion. La justice virginale. La balance par laquelle le cadavre de l’agneau soulève la création jusqu’au ciel. Le scorpion qui s’approche de la lumière jusqu’à ce que la lumière l’ait tué. L’Archer qui guérit, instruit et souffre pour les hommes (à la place de Prométhée). La corne d’abondance, le Graal, où il y a toujours du pain vivant et de l’eau vivante. Le verseur d’eau qui noie l’âme pécheresse dans la Grâce. Le poisson. L’agneau. Etc.

La Vierge correspond parfaitement au poisson, ce nouveau-né qui pousse dans l’eau baptismale. Une fois adulte, il est l’Agneau, et il ressuscite identique au taureau. Le Crabe (l’Hydre ? }, le Lion, la Vierge, ce sont les trois parties de l’âme dans Platon. La Balance est leur harmonie. Le Scorpion est celui qui meurt pour s’approcher de la lumière. Il ressuscite comme Archer (l’Archer est cette lumière même), et obtient comme plénitude la Corne d’abondance.

Crabe. Lion. Vierge. Balance. Scorpion. Archer. Capricorne || Verseau. Poisson. Bélier. Taureau. Gémeaux. || De la terre au ciel, puis du ciel à la terre et retour.

Juin : Crabe. Juillet : Lion. Août : Vierge. Septembre : Balance. Octobre : Scorpion. Novembre : Archer. Décembre : Corne. Janvier : Verseau, Février : Poisson. Mars : Bélier. Avril : Taureau. Mai : Gémeaux.

On part de la démesure ; le Crabe, l’Hydre ; le moment où il semble presque que le soleil va sortir de ses limites ; l’illimité.


Le lion, c’est la force ; c’est la nécessité.

La Vierge est la justice et la sagesse.

La balance. C’est la Croix.

Le scorpion qui meurt de l’amour de la lumière.

L’Archer qui est la lumière.

La corne d’abondance qui est la plénitude de Dieu.

Le verseau qui répand les torrents d’eau vivante, les torrents de grâce.

Le poisson qui nage dans l’eau de grâce.

L’agneau sacrifié dès l’origine.

Le taureau dont la semence est notre lait.

Les deux êtres jumeaux qui sont une seule divinité.

L’agneau sacrifié fait face à la croix.
agneau, balance — taureau, scorpion — Gémeaux, archer — crabe, corne — lion, verse-eau — vierge, poisson — balance, agneau.

L’agneau sacrifié fait face à la croix, le Poisson à la Vierge.


Les peuples pasteurs, buveurs de lait, croyaient être nourris de la semence du taureau. « L’eau vivante », est-ce que ce n’est pas la semence ? Oreste : ὦ γόναι, ô semence la plus chérie… A-t-on imaginé un pacte en vertu duquel les animaux donnaient leur semence, sous forme du lait de leurs femelles, au lieu de leur chair ? Et c’est pourquoi tout contact entre la viande et le lait serait interdit,

Un chevreau noyé dans du lait, c’est une mort qui est comme un retour à l’état d’avant la naissance, à l’état de semence. Baptême.

Le pain de même, semence du soleil.


C’est la beauté du monde qui force l’homme épuisé, l’homme qui a dépensé tout son patrimoine, toute son énergie, à se souvenir que les esclaves de son père ont plus de part au bien que lui qui est le fils. La part des choses au bien, le salaire des esclaves du Père, c’est la beauté. On désire être simplement une partie du monde, comme une pierre, plutôt qu’être soi. Alors le Père tue le veau gras.

Ce sont les objets, les choses inertes qui sauvent à l’instant décisif.

De même que le corps est un puissant instrument de salut.

Part de la beauté du monde dans l’Ancien Testament.

La beauté du monde a presque disparu du christianisme parce que l’Empire romain en a fait une religion politique.


La matière qui a causé la perte procure le salut. C’est la lance dont le contact commence à guérir la plaie qu’elle a causée. Cf. l’histoire du Graal.

Le corps est un levier par lequel l’âme agit sur l’âme. Par la discipline imposée au corps, l’énergie errante de l’âme s’épuise d’elle-même. Si on attache une chèvre, elle tire et tire, tourne en rond, tire encore, pendant des heures et des heures ; et enfin, épuisée, elle se couche. De même la partie errante de l’âme quand le corps est cloué. Elle s’agite, mais malgré elle est toujours ramenée au corps, et finalement s’épuise et disparaît.

L’âme doit avoir été divisée en deux avant qu’une partie puisse ainsi utiliser le corps contre l’autre.

Non seulement cela, mais il faut que la partie éternelle de l’âme soit obéie du corps.

Cela se fait sans violence. Le corps consent à cette domination.

La partie éternelle de l’âme ayant conçu un commandement au corps, le corps ne peut pas faire autrement qu’obéir.

S’il en est autrement, le commandement n’est pas parti du point éternel de l’âme, ou bien l’attention ne s’est pas arrêtée sur le commandement.

Le corps est une prison. La partie spirituelle de l’âme doit s’en servir pour enfermer, emmurer la partie charnelle. Le corps est un tombeau. La partie spirituelle de l’âme doit s’en servir pour tuer la partie charnelle.

Que mon corps soit un instrument de supplice et de mort pour tout ce qui est médiocre dans mon âme.

Il faut quelquefois faire violence à sa pensée, quelquefois clouer le corps et laisser la pensée s’épuiser. Mais il faut dresser le corps à n’écouter que la partie supérieure de l’âme. Comment ?

Traiter la partie inférieure de l’âme comme un enfant qu’on laisse crier jusqu’à ce qu’il en ait assez et se taise. Rien dans l’univers ne l’entend. Au lieu que Dieu entend le silence même qui Lui est adressé par la partie éternelle de l’âme.

« Ne pas s’écouter. »

Faire taire ces animaux en moi qui crient et empêchent Dieu de m’entendre et de me parler. Pour imposer silence, le mieux est de faire comme si on n’entendait pas. Ceux qui constatent qu’ils ne sont pas entendus finissent par se lasser et se taire. Ces animaux en moi ne seront entendus par personne si je ne leur prête pas ma voix. En plus, il ne faut pas que je les entende non plus, ou du moins il faut que je n’en témoigne rien.

Qu’ils sachent toujours, dès qu’ils se mettent à crier, qu’ils ne seront entendus par rien au monde — ni par les choses, ni par les hommes, ni par Dieu, ni par moi.

Ces animaux, c’est ce qui en moi, avec divers accents de tristesse, d’exultation, de triomphe, de peur, d’angoisse, de douleur, et toute autre nuance d’émotion, crie sans aucun arrêt « moi, moi, Moi, moi, Moi ».

Ce cri n’a aucun sens et ne doit être entendu par rien ni personne.

Ces animaux ont l’habitude de crier sans arrêt, jour et nuit, à travers le sommeil même, chaque seconde.

Il ne faut pas leur enseigner des sons et des intonations.

Il faut les amener à se taire parfois quelques instants. Puis les dresser à se taire de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps. Puis obtenir, si on peut, leur silence total. S’ils peuvent mourir avant le corps, c’est le mieux.

Tant que le corps leur obéit, ils croient dialoguer avec l’univers. Car à cause de la perspective, l’univers change pour celui dont le corps a fait dix pas. Si le corps ne leur obéit, et si la parole ne les traduit pas, ils sont forcés de constater que rien au monde ne les entend. Quand ils l’ont constaté souvent, il entre du désespoir dans leurs cris ; ils sont fatigués avant de commencer.

Au contraire, la partie éternelle, dont tous les cris, les murmures, les silences sont entendus, comment se fatiguerait-elle jamais ?

Ces animaux sont très rusés pour se faire obéir du corps en faisant surgir des prétextes qui semblent ne pas venir d’eux. Pour être sûr que le corps leur désobéit, il faut s’imposer des choses inconditionnellement pour une longue durée ou répétées souvent. Car on peut être sûr que ces animaux, instables et capricieux, un jour n’en voudront pas. De sorte qu’en persévérant assez, on est sûr de finir par les contrarier.

Mais pour cela il faut ne pas compter. L’esprit de record fait de n’importe quelle action un stimulant pour les animaux qui disent « moi » ; dès qu’il est déchaîné, aucune action, aucune abstention ne peut plus être d’aucun profit. Si on se dit « j’ai fait telle chose pendant x temps… » il vaut mieux ne pas l’avoir faite.

L’interdiction des recensements est peut-être le souvenir d’une parole de sage fondée sur une telle observation ? Il y a des biens qui sont anéantis dès qu’on les évalue.

Cela montre vraiment que Dieu seul par sa grâce peut sauver.

Ce qui fait apparaître en pleine lumière que la miséricorde de Dieu est le seul salut, c’est que les règles les plus essentielles au bien de l’âme sont des règles qu’on ne peut pas vouloir observer, parce que le seul fait d’y penser en constitue déjà une violation. On peut seulement supplier Dieu d’ôter de telles pensées de notre cœur.

Dieu nous a faits de manière que nous soyons contraints de nous tourner vers lui en suppliants.

Si on ne veut pas reconnaître Dieu, cela revient exactement au même. On se dit « Puissé-je ne plus avoir de telles pensées ! » Du moment qu’on s’exprime à l’optatif, c’est une supplication.

Rester au-dessous de ce que d’autres ont fait, en le sachant, et en ne désirant pas les égaler par la quantité, est une manière de briser l’esprit de record. Si du moins on est assez orgueilleux pour sentir que ce qui est inférieur à ce que d’autres possèdent est sans valeur. Car il y a un usage de l’orgueil pour l’humilité.

L’esprit de record étant aboli, si on s’installe dans telle pratique quotidienne d’une manière stable, ou si on se dit : je ferai telle chose tant de temps, et qu’on l’observe, on peut être sûr que les animaux qui sont dans l’âme en auront assez, et crieront, et hurleront, et éprouveront leur impuissance à se faire entendre. Car le corps ne leur obéira pas si la résolution a été prise dans la partie centrale de l’âme. C’est là un effet de la miséricorde de Dieu.

Si au lieu d’une résolution, c’est une contrainte extérieure contre laquelle ces animaux hurlent, c’est mieux encore. Il faut seulement que la partie éternelle de l’âme consente à ce que cette contrainte dure indéfiniment et sans aucune compensation, même spirituelle. Car compter sur un avantage spirituel, c’est sous ce nom donner une pâture aux animaux qui crient « moi ! »

Tout ce qui est conditionnel est du domaine de ces animaux. Seul l’inconditionnel leur échappe.

C’est l’énergie supplémentaire qui met l’âme dans le domaine du conditionnel. On se dit « je veux bien faire deux kilomètres si je peux trouver un œuf ». C’est que, même fatigué, on a de la force pour deux kilomètres. Mais l’épuisement total, c’est le sentiment : « Même pour sauver ma vie je ne ferais pas dix mètres. » Cela correspond à un état où l’énergie végétative est mise à nu, où la marche brûlerait une énergie indispensable aux fonctions même de la vie, aux échanges vitaux.

Au reste, la sensibilité étant un indicateur parfois défectueux, le sentiment d’épuisement peut apparaître avant que l’état d’épuisement ait commencé, ou après. Mais psychologiquement, c’est sans doute le sentiment qui compte.

Entré dans cet état, les intentions comportant un ajustement des résultats et des intentions sont remplacées par des besoins immédiats et inconditionnés. C’est alors que l’âme crie : « Il faut ! »

Il faut que je voie *** ! Il faut que je m’arrête ! Il faut que je mange ! Il faut que je boive ! Il faut que cette douleur soit suspendue au moins un instant !

Répondre froidement et cyniquement, comme Talleyrand au mendiant : Je n’en vois pas la nécessité.

Ajouter par amour : Je consens à ce que ce besoin dure sans être satisfait, avec son intensité actuelle ou une intensité plus grande, sans aucune compensation d’aucune sorte, soit perpétuellement, soit jusqu’à l’anéantissement de l’âme et du corps.

La compensation, c’est le consentement lui-même. Mais il ne faut pas l’évaluer ainsi, ou tout bien en disparaît.

Certains hommes peuvent loger tant d’énergie dans un objet extérieur à eux-mêmes que tant que cet objet existe, jamais, même tout près de la mort, ils n’en sont : réduits à l’arrachement de l’énergie végétative. Ce sont les géants qui ont caché leur vie au fond d’un lac.

Ceux-là ne peuvent faire un pas vers l’éternité.

Les soldats de Napoléon étaient ainsi.

Peut-être les martyrs ? Ceux dont la mort n’a pas ressemblé à celle du Christ. En tout cas le Polyeucte de Corneille est ainsi.

Quand l’énergie végétative est à nu, l’univers disparaît, le besoin est l’univers. L’univers tout entier est occupé à pousser le cri de l’âme : « J’ai faim ! » « J’ai mal ! » « Il faut que cela cesse ! » Il n’y a plus d’autre bien au monde que la satisfaction immédiate du besoin.

À ce moment, répondre : « Je n’en vois pas la nécessité », c’est arracher violemment la partie éternelle de l’âme au moi et la clouer au non-moi.

Le besoin étant inconditionnel, le consentement à la continuation indéfinie de la privation est aussi inconditionnel. Il ne comporte aucune compensation déguisée, aucun marchandage tacite, puisqu’il n’y a aucun bien dans tout l’univers pour personne, hors la satisfaction immédiate de mon besoin.

Le consentement à l’absence totale et perpétuelle de tout bien est le seul mouvement de l’âme qui soit inconditionnel.

Il est le seul bien.

Il ne peut se produire qu’à ces moments où un tel cri occupe toute l’âme qu’on croit qu’il n’y a aucun bien dans tout l’univers pour personne, sinon la satisfaction immédiate du besoin. Alors le consentement à la non-satisfaction est inconditionnel.

Dans d’autres moments, le consentement à l’absence de bien n’est qu’un mouvement de fatigue. Alors le repos est le bien qu’on poursuit sous le prétexte de ce renoncement. Le consentement en ce cas est apparent et conditionnel.

Un tel consentement est à la volonté ce qu’est à l’intelligence la contradiction dans un mystère. Il est absurde.

Il est le consentement à ne pas être.

Consentir à ne pas être, c’est consentir à la privation de tout bien, et ce consentement constitue la possession du bien total. Seulement on ne le sait pas. Si on le sait, le bien disparaît. Orphée perd Eurydice quand il la regarde. Niobé voit ses enfants mourir quand elle en vante le nombre.

Mais quand le besoin végétatif est mis à nu, il n’y a aucun danger qu’on tue le bien en en prenant conscience. L’âme est occupée entièrement par le cri de la privation et de la douleur.

Quand toute l’âme crie « Il faut… ! » sauf un point qui répond « Pourquoi ? » et « Je consens à ce que… ne pas. », à ce moment on porte sa croix. Mais le Christ a dit qu’il faut le faire tous les jours. Comment cela peut-il se faire ? Faut-il se placer dans des circonstances où on souffre à ce point tous les jours ?

Peut-être.

Dans la joie intense et pure, on est également vide de bien, car tout le bien est dans l’objet.

Il y a autant de sacrifice, de renoncement, au fond de la joie qu’au fond de la douleur.


[Sénèque : Simul ista mundi conditor posuit deus — odium atque regnum.]


Les passions — avarice, ambition, dévouement à une personne ou une collectivité, vices — accumulent de l’énergie dans tel ou tel objet extérieur qui sert d’excitant, de manière qu’à moins que cet objet ne soit détruit, l’énergie végétative n’est jamais mise à nu dans les pires circonstances. C’est pourquoi elles sont funestes. L’homme qui s’y livre n’est pas le fils qui gaspille son héritage avec les prostituées, c’est le fils qui met son patrimoine dans une banque. Il n’aura pas faim ; il ne reviendra pas vers son Père.

La seule chose qui peut sauver un être humain de ce danger, c’est l’exigence. Si je crois voir du bien dans Napoléon, comment ne lui consacrerais-je pas une part de mon énergie ? Mais si je m’aperçois ensuite qu’il n’est pas assez bon pour moi, l’énergie que je lui aurai consacrée est perdue.

À ce moment j’ai le choix. Ou subir cette perte ; ou pour ne pas la subir, me mentir et me persuader qu’il est assez bon pour moi.

Les choses d’ici-bas ne servent de banque pour le patrimoine d’énergie dont nous disposons — banques où ce patrimoine peut se conserver et même s’accroître dans des proportions extraordinaires, grâce à d’heureuses spéculations — qu’au prix du mensonge à soi-même.

Quand le patrimoine est presque dissipé, qu’on est au bord de la misère totale, la tentation d’y avoir recours pour garder au moins quelques sous est presque irrésistible. C’est pourquoi une vie restreinte et obscure avilit souvent l’âme plus que la richesse et la puissance.

L’enfant prodigue a dépensé ses derniers sous.

Il faut n’avoir plus rien pour se tourner vers le Père.

Quand on a encore quelque chose, et qu’on se tourne vers le Père, c’est quelqu’un d’autre sous son nom.

Que je sois comme tes mercenaires. C’est-à-dire que, comme les choses inertes, je sois tout entier soumis à ta volonté.

« Tu ne m’as jamais rien donné. » « Parce que tout ce que j’ai est à toi. » Il suffit d’être sans libre arbitre pour être égal à Dieu.

Si on est véridique, chaque dépense d’énergie est une perte d’énergie, tant qu’il s’agit de l’énergie qui est son bien propre. On ne la place à intérêt qu’en mentant.

Il en est autrement de l’énergie qui est un dépôt confié par Dieu. Il faut placer ce dépôt à intérêt.


« Il sema en toutes choses l’identité et l’unité qui s’étend à travers tout. »

L’unité, semence de Zeus.

C’est le Logos.

Il y a là aussi la Trinité,

Zeus se change en Amour pour semer l’Unité. Sa semence (σπέρμα), c’est son Fils. Il devient Amour pour engendrer.

La Création est la distance entre le Père et le Fils.

Isidoros (gnostique), disait : Pherekydès a composé une théologie allégorique dont il a pris la base dans la prophétie de Cham, afin qu’on apprît ce que sont le chêne ailé et la toile brodée qui y est suspendue (Clém. Al. VI, 6 (272).


Fragment de Pherekydès :

Isidoros — afin qu’on sache ce que sont le chêne ailé et l’étoffe brodée qui s’y trouve, allégories de la théologie de Pherekydès, dont il a pris le fondement dans la prophétie de Cham.

Fragment de Pherekydès : Ils lui font des demeures nombreuses et grandes. Quand ils ont tout achevé, avec les biens, les meubles, les serviteurs, les servantes, et tout ce qu’il faut, quand tout est prêt, ils font le mariage. Et quand c’est le troisième jour de la noce, alors Zeus fait une étoffe grande et belle et il y brode la Terre et l’Océan et les demeures de l’Océan.

Il y a toujours eu Zeus et Kronos (ou le temps ?) et Chtonia ; celle-ci a pris le nom de Terre, parce que Zeus lui a donné la terre comme un présent.

Origène, C. Cels., VI, 42. (II, iii, 13 K) Pherekydès, beaucoup plus ancien qu’Héraclite, disait que deux armées se sont opposées, l’une conduite par Kronos, l’autre par Ophiôn (Ophis, serpent). Elles ont convenu que ceux qui tomberaient dans l’océan seraient vaincus, et que les autres posséderaient le ciel. C’est la même histoire que celle des dieux et des titans, de Typhon avec Horos et Osiris.

Fragment de Pherekydès : les mariages à toi. Ainsi je t’honore. Sois joyeuse et comprends. On dit que ce furent les premiers présents de l’enlèvement du voile. De là en vint la coutume aux dieux et aux hommes. Elle… reç… (l’étoffe ?)

Origène. Celse, commentant Homère, dit que les discours de Zeus à Hera sont les discours de Dieu à la matière, sous forme d’énigmes (i. e. symboles). Elle qui à l’origine était sans règle, Dieu l’a prise et l’a liée et mise en ordre par certaines proportions. Les démons de son entourage qui étaient insolents, il les a jetés comme châtiments par la route d’ici. Il dit que Pherekydès comprenait ainsi les paroles d’Homère. « Au-dessous de cette destinée est la destinée du Tartare ; elle est gardée par les filles de Borée, les Harpies, et la Tempête (? θύελλα). Là Zeus jette tout dieu coupable de démesure. » Il dit qu’à ces conceptions aussi se rattache le péplos d’Athéna contemplé par tous dans la procession des Panathénées. Car ce qui est exprimé par lui, c’est qu’une divinité sans mère et non souillée domine les fils audacieux de la Terre.

Cet Ophion jeté dans l’Océan, c’est le Serpent de Midgard, fils de Loki, jeté par Odin au fond de l’Océan, et qui, se mordant la queue, fait le tour de la terre. C’est le Leviathan de la Bible. Au dernier jour, le Serpent de Midgard sera tué par Thor, mais en même temps le tuera de son venin. C’est le Serpent ou Dragon de l’Apocalypse. Etc.

Cela n’a rien d’étonnant, si la mythologie scandinave est d’origine troyenne.

Dans l’Iliade les Troyens portent un peplum à Athéna.

Le Chêne ailé est Yggdrasill.

D’après Probus et Hermias — Zeus ou l’éther est ce qui agit, la terre ou Chtonia ce qui subit, Kronos ou le temps ce dans quoi se produit ce qui se produit. — La terre est le principe de tout (?). Max. Tyr : … il examine la poésie du Syrien, Zeus et Chtonia et l’Amour entre eux et la naissance d’Ophiôn et la bataille des dieux et le chêne et le peplos.

Pherekydès est mort vers 600. Il n’aurait pas eu de maître, mais se serait formé lui-même, après avoir acquis les livres secrets des Phéniciens (Suidas).

Donc les « prophéties de Cham » seraient un de ces livres secrets des Phéniciens, lesquels descendent de Cham.

Le fleuve que Platon nomme Oubli, les Orphiques Styx, chez Pherekydès c’est l’écoulement de la semence (σπέρμα).

Ce fleuve est celui du baptême.

Le fleuve des spirituals nègres doit venir d’une tradition africaine, car aucun fleuve ne tient une telle place dans la tradition chrétienne.

La terre est une étoffe brodée sur l’axe du monde qui joint les deux pôles.

L’étoffe est agitée au hasard en tous sens, mais est retenue par la fixité de l’arbre.

(Est-ce chez les Indiens d’Amérique qu’accrocher des étoffes à des arbres est un acte religieux ou magique ?)

Cham engendre 1o Canaan qui engendre Sidon. 2o Kouch qui engendre Rama et Nemrod, le fondateur de Babel et de Ninive. 3o Misraïm, d’où sortent les Égyptiens et les Philistins. Kouch serait ainsi l’ancêtre des Éthiopiens.

Les Hébreux ont dû amalgamer 1o l’histoire de l’ivresse et de la nudité de Noé, et de l’attitude de ses fils. 2o une prophétie (après coup ?) sur les malheurs des descendants de Canaan. Si la conquête de la Palestine a eu lieu en même temps que la guerre de Troie, ce double malheur a dû frapper l’imagination.

Le chêne ailé. Comparer Yggdrasill, l’arbre battu des vents.

[Dans l’Edda, Soleil et Lune sont sœur et frère.]

Lire Diodore de Sicile, II, ch. iii, sur le Druidisme.

Voir Stonehenge, ruines d’un temple celtique du Dieu solaire.

Lucifer voulait être Dieu. Quoi de plus naturel ? L’amour seul fait consentir à n’être pas Dieu. L’amour fait consentir à être n’importe quoi, ou rien. L’amour est parfaitement satisfait par la pensée que Dieu est. Il faut aimer ainsi, ou être comme Lucifer ; tout le reste est servile.


Si le ciel était comme ils le peignent, on y serait plus malheureux que sur terre ; car sur terre on peut espérer parvenir plus tard à n’importe quel degré de perfection, au lieu qu’au ciel, tel qu’ils le décrivent, bien que les uns vaillent moins que les autres, et par suite tous moins qu’il n’est possible de valoir, on sait qu’il n’y a plus jamais aucun progrès.

Combien il faut que l’empire romain ait empoisonné le christianisme, pour qu’ils décrivent le paradis comme une cour de souverain ?


Dans un village de campagne, la parabole sur le grain dont le Semeur n’a plus à s’occuper quand il est jeté, parce qu’il pousse tout seul, que personne ne doit travailler à faire grandir, parce que de lui-même il grandit, pourrait servir de thème au sermon chaque dimanche, des semailles à la moisson. Cette seule pensée suffit si elle accompagne chaque regard sur le blé qui pousse.


Saint Paul sur le Christ « Qui est l’image du Dieu invisible, premier engendré de toute la création, car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, soit les thrones, soit les seigneuries, soit les principes, soit les pouvoirs ; toutes les choses à travers lui et pour lui sont créées ; et lui-même a été établi avant toutes choses et toutes les choses en lui, et lui-même est la tête du corps, de l’église. Lui qui est le principe, le premier engendré des morts, afin qu’il soit né en toutes choses premier, car en lui il a décidé qu’habite toute la plénitude, et à travers lui-même de réconcilier (veut dire aussi échanger) toutes choses vers lui, mettant en paix à travers le sang de sa croix, à travers lui-même, soit ce qui est sur terre soit ce qui est dans les cieux. »

Ces derniers mots sont inexplicables à l’intérieur du christianisme actuel. La pensée exprimée ici est exactement celle de Pherekydes : « semant dans toutes choses l’identité et l’unité qui s’étend à travers le tout ».

Cette identité, cette unité, c’est le Christ.

Le Christ est triple : 1o Le Fils de Dieu égal au Père, ne faisant avec lui qu’un seul Dieu, engendré et non créé. 2o Le premier-né de la Création, l’Âme du Monde, l’unité écartelée à travers toute chose, l’harmonie. 3o Un être humain (ou plusieurs ?).

Le premier engendré des cadavres ; est-ce Abel ?

Le premier acte de Dieu à l’égard de l’humanité exilée, c’est qu’il a laissé tuer l’innocent et à protégé le coupable contre la mort.

Si le Christ a réconcilié toutes choses et mis la paix, c’est que toutes choses sont composées de contraires. C’est une doctrine pythagoricienne.

L’harmonie, l’unité répandue à travers toutes les choses est la semence du Père. La semence du Père est le lait des enfants. Nous vivons de boire cette unité parmi les choses visibles. Le Père a une épouse qui transforme sa semence en lait pour nous nourrir ; c’est la nature. Shakti. La Vierge-Mère. Cette semence du Père, qui est le Fils, est reçue et bue par nous seulement à travers elle, χαῐρε κεχαριτωμένη.

Il y a encore un quatrième être du Christ. Il est une relation de Dieu avec soi ; l’Âme du Monde, aînée des créatures ; l’homme Jésus (et d’autres hommes ? et des créatures non-humaines ? ange, animal, arbre, matière inanimée ? cf. Origène). Il est aussi l’âme collective de la société formée par ceux qui l’aiment.

Mais cette société n’est pas vraiment une société. C’est une amitié. Une âme collective ne peut être qu’un faux dieu.

Pour ceci j’ai été engendré, pour ceci je suis venu dans le monde, pour témoigner pour la vérité. Quiconque procède de la vérité entend ma voix.

La raison suprême pour laquelle le Fils de Dieu a été fait homme, ce n’est pas pour sauver les hommes, c’est pour témoigner pour la vérité.

Témoigner que l’amour entre le Père et le Fils est plus fort que la distance entre le Créateur et la créature. Que la pensée des penseurs séparés est une.

Pour témoigner pour la vérité. Quelle vérité ? Il n’y a qu’une vérité qui vaille la peine d’être l’objet d’un témoignage. C’est que Dieu est Amour. Le Fils est séparé du Père pour témoigner qu’ils s’aiment. Témoigner devant qui ? Devant eux-mêmes. Dieu témoigne devant Dieu qu’il aime Dieu.


Généalogie troyenne dans l’Iliade (XX, 215 sqq) Zeus engendre Dardanos, qui fonde Dardanie. Ilion n’existe pas dans la plaine ; on habite le mont Ida. Dardanos engendre Érichtonios, le plus prospère des hommes. Il a 3 000 chevaux de Borée. Érichtonios engendre Trôs. Celui-ci a trois fils : Ilos, Assaracos, et Ganymède, le plus beau des hommes, que les dieux enlèvent. Ilos engendre Laomédon. Celui-ci, Tithon et Priam et Lampos et Klytios et Hiketaon. Assaracos engendre Kapys qui engendre Anchise.

Dardanos. Érichtonios. Tros. Ilos, Assaracos, Ganymède. Laomédon. Priam.


Ammianus Marcellinus. Julien établit la liberté pour toutes les sectes chrétiennes « pour que la licence accroissant les dissensions il n’eût pas à craindre ensuite un peuple unanime ; ayant constaté que nulle bête sauvage n’est si ennemie des hommes que la plupart des Chrétiens ne le sont mortellement entre eux ».

Telle était l’application du commandement : « Aimez-vous les uns les autres. »


Ammianus [Pyramide, de πῦρ ; imite une flamme].

[À Syene, (Assouan), le soleil étant dans une certaine partie du cancer, les choses verticales n’ont pas d’ombre à midi. De même à Meroë en Éthiopie, où plus de 90 jours les ombres sont du côté opposé à celui de chez nous.]


Ammianus Marcellinus : « Si quelqu’un veut d’un esprit attentif découvrir les nombreuses reproductions de la connaissance du divin et l’origine des connaissances de l’avenir, il trouvera que ces connaissances ont été portées à travers le monde entier à partir de l’Égypte. Là d’abord des hommes, longtemps avant les autres, sont parvenus aux divers commencements des religions ; et les premiers commencements des choses sacrées y sont soigneusement conservés, enfermés dans des écrits secrets. »

La sagesse des mages de Perse (Zoroastre) serait d’origine indienne. Mais la première origine serait chaldéenne. (?)

Apis est consacré à la Lune.

Les fêtes d’Adonis, dont les cultes mystiques enseignent que c’est un simulacre des moissons mûres.

Origine des Gaulois. Certains parlent des Doriens. Les Druides disent qu’une partie est indigène ; d’autres sont venus d’îles lointaines et d’au delà du Rhin. Certains disent que des Troyens fugitifs ont occupé ces régions alors désertes. Geryon et Tauriseus, tués par Hercule, étaient tyrans l’un d’Espagne, l’autre de Gaule. Un peuple asiatique de Phocée, évitant la cruauté du roi Cyrus, a fondé Marseille.

« Les Druides, d’esprit plus élevé, comme l’autorité de Pythagore l’a décrété, unis en fraternités (sodaliciis consortiis) se sont élevés par la recherche des choses cachées et profondes, et, méprisant ce qui est humain, ont prononcé que les âmes sont immortelles. » (Les Euhages essayaient de dévoiler les lois secrètes de la nature, les Bardes chantaient les exploits guerriers.)

[Quand Julien a pris l’administration de la Gaule, on demandait à chacun 25 pièces d’or comme impôt personnel.]

« Ut auctoritas Pythagorae decrevit » peut vouloir dire (dans le langage bizarre de cet écrivain), non pas sous l’influence de Pythagore, mais conformément à sa doctrine.

Invocation à Bacchus dans Sénèque (Œdipe). Lucidum caeli decus — adverte virgineum caput… [pour se cacher de Hera, simulata virgo] Gange — Araxes — Le Cithaeron a été souillé « Ophonia caede ».

Dionysos a un rapport particulier avec l’histoire d’Œdipe. Le sphynx indique que cette histoire est importée d’Égypte.

Cadmus, « Sidonio hospiti ».


L’absence de bien, ou plutôt le sentiment de cette absence, c’est le malheur. Le soleil de Platon étant le bien, les ténèbres, dans le mythe de la caverne, c’est le malheur. Les premières ténèbres, quand le captif délivré de ses chaînes est encore dans la caverne, c’est le sentiment affreux qu’une âme prend de sa propre misère quand elle commence à rentrer en elle-même et se rend compte du mensonge de ce qu’elle a cru des biens. Les secondes ténèbres, produites par l’éblouissement chez le captif sorti de la caverne, c’est le sentiment de malheur dans l’âme de celui qui possède le bien, mais qui ne sait pas qu’il le possède. C’est la nuit obscure de l’esprit de saint Jean de la Croix. Avec le temps, les yeux s’habituent, le sentiment de la lumière apparaît ; mais les yeux s’élevant vers un nouvel objet plus lumineux, l’éblouissement recommence. Ce sont les alternatives entre le sentiment de damnation et le sentiment de salut notées par saint Jean de la Croix. Ces alternatives se reproduisent à chaque étape, et par suite durent d’autant plus longtemps qu’un homme s’élève davantage dans l’échelle des objets de plus en plus lumineux ; au maximum chez celui qui finit par regarder le soleil lui-même, en soi, tel qu’il est. De même saint Jean de la Croix dit que l’état de nuit obscure de l’esprit, avec ses alternatives, dure d’autant plus longtemps que l’âme est destinée à aller plus loin dans le chemin de la perfection.

Quand le captif est dans l’obscurité, il a le sentiment qu’il a la vue, mais est dans l’obscurité ; ce qui est exact. Mais quand il entre dans la lumière qui l’éblouit, il a l’impression d’être aveugle. C’est ce que saint Jean de la Croix nomme le sentiment de la damnation.

Le Soleil étant le Bien, la vue est la faculté d’aimer dans l’âme, et la lumière ne peut être que l’Amour. Si Platon la nomme vérité, c’est comme le Saint-Esprit, qui est Amour, est nommé par le Christ l’Esprit de vérité. Les objets éclairés sont la beauté. Le dernier est la lune, qui est la beauté pure en Dieu, le Verbe.

Cette analogie si étroite entre Platon et saint Jean de la Croix, qui ne s’explique sûrement pas par un emprunt direct, probablement pas non plus par un emprunt indirect, montre que la vérité mystique est une comme la vérité arithmétique ou géométrique.


Exemple de prière.

Dire à Dieu :

Père, au nom du Christ, accorde-moi ceci.

Que je sois hors d’état de faire correspondre à aucune de mes volontés aucun mouvement du corps, aucune ébauche même de mouvement, comme un paralytique complet. Que je sois incapable de recevoir aucune sensation, comme quelqu’un qui serait complètement aveugle, sourd, et privé des trois autres sens. Que je sois hors d’état d’enchaîner par la moindre liaison deux pensées, même les plus simples, comme un de ces idiots complets qui non seulement ne savent ni compter ni ire, mais n’ont même jamais pu apprendre à parler. Que je sois insensible à toute espèce de douleur et de joie, et incapable d’aucun amour pour aucun être, pour aucune chose, ni même pour moi-même, comme les vieillards complètement gâteux.

Père, au nom du Christ, accorde-moi réellement tout cela.

Que ce corps se meuve ou s’immobilise, avec une souplesse ou une rigidité parfaites, en conformité ininterrompue avec ta volonté. Que cette ouïe, cette vue, ce goût, cet odorat, ce toucher, reçoivent l’empreinte parfaitement exacte de ta création. Que cette intelligence, dans la plénitude de la lucidité, enchaîne toutes les idées en conformité parfaite avec ta vérité. Que cette sensibilité éprouve dans leur plus grande intensité possible et dans toute leur pureté toutes les nuances de la douleur et de la joie. Que cet amour soit une flamme absolument dévorante d’amour de Dieu pour Dieu. Que tout cela soit arraché à moi, dévoré par Dieu, transformé en substance du Christ, et donné à manger à des malheureux dont le corps et l’âme manquent de toutes les espèces de nourriture. Et que moi, je sois un paralysé, aveugle, sourd, idiot et gâteux.

Père, opère cette transformation maintenant, au nom du Christ ; et bien que je la demande avec une foi imparfaite, exauce cette demande comme si elle était prononcée avec une foi parfaite.

Père, puisque tu es le Bien et que je suis le médiocre, arrache de moi ce corps et cette âme pour en faire des choses à toi, et ne laisse subsister de moi, éternellement, que cet arrachement lui-même, ou bien le néant.

De telles paroles n’ont une vertu efficace que si elles sont dictées par l’Esprit. Ce n’est pas volontairement qu’on peut demander pareilles choses. C’est malgré soi qu’on en arrive là. Malgré soi, mais on y consent. On n’y consent pas avec abandon. On y consent avec une violence opérée par l’âme entière sur l’âme entière. Mais le consentement est entier et sans réserve, donné d’un mouvement unique de tout l’être.

Est-ce de là que vient la métaphore du mariage ? Ce rapport entre Dieu et l’âme ressemble à celui de l’époux avec l’épouse encore vierge, la nuit des noces. Le mariage est un viol consenti. Ainsi l’union de l’âme avec Dieu. L’âme a froid et ne sent pas qu’elle aime Dieu. Elle ne sait pas elle-même que si elle n’aimait pas elle ne consentirait pas. L’union conjugale se prépare, elle qui va faire de la personne d’un homme un simple intermédiaire entre sa chair et Dieu.

D’autres âmes aiment Dieu comme une femme aime son amant. Mais les amours des amants ne sont pas durables. Les époux seuls sont une seule chair pour toujours.

(Mais tous ces phénomènes spirituels sont absolument hors de ma compétence. Je n’y connais rien. Ils sont réservés à des êtres qui possèdent, pour commencer, les vertus morales élémentaires. J’en parle au hasard. Et je ne suis même pas capable de me dire sincèrement que j’en parle au hasard.)


Début d’un conte italien. Un garçon secourt une malheureuse vieille. Elle remercie. « Puisses-tu épouser la princesse Belle du Monde ! » Il rentre chez lui et dit à son père : « Je pars chercher la princesse Belle du Monde ! Elle seule sera ma femme et aucune autre. » Il la demande au Grand Vent, qui dit « Je n’ai jamais entendu parler d’elle, mais je vais envoyer mes brises à sa recherche ».

On est sûr qu’il la trouvera, et qu’elle sera bien plus belle encore qu’il n’espérait.

Il s’agit du Bien.


Un cordonnier va épouser une princesse — qui s’est promise à lui parce qu’il l’a délivrée —. Elle lui a fixé le lieu du rendez-vous, et la date, qui s’étend sur trois jours. I] y va, mais raconte l’histoire là où il loge, et on lui donne un soporifique. Il arrive au lieu désigné et s’endort. Elle, venue en voiture magique, pleure, l’appelle, mais ne peut l’éveiller. Elle part en laissant un mouchoir brodé, mais un petit berger le vole. La même chose les deux jours suivants. Elle lui fait dire par le petit berger qu’elle l’attendra chez son père pendant sept ans. Il demande à un sage le chemin de ce château. Le sage dit : « Traversez cette forêt, c’est de l’autre côté. Mais vous n’arriverez probablement pas en sept fois sept ans. Tous ceux qui ont essayé sont morts, ou ont renoncé. » Le cordonnier va vers la forêt, se procure des haches, se met à tailler, car il n’y a aucun sentier. À mesure qu’il coupe, cela repousse plus vite, Il essaie ailleurs, ailleurs, ailleurs ; c’est toujours pareil. Pour fuir un lion, il monte sur un arbre ; de là, il voit une étendue immense de forêt. Il désespère. Mais il se rappelle la parole du sage « Traversez cette forêt ». Il lui vient à l’esprit d’aller de sommet d’arbre en sommet d’arbre. Il y met sept ans. Au bout, il est devant un château en fête. La princesse se marie le lendemain. Il y va, en loques, méconnaissable. Il épouse la princesse.

La signification mystique est évidente.


Dieu visite l’âme, mais elle dort. Si elle était éveillée, le mariage spirituel s’accomplirait, sans épreuve, sans efforts. Certains saints peut-être ont été ainsi ?

Il s’en va, laissant quelque chose de son passage, nous laissant pressentir qu’il nous attend. Il faut traverser le mal, aller au bout du mal, pour le rejoindre. On s’attaque à son péché, on coupe, on tranche ; mais il repousse plus vite. Il n’y a rien à espérer par cette méthode.

Il faut passer par-dessus le péché. C’est un mode de trajet pénible, lent, mais possible. On avance vraiment, et on arrive au bout,

Qu’indique ce mode de progression, au-dessus du mal comme un homme qui va de sommet d’arbre en sommet d’arbre ?

On n’essaie pas d’abolir le mal en soi, mais d’aller au bout.

À travers tous les péchés, penser au bien. Ne pas penser au mal à détruire, mais au bien.

Méditer encore sur cette image de forêt.


Le roi qui voit le sang d’un corbeau sur du marbre (mauvaise transposition, il s’agit de la neige) et tombe malade du désir d’une femme blanche, rouge et noire.

Le morceau d’étoffe arraché au manteau pour une future reconnaissance (σύμβολον).

Le taureau qui donne à manger à l’enfant affamé (l’enfant frappe son dos, et le repas apparaît) ; il se fait enterrer en disant qu’au bout d’un an on vienne le déterrer en apportant une coupe de sang, une de lait et une d’eau.

« Jésus-Christ qui est venu à travers le sang et l’eau. Non dans le sang seulement, mais dans le sang et dans l’eau. »

Le garçon qui monte trois fois la montagne de verre, habillé de noir, puis de jaune, puis de blanc.

Le cordonnier (celui de la forêt) passe trois nuits dans trois chambres d’un château magique. Une jaune, une rouge, une noire. Il doit pour délivrer la princesse se coucher, mais ne pas dormir, et rester calme et sans peur quoi qu’il arrive. Des sorcières viennent, l’injurient, et ne pouvant l’émouvoir, le prennent et l’amènent au bord d’un puits où elles vont le jeter. À cet instant précis, une heure sonne. Elles disent « Notre heure fatale ! », le laissent tomber à terre, disparaissent. La seconde nuit, exactement la même chose ; un bûcher au lieu du puits. La troisième, de même ; le supplice devait être de le jeter du haut d’une tour. La princesse est délivrée.

Le mal semble être sans limite. Mais il y a une limite, de sorte que celui qui est courageux et patient (ἐν ὑπομονῇ) est sauvé à la toute dernière minute, quand il voit sa perte déjà accomplie.


[La race dite Ibérique, Méditerranéenne, Berbère, Basque, Silurienne, Euskarienne — de langage « hamitique » (Gallas, Berbères) — d’origine africaine ? — premiers habitants de la vallée du Nil — Pelasges de Grèce, Étrusques d’Italie, Hittites de Palestine — en Angleterre, culture ressemblant à celle des montagnes du sud de l’Inde, jusqu’à l’arrivée des Celtes. — Serait-ce cette race — ce milieu humain — qui est désigné partout par le terme « autochtone » ? Type encore dominant dans l’ouest de l’Angleterre et de l’Irlande.]

[Le prof. Rhys supposait que ceux que César nomme « Aquitani » étaient non-celtiques, non-aryens, Ibériens à langage hamitique. Le même croit que le Druidisme est ibérique, et que le polythéisme de Gaule est celtique.]

Welsh poem Book of Taliesin. À lire.

Stonehenge, nommé par Diodore un temple d’Apollon. Selon la tradition britannique (Geoffrey de Monmouth ?) les géants qui les premiers colonisèrent l’Irlande apportèrent de la côte la plus lointaine d’Afrique ces pierres d’une vertu miraculeuse. Merlin les mit à Salisbury Plain.

Les « Treize trésors de Bretagne ». Épée, panier, corne à boire, chariot, corde, couteau, chaudron, pierre à aiguiser, vêtement, échiquier [pan ? platter ? ].

Est-ce un zodiaque ?


[Ce qu’on appelle hamitique, c’est ce qui se rattache à Cham, que les Allemands et Anglais nomment Ham.]

Égypte, Chaldée, Inde, Crète, Troie — centres de sagesse. — Et Phénicie. — Et Angleterre (centre druidique).

Thalès était un demi-phénicien. Pherekydès connaissait les livres secrets des Phéniciens.

La prophétie de Cham. Ce sont là ces « hommes anciens, plus près des Dieux que nous » dont parle Platon.

Si les Troyens ont passé en Thrace, il n’est pas étonnant que le culte de Dionysos et l’Orphisme viennent de Thrace. Il apparaît dans l’Iliade que les Troyens sont plus aimés de Dieu que les Achéens.

Hérodote « Les Gètes pensent qu’il n’existe aucun Dieu sinon le leur ». Pourquoi ce peuple ne serait-il pas élu aussi ?

L’idée d’une résurrection à partir des os implique l’idée que le sang est fabriqué dans les os. (Les Scythes brûlaient les os des animaux sacrifiés.)

Platon « La génération de la moelle est le principe des os, de la chair, etc. ; car les liens de la vie, quand l’âme est attachée au corps, se nouent dans la moelle, enracinant l’espèce mortelle. Et la moelle naît d’autre chose… Dieu, ayant mêlé [les éléments purs] en proportion, en ayant combiné une semence universelle pour toute vie périssable, en a fait la moelle… Et la glèbe qui devait porter en elle la semence divine, il l’a façonnée ronde et a nommé cette partie de la moelle cervelle, »

À partir des os la vie devait donc pouvoir se reconstituer, si la moelle était intacte.

Brûler devait être pour les choses solides comme la libation pour les liquides. La coupe représentant l’univers, la goutte répandue était donnée au monde supracéleste. De même le feu fait disparaître une chose de ce monde, et la transporte dans l’autre. En brûlant les os, où était enfermée la vie, on transportait donc la vie dans l’autre monde.

Par suite certainement d’une décadence de la pensée, cette cérémonie a été prise pour la condition de ce dont elle constituait le symbole ; exactement comme le baptême chez des catholiques étroits comme saint Augustin. Hector supplie Achille pour son cadavre comme un chevalier du moyen âge implorerait le loisir de se confesser. Achille veut non seulement tuer, mais damner Hector.

D’autre part, ceux qui enterrent préparent une future résurrection.


L’Atlantide. Pourquoi ne serait-ce pas, purement et simplement, l’Amérique ? Quand, pour une raison quelconque, on a perdu la technique de la navigation permettant d’y aller, on a cru qu’elle avait été engloutie.


Héphaïstos et Athéna sont un doublet. Le Saint-Esprit. (Cet Héphaïstos n’est sûrement pas fils d’Hera ?)


Le rayonnement du soleil est emmagasiné dans l’arbre — qui sous cette impulsion monte vers le ciel — et ressort du bois mort par la méthode du frottement. Le bois est conservateur de la lumière. Prométhée a sûrement un rapport avec le bois. De là l’insistance avec laquelle il est parlé du bois dans la Sagesse, à propos de Noé, et dans les premiers écrits chrétiens, à propos du Christ.

Le bois vivant emmagasine la flamme solaire ; mais c’est le bois mort et desséché qui la donne aux hommes.

Ainsi l’arbre est le héros d’un sacrifice analogue à l’Incarnation.

« Je suis venu jeter un feu sur la terre. »

Eschyle concernant Prométhée, Platon au sujet de l’Amour, emploient des adjectifs dont le sens est «  desséché » et qui conviendraient mieux à du bois, à un arbre, qu’à un homme.

L’arbre de vie donne du feu. L’arbre du péché donne des fruits. (Mais cette opposition est-elle correcte ?)

Le bois brûlé subit une passion.


Les menhirs ont dû être des imitations en pierre de la flamme.

Le mot « brûler » pour dire être amoureux, doit venir d’une tradition où on voyait le bois brûlant par amour pour nous, pour nous donner la chaleur et la lumière.

Le Soleil, le Père. Le bois, le Christ. La lumière, l’Esprit. La lumière est donnée par le soleil à l’arbre et par l’arbre aux hommes.

Les rois atlantes menaient le taureau à la colonne, et à son sommet ils l’égorgeaient.

« Il faut que le fils de l’homme soit élevé. »


Si le taureau avait une affinité avec la mer, comme avec la lune, le phénomène des marées devait être connu.


Le sel est symbole d’éternité. « Tout doit être salé dans le feu. » Le feu transporte dans l’éternité ce qu’il fait disparaître de ce monde.

Toutes les autres destructions sont des transformations. Le feu seul anéantit.

Le feu est de la lumière qui détruit. Il transforme les choses en lumière.

La pousse de l’arbre reçoit et emmagasine une lumière qui la fait monter et lui fait produire des fruits, et ensuite la transformera entièrement en lumière.

Rapport de Noé avec Poseidon — Osiris — Dionysos — Aphrodite Céleste née de la mer.


Pythagoriciens. Le nombre, c’est le rapport spécifique de chaque chose avec Dieu, qui est l’unité. Le rapport universel, c’est le Logos, la Sagesse divine, le Verbe divin, auquel l’univers est conforme par amour.

L’histoire indienne (d’Amérique) sur le chasseur qui s’en va chez les chevreuils, y prend une femme, et y apprend la méthode de tuer les jeunes chevreuils pour les manger, avec leur consentement, et de les ressusciter ensuite en jetant leurs os dans une rivière — cela doit se rapporter aux débuts de l’élevage, qui a dû commencer par un pacte avec les animaux.

Cette eau qui ressuscite ressemble à celle du baptême.

Il y a dans cette opération une analogie avec le grain qu’on enfouit. C’est pourquoi Platon nomme la moelle semence.


Le début de la Genèse est d’un esprit opposé à celui de la suite du Pentateuque. Celui que Dieu aime meurt prématurément de mort violente, sans postérité. Celui que Dieu hait vit longtemps, a une nombreuse postérité, bâtit une ville. Dieu n’a pas empêché celui qu’il aime d’être tué.

Cela montre que ce récit est de source égyptienne.

La Genèse n’est pas présentée comme un enseignement de Dieu à Moïse, ainsi que les Nombres, le Lévitique, etc. — Moïse l’a donc eue de sources humaines. L’histoire des Hébreux depuis Abraham vient sûrement des souvenirs plus ou moins confus des Hébreux. Mais la première partie de la Genèse, celle qui précède la généalogie d’Abraham, ne peut être qu’une transposition de récits égyptiens plus ou moins bien compris et adaptés. Car Moïse était initié à la sagesse secrète des prêtres égyptiens, mais initié à un degré sans doute inférieur à la plénitude de la sagesse. Il leur était seulement supérieur en magie. Malgré cela on peut regarder les 10 premiers chapitres de la Genèse comme un fragment d’ouvrage sacré égyptien. Peut-être aussi l’histoire de la tour de Babel. (Cependant il n’y a là aucune trace de la croyance des Égyptiens, qu’ils étaient les[2]

[Les prêtres égyptiens disaient que depuis 11 340 ans, c’est-à-dire depuis 11 800 B. C., il n’y a pas eu de dieu à forme humaine.]

Pan est le plus ancien des dieux ; le premier des huit dieux. Héraclès est le premier de la deuxième série, celle des douze dieux. Osiris est le premier de la troisième série. Ensuite vient son fils Oros. Puis il n’y a plus de dieu humain.

Héraclès est 17 000 ans avant Amasis (qui est vers − 569). Osiris 15 000 ans avant Amasis. I] y aurait donc eu 12 dieux de Pan à Osiris, en 2 000 ans, soit un dieu en ans.

Si le rythme est constant, Pan précède Héraclès de ans. Le plus ancien des dieux serait d’environ 19 000 B. C. Mais il n’y a aucune garantie de la permanence du rythme.

Le fils de Sémélé précède Hérodote de 1.600 ans, celui d’Alcmène de 900 ans, Pan fils de Pénélope, qui est postérieur à Troie, de 800 ans. Hérodote écrit vers − 450. Cela met Sémélé en − 2050 ; Alcmène et Amphitryon en − 1350 ; le second Pan en − 1250. La guerre de Troie est donc entre − 1350 et − 1250. Hercule encore jeune a épargné Priam enfant. La guerre de Troie serait plus proche de − 1250 ; dans le 2e quart du xiiie siècle avant. Or d’après les calculs modernes Pharôn serait mort en 1224 ; Protée, qui lui a succédé, a reçu Hélène. Il y aurait là quelque part une légère erreur.

Le premier ordre de l’Éternel à Abraham, c’est qu’il doit s’en aller. Quand il passe en Canaan, l’Éternel promet ce pays à sa postérité. Il passe en Égypte, où il y a déjà un Pharaon. (Il est traité d’une manière merveilleusement humaine.) C’est longtemps après que l’Éternel lui enjoint la circoncision. Or il avait dû apprendre en Égypte que les Égyptiens la pratiquaient.

Hérodote dit : « Seuls ceux de Colchide, les Égyptiens et les Éthiopiens ont pratiqué la circoncision dès l’origine. Les Phéniciens et les Syriens de Palestine reconnaissent eux-mêmes l’avoir appris des Égyptiens » [il croit que la Colchide était peuplée de colons égyptiens — c’est le pays de Médée — dragon comme à Thèbes…]

Le fait que le pacte avec Abraham a été la circoncision et non pas quelque chose d’original montre que les Hébreux n’étaient pas plus élus que les Égyptiens.

Les trois personnages qui viennent chez Abraham n’ont rien à voir avec la Trinité. Il y a le Seigneur et deux envoyés. Le Seigneur semble bien être une incarnation de Dieu. Ne serait-ce pas Melchisédec ? L’époque de Melchisédec correspond singulièrement à celle de Dionysos, qui est allé en Inde.

Les filles de Loth. Ce passage ne s "explique que par une tradition où Loth serait resté le seul homme ; un embrasement universel, réplique du Déluge (il en est question dans le Timée et dans Nonnos) auquel échappe un seul juste. De plus Loth s’enivre de vin comme Noé. L’un des deux peuples descendant de cette union est les Ammonites, adorateurs de Zeus Ammon, qu’Hérodote regarde comme un mélange d’Égyptiens et d’Éthiopiens.

La circoncision est comme la libation. On donne à Dieu une goutte de chaque coupe de vin, une parcelle de la chair de chaque homme.


Hérodote commence son histoire par la guerre de Cyrus contre Solon. Cyrus est celui qui a rétabli le temple de Jérusalem. Hérodote, dans ses voyages, est allé jusqu’à Tyr. Comment n’a-t-il pas entendu parler de Jérusalem ?

« En faisant passer vos enfants par le feu. » Il ne doit pas s agir d’un sacrifice. Ce serait un massacre. Il doit s’agir d’un baptême.

Ezechiel « Mais en revanche, moi, je leur ai donné des lois malheureuses et des règlements non susceptibles de les faire vivre » (xx, 25). C’est l’idée de saint Paul.


Paroles de Dieu, par Ezechiel, à Tyr :

« Puisque tu as dit « Je suis un Dieu… », puisque tu t’es attribué un cœur pareil au cœur d’un Dieu (en vérité, tu es plus sage que Daniel, aucun secret ne t’échappe !), puisque tu t’es attribué un cœur pareil au cœur d’un Dieu, je vais amener contre toi des étrangers, les plus violents des peuples… Ils te feront descendre à la fosse, et tu mourras de mort violente… Oseras-tu dire encore « Je suis un Dieu » en face de tes meurtriers ? Mais tu n’es qu’un homme et non un Dieu entre les mains de ceux qui te blessent à mort. »

Ces paroles pourraient très bien être adressées au Christ.

« Tu n’es qu’un homme et non un Dieu entre les mains de ceux qui te blessent à mort. »

Quand Nemrod, petit-fils de Cham, le premier qui ait été puissant sur terre, fonde Babel, tous les hommes sont ensemble. Donc les descendants de Japhet et de Sem lui obéissent.

Abel = Pan ? Nemrod = Héraclès ? (mais Héraclès est 2 000 ans avant Osiris ; si Noé est Osiris…) Hénoch = Hermès ? Cham = Horos ?

Job a d’abord été prospère afin que sa justice apparaisse. Car il pouvait opprimer et ne l’a pas fait.

De même le Christ a eu des pouvoirs exceptionnels, afin qu’il apparaisse qu’il ne faisait que du bien.

Dieu donne à Satan tout pouvoir sur Job, sauf sa personne. « Il n’imputa point d’injustice à Dieu. »

Dieu donne à Satan tout pouvoir sur Job, y compris sa personne, sauf sur sa vie.

Sûrement, dans une partie perdue, Dieu à la troisième étape donnait à Satan pouvoir sur la vie de Job. Job mourait sans avoir maudit Dieu, et Dieu le ressuscitait.

Cette 3e partie a été remplacée par le discours d’Elihou et celui de Dieu.

Job n’est-il pas le Juste d’Isaïe ? « Homme de douleurs, expert en maladies. » Peut-être que dans la 3e partie on le tuait, et que là il ne disait plus rien. Peut-être que ses soi-disant amis ameutaient la populace pour le tuer.


Sénèque, de Bacchus « Cornigerum caput ».

La conquête de l’Inde par Bacchus, est-ce que cela ne signifie pas que l’orphisme serait d’origine indienne ? Mais Hérodote ne parle pas de cette conquête.


Job par ses prières sauve ses propres persécuteurs de la colère de Dieu. Cela n’a vraiment de sens que s’ils lui ont fait vraiment du mal. Le mouvement dramatique exige qu’ils lui fassent vraiment du mal.


Médée de Sénèque. Les vers centraux sont : « Sola est quies — mecum ruina cuncta si video obruta ; — mecum omnia abeant. Trahere, cum pereas, libet. » Voilà pourquoi elle ne veut pas savoir que Jason la quitte contraint et forcé. Elle veut détruire tout ce qu’elle aime.

En Grèce, la peinture des plus atroces misères est enveloppée d’une lumière de spiritualité et de poésie. Les choses romaines sont insurpassables comme horreur froide, affreuse. Sénèque, Tristes d’Ovide, Plaute, Tacite. Le seul message de Rome, c’est l’horreur du malheur vide de vie spirituelle. De même ceux qu’on nomme « élégiaques », Catulle, Tibulle, Properce. C’est cela qui reste du plus grand Empire.

Mais l’Empire romain n’a jamais été vraiment détruit. C’est lui qui continue à tourmenter la terre. Il a assez contaminé le christianisme pour avoir été conservé par lui.


Les Troyennes. « Tolle felices, miserum, licet sit — nemo se credet. Removete multo — divites auro, removete centum — rura qui scindunt opulenta bubus — pauperi surgent animi jacentes — est miser nemo nisi comparatus.


Un chasseur poursuit ceux qu’il veut tuer. Mais un berger les nourrit, les soigne, et il n’y a pas de succès dans ce métier s’il n’y a affection entre le berger et le troupeau. Il y a une contradiction dans le métier de berger (cf. ce roman du Shropshire). Cette contradiction a dû être un des premiers et des plus intenses sujets de réflexion.

Il s’en trouve un écho dans le début de la République. Apollon était berger. Était-il le premier ? Abel était berger. Pan est le dieu des bergers. Les bergers sont avertis de la naissance du Christ.

Il est le Berger, et en même temps l’Agneau.

Les bergers étaient maudits ou sacrés en Égypte. L’astronomie révélée aux bergers babyloniens.

Il ne pouvait y avoir affection que s’il y avait pacte et libre consentement. L’animal consent à son supplice. Mais pour une telle générosité, il faut qu’il soit Dieu.

Zeus s’enveloppe d’une peau de bélier égorgé pour apparaître à Héraclès.

Le sacrifice d’Abel, qui plaît tant à Dieu, c’est la mort d’Abel.

Y a-t-il eu des sacrifices rituels de bergers ?

Une moitié des Thébains tuait les moutons, une autre les chèvres. Sans doute division primitive du travail pour être purs de trahison. Ceux qui élevaient les moutons mangeaient les chevreaux, ceux qui élevaient les chevreaux mangeaient les moutons.

Les Égyptiens arrosaient abondamment d’huile les viandes brûlées en sacrifice. L’huile avivait la flamme. La combustibilité de l’huile explique l’affinité de l’olivier avec le Saint-Esprit. Ils devaient regarder l’huile comme étant du feu en puissance et liquide.

Au contraire l’eau éteint le feu, l’eau est le contraire du feu. L’union de l’eau et du feu est une harmonie pythagoricienne. Cela est réalisé dans le vin.

Eau, huile, vin — thèse, antithèse, synthèse.

Dans les contes, jaune, blanc, rouge, doit être huile, eau, vin. — Mais y a-t-il jaune, blanc, rouge ? Je ne sais.

Qu’est-ce que noir, blanc, rouge ? cendre, eau, sang ? Le feu noircit.

« Salé par le feu. » Les choses cuites se conservent. On a dû primitivement mettre la viande dans le feu pour la consacrer. On s’est aperçu ensuite qu’ainsi cela devenait une toute autre nourriture. La viande rôtie figure dans des prescriptions religieuses.

L’eau et l’huile ne se mélangent pas. Éléments ennemis. L’eau ne peut se mélanger au feu que dans le vin.


Dieu a séparé les eaux d’en bas et celles d’en haut. C’est aussi la première séparation que nous devons faire dans notre microcosme.


Les Égyptiens pensaient que leur eau fertilisante leur venait du monde souterrain. L’idée d’en faire le séjour des morts éternellement vivants vient-elle de là ?

C’est à cause de l’analogie de la respiration et de la combustion que l’Esprit, qui est feu, est aussi souffle. De là une représentation mixte de l’énergie comme un souffle igné.

Le lait étant le liquide qui contient la semence du père, la flamme vitale, on devait regarder l’huile comme le lait venu de Dieu.


Job. Un Juif a dû traduire en hébreu et, en quelque sorte, laïciser, une histoire de Dieu incarné, souffrant, mort, ressuscité, rédempteur. Job est le juste malheureux de Platon, tellement juste qu’il semble injuste.

Ce qu’on nomme « le second Isaïe » est peut-être aussi en partie non juif. Car de toute manière cette compilation repose sur une confusion.

Une grande partie des Psaumes a pour thème l’histoire du Juste souffrant.


Le Christ est à la fois le berger, l’agneau, la porte de la bergerie. Trinité.

Le berger soigne et nourrit l’agneau, puis le vend au boucher qui le tue.

Le silence de l’agneau est interprété comme un consentement.

L’huile brûle la bête offerte en sacrifice. Ainsi Héphaïstos cloue Prométhée à sa croix — ἄκοντα ἄκων.

Prométhée est aimé même par son bourreau. Il est l’Amour. Il ne peut pas ne pas être aimé.


Répandre sur la terre le sang des bêtes tuées (ordre de Dieu à Noé) est sûrement un rite de chasseur pour que l’espèce qui lui sert de nourriture ne s’épuise pas. Il pense que la bête tuée ressuscite à partir de ce sang.

Le sang d’Abel aussi a coulé sur la terre.

Le sang du Christ aussi.

Deux doctrines physiologiques. — L’une place la vie dans le sang, l’autre, comme Platon, dans la moelle. Les Indiens d’Amérique et les Scandinaves ont la seconde. Les Hébreux ont la première. Mais pour l’agneau pascal ils observent aussi la seconde. C’est donc que la première date d’une civilisation de la chasse, la seconde d’une civilisation de l’élevage. Des chasseurs pouvaient croire à la résurrection à partir du sang. Des bergers ne pouvaient pas.

Pour les os, il est vrai, ils ne pouvaient pas non plus. Ce doivent être deux traditions de chasseurs.

L’élevage a dû s’établir au moyen de cette idée de la résurrection des animaux. Quand on s’est aperçu qu’elle ne correspondait pas aux faits, on a eu recours à la doctrine du sacrifice, à la fois pour ôter le sentiment de culpabilité et s’expliquer pourquoi les animaux ne s’en allaient pas.

Dieu se déguise en agneau pour être égorgé et en bœuf pour être esclave.

La castration du bœuf doit être un thème de mythe.

La castration d’Ouranos par Cronos a-t-elle un rapport avec cela ?

(Pherekydès. Il y a Ouranos, Chtonia et Chronos. Dieu, la matière et le devenir. Platon a gardé cela. Le devenir est du côté du mal. Et pourtant, Saturnia regna ? Il y a sûrement eu confusion de deux thèmes distincts.)

Zeus, dans le Gorgias « Qu’on dise cela à Prométhée ». Donc Prométhée était chargé par Zeus de veiller sur les hommes.

Les trois « Personnes » de la Trinité. Persona. Les trois masques de Dieu.

La castration d’Osiris — puisqu’Iris retrouve tout son corps, sauf le sexe — a-t-elle une relation avec le taureau et le bœuf ?

Le taureau consent à perdre sa puissance créatrice pour devenir esclave de l’homme.

Dieu a pouvoir de vie et de mort, mais il se vide de l’un et de l’autre et est fait esclave.

Artemis envoie un sanglier et sous forme d’Atalante le tue. Regardait-on le sanglier comme une incarnation de la lune irritée ? Était-il interdit pour cette raison ?

Bâton de Méléagre. Le souffle est dans l’homme comme le feu dans le bois. Quand il sort, c’est la mort.

Pendaison. Homme tué par la pesanteur. Est-ce là le symbole ? Son inclination invincible vers le bas le fait mourir. Y avait-il une idée d’ordalie ? Si tu peux monter à travers l’air, tu ne mourras pas. Venez tous constater qu’il ne peut pas.

Pourquoi était-il plus déraisonnable aux Égyptiens d’adorer un bœuf qu’aux catholiques d’adorer un morceau de pain ?

Les Hébreux ne voulaient pas trahir l’Éternel quand ils n’ont pas vu revenir Moïse. Mais n’ayant plus l’homme dont les paroles étaient le langage de Dieu, ils ont voulu avoir une représentation sensible de Iahveh. Aaron a trouvé cela très naturel.

Si c’est de l’idolâtrie de croire que Dieu réside dans un certain veau de métal, en quoi l’idolâtrie est-elle moindre de croire qu’il réside dans un certain temple ?

« Nos pères ont adoré dans la montagne. » Aucune hérésie n’a jamais été condamnée plus fortement que n’est condamnée dans l’Ancien Testament l’adoration sur les hauts lieux.

Néanmoins le bon Samaritain est le prochain. La Samaritaine de mauvaise vie croit au Christ. Le lépreux samaritain revient seul des dix remercier le Christ. Le Christ refuse de maudire un village samaritain. C’était assez nettement désavouer l’Ancien Testament, et désavouer d’avance l’Église.

La Samaritaine a témoigné pour le Christ, et les Samaritains ont dit « Nous savons qu’il est le sauveur du monde ».

La Cananéenne. « Je ne suis venu que pour les brebis perdues d’Israël. » I] ne lui était pas permis de faire des guérisons seulement pour guérir.

L’humilité de cette femme est le signe de sa foi. Elle aurait pu dire qu’il la traitait ainsi parce qu’il ne pouvait pas.

Même quand Dieu n’opère pas notre bien, croire qu’il veut et peut l’opérer. Cela est contradictoire. C’est la foi. L’humilité produit cette merveille.


En établissant le monopole du temple, les prêtres hébreux ont voulu faire de la religion une chose purement sociale. Israël a commerce avec Dieu, et non pas tel, tel et tel Israélite.

C’est pourquoi l’exil seul, en détruisant complètement le peuple, leur à permis de trouver Dieu, le Dieu de l’âme solitaire, le Père qui est dans le secret. Daniel priait seul dans sa chambre. Le culte était devenu secret.

De là le ton du livre d’Isaïe, de certains psaumes, etc.

Le livre de Job doit être à la fois ancien et récent. Un Hébreu converti à la soi-disant idolâtrie avait pu le traduire dès le x ou ixe siècle dans son intégrité. Mais il a dû être trouvé et adapté par un Hébreu du temps de l’exil, et d’une génération née dans l’exil. La pensée du malheur des innocents ne devait faire impression que sur ceux-là.

À ce moment aussi on a dû composer, peut-être en s’inspirant beaucoup de textes chaldéens et perses, des élégies où on faisait parler David, plus tard confondues avec les poèmes authentiques de David. (Et peut-être prenait-on soin même de pasticher sa langue ?)

Il n’y a aucune raison de croire plus à l’authenticité des textes attribués à David qu’à Salomon.

Les Pharisiens essayaient de reconstituer l’ancienne religion, le Iahveh social.

Il était bon qu’Israël fût esclave, même de Rome. C’est pourquoi le Christ a payé l’impôt.

On peut dire que Jérémie était inspiré en un sens en conseillant la soumission à Nabuchodonosor. Mais alors Moïse ne l’était pas…

Il était bon que le temple fût détruit.


L’universel seul est vrai, et l’homme ne peut porter son attention que sur le particulier. Cette difficulté est l’origine de l’idolâtrie.

Le Cantique des Cantiques aussi est peut-être bien une traduction. Probablement.

Il faudrait voir à partir de quand il est question d’épousailles entre Dieu et Israël.

Mais la fille du Cantique n’est pas Israël. C’est une âme.

Comme le monopole de Silo, puis de Jérusalem, faisait de la religion une chose sociale, de même le monopole de l’Église.


Osiris n’a pas été seulement tué, mais supplicié. Il a été enfermé dans un coffre où il est mort lentement étouffé et terrifié. Le supplice d’Antigone est voisin de celui-là.

Le coffre est analogue au miroir de Zagreus. Osiris s’est laissé mesurer.

C’est le symbole de la Création. La Passion est le châtiment de la Création. La Création est un piège où le diable prend Dieu. Dieu y tombe par amour. Dès lors il n’est pas pris, puisqu’il n’est pas autre chose qu’amour.

La foi est croire que Dieu est amour et rien d’autre.

Ce n’est pas encore la bonne expression.

La foi est croire que la réalité est amour et rien d’autre.

Comme un enfant se cache de sa mère, pour rire, derrière un fauteuil, Dieu joue à se séparer de Dieu par la création.

Nous sommes cette plaisanterie de Dieu.

Croire que la réalité est amour, tout en la voyant exactement comme elle est. Aimer ce qui est intolérable. Embrasser du fer, coller sa chair contre la dureté et le froid du métal.

Ce n’est pas une forme de masochisme. Les masochistes sont excités par le simulacre de la cruauté ; parce qu’ils ne savent pas ce que c’est que la cruauté. Mais ce qu’il s’agit d’embrasser, ce n’est pas la cruauté, c’est l’indifférence et la brutalité aveugles. Ainsi seulement l’amour devient impersonnel.

Si l’amour ne trouve aucun objet, l’être qui aime doit aimer son amour même, saisi comme quelque chose d’extérieur. Alors on a trouvé Dieu.

« Amare amabam. » Il avait trouvé, s’il s’en était tenu là.


Comme les Hindous l’ont vu, la grande difficulté, pour chercher Dieu, c’est que nous le portons au centre de nous-mêmes. Comment aller vers moi ? Chaque pas que je fais me mène hors de moi. C’est pourquoi on ne peut pas chercher Dieu.

Le seul procédé, c’est de sortir de soi et de se contempler du dehors. Alors, du dehors, on voit au centre de soi Dieu tel qu’il est.

Sortir de soi, c’est la renonciation totale à être quelqu’un, le consentement complet à être seulement quelque chose.

Beaucoup d’êtres humains usés par le malheur en sont arrivés malgré eux à être seulement quelque chose à leurs propres yeux. Il n’y a peut-être plus rien à faire en ce cas, car on ne peut plus consentir à devenir ce qu’on est déjà devenu malgré soi.

Traités avec un vrai amour — mais l’amour ne peut leur être accordé que par miracle — ils peuvent redevenir quelqu’un, ne fût-ce que quelques instants, et avoir ainsi une chance, fût-elle minime ; de gagner l’éternité en consentant à retomber à l’état de chose.

Celui qui donne un morceau de pain sans un mot, si le geste est celui qui convient, donne ainsi parfois en même temps la vie éternelle. Un tel geste peut avoir une valeur rédemptrice très supérieure à beaucoup de sermons.

Le Christ a fait cela pour nous. En devenant pour nous chose comestible, il nous persuade que nous sommes quelqu’un, et nous permet ainsi de désirer être seulement quelque chose, comme lui.

Donner un morceau de pain est plus que faire un sermon, comme la Croix du Christ est plus que ses paraboles.

Demander un morceau de pain aussi est beaucoup.

La charité qu’il faut faire à un pauvre affamé est de lui donner un morceau de pain. La charité qu’il faut faire à un riche repu est de lui demander un morceau de pain.

Le mieux est d’être un mendiant affamé, et de mendier, et de donner une partie de ce qu’on reçoit.

Saint François aurait dû peut-être constituer un ordre secret, et sans autre vœu que celui du secret.

Il est trop facile de se parler de ces choses sans les faire.

On ne peut pas sortir de soi par la volonté. Plus on veut, plus on est en soi. On ne peut que désirer, supplier.


Nous sommes par rapport à la direction verticale, dans le sens du haut, ce qu’est, par rapport à la direction horizontale, un enfant qui ne sait pas encore marcher.

Le comprendre, c’est cela qui est redevenir humble comme un enfant.

Au sommet d’une montagne, on est plus près du ciel que dans la plaine. Mais on n’est pas plus près de voler. On en est exactement aussi loin.

C’est pourquoi l’orgueil est une erreur.

Quand on vole, si on vole vraiment, on est sorti de soi, et il n’y a plus d’orgueil.

Le bien commence au delà de la volonté, comme la vérité commence au delà de l’intelligence.

Au delà de la volonté, donc au delà de la loi.

La vraie loi est une loi non écrite, comme Sophocle le savait. Car la lettre tue. Donc Moïse ne venait pas de la part de Dieu.

Israël était cette société de brigands dont parle Platon, qui à l’intérieur essaie d’établir la justice.

Rome, avec son droit romain, était du même genre.

Le mal a beau être contraire au bien, il est contraint d’en enfermer l’image. Car tout témoigne pour le bien. Caïn témoigne comme Abel, Judas comme le Christ. Mais les uns désirent témoigner, et les autres témoignent comme par un malentendu.

Comme le Christ, nous avons tous été envoyés en ce monde pour témoigner pour la vérité ; et quoi que nous fassions, nous témoignerons.

Quand on a compris cela, on ne peut plus avoir peur de désobéir à Dieu.

Pourtant cette angoisse demeure dans une partie de l’âme.

Joie d’être certain qu’en tout cas, inconditionnellement, même malgré soi, on obéira à Dieu, puisque tout lui obéit. Si notre âme ne consent pas à Lui obéir, notre chair y consentira ; et notre obéissance sera alors conformité aux lois de la mécanique.

Celui qui consent à obéir à Dieu, l’esprit en lui obéit, c’est-à-dire est soumis aux lois des phénomènes spirituels ; le reste de l’être, par un mécanisme que nous ignorons, s’adapte à l’esprit autant qu’il faut pour que ces lois jouent. Celui qui ne consent pas à obéir à Dieu, en lui il n’y a pas d’esprit. L’âme charnelle et la chair qui sont tout son être obéissent, c’est-à-dire sont soumis aux lois mécaniques.

Le diable même a voulu, mais n’a pas pu désobéir.


Deux vérités inconditionnelles, auxquelles ni mes crimes ni mes malheurs n’ont pu, ne peuvent, ne pourront jamais porter aucune atteinte.

Le Bien est réel.

L’univers entier et toutes ses parties, parmi lesquelles moi-même, obéissent parfaitement et exclusivement au Bien.

Dieu est notre seul débiteur ; car nulle créature ne peut nous faire du mal ou nous priver d’un bien sans son autorisation. Lui remettre sa dette, c’est reconnaître que perpétuellement il nous donne tout le bien que nous consentons à recevoir.

Le grand crime de Dieu envers nous, c’est de nous avoir créés ; c’est que nous existions. Notre grand crime envers Dieu, c’est notre existence. Quand nous pardonnons à Dieu notre existence, notre existence est pardonnée par Dieu.

Il faut savoir qu’on n’est rien, que l’impression d’être quelqu’un n’est qu’une illusion, et pousser la soumission jusqu’à consentir, non seulement à n’être rien, mais aussi, en même temps, à être dans l’illusion. Alors la boucle de l’obéissance est fermée : on est revenu en apparence au point initial, au point où sont ceux qui n’aiment pas Dieu. Et Dieu alors nous pardonne d’exister,

Dieu nous pardonne d’exister au moment où nous ne voulons plus consentir à exister que dans la mesure où c’est la volonté de Dieu.

Nous ne pouvons exister que criminels.

Quand le crime à imprégné l’âme au point qu’elle en en est tout entière empoisonnée, le repentir implique un arrachement total à soi-même, et alors il n’y a pas de repentir sans sainteté. Mais cela n’arrive qu’aux criminels malheureux. Chez ceux qui sont prospères, le crime n’est pas enfoncé dans l’âme.

Il faudrait élaborer une théorie du châtiment humain.

Pourquoi, depuis l’ère chrétienne, n’y a-t-il jamais eu un législateur inspiré de Dieu ? Pourquoi aucun saint n’a-t-il apporté de législation ?

Jamais l’inspiration chrétienne n’a su se donner une relation avec les choses d’ici-bas. Tout se passe comme si l’Incarnation était un couronnement, un achèvement, et non un commencement.

Quand le grain était regardé par tous comme une image du royaume de Dieu, toute la vie d’un paysan pouvait être une prière, et sa patience être la vertu surnaturelle de patience, ὑπομονῇ.

Il faudrait composer un calendrier spirituel, un thème annuel de méditation, pour les paysans.

Aux semailles, le semeur dont le grain tombe sur la pierre, ou dans une mauvaise terre, ou dans une bonne terre.

C’est-à-dire que Dieu donne à tous à tout instant la totalité du bien, mais que nous ne recevons que ce que nous voulons.

Travailler notre âme comme on travaille la terre pour qu’elle reçoive le grain. Nous labourer nous-mêmes.

C’est un thème qui doit durer tout le temps des labours et finir aux semailles.

En labourant, demander à Dieu de retourner et briser l’âme comme on retourne et brise la terre.

Puis « Si le grain ne meurt ». C’est un thème qui peut durer depuis la moisson, où on tue le blé, jusqu’aux semailles. Le labour est la préparation d’une sépulture.

Demander à Dieu de nous tuer et de nous ensevelir spirituellement dès ici-bas. Ensevelir dans le renoncement total et le silence.

Surtout Marc, iv, 26.

« Le royaume de Dieu, c’est comme un homme qui jetterait le grain sur la terre et dormirait et se réveillerait la nuit et le jour, et le grain germe et croît tandis qu’il n’en sait rien. D’elle-même la terre porte les fruits ; d’abord l’herbe, puis l’épi, puis la plénitude du blé dans l’épi. Et quand elle a donné le fruit, aussitôt on envoie la faux, parce que la moisson est là. » (Aussitôt après, grain de sénevé.)

Une fois la terre bien préparée, si seulement elle accueille le germe, et si on écarte ce qui le détruirait, le germe pousse tout seul. La lumière et l’eau qui tombent du ciel le font pousser.

Objet de méditation depuis les semailles jusqu’à la moisson. Le jour, alors qu’on s’occupe à n’importe quoi ; le soir, quand on va dormir ; la nuit si on s’éveille ; se dire de moment en moment : pendant ce temps le grain pousse. Et quoique le paysan n’y pense pas constamment, il a toujours quelque part en lui la certitude heureuse que le blé pousse.

Quand l’âme a une fois reçu un atome d’amour de Dieu, il n’y a plus qu’à attendre et laisser pousser.

Il faut seulement veiller, comme le paysan veille sur son champ.

Demander à Dieu de semer un grain dans l’âme et d’y verser la lumière et la pluie.

La moisson est la mort spirituelle. Quand le grain s’est multiplié, quand l’épi est là, aussi grand qu’il peut être, alors Dieu intervient pour transformer le bien fini en bien infini. Il envoie la mort spirituelle, celle après laquelle un homme ne vit plus, mais Dieu vit en lui.

Thème pour la moisson.

Demander à Dieu la mort spirituelle.

En fauchant, demander d’être ainsi coupés de nous-mêmes et de tout ce qui nous est cher et de tout ce que nous croyons posséder.

Au moment de la moisson, comparer la faux (ou la lame de la faucheuse) à un glaive, et donner comme thème la parole « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive ». Ajouter saint Paul : « La parole de Dieu est un glaive à deux tranchants. »

Quand on bat — il n’y a malheureusement rien pour le fléau ni la batteuse. Mais on peut penser dès lors à la destination du blé, qui est de faire du pain.

Thème spécial à ce moment, mais qui doit aussi pourtant être rappelé toute l’année : « Je suis le pain de vie… Ce pain, c’est ma chair que je donne pour le salut du monde. »

Les paysans devraient garder du grain qu’ils moudraient eux-mêmes et duquel ils feraient eux-mêmes des hosties tout le long de l’année.

Leur expliquer que le travail brûle littéralement de la chair, et qu’ainsi en un sens leur propre chair a été transformée en ce pain. De ce pain la consécration fait la chair du Christ. Ils le mangent, et par la digestion la chair du Christ devient leur chair. Le cycle est bouclé.

Demander que nous nous transportions dans le Christ et le Christ en nous.

Demander que Dieu fasse de notre chair la chair du Christ pour que nous soyons comestibles à tous les malheureux.

Les paraboles mises bout à bout amènent l’année à son terme. L’âme de l’homme est retournée par ses propres efforts sur lui-même et par les coups du sort. Elle est labourée. Un infiniment petit de bien y tombe, sans qu’on le sache soi-même ; on ne s’en aperçoit qu’après coup. Il pousse tout seul. Quand il est arrivé à maturité, Dieu envoie la mort spirituelle. L’épi est alors enfoui dans la terre, enseveli, puis porte des fruits. Ou encore l’épi est broyé et transformé en pain. L’homme ne vit plus en soi, mais le Christ vit en lui ; sa chair est devenue la chair du Christ et les malheureux la mangent. Une vie humaine est ainsi comme une année. Tout ce qui précède l’ensemencement est labour.

À chaque coup du sort, se dire « je suis labouré ». À chaque peine petite ou grande.

Il faudrait en même temps que ces thèmes de méditation spirituelle donner en corrélation les notions de culture générale sur les transformations de l’énergie dans la croissance des plantes, dans la nourriture, dans le travail. Rapporter à cela un ensemble de connaissances élémentaires et essentielles d’astronomie, de mécanique, de physique, de chimie, de biologie, et rapporter le tout à la série des paraboles.

Cela suppose un cercle d’études.

Il faudrait des messes spéciales pour les membres de ce cercle d’études, le dimanche ou en semaine, avec pour évangile la parabole sur le grain correspondant au moment, pour ponctuer la suite des travaux.

Il faudrait un ordre dont les membres passent leur vie comme valets de ferme et fassent vivre ces cercles d’études. Laïques, mais qui prêcheraient à ces messes spéciales.

Il leur faudrait une culture générale très étendue.

En même temps qu’il est vrai en un sens que la chair, brûlée par le travail, passe dans le produit du travail, il est vrai aussi que le blé n’est pas produit par le travail. Le travail ne fait que préparer une partie des conditions indispensables. C’est le ciel même qui donne de sa substance, sous forme de lumière et d’eau, qui descend pour devenir épi.

Pendant le labour et les semailles, un thème de méditation à poursuivre aussi est : « Regardez les oiseaux du ciel qui ne labourent ni ne sèment. »

Ils ne labourent ni ne sèment, et ils ont à manger.

On peut labourer et semer, et mourir de faim.

Il n’y a aucune garantie.

Il faut labourer et semer, non pour récolter, mais par pure obéissance. Agir en renonçant aux fruits de l’action.

Tous ces thèmes conviennent à toutes les cultures de céréales.

Pour les arbres à fruits, « vous connaîtrez l’arbre à son fruit ». La parole fondamentale du Christ (avec : si vous demandez du pain, vous ne recevrez pas des pierres).

Aussi le grain de sénevé.

Pour la vigne, pendant tout le temps que dure la taille, c’est-à-dire tout l’hiver, le thème est : « Je suis le cep, vous êtes les rameaux ; le rameau qui est dans le cep porte des fruits ; le rameau coupé du cep sera brûlé. »

Demander à être regreffé dans le cep. Car nous sommes coupés.

Cela convient toute l’année.

Au pressoir, se souvenir du miracle de Cana et de la Cène.

Demander que notre propre vin soit transformé en ce vin, en sang du Christ.

À tous les moments où on embauche du personnel supplémentaire, la parabole des ouvriers de la 11e heure.

À tous ceux qui sont embauchés, à tous ceux qui ont été appelés, ont répondu oui, sont venus à la vigne et ont commencé à travailler, quand ils n’auraient plus que deux jours à vivre, le même salaire est accordé : Le salaire est Dieu. Il ne comporte aucun degré.

Pour l’élevage, il y a tous les passages sur l’agneau, les brebis, la porte de la bergerie, le bon berger.

Aussi Isaïe « Comme une brebis… maltraité, injurié, il n’ouvrait pas la bouche ».

(D’où vient l’opposition entre boucs et brebis ? Le Christ procède de l’inspiration thébaine. Zeus Ammon.)

Il n’y a rien, je crois, sur les bœufs et les vaches.

Pour les femmes, il y a des paroles qui ont rapport spécialement à elles.

Pour les mères de famille « quand la femme est en travail d’enfant, elle est triste… mais ensuite… »

Comparer toutes les peines et tous les malheurs à un enfantement.

Pour les jeunes filles, la parabole des vierges sages. Toute jeune fille vit dans le provisoire, dans l’attente, prête pour un moment où elle quittera la maison paternelle pour commencer une vie nouvelle et inconnue. Ainsi toute âme humaine. L’arrivée du fiancé, c’est ou la grâce, ou la mort. C’est plutôt la grâce.

Souvent les ménagères cherchent fiévreusement quelque chose qui semble se cacher. Se souvenir alors de la métaphore de la drachme perdue. Comme je cherche cet objet, avec fièvre, avec désespoir, ainsi Dieu me cherche, et je me cache pour ne pas être trouvée.

Les mythologies, le folklore, enferment quantité de paraboles semblables à celles de l’Évangile qu’il suffit de dégager.

On peut aussi en faire de nouvelles. (Il y faut l’inspiration du Saint-Esprit.)

Il faut que dans chaque condition sociale chacune des activités qui compose une vie soit reliée à Dieu par une parabole qui lui convienne spécifiquement ; de sorte que toute une vie humaine soit seulement une parabole.

Chaque vie parfaite est une parabole inventée par Dieu.

Il faut que dans toute vie humaine une vie de sainteté parfaite puisse être vécue. S’il y a une condition pour laquelle c’est impossible, elle doit être supprimée.

Pour en juger, il faut concevoir concrètement toutes les modalités possibles de la marche vers la perfection.

Cela aussi est le monopole du Saint-Esprit.

Chaque action impliquant un rapport d’un être humain avec d’autres ou d’un être humain avec des choses enveloppe véritablement un rapport original et spécifique à Dieu qu’il faut découvrir.

C’est ce que les Pythagoriciens appellent « le nombre ».

Avoir dans toute activité une partie de l’âme qui se retire et se concentre en Dieu est une bonne chose comme étape, mais n’est pas le terme. Il faut un lien bien différent entre la partie spirituelle de l’âme et l’activité profane. Il faut que chaque activité profane soit exercée de manière qu’y apparaisse la signification avec laquelle Dieu l’a créée.

Cette partie de l’âme qui est faite pour Dieu doit d’abord se retirer de l’univers, pendant même que le reste de l’âme est pris par des choses terrestres, pour chercher à voir Dieu ; mais ensuite, elle doit regarder la face supérieure des choses d’ici-bas, la face que les choses d’ici-bas présentent à Dieu. Ainsi seulement toute l’âme est restituée à Dieu.


Nous sommes vis-à-vis de Dieu comme un voleur à qui la bonté de celui chez qui il a pénétré a permis d’emporter de l’or. Cet or, du point de vue du légitime possesseur, est un don ; du point de vue du voleur, c’est un vol. Il faut qu’il retourne et restitue. Ainsi pour notre être. Nous avons volé un peu d’être à Dieu pour le faire nôtre. Dieu nous l’a donné. Mais nous l’avons volé. Il faut le rendre.

L’âme arrivée à voir la lumière doit prêter sa vue à Dieu et la tourner vers le monde.

Notre moi, disparaissant, doit devenir un trou à travers lequel Dieu et la création se regardent.

La partie de l’âme qui a vu Dieu doit ensuite transformer chacune de nos relations avec une créature en une relation entre une créature et Dieu.

Chaque relation entre deux ou plusieurs choses créées — qu’il s’agisse d’êtres pensants ou de matière — est une pensée de Dieu. Nous devons désirer la révélation de la pensée de Dieu correspondant à chaque relation avec nos semblables ou avec la matière dans laquelle nous sommes engagés.

Ne pas penser ces relations est seulement une étape. Le terme est de penser chacune, dans sa spécificité, comme une pensée particulière de Dieu.

Cela est un miracle. Car une pensée particulière de Dieu, c’est une contradiction. Une contradiction ne peut se réaliser sans miracle.

« Tout est possible à Dieu », telle quelle, cette phrase n’a aucun sens, car cela veut dire seulement « tout est possible », pensée absolument vide de contenu. Cela veut dire : dans le domaine transcendant, les contradictoires sont possibles.

Une pensée particulière de Dieu. C’est là une de ces contradictions qui ne sont pas des erreurs, mais des portes sur le transcendant ; des portes sur lesquelles il faut frapper à coups redoublés, car à la fin elles s’ouvriront.

Cette contradiction est reconnaissable comme étant une de ces portes parce qu’elle n’est pas évitable. Nous savons par expérience que la vérité est exclusivement universelle, et que la réalité est exclusivement particulière, et pourtant les deux sont inséparables et même ne font qu’un. Nous ne pouvons pas nous sortir de là.

Quand une contradiction est une impasse absolument impossible à contourner, excepté par un mensonge, alors nous savons qu’elle est en réalité une porte. Il faut s’arrêter et frapper, frapper, frapper, inlassablement, dans un esprit d’attente insistante et humble. L’humilité est la vertu la plus essentielle dans la recherche de la vérité.

La création est un tissu de pensées particulières de Dieu. Nous sommes un nœud de ces pensées. Quand nous avons compris que nous ne sommes pas quelque chose par nous-mêmes, ce n’est encore rien. Il faut que toutes nos pensées, c’est-à-dire toutes les relations de notre âme avec les choses passées, présentes ou à venir unies à nous par quelque relation, il faut que chacune de nos pensées coïncide avec une pensée particulière de Dieu.

L’Ancien Testament est parvenu depuis 2 000 ans à suggestionner ses lecteurs au point de leur faire voir toutes les histoires qu’il raconte du point de vue d’Israël. De même les historiens latins pour Rome, etc.

On peut susciter chez quelqu’un le jugement le plus absurde si on peut par suggestion placer son âme au lieu d’où ce jugement paraît vrai. Il l’adoptera et s’y tiendra s’il reste où on l’a placé au lieu de marcher autour de l’objet à connaître. Cette capacité de suggestion est l’éloquence. Chacun exerce presque toujours beaucoup d’éloquence sur soi-même. Des circonstances favorables étant données, l’éloquence est très puissante aussi sur autrui.

Le point de vue est la racine de l’injustice.

La géométrie plane est un exercice de pensée sans point de vue. Tout est sur un plan.

En tout domaine, c’est une purification indispensable de la pensée que d’étaler la chose sur un plan, supprimant ainsi le point de vue, au moyen de l’intelligence déductive.

Mais il faut plusieurs coupes, comme pour le dessin industriel. Une seule coupe fait tomber dans l’erreur.


Conte du cordonnier. Quelqu’un a essayé de traduire une expérience spirituelle.

L’impression de voyager suspendu par les mains à un fil, le long duquel on progresse en déplaçant les mains, au-dessus du gouffre de l’enfer (le fil est la récitation quotidienne du Pater en grec) ; c’est assez semblable à cette image du voyageur qui franchit une forêt en passant de sommet d’arbre en sommet d’arbre.

Le mal qui est en nous nous cache le Bien absolu. Mais tant que la pensée est dirigée sur la lutte contre le mal, toute portion de mal que nous détruisons repousse à mesure. Il faut avoir la pensée orientée avec désir, à travers le mal, vers le bien infiniment lointain.

Cela n’empêche pas la notion négative de la vertu d’être la bonne.

Le cordonnier qui dort au lieu du rendez-vous par la perfidie de l’hôtesse. Il ne devait pas raconter à l’hôtesse que la princesse lui avait donné rendez-vous.

On ne doit pas dire à la partie inférieure de sa propre âme qu’on a un tel rendez-vous. Un tel rendez-vous doit être tenu secret même à l’égard de soi-même. Surtout à l’égard de soi-même. Sur les choses tenues tout à fait secrètes à l’égard de soi-même, le diable n’a aucune prise. Le diable n’entre pas dans le secret. Le Père céleste y habite.

C’est pourquoi les vertus surnaturelles foi, charité, sont peut-être meilleures implicites qu’explicites.

Seule une obligation stricte de témoigner peut rendre légitime la rupture du secret.

Le secret doit être complètement gardé avant le rendez-vous. Après, c’est moins rigoureusement indispensable. Mais il doit l’être encore, sauf obligation.

Les vertus surnaturelles doivent toujours être implicites pendant un temps. Ceux, s’il y en a, chez qui elles restent implicites jusqu’à la mort sont peut-être les plus favorisés.


Conte albanais sur la princesse mariée à un serpent. Variante de Psyché. Les contes de cette espèce sont à diviser en deux variétés. Dans l’une, la princesse est Dieu, l’homme-animal est l’âme ; dans l’autre, c’est l’inverse. Les deux sont le plus souvent confondues dans un même conte. Ce conte est de la seconde variété. Le serpent est fils d’un roi du Monde d’en-dessous. Il a voulu venir sur terre et prendre la forme d’un prince merveilleusement beau. Mais il lui est défendu d’avoir cette forme sinon la nuit. Les belles-sœurs brûlent sa peau de serpent ; il doit disparaître. La princesse, pour le retrouver, s’en va au Monde d’en-dessous. Elle obtient l’autorisation de le ramener sur terre.

Elle doit passer devant une sorcière et demander de l’eau ; et, quelque liquide répugnant que la sorcière lui donne à boire, le boire et dire que c’est délicieux.

C’est l’amor fati.

Elle ne peut retrouver son époux que parce que parmi les cendres de la peau du serpent il reste une écaille intacte.

C’est le σύμϐολον du Banquet, la pantoufle de vair de Cendrillon, la boucle de la princesse dans le conte du cordonnier. Dieu, quand il est venu nous trouver et a disparu, nous laisse quelque chose de lui-même. Autrement la recherche serait vaine.

Le prince ne peut avoir la forme de prince que la nuit, pour son épouse. Autrement il est serpent. Voir l’histoire de l’Héraclès dans Hérodote. Dieu ne peut apparaître que déguisé.

Lors des substitutions de races à l’aube de l’humanité (ex. quand l’« homo sapiens » des paléontologistes s’est substitué aux variétés antérieures) les vaincus ont pu apparaître aux vainqueurs comme une espèce animale plutôt qu’humaine. [Même aujourd’hui, bien des Américains sentent ainsi pour les Japonais, et peut-être réciproquement.] Or un de ces vaincus pouvait être Dieu incarné. D’où peut-être une des origines de cette image de Dieu déguisé en animal.

Ce conte albanais vient d’une mythologie où le serpent est Dieu, où le serpent est ce qu’est pour les chrétiens l’Agneau.

Dans d’autres contes semblables, il y a un taureau au lieu du serpent. Le serpent et le taureau sont deux bêtes lunaires.

Un dragon est la même chose qu’un serpent.

Le serpent d’airain aussi est Dieu.

Problème : pourquoi était-il bien de faire un serpent d’airain, et criminel de faire un veau d’or ?

Ce serpent d’airain est resté l’objet d’un culte jusqu’à une époque très tardive.

Moïse avait senti que les Juifs ne pouvaient pas se passer d’une bête en métal.

Rois, xix. « Le Seigneur se manifesta. Devant lui un vent intense et violent, mais ce vent n’était point le Seigneur. Après le vent, une forte secousse ; le Seigneur n’y était pas encore. Après la secousse, un feu ; le Seigneur n’était point dans le feu. Puis, après le feu, un doux et subtil murmure. »

Trait fulgurant. Morceau de mystique égaré dans ces histoires atroces.

Vent violent ; secousse ; feu ; doux murmure.

Elle sacre un roi de Syrie.

Dans Samarie, « les Sefarvites brûlaient leurs enfants dans le feu… » « Il baptisera dans le feu » ne peut pas ne pas être une allusion à ces pratiques.

C’est alors peut-être qu’on a traduit Job, etc., en hébreu ?

C’est Ezechias, 100 ans avant la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, 230 ans après la mort de Salomon, c’est lui seulement qui a broyé le serpent d’airain de Moïse. Jusque-là on lui offrait de l’encens.

L’établissement d’un pouvoir fort semble avoir été l’unique objet de Moïse.


Conte albanais. Un prince construit un temple que tout le monde admire. Un vieux regarde en silence. Interrogé, il dit : « Il lui manque une chose pour être parfait. — Quoi ? — Le rossignol qu’on nomme Ghizari. — Où se trouve-t-il ? — Cela, je ne peux te le dire. Je sais seulement que son chant est le plus beau qu’on ait jamais entendu. » Le prince part à la recherche du rossignol.

Splendide.

Le rossignol est le Saint-Esprit. Il manque en effet quelque chose à un temple où il ne se trouve pas.

Dans les contes, on sait tout de suite quels personnages sont du côté du bien, et on est certain qu’à eux tout réussira, en fin de compte, à travers toutes les épreuves. C’est là l’exacte expression de la vérité dans le domaine spirituel auquel les contes se rapportent. Quand on transpose cela dans les affaires d’ici-bas, c’est de la niaiserie.

Le troisième fils des contes, idiot et à qui il arrive des aventures merveilleuses, c’est le philosophe du Théetète, idiot pour les choses de ce monde ; ce sont les νήπιοι de l’Évangile, les naïfs.

Les contes enferment un trésor de spiritualité d’une antiquité incalculable. Sans doute plus ancien que les mythologies.

Le conte du géant qui cache sa vie est plus ancien que Samson.

Les Troyens fugitifs ont pu diffuser beaucoup de contes.

L’histoire de l’amandier dans Grimm est sûrement bien plus antique que celle d’Atrée et de Thyeste, qui est probablement une version très déformée et très mutilée du même mythe.

Dans les contes, quand quelqu’un part pour acquérir une princesse ou n’importe quel trésor, bien qu’il ne sache pas du tout où il faut aller, s’il laisse tout pour cette recherche et part sans esprit de retour, s’il ne se lasse jamais et n’hésite devant aucun danger, on est tout à fait certain qu’il réussira.

Cela montre que dans ces quêtes, c’est toujours Dieu qui est cherché ou qui cherche.

Les mariages qui finissent les contes, c’est le mariage spirituel entre Dieu et l’âme. C’est pourquoi il n’y a rien à dire ensuite, sinon « ils furent heureux et ils eurent beaucoup d’enfants ».


Dans le microcosme comme dans le macrocosme, dans l’âme comme dans l’univers, le bien pur et authentique est tout à fait caché. Ainsi on n’est dans la vérité que si on se condamne absolument. Si un homme a du bien véritable en lui, ce ne peut être qu’à son propre insu.

Si j’ai fait quelque bien à un être humain, il suffit que par la suite je m’en souvienne — ne fût-ce qu’une fois et dans la solitude — cela suffit pour que la dette change de côté, et que désormais, dans la vérité, il soit le créancier et moi le débiteur.

De même sans doute si quelqu’un m’a fait du mal.

Si j’ai des débiteurs, ce ne peut être qu’à mon insu. À qui dès lors remettrais-je une dette ?

Quant à moi, je n’ai pas de dette, je suis une dette. Mon être même est une dette. Dieu ne peut remettre cette dette qu’en faisant que je cesse d’être. Que je cesse d’être dès ici-bas, encore vivante. Et en vendant ce qui reste après l’annulation de la personne, afin que cela serve : de nourriture aux créatures.

Vendre tous ses biens, cela enferme sa propre personne. On n’a pas vendu tous ses biens tant qu’on n’est pas vendu soi-même comme esclave. Mais on ne se vend pas soi-même. On est vendu.

Aimer, c’est aimer les êtres et les choses créées comme le Verbe divin les a aimées au moment où il s’est vidé pour prendre l’essence d’un esclave ; et c’est aimer Dieu comme le Christ au moment où, sur la croix, il disait « Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Aimer ce monde comme l’a aimé le Verbe divin quand il a abandonné Dieu pour ce monde. Aimer Dieu comme le Verbe divin l’a aimé au moment où il était abandonné de ce monde et de Dieu. Avoir à la fois les deux amours. Ce double amour, dont chacun est impossible, et dont l’union est impossible au deuxième degré, c’est là l’amour du Christ qui passe toute connaissance.

Cet amour est constitué par une certaine attitude envers les choses d’ici-bas.

Dieu est toujours absent de notre amour comme de ce monde, mais présent en secret dans l’amour pur.

Quand la présence de Dieu dans l’amour est visible, c’est la présence d’autre chose que Dieu. Le Père céleste n’habite que dans le secret.

La signification de tous les mariages princiers des contes est enfermée dans la copla espagnole « Les amours possibles — sont pour les sots — Les sages ont — des amours impossibles ».


La pensée de la mort donne aux événements de la vie une couleur d’éternité. Si on nous donnait ici-bas la vie perpétuelle, en gagnant la perpétuité, notre vie terrestre perdrait cette éternité qui l’illumine par transparence.

« De ce tout, par le détachement, nourris-toi. » C’est le détachement qui rend toutes choses éternelles.


L’emploi de la prose dans l’Edda poétique pour les narrations reliant les fragments lyriques en vers suggère un état primitif de l’Iliade comme un mélange de prose et de vers. Ensuite quelqu’un aurait versifié cette prose en pastichant plus ou moins bien les parties poétiques, et ajouté des épisodes nouveaux, eux aussi plus ou moins bien pastichés. Le même serait sans doute responsable de presque tout ce qui concerne les dieux. Presque tout, c’est-à-dire tout, sauf 1) l’intervention des dieux dans l’action ; 2) les passages enfermant une signification profonde. À savoir : 1o Zeus qui étend sa balance en or ; 2o les paroles de Zeus à Héra (la chaîne d’or dont elle a été attachée) ; 3o, peut-être, le bouclier d’Achille. Ces deux derniers passages ont été commentés par Pherekydès.


Passage de Justin le Martyr (iie siècle) sur le vieillard, rencontré une seule fois et jamais revu, qui l’a engagé à quitter Platon pour le Christ. Cet homme devait être un gnostique. Il parle des prophètes d’une manière telle qu’il ne peut pas s’agir des livres canoniques de l’Ancien Testament. Bien plutôt les « prophéties de Cham » (cf. Clément d’Alexandrie citant Isidore). De même les livres antiques à l’aide desquels les religieux juifs d’Égypte dont parle Philon (cité par Eusèbe) interprétaient les écritures devaient être ces mêmes « prophéties de Cham ». Quoi d’autre aurait pu être plus antique que les Écritures ?

Comme cela a été bien détruit ! Comme le secret a été bien gardé !

Si l’« arbre du monde » (chêne ailé) vient de Cham, on peut bien croire que des Troyens ou des Phéniciens ont apporté une pensée religieuse en Scandinavie.

Odin « pendu à l’arbre, consacré à soi-même » — si c’est d’origine chamite (égyptienne, phénicienne, troyenne…) il est compréhensible qu’il y ait de si mystérieuses affinités avec le Christ.

[Quel arbre est l’ash-tree ?]

L’étoffe brodée qui se trouve sur le chêne ailé doit être étendue perpendiculairement au tronc. C’est la terre regardée comme plate.

Plutôt obliquement que perpendiculairement.

Si on est au milieu de la mer, la mer est étendue comme une étoffe ronde, soulevée par des plis mouvants. (De là dans l’Edda, « l’arbre battu des vents ».) Du centre — le point où je suis — au pôle, une ligne droite s’étend, immobile, ou tournant sur elle-même. [Problème : je me représente une droite immobile, et une droite tournant sur elle-même. Où est la différence entre les deux représentations ? Très singulier. Un point qui tourne sur lui-même est immobile. Et pourquoi son mouvement n’entraînerait-il pas le monde ? Moteur immobile.] À cette droite oblique qui tourne sur elle-même sont accrochés les astres, soleil, lune, planètes, étoiles, comme les fruits d’un arbre. La racine de l’arbre est au-dessous de l’étoffe, au-dessous du monde. « L’arbre dont nul ne connaît la racine » (Edda poétique, runes d’Odin). Aïdès, l’Invisible, l’Accueillant universel, est auprès de la racine. Là aussi la source de la sagesse, à laquelle Odin a bu en donnant un œil en échange.

Cette représentation du monde doit remonter, comme la coupe ronde, comme |’« œuf du monde », aux premières navigations. La vue des plis mouvants de la mer peut seule, il me semble, suggérer une étoffe qui flotte.

Et à quand remontent les premières navigations ? mystère. Au néolithique ? Plus haut ?

L’étoffe flotte au gré du caprice des vents, mais elle est fixée à l’axe des pôles. Ses mouvements sont limités par cette attache et par sa grandeur.

Image de la combinaison de la limite et de l’illimité. Le vent qui fait flotter l’étoffe est l’illimité. C’est le principe dynamique du devenir.

Très, très belle image.

Zeus a fait cette étoffe grande et belle, et il l’a brodée, en l’honneur de ses noces. Sans doute avec Chtonia ? (qui doit être la matière première, vierge et mère, de Platon ?)

Cette étoffe est un cadeau d’amoureux, de fiancé. Elle a été brodée par amour. Elle a été tissée par amour.

Zeus tisserand. Tissu de limite et d’illimité.

Cet univers est beau comme un présent d’amoureux.

[Cronos, dans Pherekydès, est du côté du bien. Ennemi d’Ophion. Les passages de l’Apocalypse sur le serpent jeté du haut du ciel doivent venir de Pherekydès.]

D’après Philon cité par Eusèbe (P. E. I. 10, 50), Pherekydès a pris ces récits aux Phéniciens.


L’amandier du conte de Grimm, au pied duquel sont enterrés les os du petit frère — après que la mère elle-même y a été enterrée — et sur lequel se tient l’oiseau qui chante si bien ; serait-ce l’arbre du monde ?

Très probablement.

L’oiseau laisse tomber une chaîne en or et une paire de souliers. Deux cadeaux qui semblent équivalents. Cette version de l’histoire doit remonter à un temps où les souliers étaient aussi précieux que les chaînes en or. Très, très lointain.

Et l’histoire des sept cygnes avec les chemises d’anémones, ne serait-elle pas antérieure aux étoffes ?

7 cygnes, comme 7 nains dans Blanche-Neige. Là sept est l’humanité. Les corps célestes autour du pôle ?

Le nom Ἰησοῦς fait 888. 8 est . L’humanité et Dieu. Le nom de la Bête, par symétrie, fait 666. 6 est . L’humanité moins Dieu. Saint Jean n’a peut-être jamais eu autre chose dans l’esprit que cette symétrie.

Autant le Christ est éloigné de l’humanité ordinaire dans le sens du bien, autant la Bête l’est dans le sens du mal. Cette distance est infinie. L’infini ne peut être exprimé que par 1.

Saint Jean a cru peut-être qu’il viendrait réellement quelque chose dont le nom vaudrait 666, par symétrie.

Il a dû croire aussi que l’intervalle entre la Passion du Christ et son retour glorieux serait 3 siècles ½, à cause de Daniel.

888. Trois 8. Sans doute regardé comme une image de la Trinité.

Le Dragon, la Bête, le Pseudoprophète, sorte de trinité du mal.


Le taureau noir de Norvège. « Moi, je veux bien pour époux le taureau noir de Norvège. » C’est l’histoire d’Europe. Mais dans le cas d’Europe, c’est un taureau de Crète. S’agit-il toujours d’un peuple maritime, parce que le taureau sort de la mer ? Dans l’histoire de Psyché aussi, sauf erreur, il s’agit d’un monstre qui sort de la mer. Aphrodite céleste aussi sort de la mer. Peut-être choisit-on un pays d’où viennent des incursions maritimes ? Peut-être parce que l’histoire symbolique est fondue, comme le dit Hérodote pour Europe, avec l’histoire réelle d’une jeune fille enlevée par des pirates ? Un chef de Vikings peut avoir été surnommé le Taureau noir de Norvège. Il me semble que cette histoire ne se trouve sous la forme de taureau (et en tout cas sous la forme taureau de Norvège) qu’en Grande-Bretagne.

Pour celui qui est sur mer, l’immersion est le passage de l’autre côté, du côté où est la racine de l’arbre du monde. On passe de l’autre côté du voile. C’est la même chose que percer la coquille de l’œuf du monde. Baptême. Le baptême a lieu à Pâques, comme les œufs de Pâques.

Le mât au début a-t-il été oblique, pointant vers le pôle ? Peut-être.

Et l’axe du pôle, prolongé par en dessous, a-t-il été regardé comme une balance ? Le soleil peut-être faisant contrepoids aux poids de l’autre côté, aux poids d’en dessous.

Un supplice de matelot, attaché au mât, n’a-t-il pas été la première forme de la crucifixion ?

La pendaison d’un matelot au mât — victime volontaire si possible — n’a-t-elle pas été un procédé de magie sympathique dans les moments périlleux, le matelot étant au mât ce qu’est le soleil à l’axe des pôles ?

(Arbre heureux, aux branches duquel — a pendu la rançon du monde — tu as été la balance de ce corps — et tu as soulevé la proie du Tartare.)

Peut-être primitivement n’a-t-on pratiqué d’autre exécution que le sacrifice humain. La peine de mort pour meurtre semble n’être pas primitive, puisque la vie de Caïn est sacrée, et qu’à Noé seulement Dieu dit « celui qui verse le sang de l’homme, son sang sera versé ». Le sacrifice humain n’admettait peut-être que des victimes volontaires et pures. Les formes qu’il a prises (pendaison, crucifixion, bûcher) sont peut-être l’origine des supplices.

On a dû regarder le soleil comme attaché. Au moment du solstice d’été, il est sur le point de se dégager de ses liens — mais seulement sur le point.

Ou encore, la pendaison, n’est-ce pas une tentative pour se greffer sur l’arbre du monde — la vraie vigne — dont on est un rameau coupé ? S’y greffer par la mort.

En tout cas, sûrement symbole sacré.

Le pendu est-il le fruit dont les hommes mangent la chair et boivent le jus ?

Le soleil est pendu à l’arbre du monde. L’énergie solaire descend dans les arbres et y pend sous forme de fruit que les hommes mangent.

Ainsi la grenade. Le jus de la grenade est le sang de Dionysos.

Le jus du raisin est le sang du Christ.


Même si la généalogie troyenne d’Odin est mensongère, l’origine thrace peut très bien être véridique. Il y aurait alors de l’orphisme dans les Eddas. Balder est sans doute Dionysos.

C’est le seul dieu qui meurt avant la fin du monde, mais aussi le seul qui ressuscite après la fin du monde.

Le gui le tue. Sans doute parce que le gui est sacré. Sans doute parce que le gui lui est identifié. En un sens il est tué, en un sens il donne sa vie. La plante qui le représente peut seule le tuer. Seule elle n’a pas fait serment. On ne le lui a pas demandé, parce qu’elle est consacrée au dieu (c’est là sans doute la raison).

Pourquoi le gui est-il sacré ? Image de la boule de feu tombant sur les chênes ? Ou image de la terre enfilée sur l’arbre du monde ? Ou plante ayant sa racine dans le ciel ? Ou racine céleste du chêne ?

Il faudrait voir du gui sur un chêne — ce qui ne m’est jamais arrivé — pour se rendre compte.

Étoffe brodée d’Athéna. Don de ce monde au Saint-Esprit.

Supplice du pal. Imite l’arbre du monde passant du sexe à la tête le long de la colonne vertébrale — trajet de la veine par où, selon les Hindous, la semence doit remonter.

Le bouclier d’Achille, c’est le monde. Bouclier rond, imite la pleine mer. Celui qui est derrière le bouclier est de l’autre côté du voile.

L’arbre de vie, c’est l’axe des pôles dont les fruits sont les astres. Qui mange le soleil vivra.

Qui mange la lumière vivra.

Si nous avions de la chlorophylle, nous nous nourririons de lumière, comme les arbres.

Le Christ en tient lieu.


Thor pêchant le Serpent qui gît dans l’océan. Dans Job il est question d’une pêche du Leviathan. « Le tireras-tu avec un hameçon… ? »

« Il fait bouillonner les profondeurs comme une chaudière. il est fait pour ne rien craindre. »

« Fera-t : l un pacte avec toi ? L’engageras-tu comme esclave ? »

Il a donc fait un pacte avec Dieu.

« Pare-toi de majesté… alors toi-même je te louerai. » (Allusion au Christ ?)

Daniel ne serait-il pas un personnage mythique des Chaldéens ? (C’est difficile.) Ou y a-t-il eu confusion entre un personnage mythique et un historique ?

Pourquoi « Noé, Job et Daniel » dans Ezechiel ?

Abel. Hénoch. Noé. Cham. Nemrod. Melchisédec. Job. Daniel. 8 personnages parfaits en tout (tous des hommes).

Job doit être un livre révélé d’une autre religion. (Origène dit le livre de Job antérieur à Moïse.) Peut-être aussi le Cantique des Cantiques. Mais quelle ? phénicienne ? cananéenne ?

Il faudrait faire la liste des passages de la Bible où il est question de Léviathan.

D’après les protestants, la femme céleste de l’Apocalypse serait l’Église. D’après le passage de l’Évangile des Hébreux, cité par Origène, sur « ma mère le Saint-Esprit », ce pourrait être le Saint-Esprit.

Paroles du Christ : « À l’instant ma mère, le Saint-Esprit, m’a saisi dans un seul cheveu et m’a transporté sur le grand mont Thabor. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Abel — Pan || Hénoch… || Noé — Dionysos — Osiris || Cham — Hermès || Nemrod — Heraclès ||

Une femme, dans le ciel, vêtue de soleil, avec la lune sous ses pieds et une couronne de douze étoiles criait et enfantait. Un dragon se tenait devant elle pour dévorer son fils. Son fils est emporté au trône de Dieu et la femme fuit dans un désert préparé pour elle. Donc, elle tombe sur terre.

Le dragon aussi est jeté à terre, l’antique serpent, le diable, qui a mis dans l’erreur toute la terre habitée. Une voix dans le ciel dit alors « maintenant s’est produit le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu et la domination de son Christ ».

Tout cela s’est produit dans le ciel, non sur terre, car au contraire « malheur à la terre et à la mer, car le diable est descendu chez vous avec une grande colère ».

Donc à partir de ce moment seulement Dieu et son Christ ont été maîtres dans le ciel. Le mal, chassé du ciel, est venu ici-bas.

Auparavant il était devant la face de Dieu, accusant jour et nuit les frères des anges. Mais ils l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et le « logos » de leur témoignage, et n’ont pas aimé leurs âmes jusqu’à la mort. C’est pourquoi réjouissez-vous, cieux et leurs habitants, mais malheur à la terre et à la mer…

Il doit s’agir là aussi des anges. Ce sont les anges, dans le récit précédent, qui ont vaincu le dragon. Les anges ont vaincu par le sang de l’Agneau.

Le dragon, jeté à terre, persécute la femme, tombée aussi à terre. Elle, avec des ailes d’aigle, s’enfuit dans le désert. Le dragon émet un fleuve d’eau qui doit entraîner la femme. Mais la terre s’ouvre et absorbe ce fleuve.

S’agit-il d’une version de l’histoire du déluge ?

La femme est nourrie dans le désert, loin de la face du serpent, « un temps et des temps et la moitié d’un temps ».

Le dragon va faire la guerre aux restes de sa semence, et se tient au bord de la mer. Une bête sort de la mer : panthère à pieds d’ours, à gueule de lion, à 7 têtes et 10 cornes. Le dragon lui donne sa vertu. Ensuite il n’est plus question du dragon. Excepté quand un ange, portant la clef de l’abîme, et une chaîne, descend, le saisit, le lie, l’envoie dans l’abîme et l’enferme pour mille ans. Les martyrs du Christ vivent avec lui mille ans. Puis Satan est délié, séduit les nations, les rassemble pour une bataille contre la cité sainte. Alors le feu du ciel les consume, et le diable, la bête et le pseudoprophète sont envoyés dans un lac de feu. C’est la fin.

Avant : les peuples foulent aux pieds la cité sainte 3 ans ½. Deux prophètes prophétisent 3 ans ½, deux oliviers, deux candélabres ; un feu dévore leurs ennemis, qui les offense est tué. Quand ils auront fini leur témoignage, la bête de l’abîme les tuera ; leurs cadavres seront vus 3 jours ½, à la joie générale ; puis l’esprit de vie de Dieu les ressuscitera, et ils monteront au ciel, et le septième ange sonnera de sa trompette. Le temple de Dieu dans le ciel s’ouvre, et un grand signe apparaît dans le ciel (la femme à l’enfant).

La femme est la mère du Christ. Si c’est l’Esprit, sa chute sur terre correspond au don du feu par Prométhée.

Il est naturel que le Saint-Esprit et le diable tombent en même temps sur terre.

3 500 ans avant le Christ correspond à peu près à la naissance d’Hénoch — qui doit être le nom de quelque dieu égyptien.

On ne dit pas si les deux prophètes sont ensemble ou non.

Tout cela est trop difficile. Mais sûrement l’Apocalypse est pleine de traces de mythologies aujourd’hui disparues.

Math. 23, 35. Comment a-t-on tué Zacharie, le prophète de la reconstruction du temple, dans le temple ? C’est une histoire que la Bible nous cache. D’une manière générale, qui sont donc tous ces prophètes tués ?


L’amour divin, c’est l’amour inconditionnel. Aimer un être humain en Dieu, c’est l’aimer inconditionnellement. On ne peut aimer un être inconditionnellement que si on aime en lui un attribut indestructible.

Dans un être humain ordinaire, un seul attribut est indestructible, c’est le fait d’être une créature.

Dans ceux qui sont deux fois nés, qui ont été engendrés d’en haut par l’esprit, qui ont passé par la mort et la résurrection du Christ, il y a un second attribut indestructible, c’est celui d’enfant de Dieu.

Cela fait deux amours inconditionnés envers les êtres humains. L’un est exprimé dans le précepte « aime ton prochain comme toi-même », l’autre dans le précepte « aimez-vous les uns les autres ».

Ce que nous demandons à l’amour humain est une impossibilité, une contradiction vicieuse. Nous ne voulons pas être aimés conditionnellement. Celui qui dirait : « Je t’aimerai tant que tu es en bonne santé ; si tu es malade je ne t’aime plus » serait repoussé avec colère. D’autre part nous ne voulons pas d’un amour qui nous confond avec la masse. Celui qui dirait « j’aime toutes les femmes blondes, toi ni plus ni moins que les autres », ou « j’aime toutes les Parisiennes », serait repoussé de même. Nous voulons être préférés inconditionnellement. Or tous les attributs qui nous distinguent d’autrui sont conditionnels et peuvent disparaître. Nous ne méritons inconditionnellement que le degré d’attention accordé à la créature la plus misérable, c’est-à-dire un infiniment petit.

Pourtant c’est vrai que nous méritons d’être non seulement préférés, mais aimés uniquement, exclusivement. Mais ce qui en nous mérite cela, c’est la partie incréée de l’âme, qui est identique au Fils de Dieu. Quand le moi composé d’attributs est détruit et que cette partie émerge, « je ne vis plus en moi, mais le Christ vit en moi » ; quiconque aime un homme qui en est là et parce qu’il en est là aime sous sa forme le Christ. C’est un amour impersonnel.

Aimer une personne impersonnellement, c’est aimer en Dieu.

« Aime ton prochain comme toi-même », cela veut dire aime-le inconditionnellement ; car l’amour de soi est inconditionnel. Se ferait-on horreur, on ne cesse pas de s’aimer.

L’amour a pour objet le bien. Pour aimer inconditionnellement un être humain ordinaire, il faut avoir aperçu en lui un bien inconditionnel.

Il n’y a pas de bien inconditionnel chez aucun homme non arrivé à l’union mystique, sinon la possibilité d’y arriver.

Pour aimer inconditionnellement les hommes, il faut voir en eux des pensées soumises aux lois mécaniques de la matière, mais ayant pour vocation le bien absolu.

L’aspiration au bien, qui existe chez tous les hommes — car tout homme désire, et tout désir a pour objet le bien — l’aspiration au bien qui est l’être même de chaque homme est le seul bien toujours inconditionnellement présent en tout homme.

Aimer chez tous les hommes, selon le cas, ou le désir ou la possession du bien.

Dans un autre vocabulaire : aimer chez tous les hommes ou le désir ou la possession de Dieu.

C’est cela, aimer inconditionnellement. C’est cela, aimer les êtres humains en Dieu.

En enfer, par définition, il n’y a plus de désir du bien. Dès lors il est impossible qu’on y souffre.

Chez les êtres humains, nous aimons la satisfaction espérée de notre désir. Nous n’aimons pas en eux leur désir. Aimer en eux leur désir, c’est les aimer comme sol. En soi on n’aime pas un bien, on adhère à un désir.

Le désir est toujours souffrance, parce qu’insatisfait. Réciproquement toute souffrance est insatisfaction d’un désir. L’amour qui adhère au désir d’autrui, c’est la compassion.

On ne peut pas compatir à tout désir si on n’a pas contemplé les notions pures, universelles, de désir et de bien. Autrement dit, si on n’a pas contemplé Dieu.

Si on contemple le Bien, on considère tout désir, fût-ce le plus affreux, comme une aspiration au bien, fût-elle erronée.

Nous n’aimons pas un être humain comme une faim, mais comme une nourriture. Nous aimons en cannibales. Aimer purement, c’est aimer dans un être humain sa faim. Comme tous les hommes ont toujours faim, on aime alors toujours tous les hommes. Certains sont partiellement rassasiés ; il faut aimer en eux leur faim et leur rassasiement.

Mais nous aimons bien différemment. Les êtres aimés, par leur présence, leurs paroles, leurs lettres, nous fournissent du réconfort, de l’énergie, un stimulant. Ils ont sur nous le même effet qu’un bon repas après une journée épuisante de travail. Nous les aimons donc comme de la nourriture. C’est bien un amour d’anthropophage.

Nos haines, nos indifférences, sont anthropophagiques aussi.

Vous avez eu faim, et vous m’avez mangé.

Il est vrai qu’on doit le manger.

Ce genre d’affection est-il légitime envers ceux qui ne sont plus eux-mêmes, en qui vit le Christ ?

Sûrement envers nul autre.

Chez ceux-là, le désir et le rassasiement et la nourriture fournie à autrui sont une seule et même chose.

Mais l’amour dirigé ainsi ne peut pas être un amour de propriétaire, Comme un homme qui achèterait une statue grecque, quoiqu’il l’ait achetée, ne peut pas — sil n’est pas une brute — s’en sentir propriétaire. Le bien pur échappe à toute relation particulière.

Sauf ce cas, les affections humaines sont des affections de goules. Nous aimons quelqu’un, c’est-à-dire nous aimons boire son sang.

Dans toute affection un peu forte, la vie est engagée. On ne peut aimer purement que si on a renoncé à vivre.

Quiconque aime sa vie aime ses proches et ses amis comme Ugolin ses enfants. Rien n’est réel pour qui aime ainsi.

La réalité n’apparaît qu’à celui qui accepte la mort.

C’est pourquoi « De cet univers, par le renoncement, nourris-toi ».

Quel plus grand don pouvait être fait aux créatures que celui de la mort ?

La mort seule nous apprend que nous n’existons pas, sinon comme une chose parmi beaucoup d’autres.

[Comment s’explique la ressemblance entre l’Apocalypse et le poème de Nonnos ? Nonnos a-t-il copié l’Apocalypse ? Mais pourquoi ? Ou l’Apocalypse est-elle d’inspiration orphique ou égyptienne ?]

Notre amour comme notre raison sont soumis à ce paradoxe, que ce sont des facultés universelles qui ne sont susceptibles que d’objets particuliers.

Penser telle perception comme un théorème.

Dieu seul est l’unité de l’universel et du particulier. Dieu est une personne universelle. Quelqu’un qui est tout.

On n’aime pas l’humanité ; on aime cet homme. Ce n’est pas un amour légitime ; aimer l’humanité est seul légitime.

Mais aimer la divinité et ce Dieu, c’est le même amour.

En Dieu l’universel et le particulier sont identiques. Ici-bas ils sont enfermés ensemble sous clef par une harmonie. L’Incarnation est cette harmonie. Nous devons vivre de cette harmonie nous-mêmes. Cette harmonie est la vraie vie.

Aimer dans le prochain la faim qui le ronge et non pas la nourriture qui s’offre à nous en lui pour calmer notre faim, cela implique un détachement total.

Cela implique qu’on renonce à manger de l’homme, qu’on ne veut plus manger que Dieu.

Mais la substance de Dieu, au moins au début, ne nourrit qu’un point de l’âme placé tellement au centre que nous ignorons qu’il existe.

Le reste de l’âme a faim, et voudrait bien manger de l’homme.

Seuls peuvent être sauvés ceux que quelque chose contraint à s’arrêter quand ils voudraient s’approcher de ce qu’ils aiment. Ceux en qui le sentiment du beau a mis la contemplation.

C’est pourquoi peut-être Platon dit que la beauté seule est descendue du ciel ici-bas pour nous sauver.

Ici-bas, regarder et manger sont deux. Il faut choisir l’un ou l’autre. On appelle l’un et l’autre aimer. Seuls ont quelque espoir de salut ceux à qui il arrive quelquefois de rester quelque temps à regarder au lieu de manger.

« L’un mange les fruits, l’autre les regarde. »

La partie éternelle de l’âme se nourrit de faim.

Quand on ne mange pas, l’organisme digère sa propre chair et la transforme en énergie. L’âme aussi. L’âme qui ne mange pas se digère elle-même. La partie éternelle digère la partie mortelle de l’âme et la transforme.

La faim de l’âme est dure à supporter, mais il n’y a pas d’autre remède pour la maladie.

Faire mourir de faim la partie périssable de l’âme, le corps étant encore vivant. Ainsi un corps de chair passe directement au service de Dieu.

Platon, Lois : Ἀγύμναστον ὅτι μάλιστα ποιεῖν τῶν ἡδονῶν ρώμην τὴν ἐπίχυσιν καὶ τροφὴν αὐτῆς πόνων ἄλλοσε τρέποντα τοῦ σώματος.

« Autant que possible, rendre atrophiée la force des voluptés en en détournant le courant et la nourriture vers d’autres parties du corps au moyen des travaux. »

Extrêmement précis. L’énergie contenue dans la semence est une nourriture pour les organes sexuels et leur exercice, mais aussi bien pour d’autres organes et leur exercice. Si d’autres organes mangent cette énergie, la sexualité meurt de faim.

On peut transposer la sexualité sur des objets quelconques : collection, or, pouvoir, parti, chat, canari, Dieu (ce n’est pas alors le vrai Dieu).

Ou on peut tuer la sexualité et opérer une transmutation de l’énergie qui lui était affectée.

Cette opération est le détachement.

Tout attachement est de même nature que la sexualité. En cela Freud a raison (mais seulement en cela).

Une énergie supplémentaire nous a été remise en dépôt par Dieu. C’est le talent de la parabole. Certains la font sortir d’eux-mêmes avec accompagnement de volupté. D’autres la donnent à manger à la meilleure partie de leur âme.

Marc. « La terre porte des fruits d’elle-même », « automata ». De là vient automatisme. C’est dire de la manière la plus claire, la plus précise, qu’il y a une mécanique spirituelle, aux lois aussi rigoureuses que l’autre, mais autre.

σπείρων, le semeur ; le même mot se dit du mâle qui féconde la femelle. Ce double sens est sans doute contenu dans les paraboles de l’Évangile sur les semailles. « La semence est la parole de Dieu. » La semence est un souffle igné, pneuma. La semence qui est entrée dans la Vierge était le Saint-Esprit, pneuma hagion. Le Saint-Esprit est aussi la semence qui tombe sur toute âme. Pour le recevoir, il faut que l’âme soit devenue simplement une matrice, un réceptacle ; quelque chose de fluide, de passif ; de l’eau. Alors la semence devient embryon, puis enfant ; le Christ est engendré dans l’âme. Ce que je nommais je, moi, est détruit, liquéfié ; à la place de cela, il y a un être nouveau, grandi à partir de la semence tombée de Dieu dans l’âme. C’est là être engendré de nouveau ; être engendré d’en haut ; être engendré à partir de l’eau et de l’esprit ; être engendré à partir de Dieu, et non pas de la volonté de l’homme ou de la volonté de la chair. Au terme de ce processus, « je ne vis plus, mais le Christ vit en moi ». C’est un autre être qui est engendré par Dieu, un autre « je », qui est à peine « je », parce que c’est le Fils de Dieu. Il n’y a pas d’« enfants adoptifs ». L’unique adoption, c’est que, comme un parasite pond ses œufs dans la chair d’un animal, Dieu dépose dans notre âme un sperme qui, parvenu à maturité, sera son Fils. C’est ainsi qu’Aphrodite céleste, qui est la Sagesse, sort des la mer. Notre âme doit être uniquement un lieu d’accueil et de la nourriture pour ce germe divin. Nous ne devons pas donner à manger à notre âme. Nous devons donner notre âme à manger à ce germe. Après quoi il mange lui-même, directement, tout ce qu’auparavant notre âme mangeait. Notre âme est un œuf où ce germe divin devient oiseau. L’embryon d’oiseau se nourrit de l’œuf ; devenu oiseau, il brise la coquille, sort, et picore des grains. Notre âme est séparée de toute réalité par une pellicule d’égoïsme, de subjectivité, d’illusion ; le germe du Christ déposé par Dieu dans notre âme se nourrit d’elle ; quand il est assez développé, il brise l’âme, la fait éclater, et entre en contact avec la réalité. C’est l’Amour dans le microcosme. Celui du macrocosme, une fois que ses ailes d’or ont poussé, brise l’œuf du monde et passe de l’autre côté du ciel.

Ces symboles devraient être racontés et expliqués aux fermières qui élèvent des poules.

Le baptême est un geste de magie sympathique. Comme ceux qui versent quelques gouttes d’eau pour qu’il pleuve ; on réalise le simulacre de la seconde naissance en vue d’une seconde naissance véritable.

Passer par le baptême avec la croyance que la seconde naissance en résultera, c’est témoigner qu’on la désire vraiment ; dès lors on doit la recevoir.

Faire passer un enfant par le baptême, c’est témoigner qu’on désire la seconde naissance pour lui. Dès lors on doit l’aider à y parvenir.

Ces effets se produisent seulement si on pense vraiment à la seconde naissance et si on croit vraiment à l’efficacité du sacrement.

Une forme extérieure, quelle qu’elle soit, que l’on croit efficace par elle-même, comme forme, permet seule à l’âme d’exercer sur elle-même une action aussi réelle sur le plan spirituel que sur le plan des obligations. Le corps est l’intermédiaire indispensable à travers lequel l’Âme exerce sur l’âme une action réelle. On me confie en dépôt une grosse somme d’argent. Je la voudrais pour moi. On me la réclame. Je la voudrais toujours pour moi ; mais mon corps se rend avec elle à l’endroit convenu, l’y dépose, et revient sans elle. Au bout de quelque temps, je l’oublie. Mon âme en est détachée.

Je peux pousser mon corps dans le bien plus loin que ne se trouve l’âme ; il entraîne alors l’âme.

Sur le plan des obligations, cette opération se produit continuellement ; toute autre manière de procéder est imaginaire.

Sur le plan spirituel, cette opération n’est possible que si on a la certitude que telle forme sensible possède une efficacité spirituelle. Cela peut être n’importe quelle forme. Mais il faut que ce soit une forme déterminée. Ce qui est sensible a nécessairement une existence particulière. Le choix de la forme est arbitraire ; mais il doit avoir été fait ; et il ne doit pas sembler qu’il y ait eu de l’arbitraire, ni même qu’il y ait eu choix.

Toujours le même paradoxe dans la relation de l’universel et du particulier.

Cette forme est une convention de l’homme avec l’homme, mais faite pour le bien, et par suite ratifiée par Dieu.

Pour que cette forme soit l’objet d’une certitude, on doit penser qu’elle a été établie par un homme inspiré de Dieu, ou, préférablement, par Dieu lui-même incarné ici-bas.

Est-il bon ou mauvais que les sacrements soient soumis à des conditions sociales ?

Il me semble que c’est entièrement mauvais, et que les prêtres ne devraient pas pouvoir refuser un sacrement. Simplement avertir les fidèles que le sacrement est une ordalie et implique un risque.

Il me semble qu’un sacrement soumis à des conditions sociales n’est plus un sacrement. Le diable, maître des sociétés d’ici-bas, s’interpose entre l’homme et Dieu.


Zénon le Stoïcien : la semence animale est un feu. — Comme le sperme est émis et reçu par l’effet de l’amour, de même la foudre, qui est le lien d’amour entre le Ciel et la Terre. La semence animale ignée est souffle vital, et de même la foudre est identifiée au Saint-Esprit.

La lune évoque un serpent ; l’éclair n’évoque-t-il pas un serpent aussi ?


Interprétation du baptême par Justin. La naissance s’opère à partir du fluide mélangé de l’homme et de la femme. Pour réparer la souillure de cette naissance, il faut disparaître et resurgir à partir d’une eau pure.

L’eau et le feu sont mélangés dans le liquide séminal. Leur dissociation est la mort. On s’ensevelit dans une eau pure, et le feu du ciel, y descendant, produit à partir d’elle un nouveau vivant.

« Engendré à nouveau à partir de l’eau et du souffle », cela veut dire à partir des éléments primordiaux ; celui qui a passé par une nouvelle création. Plus que nouvelle naissance. Nouvelle création.


Une partie de l’âme veut remplir une obligation, comme rendre un dépôt ; une autre ne veut pas. Elles luttent. Le corps est la balance. Le corps est l’unique balance capable de faire de l’âme le contrepoids de l’âme. En un sens, il est juge entre l’âme et l’âme, comme la balance entre le poids et le poids. Comme la Croix est une balance entre le ciel et la terre, ainsi le corps entre l’âme et l’âme.

C’est là l’éminente dignité du corps.

C’est le corps qui mange, mais c’est aussi le corps qui jeûne. C’est la chair qui dort, mais c’est aussi la chair qui veille.

Les obligations sont des actes, et le corps est la balance convenable pour les conflits de l’âme qui les concerne.

Mais il y a un conflit plus profond, le conflit autour de la régénération de l’âme. Une partie de l’âme désire recevoir la lumière qui régénère, une partie ne le désire pas. La régénération spirituelle n’est pas une action, ce n’est pas un enchaînement de mouvements, ce n’est rien sur quoi la volonté ait prise. Et pourtant le corps est l’unique balance entre l’âme et l’âme.

C’est pourquoi le conflit restera indécis, le choix ne sera pas accompli, s’il n’y a pas quelque action corporelle qui soit unie à la régénération de l’âme par une convention, comme le mouvement du corps allant porter l’or du dépôt à son propriétaire est lié à l’honnêteté par la nature. Mais le lien conventionnel doit être plus solide que le lien naturel. La convention doit être une convention avec Dieu, entre Dieu et l’homme. C’est cela qu’on appelle un sacrement.

Comme la régénération spirituelle est une modification subie par quiconque la désire, et non pas une action voulue, il est bon que la chose corporelle liée par convention à cette régénération ne soit pas une action, mais quelque chose qu’on reçoit d’autrui après l’avoir demandé.

Cela aussi fait partie de la définition du sacrement.

Seulement il ne devrait y avoir aucune condition, sinon la demande elle-même. La régénération spirituelle n’est soumise à aucune condition, sinon un vrai désir. La demande, qui est l’image sensible du désir, devrait être l’unique condition pour recevoir l’image sensible de la régénération.

Si vraiment on croit que telle cérémonie entraînera réellement la régénération, le fait de la demander implique une telle violence faite au mal en soi que toutes les circonstances autour de la demande sont insignifiantes en comparaison. Rester à genoux dans la neige trois jours et trois nuits n’ajouterait pas à la difficulté de la chose. Condamner à mort le mal contenu en soi est d’une difficulté telle que c’est à la limite du possible. Rien ne peut être plus difficile.

Mais une demande de ce genre n’atteint l’extrême limite de la difficulté que si on est certain que la cérémonie demandée entraînera la mort du mal en soi.

C’est pourquoi la foi est un intermédiaire indispensable pour faire du corps une balance dans le conflit spirituel de l’âme avec elle-même.

La foi crée la vérité à laquelle elle adhère. La certitude qu’une cérémonie produit la régénération spirituelle donne à la cérémonie cette efficacité, et cela non pas par un phénomène de suggestion, ce qui impliquerait de l’illusion et du mensonge, mais par le mécanisme analysé ici.

Le domaine de la foi, c’est le domaine des vérités produites par la certitude. C’est là que la foi est légitime. C’est là qu’elle est une vertu. Une vertu créatrice de vérité.

Il faudrait déterminer quel est ce domaine.


Si on fait quelque chose avec la certitude d’obéir à Dieu et sans autre mobile ou intention que cette obéissance, il est certain qu’on obéit à Dieu.

Mais s’en suit-l qu’on puisse faire n’importe quoi avec cette intention ?

C’est le grand problème, le problème de la Gîta.

Je ne le comprends pas encore bien.

Il y a trois mystères ici-bas, trois choses incompréhensibles. La beauté, la justice et la vérité.

Ce sont les trois choses reconnues par tous les hommes comme normes de toutes les choses d’ici-bas. L’incompréhensible est la norme du connu.

Quoi d’étonnant si la vie terrestre est impossible ?

Nous sommes comme des mouches collées au fond d’une bouteille, attirées par la lumière et incapables d’y aller.

Pourtant, plutôt être collé pour la perpétuité des temps au fond de la bouteille que de se détourner un instant de la lumière.

Lumière, auras-tu compassion et au bout de cette perpétuité briseras-tu le verre ?

Même si cela ne doit pas être ainsi, rester collé au verre.

Il faut avoir traversé la perpétuité des temps dans un temps fini. Pour que cela, qui est contradictoire, soit possible, il faut que la partie de l’âme qui est à la hauteur du temps, la partie discursive, la partie qui mesure, soit détruite.

Elle n’est détruite que par le malheur accepté ou par une joie intense au point de précipiter dans la pure contemplation. Ou encore autrement ?

La technique du koan (bouddhisme zen) est une méthode pour cette destruction.

Platon avait peut-être une méthode de ce genre, dans ce qu’il nommait dialectique ?

Pour la partie de l’âme située au-dessous du temps, une durée finie est infinie. De même qu’un mètre contient une infinité de points.

Si par la destruction de la partie discursive la couche inférieure de l’Âme est mise à nu, si de cette manière en un temps fini la perpétuité est traversée, si pendant cette perpétuité l’âme reste tournée vers la lumière éternelle, à la fin la lumière éternelle aura peut-être pitié et enveloppera toute l’âme dans son éternité.

La partie de la mathématique qui concerne les infinis de divers ordres (théorie des ensembles, topologie) contient des trésors infiniment précieux d’images pour les vérités surnaturelles.

La couche inférieure de l’âme mise à nu et tournée vers la lumière éternelle, c’est la séparation et la réunion entre l’eau et le souffle igné, c’est la transformation dont le baptême est le symbole.

L’union de l’eau pure et de la lumière éternelle, c’est le miracle de Cana, la transmutation de l’eau en vin.


Les arbres, les plantes, croissent à partir de l’eau parfaitement pure tombée du ciel (la rosée nourricière) et de la lumière qui descend du ciel. La sève, le vin, sont des mélanges de cette eau et de ce feu célestes. La chlorophylle de la sève a la propriété de fixer et cristalliser le feu céleste. Est-ce comme issus de ce mélange d’éléments célestes et purs que les arbres étaient adorés ? La métaphore de l’arbre du monde a-t-elle rapport à cela ?

Au contraire, l’eau et le souffle igné d’où procède la naissance de l’homme sont charnels, terrestres, impurs.

La pendaison a-t-elle originellement pour objet de transformer l’homme en fruit d’un arbre, annulant sa naissance charnelle au profit d’une nouvelle naissance à partir de l’eau et du feu célestes ? Le symbole sera alors le même que celui du baptême, ce qui expliquerait la liaison entre le baptême et la mort du Christ sur la Croix.

De même que le baptême par immersion est une noyade simulée, de même il a pu y avoir des cérémonies d’initiation consistant en pendaison simulée. Cela expliquerait les épithètes d’Odin, d’Artémis arcadienne (d’après Frazer), etc.

Il se peut que tous les supplices aient été d’abord des cérémonies d’initiation symbolisant la régénération.

[N.-B. Quand on dit que des simulacres de mise à mort rituelle sont des survivances de sacrifices humains primitifs, le contraire est tout aussi possible. On peut tout aussi légitimement supposer que là où il y avait sacrifice humain, c’était une corruption de cérémonies contenant de simples simulacres.]

Peut-être que comme au moyen âge on voulait obtenir des coupables la vertu de pénitence avant l’exécution, de même primitivement on croyait que le châtiment infligé par la loi doit être en même temps un sacrement produisant la régénération du coupable.

C’est une pensée sublime.

Le glaive de la loi doit être comme le glaive de Rama dont le contact envoyait au ciel ceux dont il tranchait la tête.

Mais il est naturel que les Hébreux, qui avaient retranché de la religion toute spiritualité, aient regardé la pendaison comme une malédiction.

Cela permet à la crucifixion d’avoir un double sens.


Il faut détruire cette partie intermédiaire, trouble de l’âme qui est un mélange mauvais d’eau et de souffle, pour laisser la partie végétative directement exposée au souffle igné qui vient d’au-dessus des cieux.

Se dépouiller de tout ce qui est au-dessus de la vie végétative. Mettre la vie végétative à nu et la tourner violemment vers la lumière céleste. Détruire dans l’âme tout ce qui n’est pas collé à la matière. Exposer nue à la lumière céleste la partie de l’âme qui est presque de la matière inerte.

La perfection qui nous est proposée, c’est l’union directe de l’esprit divin avec de la matière inerte. De la matière inerte qu’on regarde comme pensante est une image parfaite de la perfection.

C’est là une justification de ce que les Hébreux nommaient idolâtrie.

Mais quelque chose qui n’a pas figure humaine vaut mieux qu’une sculpture ; ainsi une pierre, du pain, un astre.

Si on se représente un esprit lié au soleil, c’est là une parfaite image de la perfection.

C’est pourquoi cet univers fait de matière inerte est beau. Plus beau que le plus beau des êtres humains.

L’inertie de la matière répond à la justice de la pensée divine.

Une pensée humaine peut habiter la chair. Mais si une pensée habite de la matière inerte, ce ne peut être qu’une pensée divine.

C’est pourquoi, si un homme est transformé en être parfait, et sa pensée remplacée par la pensée divine, sa chair, sous les espèces de la chair vivante, est devenue en un sens du cadavre.

Il faut qu’un homme ait péri et que le cadavre soit animé de nouveau par un souffle vital venu directement d’au-dessus des cieux.

Si Dieu peut s’incarner en un homme ordinaire à un certain moment de sa vie, pourquoi pas dans une semence enfermée en un corps de femme ?

Les conceptions fondées sur l’incarnation regardent la régénération spirituelle comme une possession de l’homme par Dieu. Cela implique rupture de continuité. Les autres conceptions ne dépassent pas le niveau de l’obligation, la loi.

Une divinité au niveau de l’obligation, c’est la société transformée en idole. C’est pourquoi le protestantisme, où la morale est au premier plan, se dégrade irrésistiblement en religion nationale. La morale y est au premier plan parce que la notion de sacrement y est affaiblie.

La Réforme a affaibli la notion de sacrement parce que les sacrements avaient été l’objet d’une usurpation. Quand une société s’empare du monopole des sacrements et les accorde sous condition, il y a usurpation.

Le Christ a repoussé la tentation du diable qui lui offrait les royaumes de ce monde. Mais son épouse, l’Église, y a succombé. Les portes de l’enfer n’ont-elles pas prévalu contre elle ?

Mais le texte de l’Évangile, le pater et les sacrements conservent leur efficacité rédemptrice. En ce sens seulement l’enfer n’a pas prévalu.

La parole du Christ ne garantit rien d’autre, et en particulier ne garantit nullement la perpétuité du christianisme.

(Si le christianisme disparaissait, serait-il suivi d’ici quelques siècles d’une autre religion, et procéderait-elle d’une nouvelle incarnation ?)

Aujourd’hui, pour un fils de parents juifs ou athées, être baptisé constitue une adhésion à un groupe social qui est l’Église, comme prendre la carte d’un parti constitue une adhésion à ce parti.

Il y a usurpation. L’épouse du Christ s’est conduite à la manière de Clytemnestre. Épouse usurpatrice et adultère.

[À propos de Clytemnestre et d’Oreste soustrait au massacre et caché en pays étranger, un thème revient partout, c’est celui du Dieu enfant fugitif, exilé, caché, élevé en secret. Zeus, Dionysos, le Christ… Cela signifie entre autres le secret profond qui doit entourer même à l’égard de la conscience elle-même la croissance du germe d’amour surnaturel déposé dans l’âme.]

La parabole du semeur indique que Dieu répand continuellement sa grâce d’une manière absolument égale sur tous ; la parabole des ouvriers de la onzième heure indique que Dieu accorde une récompense absolument égale à tous ceux qui répondent à son appel en consacrant leur corps à lui obéir. Après cela, comment ose-t-on imaginer de l’inégalité en matière spirituelle ? On la constate ici-bas ; mais la cause doit en être rapportée aux hommes, et Dieu l’efface en ceux qu’il cache en lui.

Dieu est conçu comme étant cause indirectement de tout, mais directement seulement du spirituel pur. Ainsi selon la causalité indirecte Il est tout-puissant ; mais cette toute-puissance se définit comme une abdication volontaire en faveur de la nécessité. Selon la causalité directe, la puissance de Dieu ici-bas est un infiniment petit.

Tout ce qui est bien pur est ordonné par Dieu. Tout ce qui se produit, sans aucune distinction, est permis, c’est-à-dire consenti par Dieu. Mais ce consentement est une abdication. Ce n’est donc pas l’exercice d’une royauté.

« Ta royauté », c’est le bien pur. « Que ton règne arrive », que le mal disparaisse — et par suite la création. C’est la fin du monde qui est demandée dans cette demande.

« Que ta volonté se produise » ; ta volonté est d’abdiquer en faveur de la nécessité. C’est l’existence du monde qui est consentie dans cette demande,

Que ta royauté arrive. Mais pourtant, puisque jusqu’ici tu veux ne pas régner, que ta volonté s’accomplisse.

On demande la disparition de l’univers et on consent à sa présence.

Plus loin, on demande pardon à Dieu d’exister et on lui pardonne de nous faire exister.

On consent à exister, mais en même temps on demande à être préservé du mal, et par suite de l’existence.

Que ton nom soit rendu saint.

Dieu a mis les cieux entre lui et nous pour se cacher ; il ne nous livre qu’une chose de lui, c’est son nom. Ce nom nous est vraiment livré. Nous pouvons en faire ce que nous voulons. Nous pouvons le coller comme une étiquette sur n’importe quelle chose créée. Nous le profanons alors et il perd sa vertu. Il n’a sa vertu que quand il est prononcé sans aucune représentation.

La création est la parole que Dieu nous dit ; c’est aussi le nom de Dieu. La relation, qui est la Sagesse divine, est le nom de Dieu.

Un homme parfait est le nom de Dieu. (Microcosme.) Sa manière d’être sanctifié, c’est d’être fait malédiction en étant pendu à la croix.

La notion même de Microcosme implique l’Incarnation. Un être humain qui a pour âme l’Âme du Monde.

Dans l’ordre de la matière, des choses n’ayant aucune différence entre elles peuvent être autres. Par exemple on peut concevoir abstraitement deux cailloux identiques.

Mais dans l’ordre du bien ce qui est identique est un. Deux choses sont deux seulement si elles diffèrent.

Dès lors un homme parfait est Dieu.

Mais dans l’ordre du bien il n’y a que descente et non pas montée. Dieu est descendu habiter dans cet homme.

Nous ne pouvons quelque chose à cette opération que par une technique ressemblant à la magie sympathique. Les sorciers australiens versent de l’eau à terre pour amener la pluie. De même nous pouvons descendre pour amener Dieu à descendre en nous. C’est là la vertu d’humilité.

Les mouvements descendants sont seuls en notre pouvoir. Les mouvements ascendants sont imaginaires.

Tous les mystères concernant Dieu sont éclairés par la distinction entre l’ordre du bien et l’ordre de l’existence.

Nous avons un peu de puissance. En abdiquant, en consentant à tout, nous devenons tout-puissants. Car alors rien ne peut se produire qui n’ait notre assentiment.

Est-ce là le sens caché de la phrase « Tout est possible à qui a la foi » ?

La liaison établie dans l’Évangile entre la foi et des pouvoirs particuliers (guérir, flétrir un figuier) est une pensée si grossière que prise littéralement elle est intolérable. Du moins il me semble.

Dieu a abdiqué sa toute-puissance divine et s’est vidé. En abdiquant notre petite puissance humaine nous devenons, en vide, égaux à Dieu.

Le Verbe divin était égal à Dieu en divinité. Il s’est vidé et est devenu esclave. Nous pouvons devenir égaux au Verbe divin en vide et en esclavage.

« Nul ne va au Père sinon par moi », c’est-à-dire que l’humilité est la seule route.

L’Incarnation n’est qu’une figure de la Création. Dieu a abdiqué en nous donnant l’existence. Nous abdiquons et devenons ainsi semblables à Dieu en la refusant.

C’est dans et par l’abdication que nous sommes transportés en Dieu.

Dieu nous a créés à son image, c’est-à-dire qu’il nous a donné le pouvoir d’abdiquer en sa faveur comme il a abdiqué pour nous.

La vertu d’humilité est incompatible avec le sentiment d’appartenance à un groupe social choisi par Dieu, nation (Hébreux, Romains, Allemands, etc.) ou Église.

Comment soustraire les sacrements à une organisation sociale ? Tuer le dragon qui garde le trésor ?

La notion de la vertu inconditionnelle des sacrements est parfaitement belle. Mais le refus d’un sacrement ne devrait jamais être possible.

Distribuer les sacrements de telle manière que nul ne puisse avoir de motif de s’en tenir éloigné, sinon la haine et la peur du bien. C’est loin d’être le cas. Aujourd’hui, on peut avoir des motifs légitimes de s’en tenir loin. Cela est scandaleux.

Si le Père céleste envoie la lumière et l’eau aux bons comme aux méchants, certains sacrements doivent être distribués sans aucune discrimination d’aucune espèce.

Seule l’ordination, qui implique une responsabilité, suppose une discrimination.

L’Église s’efforce de faire du Paradis un moyen de chantage et de damner quiconque ne la tient pas pour infaillible.

Elle ne se sanctifiera que si elle abdique en se privant du pouvoir de refuser les sacrements.

Même l’absolution doit être accordée à quiconque la demande, mais en l’avertissant que s’il la reçoit sans vrai repentir elle tournera à sa condamnation, et en l’encourageant à solliciter l’infliction d’une peine susceptible de faire entrer le repentir dans l’âme comme un clou. Mais après cet avertissement, faire ce qu’il veut,

Accorder tout ce qui est demandé. C’est cette facilité qui serait la chose la plus propre à faire ressentir aux âmes une crainte sacrée.

N’exercer d’autorité spirituelle que quand une direction spirituelle a été sollicitée ; mais alors l’exercer sévèrement. Encourager les gens à solliciter une direction.

Mais qu’il n’y ait jamais aucun élément de contrainte sociale. Que toute obéissance soit librement consentie.

Le Christ a expressément interdit aux siens la recherche de l’autorité et du pouvoir. Son Assemblée (Église) ne devrait donc pas être une société.

Quand on est seul, enfermé dans sa chambre, on est entendu par le Père qui habite dans le secret. Quand on est deux ou trois assemblés au nom du Christ, il est là. Apparemment il ne faut pas être plus de trois.

Un enfant qui sous les yeux de sa mère se rebelle, désobéit, commet des imprudences, parce que la présence de sa mère lui paraît une garantie contre toutes les mauvaises conséquences, s’il est loin de sa mère, il a peur de sa liberté.

Ainsi les fidèles à qui on accorderait toujours, en matière spirituelle, tout ce qu’ils demandent, commenceraient à craindre et à chercher refuge en Dieu.

En rendant la communion conditionnelle, on élimine la terreur, la majesté qui doit entourer ce mystère. Moïse avait élevé le serpent d’airain ; quiconque avait été mordu pouvait le regarder.

C’est par manque de foi qu’on a entouré les sacrements de conditions.

Cela changera, ou le christianisme périra.

De toute manière, il faut une nouvelle religion. Ou un christianisme modifié au point d’être devenu autre ; ou autre chose.


Poetic Edda. Gold = water’s flame. Gardé par un poisson (? pike).

Platon classe les métaux comme étant de l’eau. L’or est de l’eau unie à du feu.

Symbole de la nouvelle création de l’âme.

L’alchimie, n’était-ce pas une méthode pour décomposer les matières impures, en séparer l’eau et le feu, et les unir en or ? Et chaque opération chimique ne devait-elle pas être accompagnée de l’opération spirituelle correspondante ?

Le feu de l’eau. Voilà pourquoi l’or a des vertus curatives.

Chine. « Or végétal. »

Analogie entre l’or et la sève végétale. Les alchimistes regardaient la production de l’or comme une sorte de mariage spirituel.

Passage de je ne sais quel ouvrage d’alchimie sur la nudité de l’époux et de l’épouse, quand, les préliminaires, fiançailles et noces, étant terminés, ils en viennent à l’union nuptiale.

Union de l’eau et du feu purs.

Les pierres précieuses aussi sont des unions d’eau et de feu.

La pierre qui donne à manger, le Graal provençal, équivalent de l’Eucharistie. Le Christ aussi est à la fois une pierre et du pain.

Il a dû y avoir des cultes où une pierre précieuse était adorée.

Dans tout objet auquel beaucoup d’hommes se sont adressés avec des sentiments intenses s’installe un pouvoir. Adorer ce pouvoir, c’est de l’idolâtrie. L’adoration vraie consiste à contempler l’objet comme étant rendu divin du fait d’une convention ratifiée par Dieu.

Mais les Juifs qui priaient au Temple et non ailleurs étaient aussi « idolâtres » que les païens.

De même que tout assemblage de syllabes peut par convention être le nom de Dieu, de même tout morceau de matière peut par convention enfermer la présence de Dieu. On peut ainsi par convention prononcer, entendre, voir, toucher, manger Dieu.

De cette manière seulement le conflit entre la partie de l’âme qui désire la présence de Dieu et la partie qui en a horreur peut être arbitré par la balance du corps.

La présence réelle de Dieu est constatée par la révolte de toute la partie médiocre de l’âme.

La présence de Dieu coupe l’âme en deux, le bien d’un côté, le mal de l’autre. C’est un glaive. Rien d’autre n’opère cet effet. Cette présence est donc constatable.

Dieu est le Bien. Ce n’est ni une chose, ni une personne, ni une pensée. Pourtant pour le saisir nous devons le concevoir comme une chose, une personne et une pensée.

L’Amour consent à tout et ne commande qu’à ceux qui y consentent. L’Amour est abdication. Dieu est abdication.

Le bien n’est jamais produit par le mal, mais le mal est en un sens produit par le bien.

Le mal est entre Dieu et nous ; l’amour doit passer par-dessus.

L’Amour consent à être haï.

Dieu permet au mal d’exister. Nous devons en faire autant pour le mal que nous n’avons pas la possibilité de détruire.

Nous devons permettre au mal d’exister hors de nous. Mais seulement hors de nous. C’est-à-dire hors de notre pouvoir.


Orage. La foudre tombe sur la mer. Puis paraît l’arc-en-ciel, pacte entre Dieu et la terre. Aphrodite céleste, n’est-ce pas cela ? L’arc-en-ciel, mélange d’eau et de feu divins, n’est-ce pas la ceinture d’Aphrodite ?


Apocalypse. Si le Christ sacrifié est le rédempteur universel, il doit être le rédempteur des anges bienheureux. Par conséquent, quand la séparation des bons et des mauvais anges s’est produite — au « second moment » de la création d’après la théologie — le Christ a dû être sacrifié une première fois. Il y a là une singulière conception d’un chaos originel où bien et mal sont mélangés partout — le diable est devant la face de Dieu — suivi d’une séparation violente qui livre les cieux à la domination exclusive de Dieu, mais la terre au diable.

Quelles ressemblances, quelles différences entre cette conception et la doctrine manichéenne ?

Les bons Anges triomphent dans le sang de l’Agneau. L’Agneau est en quelque sorte égorgé au ciel avant de l’être sur terre. Qui l’égorge ?

Le diable descend sur terre. À ce moment se produit le péché originel. Le serpent était au ciel. Il tombe sur terre et va dans l’arbre.

La femme doit être le Saint-Esprit.

Un temps et des temps et un demi-temps. La moitié de sept temps.


[Marteau, signe sacré nordique ? Pourquoi ?]

[Le loup fils de Loki est enchaîné par une chaîne faite de six choses qui n’existent pas : (bruit de pas d’un chat — barbe de femme — racine de montagne — nerfs (?) d’ours — haleine de poisson — salive d’oiseau). L’impossible limite les changements de la matière, et cela par un pacte.]

[Le pacte qui a abouti à enchaîner le loup avec de l’impossible a coûté à un Dieu sa main droite.

La Nécessité, compromis entre Dieu et la matière.]


Snorri : « The third root of the ash (Yggdrasil) stands in heaven, and beneath this root is a spring which is very holy and is called Urth’s well. There the gods have their judgment seat, and thither they ride each day over Bifrost, which is called also the God’s Bridge (l’arc-en-ciel) ». Confirmé par l’Edda poétique.

Il y a trois Parques, Passé, Présent, Avenir. Urth est le Passé. Son puits est donc identique à « l’eau froide qui jaillit du lac de la Mémoire » du poème orphique. Cela confirme ce que dit Snorri de l’origine thrace des divinités scandinaves.

C’est cette eau du puits du Passé qui maintient toujours vert l’arbre du monde.


Si vraiment le peuple juif avait été un peuple élu, le Christ ne l’aurait pas choisi pour sa naissance quand il a été fait malédiction. Il a pris naissance dans le territoire de deux peuples maudits, Rome et Israël.

Si le Christ avait reconnu l’élection d’Israël, la différence de son attitude envers les Pharisiens et les Samaritains serait inintelligible.

Le Christ a été fait malédiction. Son Épouse, l’Église, aussi. Mais tout autrement.

L’enfer ne prévaudra pas. Cela veut dire seulement qu’aussi longtemps que les sacrements seront administrés, ils auront toute leur vertu pour qui les reçoit d’un cœur pur.

« Salé par le feu. » Allusion évidente au rite baptismal par passage à travers le feu dont il est question avec tant d’horreur dans l’Ancien Testament. Déméter a salé dans le feu Néoptolème. Du moins elle a commencé.

Il est étrange que celui qui disait « Un autre viendra et baptisera dans l’Esprit et le feu » soit le patron de la fête où on saute à travers les feux.

Si on voulait, « tout doit être salé par le feu » est aussi impératif que « celui qui n’est pas né de l’eau et de l’esprit ». Pourquoi n’y a-t-il pas de sacrement dont la matière soit le feu ?


Il est impossible que la vérité entière ne soit pas présente en tout temps, en tous lieux, à la disposition de quiconque la désire. « Qui demande du pain. » La vérité est du pain. Il est absurde de supposer que pendant des siècles personne ou presque n’a désiré la vérité, et que pendant des siècles ensuite des peuples entiers l’ont désirée.

Ceux qui n’ont pas eu la vérité, comme les Juifs avant Nabuchodonosor, les Romains et d’autres, l’ont refusée.

Les Juifs et les Romains ensemble ont crucifié le Christ. Mais ils lui ont fait pire quand le christianisme est devenu religion de l’Empire avec le Vieux Testament comme texte sacré.

N’est-ce pas l’Église ainsi constituée qui serait le faux prophète à cornes d’agneau et à langage de serpent ?

Tout ce qui n’a pas toujours été en tous lieux à la disposition de quiconque désire la vérité est autre chose que la vérité,

C’est par l’insuffisance de la foi qu’on a besoin d’y ajouter de la croyance sociale, C’est pour cela qu’on accepte l’usurpation sociale de l’Église. L’Inquisition protège chacun contre la tentation du doute. Si on sait qu’en cas de doute on est tué, on sait qu’on ne doit pas douter.

Sauf ceux qui ont mauvais caractère, à qui cela fait l’effet contraire. Mais pourquoi ont-ils si mauvais caractère ?

La pression sociale imite si bien tous les effets de la foi — et elle a l’avantage de ne pas sauver l’âme !

Le fruit défendu, c’est peut-être le spectacle de l’amour charnel pour les Âmes non incarnées. Il leur est défendu d’y descendre — elles descendent — elles s’incarnent. C’est peut-être cela, le choix transcendental.

Peut-être que l’état d’âme des amants au moment de l’accouplement est sous une forme instantanée le destin qui va s’étirer en une vie entière.

Peut-être que cet état d’âme dépend en partie de la configuration des astres à cet instant (rayons cosmiques).

(Si Dieu est entre les époux, comme un glaive à double tranchant, à l’instant même de l’union, l’enfant est saint dès sa naissance. Le peut-il ?)

Si nous naissons dans le péché, il est évident que la naissance constitue un péché.

L’âme descend et s’incarne pour connaître le bien et le mal. En haut elle ne connaît que le bien (tradition cathare).

Est-ce là aussi la porte interdite de tant de contes ?

La parabole sur le bon grain et l’ivraie est absolument manichéenne. Dieu n’a semé que le bon grain. C’est le diable qui sème l’ivraie. Dieu laisse subsister l’un et l’autre jusqu’à la pleine maturité du bien, parce qu’ils sont si entrelacés qu’il serait impossible de détruire l’un sans l’autre. La moisson est la fin du monde,

Dieu ayant produit du bien pur, le diable y a mélangé du mal de telle manière que Dieu ne puisse plus les séparer sinon en détruisant les deux.

Histoires de triages dans les contes.

Le diable est vraiment très fort.

Dieu ne peut rendre ce monde meilleur. Il pourrait seulement le détruire. Il choisit de le laisser subsister en vue de la plénitude du bien.

Et pourquoi pas ? Effectivement le mal ne fait pas de mal au bien. Le mal ne fait de mal qu’aux médiocres.

La croix fait du mal au mauvais larron, non au bon, ni au Christ.


Biologie. Un produit inhibant une réaction est un produit semblable au catalyseur de cette réaction.

Exactement comme les serpents du désert et le serpent d’airain, etc.

Admirable.

Je crois que la science doit être entièrement faite de telles images.

La science serait aussi excitante à explorer que le folklore.

Ce langage symbolique de Dieu vaut n’importe quelles Écritures sacrées.

Dieu peut devenir un morceau de pain, une pierre, un arbre, un agneau, un homme. Mais Il ne peut pas devenir un peuple. Aucun peuple ne peut être une incarnation de Dieu.

Le Diable est le collectif. (C’est la divinité de Durkheim.) C’est ce qu’indique clairement l’Apocalypse par cette bête qui est si visiblement le Gros Animal de Platon.

L’orgueil est l’attribut caractéristique du diable. Or l’orgueil est une chose sociale. πλεονεξία. — L’orgueil est l’instinct de conservation social. L’humilité est l’acceptation de la mort sociale.

Je crains de plus en plus que le Pseudoprophète de l’Apocalypse, dans la pensée de l’auteur, ne soit l’Église.

(N.-B. quelle est la date la plus ancienne où soit mentionnée l’Apocalypse ?)

Ce coup mortel que la Bête a reçu, n’est-ce pas la crucifixion du Christ ? Et quand la Bête répare ce coup, n’est-ce pas l’adoption du christianisme comme religion officielle ? Adoption peut-être simplement prévue par l’auteur. Les chrétiens ont dû espérer cela, y penser longtemps avant Constantin. Ils ont pu avoir cet espoir avec Pison. Et justement l’Apocalypse semble écrite sous Galba.

La mise en garde contre cette corruption du christianisme serait-elle l’objet essentiel de l’ouvrage ?

Jamais aucun peuple n’a été assimilé à Dieu.


Le Diable est le père des prestiges, et le prestige est social. « L’opinion, reine du monde. » L’opinion est donc le diable. Prince de ce monde.


Si deux ou trois de vous sont ensemble en mon nom, je serai parmi eux.

Mais s’il y en a quatre ? Sera-ce le diable qui sera parmi eux ?

Peut-être.

Alors, les conciles ?

Peut-être…

Heureusement que « les portes de l’enfer ne prévaudront pas ». Il reste un noyau incorruptible de vérité.


Dieu pierre, arbre, animal, homme, etc. Graal, Yggdrasill, Agneau, Christ.

La pierre philosophale, permettant de remonter l’entropie à rebrousse-poil, a dû — en admettant qu’elle ait existé — en contenir de l’énergie requalificatrice.

C’est pourquoi il est si souvent question de la puissance de la génération chez les alchimistes.

[Cherchaient-ils à transporter la leur dans une préparation chimique ?
Cf. folklore, contes sur la vie extérieure.
Cf. ce que m’a dit V. D. sur le Christ lors de la Cène.]

« Des fontaines d’eau vive jailliront dans leur ventre. » Ceci doit avoir un sens très précis dans la physiologie platonicienne. Voir dans le Timée.


Pourquoi la réunion de deux ou trois chrétiens au nom du Christ ne compte-t-elle pas comme un sacrement ?


Dans la Bible, il est toujours dit : Vous mettrez vos ennemis en fuite, vous les massacrerez, etc., afin qu’on sache ce que c’est que votre Dieu. Jamais : vous enverrez du blé là où il y a des famines, etc., afin qu’on sache…


Ce diable qui est venu proposer au Christ d’accomplir pour lui les promesses faites depuis des siècles au Messie, qui d’autre pouvait-il être que Iaveh ? (Un aspect de Iaveh — car un autre aspect de Iaveh est le vrai Dieu.)


Mei Ti — Fin vie ou début ve.

« Si les hommes aimaient le corps des autres comme le leur, qui blesserait ou tuerait ? S’ils aimaient les biens des autres comme les leurs, qui volerait ? Si le prince d’un État aimait l’État des autres comme le sien, qui ferait l’agression ? »

Mais « Qui aime autrui sera aimé à son tour ; qui fait profiter autrui profitera à son tour. »

« Toutes ces injustices [le vol, l’assassinat], les honnêtes gens de l’univers savent les désapprouver, mais si ces injustices s’élargissent jusqu’à attaquer un État, alors ils ne savent plus les désapprouver, même ils les louent et les appellent justice. Voilà quelqu’un qui voit une masse noire, il dit que c’est noir ; et s’il voit des masses noires, il dit que c’est blanc… »


Tantale entouré de nourritures et de boissons que tous ses efforts les plus tendus, les plus désespérés, ne peuvent lui permettre de saisir.

Ainsi les hommes et le bien. Le bien entoure les hommes de toutes parts, se propose sans cesse, et la volonté la plus forte, les efforts les plus violents ne peuvent pas permettre d’en saisir une parcelle.

Ne pas essayer, rester immobile, implorer en silence.

Si Tantale était resté tout à fait immobile au milieu des fruits et des eaux vives, Zeus aurait fini par être pris de pitié et lui donner à manger et à boire.

À force de patience, lasser la patience de Dieu.

À quelqu’un qui demeure immobile, attendant avec une égale docilité le bien, le mal ou l’absence des deux, Dieu ne peut faire que du bien.

Tantale est trop stupide pour apprendre, même dans la perpétuité des temps, que ses efforts étant certainement inutiles l’immobilité lui convient mieux.

Une volonté forte obtient beaucoup. Ainsi Napoléon. Beaucoup, mais non pas du bien. Non pas même un atome de bien.

L’humanité en bloc est Tantale.

L’histoire de Tantale, fils de Zeus, le premier meurtrier (cf. Caïn) est dans la mythologie grecque une version de l’histoire du péché originel. L’histoire de Niobé est une autre version. Dans certains auteurs elle est la fille du premier homme. Sa faute a été de croire que ses enfants sont à elle.

Tantale, instruit par l’expérience, détourne les yeux, ferme la bouche, se mord les lèvres, quand les branches chargées de fruits se penchent vers lui. Mais quand les fruits vont jusqu’à toucher ses lèvres, il ne peut pas s’empêcher d’essayer de les saisir. Alors les branches se relèvent jusqu’au ciel ; lui, pris de rage et de soif dévorante, boit du fleuve où il est et n’avale que de la poussière.

Je suis très souvent ainsi.

En quel sens est-ce que le supplice de Tantale est éternel ? Il l’est parce que Tantale est incapable d’un mouvement d’amour. Mais si Tantale renonçait par amour pour la volonté de Zeus à essayer d’étancher la soif et la faim, son supplice aurait un jour un terme.

Que Dieu soit le bien, c’est une certitude. C’est une définition. Que Dieu, d’une certaine manière — que j’ignore — soit réalité, cela même est une certitude. Cela n’est pas matière de foi. Mais que chacune des pensées par lesquelles je désire le bien me rapproche du bien, cela, c’est un objet de foi. Je ne puis en faire l’expérience que par la foi. Et même après expérience, ce n’est quand même pas un objet de constatation, mais seulement de foi.

Comme posséder le bien consiste à le désirer, l’article de foi en question — qui est l’unique article de la vraie foi — a pour objet la fécondité, la faculté d’auto-multiplication de tout désir de bien.

Du seul fait qu’une âme désire vraiment, purement, exclusivement le bien avec une partie d’elle-même, en un instant ultérieur du temps elle désirera le bien avec une partie plus grande d’elle-même — à moins qu’elle ne refuse de consentir à cette transformation.

Croire cela, c’est avoir la foi.

Est-ce que vraiment, comme l’Évangile semblé l’indiquer, il y a un rapport entre cela et la guérison des possédés, la marche sur les eaux, le déplacement des montagnes ? Le rapport symbolique est clair. Mais y a-t-il un rapport littéral ? Jusqu’ici, ce problème me dépasse.

Même les matérialistes logent en dehors d’eux un bien qui les dépasse de loin et les aide du dehors, vers lequel leur pensée se dirige dans un mouvement de désir et de prière. Pour Napoléon, son étoile. Pour les marxistes, l’Histoire. Seulement ils le logent dans ce monde, comme les géants du folklore qui mettent leur cœur (ou leur vie) dans un œuf qui est dans un poisson qui est dans un lac gardé par un dragon, et finissent par mourir. Et bien que leurs prières soient souvent exaucées, il est à craindre qu’il faille les regarder comme des prières adressées au diable.

Nul être humain n’échappe à la nécessité de concevoir hors de soi un bien vers lequel se tourne la pensée dans un mouvement de désir, de supplication et d’espoir. Par conséquent il y a le choix seulement entre l’adoration du vrai Dieu et l’idolâtrie. Tout athée est idolâtre — à moins qu’il n’adore le vrai Dieu sous son aspect impersonnel. La plupart des gens pieux sont idolâtres.

Pour tout esprit créateur (poète, compositeur, mathématicien, physicien, etc…) la source inconnue de l’inspiration est ce bien vers lequel se tourne un désir suppliant. Chacun sait par une expérience continuelle qu’il reçoit l’inspiration.

Mais parmi ces esprits les uns conçoivent cette source comme étant au-dessous des cieux, les autres comme étant au-dessus. Non pas qu’ils expriment la chose ainsi à eux-mêmes ; et si certains l’expriment, les mots qu’ils adressent à eux-mêmes ou à autrui ne correspondent pas toujours à leur pensée. Mais quel que soit le langage employé, ou bien sans aucun langage, en fait le regard de l’âme est dirigé, avec attente, désir et supplication, vers un lieu situé, soit au-dessus des cieux, soit au-dessous. Si c’est au-dessus, il y a génie authentique. Si c’est au-dessous il y a imitation plus ou moins brillante du génie, parfois beaucoup plus brillante que le génie lui-même. Le lieu est au-dessus ou dessous des cieux selon la nature du bien qui est conçu comme étant enfermé dans l’inspiration. Si c’est au-dessus, alors l’inspiration n’est pas conçue autrement que l’obéissance. Alors on ne désire pas l’inspiration pour produire de belles choses, on désire produire de belles choses parce que les choses vraiment belles procèdent de l’inspiration. Chercher d’abord le royaume et la justice du Père céleste, et recevoir ce qui est donné.

Ainsi les artistes et savants sont ou religieux ou idolâtres, d’une manière tout à fait indépendante des opinions qu’ils professent, selon la place que le désir de l’inspiration occupe dans leur âme.

Dans le même sens, on peut dire qu’un tableau est pieux ou idolâtre, et cela n’a rien à voir avec le sujet.

Savoir que Dieu est le bien — ou plus simplement, savoir que le bien absolu est le bien, croire que le désir du bien se multiplie de lui-même dans l’âme si l’âme ne refuse pas son consentement à cette opération — ces deux choses si simples suffisent. Rien d’autre n’est nécessaire.

Seulement il faut se surveiller constamment pour s’empêcher de refuser de consentir à l’accroissement intérieur du bien — s’en empêcher inconditionnellement, quoi qu’il arrive.

Cette certitude, cette croyance, cette surveillance — c’est tout ce qu’il faut pour la perfection.

C’est infiniment simple.

Mais dans cette simplicité gît la difficulté la plus grande. Notre pensée charnelle a besoin de variété. Qui supporterait une conversation d’une heure avec un ami si cet ami disait sans arrêt : Dieu, Dieu, Dieu… Or la variété, c’est la différence, et tout ce qui est différent du bien est mal.

La partie charnelle de l’âme, qui a besoin de choses variées, doit s’appliquer aux choses variées d’ici-bas. La partie fixe de l’âme, à travers ces choses variées, doit viser le lieu fixe où siège Dieu.

Dans une sphère creuse qui tourne, tous les points, absolument tous, bougent, sauf deux. Les intermédiaires entre ces deux points tournent, et pourtant il y a entre eux une relation immobile.

Que Dieu soit un pôle, et l’autre le point fixe de l’âme, c’est-à-dire la présence de Dieu dans l’âme.

Comme nous sommes dans le mensonge, ce que je nomme moi n’est pas au centre de mon âme. C’est pourquoi tout ce qui intéresse directement le centre de mon âme est extérieur à ce que je nomme moi.

C’est pourquoi tous les inspirés, de quelque inspiration qu’il s’agisse — serait-elle d’un ordre tout à fait profane, comme l’invention d’une machine — éprouvent l’inspiration comme un phénomène extérieur à eux-mêmes.

Ou encore on peut raisonner ainsi. Comment de moi sortirait-il plus de bien qu’il n’y en a en moi ? Si je progresse en bien, il faut qu’un bien extérieur m’influence.

Si le désir du bien est possession du bien, le désir du bien est producteur de bien, c’est-à-dire producteur de désir de bien.

Il y a hors de moi un bien supérieur à moi et qui m’influence pour le bien toutes les fois que je désire le bien.

Comme aucune limite n’est possible à cette opération, ce bien hors de moi est infini ; c’est Dieu.

Même là il n’y a pas croyance, mais certitude. Il est impossible de penser le bien sans penser tout cela, et il est impossible de ne pas penser le bien.

Comme il n’y a aucune limite à cette opération, l’âme doit finalement cesser d’être par assimilation totale à Dieu.

À n’importe quel stade de la transformation, l’âme peut refuser une transformation ultérieure. Elle reste alors peut-être un temps dans l’état où elle se trouve. Mais seulement un temps. Ensuite elle retombe. Progressivement, comme elle est montée. Et tant que le désir pur du bien n’a pas été entièrement effacé, tant qu’il en reste au moins un grain, elle peut se ressaisir et remonter. Elle remontera plus haut que la première fois. Mais si, parvenue plus haut, elle refuse de nouveau, cela recommence.

Une âme peut parvenir à n’importe quelle hauteur par cette marche oscillante ; mais cela est misérable.

Y a-t-il un point, possible à atteindre dès ce monde, à partir duquel aucune descente n’est possible ?

Je n’en sais rien.

J’aimerais le croire.

Perdre ici-bas la capacité de choisir entre le bien et le mal que nous a donnée le péché originel, quoi de plus désirable ?

τοῦτο

L’âme n’a que le choix du passage au néant à travers le bien croissant ou le mal croissant. Le bien comme le mal ont comme limite le néant. Mais il n’est pas indifférent d’arriver au néant à travers le bien ou à travers le mal.

Au contraire, cela seul importe, et toute autre chose est indifférente.

Et pourquoi est-ce que cela importe ?

Pour rien. Cela importe en soi. Cela seul importe inconditionnellement.

Et sur un plan encore plus élevé, absolument rien n’importe. Car si je tombe au fond du mal, cela ne fait aucun mal au bien.

Comme nous sommes dans le mensonge, nous avons l’illusion que la félicité est ce qui importe inconditionnellement.

Si quelqu’un soupire « Je voudrais être riche ! », son ami peut lui répondre : « Pourquoi ? en seras-tu plus heureux ? », mais si quelqu’un dit « Je veux être heureux », personne ne répondra « Pourquoi ? »

Dis-moi les motifs pour lesquels tu désires être heureux.

Quelqu’un a mal et voudrait être soulagé. Dis-moi pour quel motif tu désires être soulagé ?

Questions cocasses. Qui oserait les poser ?

Il faut se les poser à soi-même, et se rendre compte, d’abord qu’on n’a aucune raison de désirer être heureux, puis que le bonheur n’est pas une chose qui soit à désirer sans raison, inconditionnellement ; car le bien seul est à désirer ainsi.

C’est le fond de la pensée de Platon.

C’est une pensée tellement contraire à la nature qu’elle ne peut surgir que dans une âme entièrement dévorée par le feu du Saint-Esprit, comme étaient sans doute celles des Pythagoriciens.

Aussi ne l’a-t-on pas comprise, ni même discernée dans les œuvres de Platon.

Le bonheur glorifié sous le nom de félicité éternelle, de vie éternelle, de Paradis, etc., est à juger de la même manière. Toute espèce de bonheur est à juger ainsi. Toute espèce de satisfaction.

Saint Jean ne dit pas : nous serons heureux, car nous verrons Dieu ; mais : nous serons semblables à Dieu, car nous Le verrons tel qu’il est.

Nous serons du bien pur.

Nous n’existerons plus. Mais dans ce néant qui est à la limite du bien nous serons plus réels qu’à aucun moment de notre vie terrestre. Au lieu que le néant qui est à la limite du mal est sans réalité.

Réalité et existence font deux.

Cela aussi, c’est une pensée centrale de Platon. Peu comprise aussi.

(Justin, saint Augustin, etc., disaient que Platon avait appris de Moïse que Dieu est l’Être. Mais de qui a-t-il appris que Dieu est le Bien, et que le Bien est au-dessus de l’Être ? Pas de Moïse.)


Toutes les fois que surgissent dans l’âme des pensées telles que : « il faut que je sois heureux », « il faut que je mange », « il faut que je sois soulagé de cette douleur », « il faut que je me réchauffe », « il faut que j’échappe à ce danger », « il faut que j’aie des nouvelles de tel être cher », et toutes les pensées de ce type « il faut que… », répondre froidement à soi-même « je n’en vois pas la nécessité ».

Plus encore si la pensée est du type « il faut pourtant que je… »

Se répondre cela est facile, mais en être aussi complètement persuadé que Talleyrand parlant au mendiant, c’est moins facile.

Pourquoi ne pourrais-je parvenir par amour de Dieu à m’aimer aussi peu que Talleyrand, par dureté de cœur, aimait peu ce mendiant ?

L’amour de Dieu serait-il moins fort contre la sensibilité que l’égoïsme ?


Louange à Dieu et compassion aux créatures. Il n’y a pas contradiction, dès lors que Dieu, en créant, a abdiqué. Il faut approuver l’abdication créatrice de Dieu et se féliciter d’être soi-même une créature, une cause seconde, qui a le droit d’agir en ce monde.

Ce malheureux gît sur la route, à moitié mort de faim. Dieu en a miséricorde, mais ne peut pas lui envoyer du pain. Mais moi qui suis là, heureusement je ne suis pas Dieu ; je peux lui donner un morceau de pain. C’est mon unique supériorité sur Dieu.

« J’avais faim, et vous m’avez nourri. » Dieu peut implorer du pain pour les malheureux, mais non pas leur en donner.


Dans l’Empire romain les gens étaient tellement désespérés, déracinés, submergés d’ennui et de dégoût, qu’une seule pensée pouvait les émouvoir : celle de la fin imminente du monde. Cette pensée, cette attente devait exister à travers tout l’Empire, encouragée par diverses prophéties. Mais les chrétiens seuls avaient, semblait-il, une preuve palpable. Après la destruction de Jérusalem, la Certitude semblait plus grande encore.

Sûrement ce message de la fin du monde est ce qui leur procurait à la fois leur succès et leur réputation de criminels.

On se suicidait avec une facilité inouïe à cette époque ; mais les fondations de la vie sociale étaient tellement ruinées que le suicide ne suffisait pas ; il laissait trop d’horreur intacte. L’attente de la fin du monde était un équivalent collectif, cosmique du suicide.

Ils croyaient vraiment que la fin du monde allait venir et appelaient cela « la bonne nouvelle ».

« My Lord, what a morning — when the stars begin to fall ! » Ils étaient à peu près aussi heureux que les esclaves noirs d’Amérique.

Il n’est pas surprenant que cette bonne nouvelle ait eu tant de succès auprès des esclaves.


Apocalypse. Si la naissance céleste dont il s’agit est celle de Jésus-Christ (et non pas l’agneau avant la fondation du monde) (mais il y a doute), alors saint Michel a précipité Satan du ciel sur la terre quand Jésus est né. Il était jusque-là au ciel, devant la face de Dieu, accusant les hommes.

C’est bien étrange.

« Malheur à la terre et à la mer, car le diable est descendu chez vous, ayant une grande colère, sachant qu’il a peu de temps. »

« Et j’ai vu le dragon… persécutant la femme… et il s’est tenu sur le rivage de la mer.

Et j’ai vu de la mer une bête qui montait… et le dragon lui donna sa vertu, son trône et une grande puissance… » )

Cela s’accorde avec le sentiment qu’il y a en somme moins de bien sur terre depuis le Christ qu’avant — peut-être.

Auguste a établi son règne en somme peu avant la naissance du Christ. À la rigueur, on peut dire, en mêlant un peu les dates, que Rome a reçu la domination du monde (au sens de l’époque) à peu près quand le Christ est né.

La Bête est sûrement Rome.

Mais le règne de la Bête dure encore.

Qui est l’autre Bête, qui avait des cornes comme l’Agneau et parlait comme le Dragon, et a reçu la puissance de la première bête et l’a fait adorer ?

Il doit y avoir des protestants qui disent que c’est l’Église.

Atrée, dans Sénèque : « Laus vera et humuli saepe contingit viro — non nisi potenti falsa. » Ainsi l’avantage de la puissance réside dans le mensonge. C’est pourquoi c’est un don du diable.

Sénèque :

« Jam tempus ill fecit aerumnas leves.
— Erras ; malorum sensus accrescit die ;

leve est miserias ferre, perferre est grave. »
… nec ventrem improbum

id. :

alimus tributo gentium, nullus mihi
ultra Getas metatur et Parthos ager,
non ture collmur nec meae excluso Jove
ornantur arae.


Et voilà qu’une femme qui dans la ville était une pécheresse, ayant appris qu’il mangeait dans la maison du Pharisien, prépara un vase d’onguent, et se tenant derrière lui, du côté de ses pieds, en pleurant elle commença à mouiller ses pieds de larmes, et des cheveux de sa tête elle les essuyait, et elle baisait ses pieds et les oignait d’onguent….

… Depuis qu’elle est entrée, elle n’a pas cessé de me baiser les pieds.

… En vertu de cela je te dis : ils ont été remis, ses péchés si nombreux, car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui est remis peu aime peu…

… Ta foi t’a sauvée. Va dans la paix.


Est remis ce qu’on demande à Dieu de remettre.

Celui qui croit avoir peu de péchés demande peu à Dieu et aime peu.

Mais une prostituée de bas étage ne peut pas ignorer qu’elle en a beaucoup, parce que la société ne le lui laisse pas ignorer.

Celui qui a vécu presque innocent, s’il sent en lui la racine de tous les crimes possibles et en demande le pardon à Dieu, bien qu’il ne les ait pas commis, peut avoir ce privilège d’aimer Dieu autant qu’une prostituée.

Il ne peut rien y avoir qui dépasse en pureté ce mouvement qui enferme un complet oubli de soi. Elle a même oublié que son contact est impur.

Il faut sentir jusqu’au fond de ses os la misère humaine et la déchéance à laquelle la chair est soumise ou exposée pour se tourner ainsi sans aucun retour sur soi-même vers le bien.

Il faut que l’amertume de la misère humaine ait mordu jusqu’au fond de l’âme, au point d’y abolir tout espoir temporel.

Alors les larmes qui du fond de la honte jaillissent devant le bien sont une offrande pure.

Quand tout ce qui est je est honte, alors toute ma pensée va à ce bien hors de moi. L’âme et le corps suivent ma pensée sans même que je le sache. Je ne pense même plus que je l’insulte en l’approchant.

Dans ce mouvement sans hésitation qui l’amène à toucher le Christ, il y a l’humilité parfaite.

L’amour est proportionnel à la remise de la dette ; mais pour quiconque comprend, une dette infinie a à être remise.


Si je détourne mon désir de toutes les choses d’ici-bas comme étant de faux biens, j’ai la certitude absolue, inconditionnelle, d’être dans la vérité. Je sais que ce ne sont pas des biens, que rien ici-bas ne peut être regardé comme un bien sinon à la faveur d’un mensonge, que toutes les fins d’ici-bas se détruisent elles-mêmes.

M’en détourner — c’est tout. Il n’est besoin de rien autre. C’est la plénitude de la vertu de charité.

Car je m’en détourne parce que je les juge faux par comparaison avec la notion de bien. Donc j’abandonne la totalité des choses terrestres pour le bien. J’arrache la totalité de mon désir et de mon amour aux choses terrestres pour les diriger vers le bien.

Mais, me dira-t-on, ce bien existe-t-il ? Qu’importe ? les choses d’ici-bas existent, mais elles ne sont pas le bien. Que le bien existe ou non il n’est pas d’autre bien que le bien.

Et qu’est-ce que c’est que ce bien ? Je n’en sais rien. Qu’importe ? Il est ce dont le nom seul, si j’y attache ma pensée, me donne la certitude que les choses d’ici-bas ne sont pas des biens. Si je ne sais rien au delà de ce nom, je n’ai pas besoin non plus de rien savoir au delà, si seulement je sais en faire cet usage.

N’est-il pas ridicule d’abandonner ce qui est pour ce qui peut-être n’est pas ? Nullement, si ce qui est n’est pas bien et si ce qui peut-être n’est pas est le bien.

Mais pourquoi dire ce qui peut-être n’est pas ? Le bien ne possède certainement pas une réalité à laquelle l’attribut de bien serait ajouté. Il n’a pas d’autre être que cet attribut. Il n’a pas d’autre être que d’être le bien. Mais il a la plénitude de cette réalité-là. Cela n’a aucun sens de dire : le bien est, ou le bien n’est pas, mais seulement : le bien.

Les choses d’ici-bas existent. Aussi je ne détache pas d’elles celles de mes facultés qui ont rapport à l’existence. Comme il n’y a aucun bien dans les choses d’ici-bas, je détache d’elles simplement la faculté qui a rapport au bien, c’est-à-dire l’amour.

Sexualité. Il y a un mécanisme dans notre corps qui, quand 1] se déclenche, nous fait voir du bien dans les choses d’ici-bas. Il faut le laisser rouiller jusqu’à ce qu’il soit détruit.

Quoique je sache que les choses d’ici-bas ne méritent pas mon désir, pourtant j’y trouve mon désir attaché, et je n’ai pas d’énergie pour l’en arracher.

Les efforts de volonté sont illusoires.

Ma propre âme ne me croit pas.

Je puis seulement désirer désirer le bien.

Mais alors que les autres désirs sont tantôt efficaces et tantôt non selon le hasard des circonstances, ce désir est toujours efficace. Car le désir de l’or n’est pas de l’or ; au lieu que le désir du bien est un bien.

S’il arrive qu’un jour tout le désir contenu dans mon âme soit arraché aux choses d’ici-bas et dirigé entièrement et exclusivement vers le bien, ce jour-là je posséderai le souverain bien.

Dira-t-on que je n’aurai plus rien à désirer ? Si, puisque désirer sera mon bien. Dira-t-on que j’aurai encore quelque chose à désirer ? Non, puisque je posséderai l’objet de mon désir. Le désir sera mon trésor.

C’est pourquoi l’Écriture emploie à la fois l’image « Qui boira de cette eau aura toujours soif » et « qui boira de cette eau n’aura plus jamais soif ». Cette eau, c’est le bien.

Comme nous sommes dans le retournement, de même que les attributs de Dieu nous apparaissent comme des négations (sans limite, etc.), de même la possession est cachée pour nous sous l’aspect du désir. Ce que nous nommons désirs, c’est cela qui constitue la possession. La possession a le masque du désir, comme la princesse du folklore habillée en servante.

Le reconnaître, c’est trouver, comme dit l’Upanishad, le lieu où sont les désirs qui sont réalité, mais que le faux voile. Qui sont réalité, c’est-à-dire possession.

Si je désire voir un ami, je désire, non cette entrevue, mais le bien que je suppose être dans cette entrevue. Si je détache ce désir, si je l’arrache, si je le tourne vers le bien pur, il devient lui-même un bien beaucoup plus grand que celui que j’attendais de cette entrevue.

C’est pourquoi « tout ce que vous abandonnerez pour moi vous le retrouverez au centuple dès ici-bas ».

L’abandon lui-même est ce centuple.

Il y a cent fois plus de bien dans l’abandon d’un père pour le Christ que dans le père ; etc.

Mais il ne s’en suit nullement qu’on retrouve le centuple, ou même la moindre fraction, de la satisfaction, de la jouissance, etc., liées à la chose qu’on abandonne.

La possession n’est pas la satisfaction. Ces deux choses n’ont aucun rapport.

Satisfaction, jouissance, joie, bonheur, félicité, toutes ces choses font partie de ces choses d’ici-bas qui ne sont pas des biens.

Si on emploie le mot joie ou félicité au sujet de l’autre monde, c’est seulement comme une métaphore, au lieu de dire le bien.

Comme « est » et « n’est pas » n’ont pas de signification quand : l s’agit du bien, de même privation et satisfaction n’ont pas de sens quand il s’agit du désir du bien. Ce désir n’est pas satisfait, puisqu’il est le bien. I] n’est pas frustré, puisqu’il est le bien.

On est privé ou satisfait des choses d’ici-bas qui ne sont pas des biens. On sent la privation et la satisfaction comme on sent la douleur ou le bien-être physique. Ce sont des impressions brutes. Mais il faut en arracher le désir.

Aucune satisfaction n’étant un bien, aucune privation n’est un mal. Il n’y a pas de contraire du bien. On peut nommer mal l’attachement du désir aux choses terrestres. Tant que le désir est ainsi attaché, il y a l’illusion d’un couple de contraires, bien-mal.

Le désir est en lui-même le bien. S’il est mal dirigé, il est néanmoins possibilité de bien. |

C’est pourquoi il n’y a pas d’enfer autre que le néant. Là où il n’y a pas possibilité de bien, il n’y a pas désir ; il n’y a pas de créature pensante.

Une fois tout le désir tourné vers Dieu, quand on a faim, on ne désire pas manger. Toutefois (sauf le cas d’exercice ascétique) on fait tout ce qu’on peut pour se procurer à manger.

Pourquoi ? Aucun but n’est nécessaire. L’énergie corporelle se trouve être ainsi dirigée.

Sion voit un affamé, on ne désire pas qu’il reçoive de la nourriture, mais on fait tout ce qu’on peut pour la lui procurer, dût-on se priver du nécessaire.

Pourquoi ? C’est le grand mystère.

La sensibilité physique elle-même, une fois que le désir en a été arraché, a pris une qualité universelle.

Peut-on comprendre ce mystère ? La sensibilité charnelle brûlée au contact de l’amour divin, au contact du Saint-Esprit, devient universelle.

La compassion seule permet de contempler le malheur. Car son propre malheur, on en est broyé, on ne le contemple pas. Le malheur d’autrui n’est pas du malheur s’il n’y a pas compassion.

Notre sensibilité est naturellement universelle, mais elle est rendue égoïste par notre désir qui s’y attache.

Le désir entièrement tourné vers le Bien infini hors de nous exclut tout retour sur soi et par suite tout égoïsme.

C’est parce qu’on croit que le malheur est un mal qu’on tue en soi la compassion naturelle.

La compassion est naturelle, mais elle est étouffée par l’instinct de conservation. Seule la possession de toute l’âme par l’amour surnaturel restitue à la compassion naturelle son libre jeu.

Je n’ai pas encore bien compris ce mystère.

C’est un mystère analogue à celui du beau.


Il n’est pas d’homme, si dur de cœur soit-il, qui n’ait compassion des malheurs qu’il voit représentés au théâtre. Car ne cherchant rien, n’essayant pas de rien se procurer, n’ayant non plus aucun danger ni aucune contamination à craindre, il se transporte dans les personnages.

Il laisse libre cours à sa compassion parce qu’il sait que ce n’est pas de la réalité. Si c’était de la réalité, il deviendrait froid comme glace.

Beaucoup de chrétiens qui au cours des siècles ont pleuré sur la crucifixion du Christ auraient été insensibles s’ils l’avaient vu sur la croix. Leurs larmes ne leur ont servi à rien.

Celui dont tout le désir est passé dans le bien est continuellement disposé à la compassion comme un homme au théâtre.

Sa pensée ne fuit pas devant l’image du malheur, parce qu’il sait que le malheur n’est pas un mal. Mais il en souffre, parce qu’il sait que le malheur est douloureux. Et la souffrance le pousse à essayer d’y remédier.

C’est tout. Il n’y a rien d’autre. Cela est si simple qu’au moment même où il le fait sa main droite ignore ce que fait sa main gauche.


Saga of the Volsungs. Un roi sans enfants, descendant d’Odin, le supplie — Odin lui envoie une pomme qu’il partage avec sa femme.

Naissance de Sigurd « He was sprinkled with water and given the name Sigurd ».

Edda de Prose — Troie est le centre de la terre — Thor, petit-fils de Priam, est élevé en Thrace, où il devient tyran, et épouse une sibylle. Son descendant à la 18e génération est Odin.

20 générations entre Priam et Odin. — En comptant comme Hérodote, 600 ans. Odin serait vers — 700. Odin est allé de Thrace en Saxe. Baldr est son fils et règne sur la Wesphalie.

On les nomme les Æsir parce qu’ils viennent d’Asie. Ils apportent leur langue dans le Nord.

Idin, le Dieu pendu. The Hanged God. C’est son épithète chez des poètes du xe siècle. (?)

L’or nommé les larmes de Freya.

Un arrière-petit-fils d’Odin (Frodi) règne en Danemark au temps du Christ et d’Auguste, 21 générations pour 1.200 ans environ ; 60 ans pour une génération. Odin aurait été un roi thrace postérieur à Alexandre.

« Paix de Frodi », expression proverbiale comme « la paix romaine ». « La farine de Frodi », l’or. Histoire du moulin qui rend la mer salée.

Les Æsir font prêter serment à toutes choses de ne pas faire de mal à Baldr, de sorte qu’ensuite on lui lance des choses à la tête par plaisir. Mais on oublie le gui. Le gui le tue.

L’enfer accepte de le laisser revenir si toutes les choses et tous les êtres le pleurent, sans aucune exception — Odin envoie demander à tous et à tout de pleurer. — Seule une géante s’y refuse.


L’arc-en-ciel de Noé (il en est question aussi dans l’Edda de prose) est une médiation entre le ciel et la terre, une voie de salut. La Tour de Babel voulait être cela ; mais elle venait de la terre et non du ciel ; c’est pourquoi elle était mauvaise.

L’arc-en-ciel est une limite à la colère de Dieu.

« Celui qui verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé, car l’homme a été fait à l’image de Dieu. »

La peine de mort pour meurtre est un témoignage de la destination divine de l’homme.

Pour que la loi elle-même ne soit pas souillée de meurtres, il faut qu’elle soit divine.

Les lois étaient regardées comme divines dans l’antiquité.


Dieu dit au diable : « Il est en ton pouvoir, seulement respecte sa vie. » Mais ce n’est pas complet. Pour bien faire, il faudrait voir aussi si dans l’angoisse de la mort il respecte Dieu. Ce serait une histoire en trois temps au lieu de deux. Cela semble bien le plan du poème. C’est alors une histoire de dieu mort et ressuscité. Car Job est dieu, puisqu’il peut affirmer légitimement qu’il est parfait.

Mais alors le discours de Dieu à Job, qui est de la même inspiration que plusieurs psaumes, serait ajouté par les Juifs. Sauf les dernières paroles contre les amis de Job.

« Ici s’arrêtera l’orgueil des flots. »

Ou bien le discours de Dieu était tenu à Job ressuscité ?

Le diable ne devait pas non plus être monté devant la face de Dieu dans le poème primitif.


Rois, II, xviii. Jusqu’à Ézéchias, fils d’Achaz, roi de Juda, pieux comme David son aïeul, les Israélites offraient de l’encens au serpent d’airain de Moïse. Il le fait briser. (On l’appelait nehouchtân.)


Listes des images du Christ.

Prométhée.
La moyenne proportionnelle dans la géométrie grecque.
Proserpine.
Osiris.
Dionysos.
Attis.
Adonis.
Contes de Grimm Blanche-Neige.
La sœur des Sept Cygnes.
L’enfant mort, mangé et ressuscité dans « l’Amandier », rapproché de l’agneau pascal et des animaux morts, mangés et ressuscités grâce à leurs os dans les contes des Indiens d’Amérique.
« Dirty boy », incarnation du Soleil, dans un conte des Indiens d’Amérique.
Oreste.
Hippolyte.
Le juste de la République.
La Sagesse dans Phèdre (si la Sagesse devenait visible…)
Job (mort et ressuscité dans une autre version ?)
Le serpent d’airain.
Zagreus (identique à la lune ?)
Le bélier égorgé sous l’apparence duquel Zeus s’est montré à Héraclès égyptien.
Odin (« je sais que j’ai pendu… »)
Melchisédec (« assimilé au Fils de Dieu »)
Noé.
Krishna et Rama (surtout Krishna).
L’épouse dans « The bull o’ Norroway »
(Far hae I sought ye, near am I brought to ye ;
Dear Duke o’Norroway, will ye not turn and speak to me ?)
Antigone.
Tao (« je suis la Voie »).


Un être dont le moi (aham) serait l’atman — c’est un homme-Dieu.


Les anciens connaissaient un Dieu suprême et un Dieu médiateur adorés par les mystiques. En plus ils avaient des divinités familiales et nationales destinées à la protection terrestre.

Israël a eu l’idée qu’en prenant comme divinité nationale Dieu même on était tout à fait sûr de la victoire.

Ils ont pris Dieu comme objet de leur idolâtrie.

The Midgard Serpent de l’Edda, qui est au fond de la mer, est le même animal que Leviathan de la Bible.

« The white God… nine maids, all sisters, bore him for a son. »

Dans l’Edda en prose, l’humanité procède du mauvais principe.

Edda. Le monde est fait par Dieu avec le cadavre du mal.


« … Beaucoup plus chers aux vautours qu’à leurs épouses. » Tel est l’amour humain. On aime seulement ce qu’on peut manger. Quand quelque chose cesse d’être comestible, on ne l’aime plus et on l’abandonne à quiconque peut à son tour y trouver un aliment. L’amour humain est limité par les transformations. Il peut m’arriver une chose telle qu’aucun de ceux qui m’aiment ne fasse plus la moindre attention à moi. Pour ceux qui m’aiment, je ne suis pas un bien ; à l’occasion de moi ils jouissent de quelque chose qui n’est pas moi.

Il dépend seulement de mon désir que ce quelque chose soit de la boue ou Dieu.

L’amour humain n’est pas inconditionnel. J’aime un fruit, mais je ne l’aime plus une fois qu’il est pourri.

Je peux devenir beaucoup plus chère aux vautours qu’à n’importe quel être humain, et n’importe quel être humain, l’être le plus chéri, peut devenir beaucoup plus cher aux vautours qu’à moi.

Il y a deux lignes dans l’Iliade qui expriment avec une force inégalable la misérable limitation de l’amour humain. L’une

« eux à terre
Gisaient, aux vautours beaucoup plus chers qu’à leurs épouses »

L’autre :

« Mais elle a songé à manger, quand elle fut fatiguée des larmes. »

Il n’est pas vrai que l’amour humain soit plus fort que la mort. La mort est beaucoup plus forte. Il est soumis à la mort.

Aimer ce qui est vivant est facile. Il est difficile d’aimer ce qui est mort. L’amour d’un mort n’est pas soumis à la mort ; l’objet n’en peut mourir. Mais un tel amour, s’il est amour et non pas rêve, est surnaturel. L’amour de Niobé est l’amour humain, l’amour d’Électre est l’amour surnaturel. Et pourtant Électre a dû se souvenir de manger… ?

La mort d’un être aimé est horrible parce qu’elle révèle la vérité sur la nature de l’amour qu’on lui portait. Parce qu’elle révèle qu’on ne lui portait pas un amour plus fort que la mort.

L’amour de ce qui n’existe pas est plus fort que la mort.

Aimer ce qui n’existe pas — quelle absurdité ? C’est une folie. Or là est le salut de l’âme. On peut prouver qu’il n’y a pas de bassesse à laquelle les circonstances ne puissent en certains cas réduire une âme incapable d’aimer ce qui n’existe pas.

Aimer ce qui n’existe pas, en sachant que cela n’existe pas, c’est une torture de l’âme.

Aimer ce qui est exposé à disparaître, en sachant que c’est exposé à disparaître.

C’est à cause de l’ordre du monde, à cause de cette nécessité qui les domine souverainement, qui les réduit à être conditionnées, que les choses que nous aimons ne méritent pas d’être aimées. La nécessité enlève tout objet à notre amour. Elle est notre unique ennemie. C’est pourquoi c’est sur elle qu’il faut reporter cet amour.

Notre amour a deux objets. D’une part ce qui est digne d’être aimé, mais qui, au sens qu’a l’existence pour nous, n’existe pas. C’est Dieu. D’autre part ce qui existe, mais ne contient rien qu’il soit possible d’aimer. C’est la nécessité. Il faut aimer les deux.

L’amour a besoin que son objet existe (ici-bas) et soit aimable, Or pour notre amour il n’y a pas de tel objet. Et d’autre part notre amour est notre être même que rien ne peut arracher de nous.

Ou on feint que certaines choses d’ici-bas sont aimables, Ou on feint que ce qui est aimable est ici-bas. Ou on laisse l’amour, en partie s’user et s’effriter, en partie tourner à l’aigre et devenir haine.

Sion ne se permet rien de tout cela, on subit une transformation merveilleuse qui donne le secret. On aime les deux choses impossibles à aimer, ce qui n’existe pas et ce qui n’est pas aimable.

L’existence et l’amabilité (qualité de ce qui peut être aimé) sont des conditions de l’amour. Si on aime ce qui est privé de l’un et ce qui est privé de l’autre — les deux, cela est indispensable — on aime inconditionnellement.

L’amour est une chose divine. S’il entre dans un cœur humain, il le brise.

Le cœur humain a été créé pour être ainsi brisé.

C’est le plus triste des gaspillages, quand il est brisé par autre chose. Mais il préfère être brisé par n’importe quoi plutôt que par l’amour divin. Car l’amour divin ne brise que les cœurs qui consentent à l’être. Ce consentement est difficile.

La parabole de l’Évangile sur le roi qui invite à un festin et reçoit des refus déguisés par toutes sortes de prétextes montre que les raisons qui nous éloignent de Dieu ne sont pas des causes, mais des prétextes de cet éloignement. Tout au moins chez ceux qui ont, fût-ce une fraction de seconde et distraitement, entendu l’appel. Un fonctionnaire ne néglige pas Dieu parce qu’il est absorbé par le souci de son avancement, mais il s’absorbe dans le souci de son avancement pour ne pas penser à Dieu. Et même des religieux, des moines, et même de ceux qui sont canonisés et semblent justement réputés saints, ont peut-être refusé l’invitation sous un prétexte pieux.

Dans le premier moment où l’appel est presque inconsciemment entendu, l’âme tout entière est médiocre, puisque la première trace infinitésimale de pureté commence seulement à y apparaître. Or ce qui est médiocre fuit la lumière. Se mettre tout entier dans la lumière quand on est médiocre, comment le supporter ? Il vaut mieux donner son désir et son énergie aux choses les plus misérables.

Et pourtant si on est assez fou pour le faire on devient lumière. Car tout ce qui est manifesté est lumière. Mais nul ne le sait d’avance.

Aussi ne peut-on aller dans la lumière que si on est absorbé par l’admiration de ce qui brille au point d’oublier complètement qu’on est médiocre. Ainsi la prostituée aux pieds du Christ.

Mais si on se tourne vers Dieu dans la pensée qu’on n’est pas médiocre, et si cette pensée n’est pas rapidement et brutalement rectifiée, alors ce n’est pas vraiment Dieu vers qui on se tourne. Car Dieu est une pierre de touche qui fait apparaître tout or humain comme de l’or faux. Et du même coup cet or faux est transformé en or vrai, divin, et qui ne brille qu’en secret. Une pierre de touche qui est en même temps une pierre philosophale.

Un petit enfant qui voit briller quelque chose passe tellement tout entier dans l’amour de cette chose brillante qu’il tend tout son corps vers elle, oubliant complètement qu’il ne peut pas arriver jusqu’à elle. Alors sa mère le prend et l’en rapproche. C’est comme cela que nous devons devenir des petits enfants.

C’est par la force et la fixité du désir que nous devons devenir des enfants. Un enfant tend les mains et tout le corps vers ce qui brille, fût-ce la lune. Un enfant crie avec sa voix et tout son corps, inlassablement, pour demander du lait ou du pain, s’il a faim. Les adultes s’attendrissent et sourient, mais lui est totalement sérieux. Tout son corps et toute son âme sont uniquement occupés à désirer. Rien n’est moins puéril qu’un petit enfant. Les adultes qui jouent avec lui sont puérils.

(Je crains bien que la petite Thérèse de Lisieux n’ait ressemblé plus souvent à un tel adulte qu’à un petit enfant.)

Un enfant ne veut pas la chose brillante ou le lait, il ne combine pas pour les obtenir, il désire simplement ; il crie. La volonté et intelligence discursive qui combine sont des facultés d’adulte. Il faut les épuiser. Il faut les détruire par l’épuisement. Il importe peu qu’on possède peu ou beaucoup de ces deux facultés. L’important est qu’on aille jusqu’au bout, qu’on les use complètement.

L’intelligence discursive se détruit par la contemplation des contradictions claires et inévitables. Koan. Mystères.

La volonté se détruit par l’accomplissement de tâches impossibles. Épreuves surhumaines des contes.

Peu importe quelle tâche je prends si c’est un peu au-dessus de ma force de volonté. Si ma volonté est si faible (et en ce qui me concerne elle est très faible) qu’il soit trop dur pour moi de balayer ma chambre tous les jours, alors je n’ai qu’à vouloir balayer ma chambre tous les jours. Certains jours je ne le ferai pas, je succomberai. Le lendemain je recommencerai avec une volonté renouvelée. Puis je succomberai encore. Et ainsi de suite.

L’important, c’est que si l’on persévère sans orgueil et malgré les défaillances, la volonté s’use peu à peu et finit par disparaître. Quand elle a disparu, on est au delà de la volonté, dans l’obéissance.

On peut laisser atrophier la volonté et l’intelligence discursive faute d’exercice. On est alors en deçà. Tamas. Ou on peut les exercer de manière à les développer. Orgueil. Raja. Ou on peut les exercer de manière à les user. Sattva. Une fois qu’elles sont tout à fait anéanties, on est au delà des gunas.

Néanmoins, si l’obéissance l’exige, on opèrera par elle les effets que d’autres hommes opèrent par la volonté et l’intelligence discursive.


On n’aime pas le malheur parce qu’il contraint à voir ce qu’on aime quand on s’aime soi-même. Il est contre nature d’aimer un malheureux. Le malheur y contraint. Quand on est dans le malheur, il faut aimer un malheureux ou cesser de s’aimer soi-même.

La compassion véritable est un équivalent volontaire, consenti du malheur.

La pitié naturelle consiste à secourir un malheureux ou afin de mieux réussir à ne plus penser à lui, ou afin de mieux jouir de la distance entre soi et lui. C’est une forme de cruauté qui n’est contraire À la cruauté proprement dite que par les effets extérieurs. Ainsi, sans doute, la clémence de César.

La compassion consiste à faire attention au malheureux et à se transporter en lui par la pensée. Dès lors, s’il a faim, on le nourrit automatiquement, comme on se nourrit soi-même quand on a faim. Ce pain qu’on lui donne est simplement l’effet et le signe de la compassion. C’est alors qu’on a les remerciements du Christ.

C’est que, de même que le don du pain est simplement l’effet et le signe de la compassion, de même la compassion est l’effet et le signe de l’union d’amour avec Dieu. Car la vue d’un malheureux met en fuite toute attention qui n’est pas passée par le contact avec Dieu.

Dieu seul peut faire attention à un malheureux.


Le livre de Job est un miracle, parce qu’il exprime sous une forme parfaite des pensées qu’un esprit humain ne peut concevoir que sous la torture d’une intolérable douleur, mais qui sont alors informes, et qui s’effacent sans pouvoir être retrouvées dès que la douleur s’apaise.

La rédaction du livre de Job est un cas particulier du miracle de l’attention accordée au malheur.

De même l’Iliade.

L’attention fuit le malheur comme elle fuit le vrai Dieu, par l’effet du même instinct de conservation ; l’un et l’autre objet forcent l’âme à sentir son néant et à mourir alors que le corps est encore vivant.

Seule une âme déjà tuée par un véritable contact avec le véritable Dieu (quand même, par l’effet d’une erreur de langage, elle se croirait athée) peut fixer son attention sur le malheur.

Un malheureux non plus ne fait pas attention au malheur ; si son état l’empêche de faire attention à autre chose, il ne fait pas attention du tout. Une incapacité complète de concentration et de continuité est caractéristique des états d’extrême déchéance sociale (prostituées, repris de justice). Cette incapacité est à la fois cause et effet de la déchéance.

La même incapacité de faire attention au malheur qui empêche la compassion chez celui qui voit un malheureux empêche la gratitude chez le malheureux secouru. La gratitude suppose la capacité de sortir de soi et de contempler son propre malheur du dehors dans toute sa laideur. C’est trop affreux.

Seul l’amour inconditionné peut forcer l’âme à s’exposer à la mort morale, et l’amour inconditionné n’a pas d’autre objet que le bien inconditionné, qui est Dieu. C’est pourquoi il est tout à fait sûr que seule une âme tuée, consciemment ou non, par l’amour de Dieu, peut faire vraiment attention au malheur des malheureux.

Le malheur est le critérium. Est-ce là sa fonction providentielle ?

Le Christ en croix, abandonné corps et âme. Seul il pouvait dans cet état aimer le Père. Seul le Père pouvait l’aimer dans cet état.


Le temps est notre supplice. L’homme ne cherche qu’à y échapper, c’est-à-dire échapper au passé et à l’avenir en s’enfonçant dans le présent, ou se fabriquer un passé et un avenir à sa guise.

On échappe au temps en restant au-dessous — la chair en donne le moyen — ou en passant au-dessus, dans l’éternité. Mais pour passer au-dessus il faut traverser le temps tout entier, dans sa longueur infinie, nous qui ne vivons qu’un moment. Dieu en donne le moyen à ceux qui l’aiment.

Seul celui qui comme Job au fond du malheur essaye encore d’aimer Dieu sent dans sa plénitude et au centre même de l’âme toute l’amertume du malheur. S’il renonçait à aimer Dieu, il ne souffrirait pas ainsi. De même Prométhée. Dans cet état, l’âme est déchirée, clouée aux deux pôles de la création, la matière inerte et Dieu. Ce déchirement est la reproduction dans une âme finie de l’acte créateur de Dieu. Peut-être faut-il passer par là pour sortir de la création et retourner au principe.

Qui est pris par le malheur quand il n’a pas encore même commencé à aimer Dieu est détruit.

On peut peut-être regarder cet accident comme équivalent à une mort prématurée. Nous en ignorons les effets.

Peut-être notre plus grande cruauté est-elle impuissante à faire vraiment du mal à une âme, mais s’il en est ainsi nous l’ignorons et nous n’avons pas le droit de le savoir.

Zagreus. Narcisse.

Zagreus a été pris au piège par un miroir. Narcisse aussi. Zagreus et Narcisse sont le même être. Le Verbe divin.

Ce miroir, c’est la création. Dieu est pris au piège par le mal alors qu’il regarde sa création. Il est pris et soumis à la Passion.

Dieu, en créant par surabondance de bonté, a donné occasion au mal d’exister.

L’unique raison de penser que l’univers est bon, c’est que Dieu, sachant éternellement quel mal s’y produirait, a éternellement voulu le créer.

Dieu n’est pas prouvé par la bonté de l’univers, mais la bonté de l’univers par Dieu ; ou plutôt c’est matière de foi.

Mais l’univers est beau, y compris même le mal, qui, pris dans l’ordre du monde, a une sorte de beauté terrible. Cela, nous le sentons.


Se mettre à la place d’autrui, c’est désirer davantage pour lui le soulagement matériel que le progrès spirituel.

si la hiérarchie des désirs est telle en lui.

Cependant on ne doit pas se mettre à la place d’un autre dans la mesure où il désire léser le prochain.

Mais désirer le progrès spirituel d’un être qui lui-même n’a pas ce désir, c’est autre chose que compatir.

La compassion peut peut-être faire davantage pour le faire progresser.

Rufinus, histoire des moines d’Égypte, P. L., XXI, 387. Un saint ermite demande qu’il lui soit révélé à quel saint il est pareil. La réponse, un chanteur de village. Cet homme était jusqu’à peu auparavant un voleur. Interrogé s’il a jamais fait une bonne action, en cherchant bien il finit par se souvenir que sa bande a une fois capturé une religieuse ; qu’il a empêché les autres de la violer, et l’a ramenée chez elle intacte. Une autre fois, il donne à une femme, dont le mari et le fils sont en prison et torturés pour des arriérés d’impôts, (c’est là l’empire chrétien !) de quoi payer l’arriéré. Elle était jolie, et s’était offerte à lui comme esclave, et n’avait pas mangé depuis 3 jours. Entendant cela, le saint en fait un moine.

Une autre fois, à la même question, la réponse est le chef du village. Il n’avait jamais rompu la chasteté, sinon pour engendrer trois fils.

Pratiqué l’hospitalité et la justice. Toujours cherché que nul ne fût triste à cause de lui (cf. Livre des Morts).

La plupart des moines égyptiens faisaient la moisson : et, payés en blé, distribuaient aux malheureux la plus grande partie.

Vitae Patrum, Migne, P. L., lxxiii, lxxiv.


Tout ce à quoi des êtres humains ont renoncé par amour de Dieu, que sans participation de ma part le hasard des événements m’en prive, et de telle sorte qu’à ce moment j’aie oublié l’avoir auparavant désiré.


Verba Seniorium, Pelagius et Johannus, iv, xlixv, xxxi, v, xiv, vii, xxviixxxii (lieu de la tentation). xxxvii (corps et âme).

Donne ton corps en gage au mur de la cellule, et que tes pensées aillent où elles veulent.


Le corps est un levier du salut. Mais comment ? Quel en est le bon usage ?

id. viii, xix, x. xxxivxliv.

xciii. — Cette vie monastique était un progrès, matériellement, pour ceux qui venaient des basses classes. Un berger dormait sur la terre nue, mangeait du pain sec, du poisson salé quand il pouvait, et buvait de l’eau ; se lavait dans la rivière,

x, cxi. — Il est mauvais d’aller au ciel par sa volonté.

xi, ivvixii, ii (difficulté de la prière) xv, xviii, viii, xiii, xiv.

Dans le malheur, on ne peut être secouru que par l’amour divin.

Un ermite qui n’avait pas vu d’homme pendant dix mois rencontre un berger qui n’avait pas vu d’homme pendant 11 mois.

Il est impossible que des hommes qui se privent volontairement atteignent le degré de dénuement auquel d’autres hommes sont soumis par le malheur.

Il faut donner sa vie pour ceux qu’on aime, et pourtant il ne faut pas se tuer.

[Autre recueil, trad. anonyme, L III de « Vitae patrum ».]

Cassien, P. L., xlxix, de Coenobiorum Instituts [Nécessité spirituelle du travail manuel dans la solitude] [Nécessité spirituelle des murs de la cellule].

Collection traduite par Paschasius pour Martin de Dumes. Vitae Patrum, L. VII. Martin, 2 (utilité des jeûnes et veilles : humilité). 19 (Je ne suis pas là). — 23.


Laisser à Dieu la vengeance des offenses reçues, tourner vers Dieu sa haine ; si on a pour Dieu le vrai Dieu, c’est brûler la haine en soi au contact du Bien. Sans cela, c’est faire de sa haine un objet d’idolâtrie.

Une fois que par le renoncement total le contact avec le vrai Dieu est obtenu, il est bon ensuite de tourner vers Dieu tous les désirs sans exception dans la prière, car ce contact brûle tout le mal en eux et fait de l’énergie qui les alimentait un aliment pour l’amour de Dieu.

À ce stade il est difficile de demander à Dieu ce qu’on désire ; toute l’âme se révolte contre cette orientation du désir vers Dieu.

Ainsi le Christ pendant la nuit de Gethsemani a tourné sa peur charnelle vers Dieu.


cxxiv « ton humilité seule me maîtrise ».

chercher ce que dit Rufinus (Histoire des Moines d’Égypte, Migne, P L, xxi, 387 sqq.), d’Ammon (xxi). Pères du Désert :

An. Ne pas changer de lieu au moment de la tentation.

Ar. Clouer le corps et laisser la pensée vagabonder.

Macarius. Si la pensée s’attarde aux offenses reçues des hommes, elle se prive du pouvoir de se fixer sur Dieu.

Pastor. Plutôt rester chaque jour au-dessous de la satiété que de jeûner totalement deux jours et plus.

An. Ne pas monter vers le ciel par sa propre volonté.

Allois. Dire « Moi seul et Dieu sont dans le monde » (C’est encore trop).

« On peut arriver en un jour à la perfection. »

Agatho. Rien de plus difficile que la prière. Dans tout autre travail de la vie religieuse, quelle que soit l’application, il y a du repos ; mais aucun repos dans la prière, jusqu’au dernier jour.

Zacharie. Silence.

Chercher le recueil grec, Apophtegmata Patrum, Migne, P. G., lxv, 102.


Punition des criminels.

Il faudrait les guérir par une vie laborieuse, dure, mais saine et joyeuse dans des pays non peuplés, en plein air, dans un travail tel que faire des routes, etc. Et une fois guéris, s’ils en sentent le besoin, les faire souffrir.

Démèter, Isis, enfants « passés par le feu » dont il est question dans l’Ancien Testament ; saint Jean-Baptiste « Je baptise dans l’eau, mais celui qui me suivra baptisera dans le feu et l’esprit ». Y avait-il un rite du baptême par le feu, dans l’antiquité, dont la pratique de sauter par-dessus les « feux de la Saint-Jean » serait un reste ? Feignait-on de passer les enfants nouveau-nés à travers une flamme ?


Fils d’adoption, enfants adoptifs de Dieu, qu’est-ce que cela veut dire ? Rien, ou ceci, qu’aucun être humain n’est enfant de Dieu, excepté quand le Verbe, Fils unique de Dieu, entre en lui et use de sa bouche pour dire à Dieu « Père ».

Demander quelque chose au nom du Christ, cela veut dire de sa part ; cela veut dire que le Christ se sert de la bouche de tel homme pour demander quelque chose à son Père ; et alors effectivement c’est toujours accordé. Car cela rentre dans la sphère de la sage persuasion exercée par l’Amour sur la nécessité (Timée).

Le Juste d’Isaïe « Il était défiguré au point de n’avoir plus rien d’humain ».

Isaïe « L’Éternel a vu à sa grande indignation que c’en était fait du droit. Et il s’est aperçu qu’il n’y avait pas un homme, il a constaté avec stupeur que nul n’intervenait ; alors c’est son bras qui lui prêta assistance et c’est sa justice qui le soutint. » Gîta « Pour le rétablissement de l’ordre je prends un moi… »

NOTES ÉCRITES À LONDRES

(1943)

La méthode propre de la philosophie consiste à concevoir clairement les problèmes insolubles dans leur insolubilité, puis à les contempler sans plus, fixement, inlassablement, pendant des années, sans aucun espoir, dans l’attente.

D’après ce critère, il y a peu de philosophes. Peu est encore beaucoup dire.

Le passage au transcendant s’opère quand les facultés humaines — intelligence, volonté, amour humain — se heurtent à une limite, et que l’être humain demeure sur ce seuil, au delà duquel il ne peut faire un pas, et cela sans s’en détourner, sans savoir ce qu’il désire et tendu dans l’attente.

C’est un état d’extrême humiliation. Il est impossible à qui n’est pas capable d’accepter l’humiliation.

Le génie est la vertu surnaturelle d’humilité dans le domaine de la pensée. Cela est démontrable.

Tant que la pensée d’un homme circule dans le domaine où habitent les esprits d’un milieu très raffiné, elle est susceptible de contrôle humain, limitée par des jugements humains.

Dès qu’elle passe au-dessus de ce domaine, rien d’humain ne peut plus lui servir de contrôle ni de limite.

La tentation de l’orgueil est à ce moment plus forte qu’elle n’était auparavant.

Celui qui se trouve dans cette situation ne peut échapper à l’égarement, à l’illusion, au mensonge, que par la grâce de Dieu, s’il l’implore du fond du cœur, avec une foi et une humilité totales.

Autrement, il faut ou qu’il redescende un peu pour se retrouver dans le domaine où ses amis peuvent entrer, ou qu’il se laisse happer par le diable.

Dans les deux cas, il peut donner l’illusion du génie, et entourer son nom d’une gloire qui traverse les siècles.

Mais c’est blasphémer que nommer génie ce qui n’est pas capable de vérité.

La liaison entre l’humilité et la philosophie véritable était connue dans l’antiquité. Parmi les philosophes socratiques, cyniques, stoïciens, être injurié, frappé et même giflé et le supporter sans la moindre réaction de dignité instinctive était regardé comme une partie du devoir de la profession.

L’apostolat chrétien étant une profession voisine ou identique, le précepte du Christ aux disciples, « tendez l’autre joue », doit être regardé ainsi, comme une obligation de la fonction particulière d’apostolat, non pas comme une obligation de la vie chrétienne.


L’accomplissement pur et simple des actes prescrits, ni plus ni moins, c’est-à-dire l’obéissance, est à l’âme ce que l’immobilité est au corps. C’est là le sens de la Gîta.

Comment reconnaître si un acte est prescrit ?

Il faut exécuter les obligations humaines, dans le cadre des relations sociales où on se trouve pris, sauf commandement spécial de Dieu de s’en écarter.

La faute d’Arjuna est d’avoir dit qu’il ne combattrait pas, au lieu d’implorer Krisna — non à cet instant, mais longtemps avant — de lui prescrire ce qu’il fallait faire.

Qui sait alors quelle aurait été la réponse.

La Gîta et l’Antigone ont apparemment des significations opposées ; en réalité le même esprit. Complémentaires.


Par l’effet d’une disposition providentielle, la vérité et le malheur sont l’une et l’autre muets.

Par ce mutisme la vérité est malheureuse. Car l’éloquence seule est heureuse ici-bas.

Par ce mutisme, le malheur est vrai. Il ne ment pas.

Par l’effet d’une autre disposition providentielle, la vérité et le malheur ont l’un et l’autre de la beauté.

Par suite, malgré leur mutisme, l’attention peut se fixer sur eux.

Il est vraiment, littéralement vrai, comme Platon le fait dire à Socrate dans le Phédon, que la Providence, non la nécessité, est l’unique explication de cet univers. La nécessité est une des dispositions éternelles de la Providence,


Dans la peinture vraie du malheur, ce qui suscite la beauté, c’est la lumière de la justice dans l’attention de celui qui a tracé le tableau, attention rendue contagieuse par la beauté.

Seul un juste parfait pouvait écrire l’Iliade.


Dans la chute à partir d’une civilisation illuminée de foi, les hommes ont probablement perdu en premier lieu la spiritualité du travail.

En ce moment, c’est justement l’invention avortée d’une spiritualité du travail qui bouillonne en nous.

Serait-ce le signe d’un cycle qui se boucle ?


Il y a eu avant l’esclavage une civilisation de la spiritualité du travail. Il y en a des marques certaines. Les traditions sur les dieux instituteurs des métiers, Dionysos et Éleusis, l’écho des traditions qui se reflètent dans le « donne-moi un point d’appui » d’Archimède, le « statera facta corporis », joints à la balance, au fil à plomb, etc., du conte égyptien.

On nous avait donné ces symboles avec leur signification.


« Par le dharma le faible prescrit des ordres au fort. » Comme par la balance à bras inégaux le gramme l’emporte sur le kilo.

Par la lecture de ce symbolisme, l’âme cesse d’être écrasée par la lecture continuelle de la force dans la matière.

Dieu a inscrit sa signature dans la nécessité.


Postulat :

Cet univers est une machine à fabriquer le salut de ceux qui y consentent.

(C’est ce que dit saint Paul : Toutes choses coopèrent avec celui qui aime Dieu.)


Désir et accomplissement.

Le désir de devenir moins imparfait ne rend pas moins imparfait.

Le désir de devenir parfait rend moins imparfait.

C’est donc un fait d’expérience que la perfection est réelle.

Platon sans doute l’a su.

C’est la preuve de saint Jean dans son épître, la preuve par la vie éternelle.


Le Christ sur la croix a eu compassion de sa propre souffrance comme étant la souffrance de l’humanité en lui.

Son cri : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » a été poussé en lui par tous les hommes.

Quand ce cri monte au cœur d’un homme, la douleur a éveillé dans les profondeurs de son âme la partie où gît, enfouie sous les crimes, une innocence égale à celle même du Christ.


Lear « Y a-t-il une cause dans la nature qui produise ces cœurs durs ? »

C’est le point du cri du Christ.

Théophile. « Ah ! que les cris d’un innocent… »


La créature parfaitement pure (la Vierge), c’est la création en tant que volonté créatrice de Dieu.

C’est une intersection de Dieu et de la Création.

L’Incarnation divine souffrant la mort est une autre intersection.

Si dans le Zodiaque la Balance a la même signification que la Justice (ou la Vierge, Astreia) située à côté, comme en face le taureau a la même signification que le bélier (Osiris, Zeus Ammon, Agnus Dei), en ce cas l’équinoxe d’automne représente la Vierge comme l’équinoxe du printemps représente le Christ crucifié. Les deux intersections de l’équateur et de l’écliptique représentent les deux intersections de Dieu et de la création. Cf. le Timée. Toute l’existence changeante de l’univers, enfermée dans l’année, se déroule entre ces deux intersections — entre l’eau et le sang. (Épître de saint Jean.)

Il doit en être de même de l’âme humaine. Microcosme.


Thalès « Tout est eau », i. e. tout est obéissance.

La puissance même de Dieu est aussi obéissance. La Vierge est l’obéissance de la créature, le Christ crucifié est obéissance de Dieu.


Au sujet de l’enfer :

Le Christ a dit « Il n’y a rien de caché qui ne doive être rendu manifeste ».

Ou plutôt.

« Il n’y a rien de caché, sinon afin que cela soit rendu manifeste. »

Et saint Paul dit :

« Tout ce qui est rendu manifeste devient lumière. »

Donc au jour du Jugement dernier, quand la création apparaît à nu sous la lumière de Dieu qui la rend entièrement manifeste, elle est entièrement lumière. Il n’y a plus de mal.

(C’est aussi la conception manichéenne.)

Le diable et les damnés souffrent pour la perpétuité des temps, mais l’avènement de l’éternité met fin au temps.

Tout est d’ailleurs impénétrable et impensable dans ce domaine ; il vaut mieux ne pas avoir du tout d’opinion là-dessus.

Mais une chose semble certaine. C’est que la maturité du germe divin déposé dans la créature consiste dans l’abolition du mal et l’évanouissement du bien confondu avec Dieu.

Comment ose-t-on prétendre que les âmes bienheureuses sont autres que Dieu, séparées de lui, alors que le Christ nous a donné l’ordre « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».

Mais les théologiens ont dû le prétendre, parce que si on disait aux gens qu’ils ont à choisir entre l’anéantissement et l’évanouissement en Dieu, ils ne trouveraient pas que la différence est suffisante pour que cela vaille la peine de choisir le bien.

Au lieu qu’en leur montrant d’un côté le fouet à perpétuité et d’un autre côté une provision inépuisable de morceaux de sucre, on a des enfants dociles de l’Église.

Les méthodes éducatives des maîtres romains avec leurs esclaves — promesses et menaces — projetées après la mort.

On le voit bien dans le Polyeucte de Corneille. « Mais dans le ciel déjà la palme est préparée. » Un chien qui saute pour avoir un morceau de sucre.


« Qui est l’esclave que le maître a mis à la tête de sa maison. »

Dieu a confié à chaque être humain la fonction de traiter les créatures à l’imitation de Dieu.

« Le maître le mettra à la tête de tout ce qu’il possède. »

La récompense est bien une identification totale à Dieu.


D’après Mat., 12, 32-33, il semble évident que [saint] Augustin a commis le blasphème contre l’Esprit.

Il semble que ce blasphème consiste à affirmer que le mal peut produire du bien pur, ou que du bien pur peut produire du mal.


« N’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ? » « Loin de moi, vous dont les actes sont illégitimes. »

Donc l’unique critère est la justice. C’est parce que le Christ était juste, non parce qu’il a fait des miracles, qu’il faut le reconnaître comme Dieu.


« Aimez vos ennemis », etc., n’a pas de rapport avec le pacifisme et le problème de la guerre.

« Vos ennemis » peut avoir deux sens.

Ceux qui font du mal à vos personnes et à ce qui vous est personnellement cher.

Pour autant que dans ma vie personnelle j’ai souffert du fait des Allemands, pour autant que des choses et des êtres auxquels je suis personnellement attachée ont été détruits ou atteints par eux, j’ai une obligation particulière de les aimer.

« Vos ennemis » peut vouloir dire les ennemis de la foi.

La foi ne doit être défendue que par l’innocence et l’amour. Les missionnaires ne doivent être ni aidés, ni protégés, ni vengés par les armes ni le pouvoir politique.

Si je suis prête à tuer des Allemands en cas de nécessité stratégique, ce n’est pas parce que j’ai souffert de leur fait. Ce n’est pas parce qu’ils ont la haine de Dieu et du Christ. C’est parce qu’ils sont les ennemis de toutes les nations de la terre, y compris ma patrie, et que malheureusement, à ma vive douleur, à mon extrême regret, on ne peut pas les empêcher de faire du mal sans tuer un certain nombre d’entre eux.


Les sophismes grecs prouvant qu’on ne peut pas apprendre enferment la plus profonde vérité.

Nous comprenons peu et mal. Nous avons besoin d’être enseignés par ceux qui comprennent plus et mieux que nous.

Par exemple, le Christ.

Mais du fait que nous ne comprenons presque rien, nous ne les comprenons pas non plus. Comment reconnaîtrions-nous qu’ils sont dans la vérité ? Comment leur accorderions-nous la quantité d’attention qui est nécessaire au préalable, qu’il est indispensable de commencer par accorder, sans laquelle ils ne peuvent pas commencer à nous instruire ?

C’est pourquoi il faut des miracles.

C’est pourquoi une disposition providentielle lie parfois à la sagesse surnaturelle certains pouvoirs qui sont rares parmi les hommes, mais qui pourtant peuvent aussi se rencontrer chez les médiocres ou mauvais d’entre EUX.

Ainsi, guérir des maux physiques, lire la pensée, etc.

Mais de tous les miracles de cette espèce, le principal est le beau.

Toutes les fois qu’on réfléchit au beau, on est arrêté par un mur. Tout ce qui a été écrit là-dessus est misérablement et évidemment insuffisant, parce que cette étude-là doit être commencée à partir de Dieu.

Le beau consiste en une disposition providentielle par laquelle la vérité et la justice, non encore reconnues, appellent en silence notre attention.

La beauté est vraiment, comme le dit Platon, une incarnation de Dieu.

La beauté du monde n’est pas distincte de la réalité du monde.


Zeus, indigné contre les hommes à cause de leurs crimes, voulait les détruire. Prométhée est intervenu en leur faveur, et, n’étant pas écouté, leur a donné le feu. Le feu de l’amour divin, le Saint-Esprit. À partir de ce moment il n’est même plus question qu’ils soient châtiés par Zeus. Mais Prométhée, lui, est châtié.


Silence de la petite fille dans Grimm qui sauve les sept cygnes ses frères. Silence du Juste d’Isaïe « Injurié, maltraité, il n’ouvrait pas la bouche ». Silence du Christ.

Une sorte de convention divine, un pacte de Dieu avec lui-même, condamne ici-bas la vérité au silence.

Le silence du Christ frappé et bafoué, c’est le double silence ici-bas de la vérité et du malheur.

« Toute cette puissance et la gloire qui lui est attachée m’ont été abandonnées », dit le Père du Mensonge. Le diable fabrique aussi une imitation du beau, de manière que ce critère non plus ne soit pas discernable sans une extrême attention.

Il y a une chose que le diable ne peut pas faire, je crois.

Inspirer à un peintre un tableau qui, placé dans la cellule d’un homme condamné à l’isolement cellulaire total, soit un réconfort pour lui après vingt ans.

La durée discrimine le diabolique et le divin.

C’est le sens de la parabole sur le blé et l’ivraie.


Point essentiel du christianisme — (et du platonisme) — :

Seule la pensée de la perfection produit du bien — un bien imparfait. Si on se propose de l’imparfait, on fait le mal.

On ne peut se proposer réellement la perfection que si elle est réellement possible ; c’est donc la preuve que la possibilité de la perfection existe ici-bas.


Le yoga respiratoire — c’est peut-être moins une technique qu’une manière de faire de la respiration elle-même un sacrement ?


Les problèmes d’origine (origine du langage, des outils, etc.) n’ont absolument aucune autre solution possible que celle de Dieu instituteur. C’est évident. Le langage ne sort pas du non-langage. Un enfant apprend à parler ; mais c’est qu’on lui apprend. On lui apprend à travailler, etc.

L’enseignement divin implique-t-il une incarnation originelle ?

Cela semble probable. Cela répond aux traditions.

La tradition concernant Osiris est celle d’une Incarnation à la fois institutrice et rédemptrice.

Le second caractère était-il lui aussi un souvenir historique du passé, ou bien un pressentiment de l’avenir ?

Nous n’avons peut-être pas les données nécessaires pour faire même une supposition à ce sujet.

La Vierge est comme un double de l’enfance du Christ ; la pure innocence.

Le Christ était parfaitement obéissant dès l’enfance ; et cependant, sur la Croix, « ce qu’il a souffert lui a enseigné l’obéissance ».


La vérité qui devient de la vie ; c’est là le témoignage de l’Esprit. La vérité transformée en vie.


Pour connaître la valeur symbolique, aux yeux de saint Jean, de l’eau et du sang issus du corps du Christ, il faudrait mieux connaître le sens des croyances thibétaines sur les effets de la parfaite virginité, qui fait circuler dans les veines un liquide incolore (l’« ichor » divin ?)

À partir de cette croyance, l’existence de sang normal chez un être parfaitement vierge est-elle le signe de l’union d’amour avec Dieu ? Et l’eau demeure-t-elle à côté du sang comme un témoignage de parfaite virginité ?

Ce n’est certainement pas sans raison que la partie biographique de l’Évangile de Jean commence par l’eau transformée en vin et finit par cet écoulement d’eau et de sang.

Il faut redevenir eau et qu’ensuite l’Esprit, à partir de cette eau, fasse du sang.

Devenir passivité totale, inertie de cadavre, et que l’Esprit de Dieu, à partir de cette énergie, fasse de la vie.

Dans le langage employé, quelle était la part de la simple imagerie, et quelle était celle des théories mystico-biologiques ? C’est difficile à deviner aujourd’hui.


Ce qui sonne le plus faux dans Dickens, c’est ce en quoi il a le plus fidèlement copié le menu peuple anglais tel qu’il est. Pourquoi est-ce que la réalité, transcrite sans transposition dans les livres, sonne faux ?


Il y a dans la nature l’énergie calorique, l’énergie mécanique, l’énergie vitale, l’énergie donneuse de vie contenue dans le germe, l’énergie rayonnante contenue dans la lumière.

Notre science ne connaît que les deux premières.

Les deux dernières sont-elles identiques ? L’antiquité semble les avoir identifiées.


L’Esprit — ou souffle igné, πνεῦμα — fait vivre. Les anciens (pythagoriciens, stoïciens) définissaient la semence du mâle, dans la génération, comme un πνεῦμα.

Le partage établi au début de la Genèse, réservant l’herbe, les tiges, les feuilles, aux animaux, et les graines et fruits — c’est-à-dire les germes, les semences — aux hommes est l’image de l’opposition entre les deux destinées, celle des animaux, qui est charnelle, celle des hommes, qui est spirituelle.

Ce symbolisme est peut-être l’origine de l’agriculture, et surtout de la création, par sélection, du blé et de la vigne.

Il faut bien qu’il y eût quelque chose de ce genre, si l’on songe à l’épi d’Éleusis, à celui d’Astreia, la Vierge, dans les cieux, à Dionysos, au pain et au vin de Melchisédec.

Le pain est fait entièrement avec des semences. Non avec de la vie, mais avec du principe donneur de vie. De même le vin et les raisins. (Il y a effectivement une analogie chimique entre l’alcool et les hormones sexuelles.)

La chair du Christ et son sang étaient faits de substance non pas vivante, mais donneuse de vie.

« Le πνεῦμα est ce qui fait vivant, la chair n’est d’aucune utilité. »

« Les mots que je viens de vous dire sont de l’esprit et de la vie. »

« Moi, je suis le pain qui vit, celui qui du ciel est descendu ; celui qui mange de ce pain, il vivra tour jours ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. »

La chair devient pain par le sacrifice.


Les femmes des peuplades d’Australie pratiquent la cueillette des graines des herbes à graines. On peut à partir de là concevoir la création progressive du blé, qui, si la cueillette des graines est un rite et un sacrement, a constitué une collaboration entre Dieu et l’homme. On comprend alors qu’il se soit établi autour une religion.


Eschyle dit, citant évidemment une parole sacrée des Mystères, τῷ πάθει μάθος. Par la souffrance l’enseignement (accordé par Dieu à l’homme). Mais il ne dit pas en quoi consiste la sagesse enseignée. On le voit quand on lit dans saint Paul la même formule complétée — où se retrouve le même jeu de mots entre πάθος et μάθος, caractéristique d’une formule sacrée — ἔμαθεν ἀφ´ ὧν ἔπαθεν τὴν ὑπακοήν, ce qu’il a souffert lui a enseigné l’obéissance.

Cette sagesse, c’est l’obéissance.

Mais avait-il donc désobéi ?

Y aurait-il une version secrète dans laquelle, à la désobéissance humaine par manque d’amour, répondrait une désobéissance divine par excès d’amour, Dieu se désobéissant à soi-même par compassion pour les hommes ? Ce serait exactement le mythe de Prométhée.

Or l’histoire et le nom de Prométhée semblent une illustration de la parole τῷ πάθει μάθος.

Dieu désobéissant à Dieu et ramené à l’obéissance par l’expiation.


Le châtiment de l’homme dans la Genèse, en dehors de la mort, consiste exclusivement dans la soumission imposée. Travail et mort : passivité de la femme dans l’amour et l’enfantement.

Le travail est quelque chose de semblable à la mort. C’est une soumission à la matière.

Mais la beauté est un piège de Dieu pour nous faire consentir à l’obéissance dans laquelle il nous ramène par contrainte.

Le châtiment doit être une imitation de Dieu.

Ramener le criminel dans l’obéissance par la contrainte, avec infliction de douleur, en lui tendant des pièges en vue de susciter quelque jour le consentement.

Il y a échec toutes les fois que le coupable meurt sans avoir senti à aucun moment que l’événement le plus heureux pour lui est d’avoir été condamné.

La douleur physique et morale sont des choses tellement bouleversantes pour l’âme ; et nous nous en interdirions l’usage ? Pourquoi laisser perdre des dons tellement précieux de Dieu ? Mais en pervertir l’usage est affreux.

Si on croit un criminel inguérissable, on n’a pas le droit de le châtier ; on doit seulement l’empêcher de nuire. L’infliction du châtiment est la déclaration d’une foi qu’au fond de l’être coupable il y a un grain de bien pur.

Châtier sans cette foi est faire le mal pour le mal.


Mécanisme indirect d’un crime.

Mon erreur criminelle d’avant 1939 sur les milieux pacifistes et leur action venait de l’incapacité causée depuis tant d’années par l’écrasement de la douleur physique. Étant hors d’état de suivre leur action de près, de les fréquenter, de causer avec eux, je n’ai pas discerné leur inclination à la trahison. Mais je pouvais facilement me rendre compte que l’état où j’étais m’interdisait les responsabilités graves et me prescrivait de m’abstenir. Ce qui a fait écran entre cette évidence et moi, c’était le péché de paresse, la tentation d’inertie. Je désirais si intensément une telle abstention que je ne pouvais me permettre un regard impartial sur les raisons légitimes qui me la conseillaient ; comme un séminariste en proie aux plus violentes tentations de la chair et qui n’ose pas regarder une femme.

C’est parce que la paresse et l’inertie m’avaient souvent maîtrisée dans les petites choses que, dans une grande chose, j’ai cru devoir réagir aveuglément contre la tentation d’inertie, au lieu d’examiner froidement les avantages et les inconvénients possibles de l’action ou de l’abstention.

Donc n’avoir pas eu le courage, un jour de fatigue, d’écrire une lettre, de faire mon lit — cela, accumulé des jours et des jours, m’a enfin jetée dans la faute de négligence criminelle à l’égard de la patrie.

C’est un exemple d’une liaison qui est universelle.

Quand on a compris comment par ce mécanisme de minuscules fautes privées deviennent des crimes publics, il n’y a plus de minuscules fautes privées. On ne peut plus commettre que des crimes.

C’est effrayant, car on en commet.

Il faut se sentir perpétuellement criminel tant qu’on n’a pas la perfection, et crier de toute son âme continuellement dans le silence pour l’obtenir, jusqu’à ce que la mort mette fin à cette torture, ou que Dieu, excédé, envoie la perfection.

Quand on est à ce degré de compréhension, on est réellement — à l’exception de ceux qui se trouvent pareillement disposés — le plus criminel des êtres humains. Car toutes les petites défaillances sont réellement des crimes, dès lors qu’on a été clairement contraint par la raison à les regarder comme telles. Les grands criminels commettent peu de crimes. On commet beaucoup de petites défaillances. C’est-à-dire, si on a su une fois les reconnaître pour ce qu’elles sont, qu’on commet chaque jour beaucoup de crimes.

L’unique remède est d’en être malheureux jusqu’à ce que Dieu soit pris de pitié. Car la volonté humaine, si tendue soit-elle, n’approche pas de la perfection.


Si aujourd’hui un homme se vendait comme esclave à un autre, la convention serait juridiquement nulle, parce que la liberté, étant sacrée, est inaliénable.

En mettant la propriété avec la liberté parmi les choses sacrées, les gens de 1789, si les mots ont un sens, la déclaraient inaliénable et la soustrayaient au trafic.

Mais les faits ont montré que les mots n’ont pas de sens.


Avec la conception actuelle de la science, quels peuvent en être les mobiles ? Dès lors, constitue-t-elle un bien ou un mal, ou un mélange, et à quel dosage ?

Analyse du bien et du mal par les mobiles.

Appliquer cette méthode à toutes choses.

Méthode universelle de discrimination pour l’éducation de soi-même, d’autrui, d’un peuple.

Non pas chercher à reconnaître en fait les mobiles par l’introspection ou l’observation — le mensonge s’y glisse toujours plus ou moins — mais d’abord établir théoriquement la liste des mobiles possibles pour une action étant donnée la conception dont elle procède.


Le Christ a défini la vertu d’obéissance : « je ne cherche pas mon vouloir, mais le vouloir de celui qui m’a envoyé ».


La difficulté concernant la science (cf. manuscrit) ne peut être résolue que par la notion de Dieu impersonnel.


argent, marchés, soldats
avant xviiie — Wallenstein


L’objet dont la science est l’étude est la Providence impersonnelle de Dieu.


Parabole du semeur (Luc, 8, 5). La première catégorie, ce sont ceux qui refusent leur consentement. La quatrième, ce sont les élus.

Dans la terre végétale, il y a une certaine quantité de nourriture pour les plantes. Si une grande part va aux épines, le blé ne peut grandir faute de nourriture. De même dans les âmes dont l’énergie est en grande partie donnée aux choses terrestres, la partie éternelle ne peut recevoir l’énergie indispensable à sa croissance.

Mais il apparaît aussitôt un procédé pour le passage de la troisième catégorie dans la quatrième. C’est le défrichage, l’arrachement des épines. Autrement dit l’opération du détachement, dont la méthode a été abondamment étudiée par les mystiques. Tout cela est clair et connu.

Mais la deuxième catégorie ?

De la pierre. Il n’y pousse pas d’épines. Des âmes qui ne s’intéressent pas aux choses de ce monde, mais n’ont pas non plus d’énergie à mettre au service de Dieu, et par suite restent stériles.

C’est exactement mon cas.

On croirait qu’il y a des âmes que l’insuffisance de la nature écarte irrémédiablement du service de Dieu. Moi parmi elles.

Est-ce irrémédiable ?

Y a-t-il un procédé pour faire pousser du blé sur de la pierre ?

Le seul est, si un grain est tombé dans un endroit de la pierre qui forme creux, d’y verser de l’eau et de la renouveler sans cesse à mesure qu’elle s’évapore.

Il faut donc, dans toute la mesure où c’est possible sans violer d’obligations, se mettre sous l’influence de stimulants terrestres, dans l’intention de donner à manger l’énergie qu’on en reçoit à la graine divine logée au secret du cœur.

C’est plus ou moins ce que j’ai fait instinctivement jusqu’ici.

Cela implique, quand les stimulants sont des êtres humains, une immense obligation de gratitude.

Ce serait peut-être une méthode à transmettre aux malheureux de même espèce ?

Heureusement qu’il y a d’autres âmes qui sont comme la bonne terre. Davantage, il faut l’espérer. Car il est douloureux d’assurer au grain, heure par heure, une continuation précaire de croissance, toujours menacée, toujours presque impossible, dans une angoisse qui dure jusqu’à la fin. Jusqu’à la fin, si l’eau manque quelques heures, la tige se dessèche.

L’obligation du détachement est encore plus rigoureuse que pour les âmes où il y a de la terre. Car si, de ce peu d’humidité qu’il faut renouveler sans cesse, quelques gouttes passent en mauvaises herbes, le dessèchement du blé est inévitable.

Il faut prendre l’énergie dans les choses terrestres, mais n’en pas laisser un atome servir à des choses terrestres.

Littéralement, la pureté totale ou la mort.

L’état de perfection est, semble-t-il, interdit à une âme de cette nature sinon à l’instant précis de la mort.

Quelle joie de savoir que ne sont pas là les conditions universelles du bien spirituel pour tous les hommes ! Car s’il devait toujours être acheté d’une manière si douloureuse, il faudrait se faire violence pour le souhaiter à ceux qu’on aime.

Il ne faut pas oublier qu’une plante vit de lumière et d’eau, non de lumière seule. Ce serait donc une erreur de compter sur la grâce seule. Il faut aussi de l’énergie terrestre.

Mais quand on est totalement privé d’énergie terrestre, on meurt. Tant que mon cœur, mes poumons, mes membres ne sont pas complètement paralysés, c’est la preuve expérimentale qu’il y a sur la pierre une goutte d’eau pour le blé céleste.

Parvenir à la lui donner à boire même si cela fait mourir d’épuisement la chair.

Que cette chair et ce sang soient seulement desséchés avant la tige divine, et rien d’autre n’importe.

N’avoir pas eu de fruit, n’avoir droit à aucun salaire, n’importe pas. Il y a des fruits merveilleux, des récompenses merveilleuses pour d’autres.

Mais où trouver le courage de priver la chair et le sang de la dernière goutte d’eau pour la donner à la tige divine ? Il n’est possible d’agir ainsi que par contrainte. Ce sont les esclaves, dressés à coups de fouets, qui peuvent faire des choses de ce genre.

Nulle autre espérance que dans la miséricorde divine pour précipiter dans l’esclavage et faire subir le dressage du fouet.

J’ai eu un peu de dressage, mais bien insuffisant. J’en aurai davantage si je le désire. La difficulté est que le désir soit réel.


Héraclite, fr. 90 — πυρός τε ἀνταμοιϐὴ τὰ πάντα καὶ πῦρ ἁπάντων ὅκωσπερ χρυσοῦ χρήματα καὶ χρημάτων χρυσός.


Toutes choses sont échangeables contre du feu, et du feu contre toutes choses, comme les marchandises contre l’or et l’or contre les marchandises.

Dieu est l’unique bien. Tous les biens enfermés dans les choses ont leur équivalent en Dieu. Dieu est l’unique mesure de valeur.


Cet univers est un piège à capturer les âmes pour les livrer avec leur consentement à Dieu.

C’est le modèle éternel du châtiment.


L’amour réel veut avoir un objet réel, et en connaître la vérité, et l’aimer dans sa vérité, tel qu’il est.

Il ne faut pas parler d’amour de la vérité, mais d’un esprit de vérité dans l’amour. Il est toujours présent dans l’amour réel et pur.

L’Esprit de vérité — le souffle igné de vérité, l’énergie de vérité — est en même temps l’Amour.

Il y a un autre amour menteur.

On ne peut aimer ici-bas que les hommes et l’univers, c’est-à-dire la justice et la beauté. Par suite la vérité est une qualification du juste et du beau.

Πνεῦμα, le souffle igné. C’est l’énergie suscitée par l’amour. Combien alors merveilleusement ce mot s’applique à la fois à la semence génitale dans l’amour charnel et à la production du bien par l’amour entre Dieu et une âme humaine !

Le yoga respiratoire authentique repose sûrement sur la conception du πνεῦμα. C’est lui qu’on nomme souffle vital. Mais en quoi exactement consiste la relation entre cette conception et la respiration ? Πνεῦμα aussi indique un rapport à la respiration. La respiration est une combustion. Un cierge est l’image d’une vie humaine. Cela a toujours été connu.

Héraclite ne parlait que du feu. πνεῦμα n’apparaît qu’avec les Stoïciens. C’est peut-être que le yoga avait pénétré d’Inde en Grèce après Alexandre ? Mais les Pythagoriciens ne pensaient-ils pas, d’après Diogène Laërce, que la semence génitale est un Πνεῦμα ?

Un cierge est l’image d’un être humain qui à tout instant offre à Dieu la combustion intérieure, l’usure intérieure de tous les instants que constitue la vie végétative.

Cela est offrir à Dieu le temps.

C’est le salut même.

Les exercices respiratoires du yoga authentique constituent probablement seulement des procédés pédagogiques, mnémotechniques, pour enfoncer dans l’âme le vœu de cette offrande. Comme la pratique de la « récitation du Nom du Seigneur » et tant d’autres.


Un sacrement pris indignement fait du mal à l’âme et au Corps.

La présence charnelle du Christ sur terre est comme une communion faite par l’humanité elle-même.

Cela a été un sacrement indigne, puisque le Christ a été assassiné.

Le genre humain est, tombé dans l’état où tombe un chrétien après une communion sacrilège.

Le critère des choses qui viennent de Dieu, c’est qu’elles présentent tous les caractères de la folie, excepté la perte de l’aptitude à discerner la vérité et à aimer la justice.


L’humilité est avant tout une qualité de l’attention.


Le premier des problèmes politiques, c’est la manière dont les hommes investis de puissance passent leurs journées. S’ils les passent dans des conditions qui rendent matériellement impossible un effort d’attention soutenu longtemps à un niveau élevé, il ne se peut pas qu’il y ait de la justice.

On a essayé de confier la justice à des mécanismes pour se passer de l’attention humaine. On ne peut pas. La Providence de Dieu s’y oppose.

L’attention humaine exerce seule légitimement la fonction judiciaire.


Le crime de Niobé est d’avoir compté ses enfants. Dans l’anecdote bouddhiste de la récitation du nom du Seigneur, le vieux est sauvé au moment où il cesse de compter les récitations.

Saint Jean de la Croix exprime la même transformation quand il dit : « Je n’ai plus rien su. J’ai perdu mon troupeau… »

Il faut tirer de là une conception du rôle de l’argent dans une société parfaite.


Des idiots parlent de syncrétisme à propos de Platon. On n’a pas besoin de faire de syncrétisme pour ce qui est un. Thalès, Anaximandre, Héraclite, Socrate, Pythagore, c’était la même doctrine, la doctrine grecque unique, à travers des tempéraments différents.


Tableau parfait des différentes puissances de l’âme, dans Marc, 13, 34 :

« Comme un homme en voyage, ayant quitté sa maison, a donné puissance sur elle à ses esclaves, à chacun son œuvre propre ; et au portier il a assigné de veiller. »

L’âme est cette maison, les facultés sont les esclaves, le maître de la maison est Dieu, et le portier est l’amour.


Mat., 11, 27. « Nul ne connaît le Fils, sinon le Père ; et nul ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. »

Donc les hommes, par le Christ, connaissent Dieu, mais ils ne connaissent pas le Christ.


Il y a une grande différence entre une vérité reconnue pour telle, et en cette qualité introduite, accueille dans un esprit, et une vérité qui se trouve dans l’âme à l’état agissant et possède la vertu d’y détruire les erreurs évidemment incompatibles avec elle.

On croirait que c’est la même chose. Mais en fait il n’en est rien. L’observation des hommes le montre tous les jours.

La vertu agissante de la vérité, c’est le πνεῦμα ἅγιον, l’énergie divine.


Avoir dans l’esprit une très grande quantité de vérité inerte est d’une faible utilité.

Mais un grain infinitésimal de vérité agissante, de proche en proche détruit toute l’erreur.

« Le grain de sénevé est la plus petite des graines. »

Il y a la même distinction pour le mensonge. Il y a l’erreur inerte et l’erreur agissante, qui détruit la vérité. C’est le diable.

Dans une âme il ne peut y avoir à la fois de la vérité agissante et du mensonge agissant. Mais l’action de la vérité réveille le mensonge de son inertie et y met des réactions de défense ; ce sont là les tentations des saints.

Il y a des âmes contenant seulement de la vérité inerte et du mensonge inerte. C’est le plus grand nombre.

D’autres contiennent en plus les unes du mensonge, les autres de la vérité à l’état agissant. Les dernières sont sur le chemin direct de la sainteté.


L’échange d’amour entre Dieu et la créature est un trait de feu vertical comme la foudre. C’est un échange entre le plus haut du ciel et le plus bas de l’abîme, en ligne droite (« par la foudre tu diriges droit la Médiation universelle… »)


« saisir ce que sont la largeur et la longueur et la hauteur et la profondeur ».


L’humilité totale, c’est le consentement à la mort, qui fait de nous du néant inerte.

Les saints sont ceux qui encore vivants ont réellement consenti à la mort.

τοῦτο δὸς ἐμοί, κύριε.

Il y a dans l’Évangile de Jean l’indication d’une théorie du mal autre que le péché et l’expiation. Par suite il y correspond une autre théorie de la Passion et de la Rédemption ; de cette autre théorie on trouve l’indication dans saint Paul ( « … afin qu’il fût le premier né parmi beaucoup de frères » ).


Jean, 9 : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il naquît aveugle ? » Jésus répondit « Ni lui n’a péché ni ses parents, mais afin que fussent rendus manifestes les actes de Dieu en lui ».

Rapprocher de « Ce qu’il a souffert lui a enseigné l’obéissance ».


Le mécanisme de la royauté peut se voir dans l’histoire de l’homme qui est venu demander au Christ de partager l’héritage entre son frère et lui. En refusant il a refusé d’être roi des Juifs, ce qui obligeait les Pharisiens à refuser de le reconnaître comme Messie ; et comme il était assez influent pour attirer sur la Judée la haine des Romains, et se refusait à la fonction qui lui aurait permis de la protéger, ils ont cru de leur devoir de le faire mourir. Si on se place à l’intérieur du patriotisme hébraïque, cela était tout à fait légitime.

Toutes les fois que dans une société non organisée un homme donnait des signes d’inspiration, on en faisait un arbitre et peu à peu il devenait roi.


« Père, donne-moi ma part » (parabole du fils prodigue). Ma part, c’est l’autonomie. Je la dépense avec les prostituées.

« Les esclaves dans la maison de mon Père ont du pain. » Le pain, c’est le bien. Les esclaves, c’est la matière inerte. On souhaite devenir comme de la matière inerte pour cesser enfin de désobéir.

On n’en arrive là qu’au bout d’un processus d’épuisement qui prend du temps. Le garçon a d’abord dépensé tout son argent. C’est quand il a tout dépensé et qu’il a faim qu’il souhaite être un des esclaves de son père.

C’est quand on a épuisé les capacités des facultés naturelles qu’on porte en soi (volonté, intelligence, disposition naturelle à aimer) pour la production du bien, quand on s’est reconnu incapable de tout bien, qu’on tombe prosterné devant Dieu.

« Nous sommes des esclaves sans valeur. » Il n’est rien au-dessus de cela pour une créature humaine. Pour du verre il n’y a rien de plus que d’être absolument transparent. Il n’y a rien de plus pour un être humain que d’être néant. Toute valeur dans un être humain est réellement une valeur négative. C’est comme une tache dans du verre. Le verre qui est plein de taches peut bien croire qu’il est quelque chose, et qu’il est très supérieur au verre parfaitement transparent, au travers duquel la lumière passe comme s’il n’y avait rien. C’est pourquoi. « Quiconque s’élève sera abaissé, quiconque s’abaisse sera élevé. » Il n’y a pas besoin pour cela d’une opération de compensation. Simplement nous sommes nés avec une déformation congénitale du sens de la direction, qui fait qu’en montant nous avons la sensation de descendre, et en descendant nous avons la sensation de monter.

Ainsi, si l’on considère des nombres négatifs, si on passe de − 20 à − 10, il y a amoindrissement du point de vue de la quantité absolue, et celui qui n’est sensible qu’aux modifications de cette quantité croit qu’il y a amoindrissement. Mais dans la suite totale des nombres ce passage est un accroissement.

Nous naissons loin au-dessous de zéro. Zéro est notre maximum, la limite accessible seulement après avoir franchi une série qui a un nombre illimité de termes (par exemple ). Zéro, c’est l’état de l’esclave sans valeur.

κύριε, τοῦτο δὸς ἐμοί.

Saint Thomas d’Aquin, commentaires sur l’Éthique d’Aristote, viii, 7, cité par Maritain :

« L’amitié… ne peut pas exister entre des êtres trop distants les uns des autres. L’amitié suppose que les êtres sont rapprochés les uns des autres et sont parvenus à l’égalité entre eux. Il appartient à l’amitié d’user d’une manière égale de l’égalité qui existe déjà entre les hommes. Et c’est à la justice qu’il appartient d’amener à l’égalité ceux qui sont inégaux : quand cette égalité est atteinte, l’œuvre de la justice est accomplie. Et ainsi l’égalité est au terme de la justice, et elle est au principe et à l’origine de l’amitié. »

C’est absolument le contraire du christianisme. Comment est-ce que ces gens croient qu’ils sont chrétiens ? On pourrait leur demander si la justice a amené l’homme et Dieu à égalité avant qu’il puisse y avoir union d’amour. Si le Samaritain n’a pas eu un mouvement d’amitié vers l’homme tombé aux mains des voleurs.

Aristote est le mauvais arbre qui ne porte que des fruits pourris. Comment ne le voit-on pas ?

Les Pythagoriciens disaient : « L’amitié est une égalité faite d’harmonie » et « il y a harmonie entre les choses qui ne sont pas semblables, ni de même nature, ni de même rang. » L’amitié est l’égalité qui résulte de la médiation,

« L’amour… fait les égalités et ne les cherche pas » (Rotrou).

Si Maritain, saint Thomas et Aristote avaient raison, comment le Christ aurait-il jamais pu nommer les disciples ses amis ?

« Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. »

Tout le christianisme est absolument contraire à cette pensée.


Quelque chose de mystérieux dans cet univers est complice de ceux qui n’aiment que le bien.


Le fils aîné de la parabole de l’enfant prodigue — si c’était la matière, qui n’a jamais désobéi ?

Mais après tout les anges — les puissances, les dominations, etc. — n’y a-t-il pas dans le Nouveau Testament des passages qui semblent indiquer que c’est la matière ; les forces physiques à l’œuvre dans le monde ? Ce que confirmerait leur similitude avec les dieux de la mythologie grecque. De même les dieux hindous.

Quand on se met à genoux, à la messe, pour dire « Sanctus, sanctus, sanctus… » on prend part au chœur des voix de tout l’univers.

(Dans l’Ancien Testament [Psaumes] aussi, il y a des passages où les messagers de Dieu apparaissent comme étant les forces de la nature.)

Zodiaque :

Capricorne, corne d’abondance, Plénitude de Dieu. Verseau, création dans sa pureté. Poisson, incarnation, Bélier, passion. Taureau, la même chose.

Gémeaux ; division ?

Crabe, démesure, révolte de la création, mal.

Lion, force brute. Vierge, justice. (Cela est certain, Astreia, Dikè.) Balance, force brute soumise à la justice Scorpion, amour dirigé vers Dieu. Sagittaire, lumière divine. Capricorne, plénitude de Dieu. Et de nouveau…

Il faudrait savoir comment est Noël en Égypte. Et quelle était la saison de la crue du Nil.

Tout cela est clair, sauf la relation entre le bélier et le taureau.

Gémeaux, division de Dieu, Trinité ? Le Diable apparaît en même temps (cf. le début de la Genèse et l’Apocalypse), d’où le Cancer aussitôt après. Très souvent la Trinité apparaît comme une dualité, l’Esprit étant sous-entendu (Apocalypse, Gloria).

En tout cas je vois deux successions assez claires, du Capricorne au Bélier, du Crabe à la Balance.

Plénitude de Dieu, Création, Incarnation, Passion.

Mal (démesure de la créature), force brute, Justice, équilibre.

Scorpion : la créature qui va se brûler en Dieu.

Sagittaire (amour archer), Dieu qui perce d’une flèche au cœur sa créature.

Puis plénitude de Dieu.

Gémeaux — serait-ce le péché qui a coupé en deux la créature humaine ? (mythe d’Aristophane dans le Banquet).

L’histoire doit commencer au Taureau. Sacrifice de Dieu. Péché et chute de la créature. Mal. Force brute. Justice. Équilibre. Marche de la créature pour aller se brûler en Dieu. Dieu blessant d’amour sa créature par une flèche au cœur. Plénitude de Dieu. Création (nouvelle ?). Incarnation. Sacrifice de Dieu. Et cela recommence. Le sacrifice de Dieu est le début et le terme de l’histoire.


Avril Mai Juin
Croix du Christ (dans l’Éternité). Péché. Mal.
Juillet Août Septembre Octobre
Force brute. Justice. Équilibre. Aspiration à Dieu
Novembre Décembre
Blessure d’amour envoyée par Dieu Plénitude de Dieu
Janvier Février
Nouvelle création. Apparition du Christ dans l’âme du saint.
Mars
Nouvelle crucifixion du Christ en la personne du saint.


En tout cas certainement le Zodiaque était l’expression symbolique d’une liturgie des saisons, ou même de plusieurs liturgies à la fois (répondant à plusieurs degrés d’initiation).

Il était relatif aux saisons et n’avait aucun rapport avec les constellations.


Quand Dieu veut nous donner telle chose particulière, il nous ordonne de la lui demander, et même avec importunité. Si nous consentons à le faire, il nous l’accorde. Nous le contraignons par nos supplications à user de nous conformément à sa volonté. Il ne fait de nous

manuscrit : ajouter besoin de vérité ce qu’il veut que si nous l’en supplions.


Le chapelet, procédé pour délivrer l’âme du nombre. L’argent devrait jouer ce rôle.


Évangile, les démons passés dans le troupeau de porcs qui va se noyer. Conservation de la matière dans l’ordre spirituel, dans l’ordre du bien et du mal. Pour éliminer le mal, il faut le transporter. Dieu seul a le pouvoir de le détruire vraiment. Pour détruire du mal, nous devons le transporter sur Dieu. C’est ce que nous faisons, par exemple, en contemplant le Saint-Sacrement.

Remarquer qu’en Égypte, le porc était consacré au rédempteur, à Osiris. D’après l’histoire de Méléagre, il y a affinité entre le sanglier et Artémis.


Société dont les deux pôles soient l’obéissance et l’attention — le travail et l’étude.


Le feu dans la Caverne de Platon, c’est la force physique, l’énergie au sens où la physique moderne emploie ce mot.

Le Christ sur la Croix a souffert avec compassion la souffrance de l’humanité entière en lui-même.

Son cri (Mon Dieu…) a été poussé au nom de l’humanité tout entière.


Le travail est le consentement à l’ordre de l’univers.


Le plaisir est l’illusion d’un bien attaché à sa propre existence.

C’est une illusion permanente ; la douleur même est mélangée à quelque degré de plaisir.

À certains moments, amenés par un excès de détresse physique, l’illusion disparaît complètement. On voit alors sa propre existence à nu, comme un simple fait qui ne porte aucun caractère de bien. Cela est affreux. Et cela est la vérité.

(Puissé-je donc avoir beaucoup de ces moments et ne jamais en oublier la leçon.)


Un mobile charnel et d’un niveau bas, bien qu’au reste honorable, comme la camaraderie militaire (être avec les copains quand ils seront tués) rend le sacrifice de la vie facile. Car du fait de son caractère charnel il fait voile. Poussé par lui, on va à la mort qu’on sait certaine, mais sans la voir.

Au contraire si on va à la mort par pure obéissance à Dieu, on voit la mort à nu. L’obéissance ne voile rien. Elle est parfaitement transparente.

C’est pourquoi le Christ a craint la mort plus que les autres hommes. Conte : « … the nightingale called Gizar : — where is it to be found ? — That I cannot tell thee, I only know that its song is the most beautiful that man’s ear has ever heard. »

Merveilleux. Un être dont on ne connaît que le nom et la perfection, et absolument rien d’autre ; et cela suffit pour le trouver. C’est Dieu.


Origène dit que le Livre de Job est plus ancien que Moïse lui-même.

Origène, citation d’une parole du Christ dans l’Évangile aux Hébreux : ἄρτι ἔλαϐέ με ἡ μήτηρ μου τὸ ἅγιον πνεῦμα ἐν μίᾳ τῶν τριχῶν μου, καὶ ἀπήνεγκέ με εἰς τὸ ὄρος τὸ μέγα Θάϐωρ.


Conte albanais de la fille mariée à un serpent, qui la nuit est un merveilleux jeune homme ; une nuit les sœurs brûlent la peau de serpent et il disparaît. Elle ne le retrouvera que si elle peut trouver une écaille intacte parmi les cendres. Il est fils du roi du monde souterrain. Pour parvenir à lui, elle doit quelque temps servir une horrible vieille « quelque breuvage qu’elle te donne, bois-le et fais-en la louange ». (Éviter le crime du murmurator.)

[Cabinet sanglant de Barbe-Bleue : sûrement le mal dans le monde.]


Enseignement de Milarépa :

« La notion du néant engendre la pitié,
La pitié abolit la différence entre soi et les autres.
La confusion de soi et des autres réalise la cause d’autrui. »


Milarépa :

« Ayant médité la douceur et la pitié,
J’ai oublié la différence entre moi et les autres. »


Milarépa :

« Si vous vous demandez si vos péchés seront remis,

Votre désir de vertu efface vos péchés, »


« Comme voie à suivre après ma mort, rejetez tout ce que l’égoïsme fait paraître ami et qui nuit aux créatures. Faites au contraire ce qui paraît péché mais profite aux créatures, car c’est œuvre religieuse. Celui qui sachant ces choses les oublie et commet les fautes sciemment sera précipité dans les profondeurs de l’enfer. »


Première moitié du Pater.
« Que ton nom soit sanctifié. »

Par le nom de Dieu nous pouvons orienter notre attention vers le vrai Dieu, situé hors de notre atteinte, non conçu. — Sans ce don nous n’aurions qu’un faux Dieu terrestre, concevable par nous. Ce nom seul permet que dans les Cieux, dont nous ne savons rien, nous ayons un Père.

« Que ton règne arrive »

Que ta création disparaisse absolument, à commencer par moi, et tout ce avec quoi j’ai des liens, quels qu’ils soient.

« Que ta volonté soit faite »

Ayant abandonné absolument toute espèce d’existence, j’accepte l’existence, quelle qu’elle soit, seulement par conformité avec la volonté de Dieu.

« Comme aux cieux, de même sur terre »

J’accepte la décision éternelle de la Sagesse divine et tout son déroulement dans le temps.


Il n’est pas facile de penser ces choses de toute son âme. Pour y parvenir, on a bien besoin du pain supersubstantiel, du pardon des crimes passés et de la protection contre le mal.


Lucifer est très probablement un astre qui a rompu l’ordre des phénomènes célestes.


Bâton d’aveugle. Ne plus percevoir sa propre existence comme telle, mais comme vouloir de Dieu.

Bâton d’aveugle et cube, les deux clefs de l’ascension de la pensée.


Miroir des âmes simples, v, 12 — image du fer et du feu.


épuiser les facultés humaines (volonté, intelligence, etc.) pour le passage au transcendant.

Cf. Miroir des âmes simples, ix, 18.


xiii, 1

« Who believeth a thing which he is not ? Soothly none, for the truth of believing is in the being of him who believeth. »


Pour quiconque a de la culture artistique et poétique et un vif sentiment du beau, les analogies esthétiques sont les moins trompeuses pour illustrer les vérités spirituelles.


Prendre le Christ pour modèle. Non en se disant : il a fait telle chose, donc…

Un mauvais peintre regarde la jeune fille qui pose et se dit « elle a un front haut, des sourcils arqués ; je dois mettre sur la toile un front haut, des sourcils arqués, etc. »

Un vrai peintre, à force d’attention, est ce qu’il regarde. Pendant ce temps sa main bouge, avec un pinceau au bout.

Encore plus évident pour les dessins de Rembrandt. Il pense Tobie et l’ange, et sa main bouge.

C’est ainsi que le Christ doit être notre modèle.

Penser le Christ — le Christ, non notre image du Christ.

Penser le Christ de toute son âme. — Et pendant ce temps, l’intelligence, la volonté, etc., et le corps agissent.

Le mal n’est pas ainsi immédiatement éliminé. Mais progressivement.

Il faut à cet effet penser le Christ comme homme et Dieu.

Toute pensée constituant réellement un arrachement vers Dieu est peut-être aussi efficace ? (Toute pensée enfermant le parfait ?)


Philosophie (y compris problèmes de la connaissance, etc.), chose exclusivement en acte et pratique. C’est pourquoi il est si difficile d’écrire là-dessus. Difficile à la manière d’un traité de tennis ou de course à pied, mais bien davantage.

Les théories subjectivistes de la connaissance sont une description parfaitement correcte de l’état de ceux qui ne possèdent pas la faculté, très rare, de sortir de soi.

Faculté surnaturelle.

Charité.

Le baptême, hélas, ne la confère pas.

[Toute théorie de la connaissance décrit correctement un état mental (?)|

Le pain supersubstantiel. — Dieu le donne continuellement à l’univers pour y conserver l’ordre du monde. — Pourquoi pas à nous, si nous le désirons, pour nourrir et conserver notre ordre ? Il est quotidien, car il a pour témoin le cercle diurne des étoiles.


[Chinese fairy-tales, tr. Martens.]

Petit gars pauvre placé comme vacher à 12 ans. Mis à soigner une vache. Après quelques années elle est splendide, dorée. Un jour (7e jour) propose au garçon de l’emmener parmi les étoiles pour épouser la Tisseuse (fille du roi du ciel, qui tisse les nuages). Il accepte, Ils montent. Le mariage se fait. Mais, séparés par un fleuve, les époux ne se voient qu’une fois par an. (Vacher, Tisseuse, constellations de part et d’autre de la voie lactée.)


R. — à propos de W.

« — Mais pourquoi insiste-t-il tant pour me voir ? — Oh ! par bonté, uniquement par bonté ! Si vous saviez comme il est bon ! Il se dit que vous êtes ici seule, très malade… »

La cause de ce genre de choses est que l’attention de celui qui parle est logée à l’endroit où la parole est émise au lieu d’être automatiquement transportée à l’endroit où elle sera reçue.

Comment un tel transport est-il possible ?

Outils, Instruments du sculpteur. Instruments musicaux ; ex. violon.

Celui chez qui l’acte de parler à autrui ne s’accompagne pas d’un tel transfert n’a pas vraiment appris à parler, comme celui qui lit en remuant les lèvres n’a pas vraiment appris à lire.

L’opération de la parole est constituée essentiellement par ce transfert de l’attention.

Cf. Maine de Biran. D’une manière générale =


Notion des transferts d’attention.


Déluge sumérien. — Depuis le début du déluge, les dieux ont faim, faute de sacrifices. Au premier sacrifice offert par Uta-Napishtim :

« ils sentirent la douce saveur — et comme des mouches les dieux s’assemblèrent autour du sacrifice »,

puis décidèrent de ne plus jamais détruire l’humanité —


roman irlandais — confiture de fraises

Roman irlandais ( « A flock of birds » ?) où la sœur d’un garçon qui vient d’être exécuté, rentrant chez elle, dévore un pot de confiture de fraises, pour s’arracher à cette mort, par réaction vitale — et, le reste de sa vie, ne peut plus jamais entendre parler de confiture de fraises.

Le malheur imaginaire d’un adolescent romanesque qui s’est fabriqué un grand amour serait impuissant à modifier son attitude envers la confiture de fraises.

transfert Ce pouvoir de passer dans la matière inerte est le propre des sentiments réels.

Pour l’homme vivant en ce monde, ici-bas, la matière sensible — matière inerte et chair — est le filtre, le crible, le critère universel du réel dans la pensée ; le domaine de la pensée tout entier, sans que rien soit excepté. La matière est notre juge infaillible.

De cette alliance entre la matière et les sentiments réels vient l’importance des repas dans les occasions solennelles, dans les fêtes, dans les réunions de famille ou d’amitié — même deux amis — etc. (aussi friandises, boissons…) Et celle des nourritures spéciales : dinde et marrons glacés de Noël [Christmas pudding] — navettes de la Chandeleur à Marseille — œufs de Pâques — et mille coutumes locales ou régionales de folklore (presque disparues).

La joie et la signification spirituelle de la fête est dans la friandise spéciale à la fête.


Part la plus importante de l’instruction = enseigner ce que c’est que connaître (au sens scientifique). Nurses.





  1. Ici un signe illisible.
  2. Ici une phrase inachevée.