La Démocratie devant la science/Livre III, chapitre II

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CHAPITRE II

LES CONDITIONS HUMAINES DE LA LUTTE POUR LA VIE

La lutte pour la vie n’est pas toujours ouvrière de progrès : en tous cas elle n’est pas l’unique ouvrière du progrès. C’est ce que nous a démontré une rapide revue des résultats récents de la biologie.

Cette démonstration ébranle déjà le pessimisme naturaliste qu’on oppose aux aspirations démocratiques ; nous avons constaté que, sur le terrain par lui choisi, dans le monde animal même, les faits sont loin de justifier en tout et pour tout ses conclusions décourageantes. Mais en outre, et indépendamment de ces restrictions préalables, la méthode du darwinisme social, qui consiste à transposer pour les appliquer à notre histoire les lois dégagées de l’évolution animale, n’est-elle pas sujette à caution ? Nous avons déjà vu, en examinant l’apologie naturaliste de la différenciation, combien il était dangereux d’oublier les phénomènes propres aux sociétés humaines et les modifications qu’ils imposent à tous les termes des problèmes. L’apologie naturaliste de la concurrence ne prête-t-elle pas aux mêmes équivoques ?

Nous savons bien qu’ici l’on ne se paie plus de métaphores et que le darwinisme atteint l’homme, pour le réintégrer dans la nature, plus directement que la théorie organique. Il a systématiquement diminué la distance que la philosophie spiritualiste maintenait entre l’animal et nous. Pour rabattre notre orgueil il a repris à son compte la parole de l’Évangile : « Celui qui est abaissé sera relevé, celui qui est élevé sera rabaissé. » Il a montré par exemple que, bien loin que les animaux fussent de purs automates, les facultés mentales développées chez l’homme apparaissaient déjà, au moins sous une forme rudimentaire, chez certains d’entre eux, et qu’inversement, sous une forme rudimentaire, certains organes développés chez les animaux survivent encore chez l’homme. D’une manière plus générale, l’homme n’est-il pas construit sur le même plan que ses prédécesseurs ? C’est après les mêmes processus qu’il est né, et après les mêmes qu’il mourra[1]. C’est par la même sélection des variations favorables que sa race se perfectionne. La même loi de progrès lui impose donc la même nécessité de souffrance. Ce « dieu tombé » n’est en vérité qu’une brute qui monte, et il ne saurait se soustraire à la dure pression qui seule détermine l’ascension des brutes. Il est soumis, nous dit Darwin[2], « aux mêmes maux physiques que les autres animaux ; il n’a donc aucun droit à l’immunité contre ceux qui sont la conséquence de la lutte pour l’existence ».

Combien il était opportun de réagir ainsi contre le splendide isolement où le spiritualisme risquait de confiner l’humanité, personne ne le conteste aujourd’hui. C’est par le succès, c’est par les conquêtes de toutes sortes, scientifiques et pratiques, que ce mouvement enveloppant de l’évolutionnisme a prouvé sa légitimité ; et ces conquêtes ne sont encore que des points de départ. Toutefois, à quelles confusions aussi de pareilles « réintégrations » exposent, c’est ce qu’on peut dès maintenant pressentir. À voir les conséquences que quelques-uns en dégagent, il est permis de craindre que l’humanité, après avoir péché par excès d’orgueil, ne pèche aujourd’hui par excès de modestie, et qu’après avoir oublié les ressemblances qui l’unissent au monde animal, elle ne méconnaisse maintenant les différences non moins constantes qui l’en séparent.

C’est là, en effet, un des faux sens les plus fréquents dans l’interprétation vulgaire de l’évolutionnisme : parce qu’il affirme que les êtres se sont formés suivant les mêmes lois générales, et d’une même substance primitive, on paraît croire qu’il les met finalement sur le même plan et qu’il a « ramené » ou « réduit » comme on dit, le supérieur à l’inférieur. De la continuité du devenir et de la communauté de l’origine, on conclut instinctivement à l’identité de nature et à l’égalité de valeur. On n’oublie qu’un point : c’est que rattacher une forme de l’être à une forme antérieure, ce n’est point dissoudre la seconde dans la première. Entre les espèces primitives et les espèces plus élevées qu’elle en voit descendre, la science n’efface nullement les différences de qualité. Faire abstraction de ces différences pour la pratique, ce ne serait plus seulement dériver le supérieur de l’inférieur, mais asservir indûment celui-là à celui-ci. En réalité, l’histoire d’une forme de l’être ne saurait limiter l’avenir de celles qui la dépassent en la développant. Il se peut qu’une même loi générale préside à la succession de ces formes ; mais en passant de l’une à l’autre, en montant d’étage en étage, elle rencontre des conditions et met en jeu des forces nouvelles ; il n’est donc pas étonnant qu’elle produise, au fur et à mesure qu’elle s’élève, des effets naguère inconcevables. C’est pourquoi il est imprudent de faire parler la nature pour dire à l’être qui s’essaie : « Tu n’iras pas plus loin. » Du moins importe-t-il, si l’on veut délimiter avec quelque vraisemblance les cercles du nécessaire et du possible, de prendre comme point central la nature propre de l’espèce considérée, et de ne pas perdre de vue, à côté des caractères qui la rapprochent des autres espèces, ceux qui constituent son originalité.

N’est-ce pas là peut-être ce que l’on oublie, lorsqu’on transpose au monde humain les lois du combat animal, et lorsqu’on les impose aux hommes, en conséquence, comme « aussi bonnes qu’inéluctables[3] » ? Les hommes lutteront sans doute comme tous les autres vivants. Mais peut-être les moyens et les mobiles propres à l’action humaine exerceront-ils, sur les formes et les effets de la lutte même, quelque influence inattendue ? C’est pourquoi il n’est pas inutile, avant de se prononcer sur l’autorité du darwinisme social, de rappeler brièvement les conditions humaines de la lutte pour la vie.

I

Les poètes l’ont souvent rappelé : l’enfant des hommes naît le plus démuni et le plus désarmé de tous les animaux. Mais il faut ajouter que l’humanité tient pour lui en réserve plus d’armes et plus de munitions que n’en possèdera jamais aucun animal. L’accumulation des choses ouvragées, des objets façonnés à son idée et ajustés à ses besoins, voilà la première originalité de l’espèce humaine. Qu’on essaie seulement de se représenter le nombre des meubles et des ustensiles de toutes sortes que s’annexe un ménage de nos jours, même modeste ! Et sans doute la qualité des choses ainsi utilisées varie grandement avec les civilisations. Il reste que les moins civilisés savent d’ordinaire se construire un abri, se tailler un vêtement, dompter des bêtes et cultiver le sol, et que les transformations qu’ils font subir ainsi à leur milieu sont plus étendues et plus profondes que celles dont sont capables les plus élevés des animaux. Plus que les digues des castors, les nids des oiseaux, et les ruches des abeilles, les œuvres des hommes changent la face de la nature. Après que leurs générations s’y sont établies à demeure, la terre aménagée est comme méconnaissable. Et l’on comprend déjà qu’une des expressions les plus usitées du vocabulaire évolutionniste ne leur convienne qu’à moitié. On parle d’adaptation au milieu ; mais il faut se rappeler que l’homme est capable de s’adapter les choses, et non pas seulement de s’y adapter.

La preuve qu’il est l’animal transformateur par excellence, c’est que seul il possède les instruments nécessaires des grandes transformations ; il est le seul fabricateur de machines, et d’abord il est le seul faiseur d’outils. Toolmaking, telle était la définition que Franklin proposait de l’homme. Et sans doute les animaux qui se rapprochent le plus de lui savent utiliser certains objets pour en déplacer ou en déformer certains autres. Darwin cite[4] des singes qui usent de la pierre et du bâton. Il reste, suivant la remarque de Engels[5], qu’on n’a jamais vu de singe ajuster même un couteau. Seule la main humaine façonne des matériaux qui l’aideront à en façonner d’autres, à l’infini.

Il est vrai que la nature fabrique, avec certaines parties de l’organisme des animaux, de véritables instruments, des armes et des outils. Telles les griffes et les crocs du lion, les défenses de l’éléphant, les incisives du rongeur, les nageoires du poisson. Mais le grand avantage de l’homme est précisément que ses instruments ne lui sont pas incorporés ; faits d’éléments inorganiques, ils restent indépendants de son organisme. Il peut donc rassembler les plus divers autour de lui et les laisser après lui ; il peut les multiplier en même temps que les améliorer indéfiniment. Non seulement l’humanité, comme disait M. Louis Bourdeau[6] « reproduit et résume dans ses artifices techniques les perfections éparses du monde animal », mais encore elle accumule de génération en génération des artifices de plus en plus perfectionnés. C’est ainsi que le stock se constitue, incessamment élargi, où les enfants des hommes viennent puiser, pour la lutte, des moyens d’action privilégiés.

Qu’il s’agisse en effet de la lutte directe ou indirecte, — du combat contre les vivants, de la résistance aux éléments, ou de la concurrence pour les aliments, — toujours on voit l’homme appeler les choses à son secours. C’est par l’arc et par le fusil qu’il devient plus redoutable que les fauves les plus féroces. C’est par la houe et par la charrue qu’il entr’ouvre et féconde la terre. Contre le froid il se défend par le feu, contre le ciel par le toit, contre la mer par la digue. Il vainc l’espace par le char, par la locomotive, par le steamer. Au fur et à mesure que sa civilisation se développe tous ces armements se compliquent : et leur ensemble finit par former un véritable monde artificiel, par l’intermédiaire duquel il s’adapte le monde naturel.

Mais si l’on veut embrasser toutes les conditions de la lutte qui sont spéciales à l’humanité, il ne faut pas oublier, au-dessus de ce monde artificiel, l’existence d’un autre monde, invisible, intérieur, composé des idées qui orientent la conduite de l’homme et qui à leur tour s’opposent ou s’accordent, se différencient et se hiérarchisent, — système de fins superposé au système des moyens. Ce n’est pas seulement par les procédés de son action, c’est par les mobiles de son effort que l’homme se distingue ; et il importe de spécifier non seulement ce par quoi, mais ce pour quoi il combat.

C’est en effet une explication bien vague que l’expression classique : les êtres luttent pour l’existence. Pour peu que l’être soit complexe, diverses tendances luttent en lui-même. Et, suivant que l’une ou l’autre prédomine, l’être ne persévère pas tout uniment dans son être, il y persévère sur un certain plan, d’une certaine manière[7]. Devient-il conscient, c’est de plus en plus « la manière » qui lui importe. Il compare ses diverses tendances, il établit une échelle des valeurs, il détermine des raisons de vivre[8]. Il ne combat plus seulement pour la vie brute et nue, mais pour tout ce qui fait, comme il dit, le prix de la vie, et sans quoi elle ne vaudrait pas la peine d’être vécue.

Or on sait que l’effet ordinaire du progrès de la civilisation est d’élever ce standard of life, de grossir ce « minimum décent » sans lequel les hommes sont portés à considérer la vie comme intenable. Au fur et à mesure que les moyens d’action se multiplient autour d’eux, ils réclament des satisfactions multipliées pour les besoins, non plus seulement de leur corps, mais de leur esprit. Leur organisme raffiné complique ses exigences ; et elles se présentent bientôt à leurs consciences comme les expressions d’autant de nécessités vitales.

Mais que des raisons sociales, bien plutôt que des raisons organiques, expliquent cette incessante rénovation des besoins, c’est ce qui n’est plus à démontrer. On remarque que si les hommes recherchent avidement les nouveaux moyens de jouissance, cela tient sans doute, non seulement à leur tendance à s’imiter, mais à leur désir de se surpasser les uns les autres, à l’ambition de tenir leur rang ou de gagner des rangs, de marquer ou d’effacer les distances. Les parures des membres des classes supérieures, leurs palais splendides, leurs suites nombreuses, la finesse même de leur culture, n’ont-elles pas mission de signifier qu’ils ont du temps et de l’argent à revendre[9] ? N’est-ce pas pour « vivre noblement » qu’à leur tour les membres des classes inférieures tendent toutes leurs forces ? Au fur et à mesure qu’ils se rapprochent de leurs modèles, ceux-ci cherchent d’autres marques distinctives[10]. Et ainsi, par cette lutte perpétuellement renaissante entre inférieurs et supérieurs, les innovations tombent progressivement dans le domaine commun, le particulier s’universalise, et le superflu d’hier devenant le nécessaire d’aujourd’hui, le nombre des besoins qui aiguillonnent les hommes va sans cesse s’accroissant.

Dans la recherche de ces manières d’exister, il faut voir sans doute l’action d’une « volonté de puissance », mais celle aussi des sentiments de sympathie. Les hommes n’y apparaissent pas seulement, ni surtout désireux de dominer brutalement leurs semblables ; ils songent à l’effet qu’ils produisent sur l’opinion ; ils se surveillent pour être honorés, ils se révèlent soucieux de l’estime publique. Il est vraisemblable que cette concurrence pour l’estime entraînera d’autres effets que ceux du simple combat pour la survie. Et l’on pressent déjà qu’en utilisant adroitement ces tendances, la société, regagnant quelque chose sur l’égoïsme des individus, pourra leur donner peut-être l’habitude et leur inspirer le goût non plus seulement du bien-être, mais du bien-vivre.

Il est remarquable en effet que l’idéal des hommes n’est pas laissé à leur seule fantaisie individuelle ; il est au contraire guidé et comme bridé par la société qui les réunit. Vis-à-vis de chacun d’eux, celle-ci représente les intérêts de tous : au service de l’idéal commun elle mettra l’empire des mœurs, et au besoin la force des lois. Ce n’est pas assez dire en effet que d’attribuer à la société le pouvoir d’orienter insensiblement, — par les attractions inconscientes, par les petites pressions, par les sanctions diffuses, — les désirs individuels ; elle peut dans certains cas les heurter de front et les briser par la puissance publique organisée.

On comprend dès lors que dans le milieu humain, l’effort vers la vie doive revêtir, non seulement sous l’impulsion des tempéraments individuels, mais sous la pression des structures sociales, des formes très différentes de celles qu’il revêt dans le milieu naturel. Les mobiles auxquels obéit l’action humaine sont aussi nouveaux et aussi variés que les instruments dont elle dispose. Elle introduit dans le monde, en même temps que des moyens inédits, des fins originales. — En quel sens, par les unes et les autres, la lutte pour la vie va-t-elle être modifiée ?

II

Si la lutte pour la vie perfectionne les espèces animales, c’est, nous dit-on, parce qu’elle élimine impitoyablement les spécimens inférieurs, les plus faibles, les moins aptes ; elle les empêche ainsi de propager leur type, et d’abaisser le niveau de toute la race. Peut-on attendre un pareil effet de la lutte pour la vie dans les sociétés humaines ?

Nous savons que la nature livrée à elle-même est à la fois généreuse et cruelle, prodigue et avare. Elle sème les êtres à large main, pour les faucher ensuite par grandes masses[11]. Rapides ou lentes ces éliminations sont inévitables, s’il est vrai que les vivants, quand les éléments les épargneraient, seraient encore décimés par la pénurie des aliments. C’est la disproportion entre la quantité limitée des subsistances et l’accroissement illimité des êtres qui rend fatale la destruction des plus faibles. Or cette disproportion n’est-elle pas constante dans l’histoire des hommes aussi bien que dans celle des animaux ? On se rappelle que Malthus a formulé le premier, au spectacle du progrès même de la civilisation, cette loi que les subsistances ne croissent qu’en proportion arithmétique, tandis que la population croît en proportion géométrique ; et la loi de Darwin n’est que la loi de Malthus généralisée.

Mais on sait aussi que cette loi n’est plus admise aujourd’hui que sous réserves. L’expérience a prouvé que Malthus avait prisé trop haut sinon la puissance, du moins les tendances reproductrices des hommes : d’autre part et surtout, il n’avait pas assez de confiance dans leurs capacités productrices. Hodgskin l’objectait il y a longtemps au pessimisme malthusien : bien plus que l’étendue superficielle du sol, c’est le travail et le savoir qui produisent les aliments. Tout homme qui vient au monde n’est pas seulement un consommateur, mais un producteur de plus. Et toute population dense voit pulluler les découvertes ingénieuses, qui décuplent l’intensité de la production. En un mot c’est là où les hommes sont nombreux et pressés que se multiplient ces moyens d’action de toutes sortes, qui forcent la nature à un rendement supérieur[12].

C’est pourquoi il est loisible à la civilisation de ne pas abandonner les hommes dénués aux coups des forces destructrices, et de prêter, au plus grand nombre possible, le plus possible de moyens de défense. L’accroissement de la production lui permet d’économiser sur la race humaine les dilapidations de vie dont la nature est coutumière. — Mais en même temps la civilisation semble renoncer à l’une des méthodes d’amélioration dont la nature usait : en cessant d’éliminer largement les plus faibles, la lutte ne va-t-elle pas perdre ici sa valeur sélective ?

Il est vrai, nous l’avons rappelé[13], que la pauvreté met les faibles sur la pente de la mort. Elle leur interdit nombre de moyens de consommation ou de moyens de protection. Celui qui ne touche qu’un « salaire de famine », défendra malaisément sa santé. Sa vie, plus précaire et plus incertaine, risquera d’être raccourcie d’autant. C’est ce qu’on exprime en disant que quiconque naît dans les basses classes naît avec un moindre crédit sur l’existence. Ainsi les moins aptes seraient éliminés, plus lentement si l’on veut, mais non moins sûrement dans la société que dans la nature.

Mais il importe de remarquer que cette élimination lente produira difficilement, sur la race, les bons effets qu’on escompte. La mort du faible est sans profil pour l’espèce, si, avant de mourir, il s’est multiplié. En vain la misère abrège sa vie : la société ne retire aucun avantage de ses souffrances, s’il revit dans des descendants aussi mal armés. Or, on sait qu’en effet la misère est rarement un frein pour la reproduction. Il semble au contraire que les plus dénués, qui sont le plus souvent aussi les plus imprévoyants, se montrent facilement les plus prolifiques, et qu’ainsi les races se renouvellent surtout par en bas, par les classes dites inférieures — au risque de descendre d’un degré à chaque génération[14].

Par où l’on voit combien la lutte pour l’existence est loin, dans le monde humain, d’entraîner sûrement, et quasi mécaniquement les améliorations qu’elle entraîne, nous dit-on, dans le monde animal. Spencer s’écriait : « La pauvreté des incapables, la détresse des imprudents, l’élimination des paresseux et cette poussée des forts qui met de côté les faibles et en réduit un si grand nombre à la misère, sont les résultats nécessaires d’une loi générale éclairée et bienfaisante. » Comme si tous ces processus d’abaissement social devaient fatalement déterminer le progrès biologique de l’espèce humaine ! Ce fatalisme optimiste s’appuie à de fausses analogies. Dans le monde humain c’est toute la civilisation matérielle, c’est l’ensemble des moyens d’action, de production et de défense accumulés par les générations qui vient se mettre en travers de cette « loi bienfaisante ». Les effets ordinaires en sont à tout le moins étroitement limités. La civilisation n’exclut pas l’élimination des moins aptes ; mais elle la retarde, et c’en est assez, souvent, pour entraver la sélection.

Il faut aller plus loin. On peut aboutir par un autre côté à cette conclusion, que la civilisation humaine est capable, non seulement de limiter, mais de contrarier l’opération sélective de la lutte. Et en effet, nous avons parlé jusqu’ici des « faibles », des « moins aptes », des « inférieurs » sans distinguer nettement entre l’infériorité sociale et l’infériorité naturelle, et en paraissant implicitement admettre que celle-ci est, en règle générale, le reflet et la projection de celle-là. Mais n’oublions pas que ce parallélisme n’est nullement démontré. Dans le monde animal on peut s’attendre à ce que la défaite soit normalement le signe de la faiblesse. Car les combattants portent toutes leurs armes en eux-mêmes, et ce sont les forces incorporées à leurs organismes qui décident de la victoire. Il en est tout autrement, nous le savons, dans l’humanité. Les armes les plus efficaces sont indépendantes des êtres. Elles peuvent être transmises des uns aux autres, et inégalement réparties entre les uns et les autres. Bien plus que les forces « incorporées », ce sont ici les forces appropriées qui commandent l’issue de la lutte[15] ; et l’on comprend comment, par leur intervention, l’application de la sélection naturelle peut être totalement faussée. Des privilégiés seront sauvés peut-être par l’organisation sociale, que la nature aurait indubitablement condamnés ; l’inégale distribution des propriétés troublera le juste concours des facultés.

« Dans le monde animal, disait Laveleye[16], la destinée de chaque être est déterminée par ses qualités personnelles. Dans les sociétés civilisées, un homme obtiendra la première place ou la plus belle femme parce qu’il est noble et riche, quoiqu’il puisse être laid, paresseux ou imprévoyant, et c’est lui qui perpétuera l’espèce… Le riche mal constitué, incapable, maladif, jouit de son opulence et fait souche sous la protection des lois. » En un mot, il est douteux que l’organisation sociale réserve toujours ses faveurs aux mieux doués, et proportionne exactement les puissances extrinsèques et transmissibles aux facultés congénitales ; bien plutôt il est à craindre qu’elle ne se prête à la conservation et à la multiplication d’individus qui devraient être éliminés dans l’intérêt de l’espèce, s’il est vrai, comme l’expérience semble le prouver, que le privilège même est l’amorce de la dégénérescence[17].

L’appauvrissement physiologique de la plupart des aristocraties nous a démontré qu’une situation privilégiée, tendant au monopole des divers moyens de défense, abâtardit les races au lieu de les fortifier. Lors même que cette situation serait la conséquence d’une supériorité originelle, elle risque, en passant de génération en génération, de devenir une cause d’infériorité croissante. Elle soustrait à la sélection certaines familles, qu’elle fait survivre aux dépens de l’ensemble. Les phénomènes qui se déroulent alors rappellent de singulièrement près, nous fait-on observer, les effets fâcheux du parasitisme. Quand un organisme vit en parasite d’un autre, c’est le plus faible qui triomphe, sans qu’il y ait amélioration ni d’une espèce ni de l’autre. Tout de même, suivant M. Loria[18], là où les possédants vivent aux dépens des non possédants, ils ne progressent pas, ils n’acquièrent pas de forces, ils en perdent au contraire dans l’inaction, tandis que ceux qui les nourrissent en perdent par le surmenage. Quand des classes luttent dans ces conditions, il y a peu de chances pour que les supériorités individuelles, où qu’elles se trouvent, se dégagent, se développent et se propagent, tandis que les infériorités individuelles, où qu’elles se trouvent, s’élimineraient, comme il le faudrait pour le bien de l’espèce. L’excès de l’inégalité économique empêche les inégalités naturelles de se mesurer utilement. Et il semble que tout le résultat d’une distribution aussi disproportionnée des moyens de lutte soit de hâter la dégénérescence par les deux bouts, et aussi bien au haut qu’au bas de l’échelle sociale. Bien loin d’entraîner mécaniquement le progrès, comme dans la nature livrée à elle-même, une lutte ainsi poursuivie ne saurait entraîner, et aussi mécaniquement, que la décadence.

Pessimisme excessif sans doute. Il faut du moins, pour que la lutte pour la vie dans l’humanité produise précisément l’inverse de ce qu’elle produit dans la nature, une sorte de cristallisation des privilèges qui doit se réaliser rarement. Mais il n’importe : un optimisme encore plus paradoxal pourrait seul prétendre que les facultés sociales se trouvent toujours distribuées proportionnellement aux facultés naturelles des individus. Le seul fait de l’accumulation héréditaire des biens rend les disproportions probables. Or, partout où elles se rencontrent, on comprend comment le mécanisme de la civilisation peut, non plus seulement limiter, atténuer ou retarder, mais systématiquement troubler l’opération de la sélection, et maintenir, en les surélevant, des spécimens que la nature aurait indubitablement jetés au rebut.

En résumé, le stock d’armes de toutes sortes que l’humanité accumule et où elle puise pour les différentes espèces de luttes qu’elle doit soutenir, est capable de fausser doublement les résultats bienfaisants qu’on attend de ces luttes elles-mêmes. En tant qu’il est utilisé par tous les membres de la société, il contribue à retarder l’élimination de la majorité même déshéritée des faibles. Bien plus, en tant qu’il est approprié par certaines classes, il tend à assurer, à une minorité privilégiée de faibles, des facilités de survie toutes spéciales. C’en est assez pour conclure que sur ce point déjà, et par la seule interposition des moyens d’action propres à l’humanité, l’opération naturelle de la lutte pour la vie est quasi fatalement déviée : et qu’il est vain par suite de lui prêter, dans notre monde social, les mêmes vertus qu’on lui reconnaît dans le monde animal.

III

Si telle est, sur les conditions de la lutte, l’influence des instruments dont l’homme dispose, quelle peut être celle des fins qu’il se propose ? En admettant que ses moyens d’action limitent et troublent les effets du combat, n’allons-nous pas constater que ses mobiles d’action en décuplent fatalement l’ardeur ?

Les hommes, avons-nous dit, ne luttent pas seulement pour la vie, mais pour tout ce qui fait à leurs yeux le prix de la vie. Plus ils se civilisent, et plus s’élève le « minimum » qui leur paraît conforme à la nature, car plus aussi leurs besoins se compliquent et se raffinent. C’est dire qu’il n’y a pas de limite à leur ambition. Ils sont des animaux foncièrement insatiables, et par suite perpétuellement inquiets. Sur leurs conquêtes d’hier, ils rêvent à des conquêtes nouvelles, et visent un superflu qui demain leur sera nécessaire. Dans ces conditions, comment pourraient-ils relâcher leur effort ? Leurs progrès mêmes ne cessent de les aiguillonner sans merci. C’est ainsi que les sociétés supérieures exaltent tous les désirs, de l’âme en même temps qu’elles exploitent toutes les ressources du globe, donnant l’exemple d’une suractivité fiévreuse qui tend, jusqu’à les rompre, tous les ressorts de l’énergie humaine. La civilisation y avive la concurrence, par la nouveauté même et la variété des visions qu’elle fait planer au-dessus de la vie.

Le spectacle a de quoi faire réfléchir. L’universelle mêlée des efforts surtendus effraie. On en arrive à se demander s’il n’eût pas mieux valu, pour la paix de l’humanité, qu’elle se limitât à des besoins plus modestes, quitte à se contenter d’une civilisation moins complexe. On loue les sages de l’Orient, heureux d’une natte, d’une cruche et de quelques dattes.

Mais il faut se souvenir d’abord qu’une civilisation compliquée, si elle avive la concurrence, bien loin d’exiger l’élimination du plus grand nombre, en facilite au contraire la survie. Car il faut qu’une civilisation soit compliquée pour que soit assurée, en même temps que le rendement maximum des forces naturelles, l’application de la plus grande quantité et de la plus grande variété possible de capacités humaines. La multiplication même des besoins décuple l’intensité de la production et spécifie ses organes. Ainsi sont augmentées pour chacun les chances de trouver, en même temps que l’emploi de ses forces, l’entretien de sa vie. Ce sont en un mot les sociétés industrialisées qui sont les plus capables de promettre « de quoi vivre » aux masses les plus nombreuses.

Il faudrait ajouter que ce n’est pas seulement à la vie matérielle, mais à la vie spirituelle qu’elles offrent le plus d’aliments. Quel que soit le mécanisme obscur qui l’explique, c’est une règle, semble-t-il, que la multiplication des tendances et des efforts, — la surexcitation du système nerveux, — seconde l’expansion de l’intelligence. Ce n’est pas seulement la capacité d’adapter les moyens aux fins, c’est la capacité de comparer entre elles et de hiérarchiser les fins elles-mêmes qui se développe au sein des complications de l’existence. C’est là où elles sont portées au maximum que se rassemblent les populations, non seulement les mieux défendues contre la nature, mais encore les plus éveillées a la vie de l’esprit.

Au surplus, la civilisation nous réserve peut-être, pour la surexcitation qu’elle impose aux activités individuelles, une compensation plus précieuse encore : nous savons qu’elle est capable, en même temps qu’elle stimule les activités, de les soumettre à des règles communes ; elle s’en servira pour atténuer méthodiquement les coups que les individus se portent les uns aux autres dans leur effort vers une vie meilleure. Que de moins en moins cet effort soit tourné directement contre « le prochain », que de plus en plus, à la lutte à mort, aux formes cruelles et sournoises, brutales ou déloyales de la compétition, on en substitue qui développent moins de haine et entraînent moins de souffrances, que tout en assurant au fort les avantages nécessaires on tâche d’éviter même au faible les dommages inutiles, que tout en conservant son aiguillon à la lutte on lui enlève son venin, c’est là un programme que les sociétés peuvent réaliser peu à peu en inclinant l’ambition devant l’opinion, et en donnant au besoin, contre les vœux particuliers aux individus, force de loi à leurs vœux collectifs.

Quelle est en effet la première tâche sociale ? le maintien d’un régime de paix entre un certain nombre d’individus. Les grands théoriciens de la politique ont exprimé cette vérité chacun à leur façon : toute société implique une volonté d’arrêter, à l’intérieur d’un cercle défini, le bellum omnium contra omnes. C’est à quoi, suivant eux, sert l’institution du Droit, qui classe les procédés que les associés ne sauraient plus, sans s’exposer à des sanctions déterminées, employer à l’égard les uns des autres. Et sans doute ces théoriciens se sont trompés sur l’origine du droit ; il ne résulte pas d’un contrat ; il se forme peu à peu et s’élargit ou se précise sous la pression des croyances et des habitudes communes[19]. Mais quelle que soit son origine, sa fonction est bien de réduire le champ de la guerre et de constituer comme un enclos de sécurité. En ce sens et s’il est vrai que le combat sans frein et sans merci soit la loi inéluctable de la nature, il faudrait avouer, avec Huxley, que les lois sociales sont précisément faites pour contrarier les lois naturelles[20].

Ce n’est pas à dire sans doute qu’elles éliminent les luttes du monde humain. L’idée même du droit, on l’a justement remarqué[21], implique un conflit de prétentions. Mais elle signifie en même temps que les prétentions du faible vaudront au besoin celles du fort, la discussion devant être substituée à l’agression, et la comparaison des titres au choc des forces. Elle avertit en conséquence que les adversaires associés ne doivent plus chercher à triompher les uns des autres par n’importe quels moyens. Elle annonce l’intervention d’un pouvoir social, prêt à prescrire certaines conditions aux conflits, à proscrire même certaines de leurs formes ou à limiter certaines de leurs conséquences. Partout en un mot où un droit est établi, certains modes d’action sont interdits d’un commun accord aux membres de la société, comme incompatibles avec l’existence même du lien social.

L’étendue de ces interdictions est d’ailleurs extrêmement variable. Beaucoup des incompatibilités en question ne se révèlent que progressivement, au fur et à mesure que la conscience collective devient plus exigeante et comme plus susceptible. C’est ainsi, remarque M. Richard[22], que la vie sociale du sauvage n’est pas détruite par la pratique du cannibalisme ; la vie sociale des sociétés grecques ne fut pas suspendue par l’esclavagisme ; la vie sociale au moyen âge se montra compatible avec la spoliation systématique des cultivateurs au profit de la classe militaire et de la classe théocratique. Dans nos sociétés de pareilles pratiques ne sont plus permises. Non seulement nos codes ne consacrent pas, mais ils prohibent ces formes de la lutte. Nous jugeons que leur présence rendrait l’accord social intenable. Notre idée du droit a gagné en extension en même temps qu’en compréhension. Nous reconnaissons des droits à plus d’hommes, et en même temps nous leur reconnaissons plus de droits. Nous déclarons égaux devant la loi tous les individus, quelle que soit leur origine et leur profession, qui composent une société ; et en même temps nous augmentons le nombre des lois destinées à la sauvegarde de l’individu.

Est-ce à dire que nous ayons atteint dès aujourd’hui le maximum des atténuations possibles ? Le régime de la libre concurrence, assurant l’égale liberté des compétiteurs, serait-il, comme beaucoup l’ont pensé, le régime idéal et définitif, auquel on ne saurait toucher sans arrêter l’ascension de tout l’ensemble ? Il est clair que cette forme de la lutte marque un progrès sur les formes antérieures. Impliquant des échanges débattus de produits ou de services, elle implique aussi, non seulement l’ajustement des travaux divisés, mais l’obéissance à de nombreuses règles communes. « Elle suppose, dit M. Tarde, en même temps qu’une contrariété partielle des vœux et des efforts des concurrents, une solidarité générale de leurs âmes et de leurs vies » — solidarité qui s’exprime par un système juridique complexe[23].

Toutefois ce système juridique étend-il assez loin ses filets protecteurs ? A-t-il prévu les répercussions inattendues de la concurrence, non seulement sur le développement de la production en général, mais sur la vie même de telle catégorie de producteurs ? Et au fur et à mesure que ces répercussions, mieux connues, frapperont davantage la conscience collective, ne va-t-elle pas les déclarer intolérables, incompatibles avec le pacte social ? ne va-t-elle pas réclamer, pour y parer, un remaniement du droit qui impose à la lutte des conditions vraiment humaines ? La notion de ce qui est « vraiment humain » se complique en effet à mesure que la sensibilité collective s’affine, et peut-être les sociétés futures réprouveront-elles énergiquement les pratiques économiques que nous laissons passer aujourd’hui. Peut-être, — le pouvoir dominateur de l’humanité sur elle-même s’étant accru en même temps que son pouvoir sur la nature, — ces mêmes sociétés réaliseront-elles facilement des atténuations de la lutte qui nous paraissent aujourd’hui radicalement utopiques. « La revendication aujourd’hui générale, remarque Schmoller[24], d’un commerce d’échange juste paraissait autrefois idéaliste et utopique. On pillait, on volait, on trompait, on se battait sur les marchés, on arrachait les cadeaux… C’étaient les anciennes formes de transmission de la propriété. Il a fallu pour les faire disparaître un travail de civilisation considérable. » Peut-être un travail analogue relèguera-t-il à leur tour dans l’ombre les formes qui dominent aujourd’hui, et changera-t-il par conséquent du tout au tout les conditions de la concurrence.

Jusqu’où l’humanité peut-elle aller dans cette voie ? Arrivera-t-elle à domestiquer la guerre au profit de la solidarité, et organisera-t-elle enfin des mécanismes tels que les supériorités deviennent, comme l’espérait Condorcet[25], des avantages pour ceux mêmes qui ne les partagent pas, « existent pour eux et non contre eux ? » Cela dépend sans doute de l’extension que les hommes donneront à leurs pouvoirs et à leurs devoirs, des progrès de leur science et de leur conscience. La seule chose qu’il nous importe à présent de retenir, c’est qu’en poursuivant cet effort, les sociétés démocratiques ne font rien qu’on puisse condamner a priori au nom des lois de la nature. Elles ne font que continuer l’œuvre instituée par les sociétés, du moment où elles sont nées, pour limiter les effets de la nature animale, conformément aux facultés et aux tendances propres de la nature humaine.

Cette rapide revue des conséquences qui découlent naturellement des moyens et des mobiles d’action spéciaux à l’humanité nous l’a rappelé en effet : en émergeant dans le milieu humain, la loi de la lutte pour l’existence déclanche des forces nouvelles, qui ne peuvent manquer de réagir sur ses formes antérieures. C’est ainsi que la présence des instruments de toutes sortes que la société prête aux individus, limite et même, sur certains points, contrarie directement l’opération sélective de la nature : tandis que la présence des fins diverses que la société suggère ou impose aux individus, d’une part avive, d’autre part règle les efforts des concurrents, de manière à atténuer leur conflit.

C’est sur l’opportunité de ces différents effets que portent aujourd’hui les discussions : les uns pensent que la civilisation limite imprudemment les éliminations ; d’autres qu’elle mitige insuffisamment les combats. Dans l’intérêt du progrès général, les uns réclament des mesures propres à mieux préserver les élites ; les autres, des mesures propres à mieux protéger les masses. Mais les uns et les autres devront convenir que la nature n’offre aucun modèle à leur idéal, et qu’il serait vain pour le réaliser, de prétendre « laisser faire » les lois de la nature. Sitôt constituées, les sociétés usent en effet « d’artifices » et interviennent fatalement dans le jeu des lois naturelles. En s’efforçant de substituer aux interventions spontanées des interventions rationnelles, plus conformes à ces raisons de vivre dont l’humanité prend peu à peu une conscience plus nette, elles ne font que poursuivre leur évolution propre. Quel que doive être le succès de cet effort, il faut du moins qu’on cesse de le déclarer suspect, du haut d’un darwinisme social qui ne s’est élevé que par d’abusives transpositions d’idées, sur une pyramide d’équivoques.


  1. Darwin, Descendance, I, p. 9, 16, 51.
  2. Descend., I, p. 199.
  3. Ce sont les épithètes appliquées par M. Leroy-Beaulieu aux « lois » économiques.
  4. Descend., I, p. 55.
  5. Cité par Woltmann, Darw. und Socialdem., p. 255.
  6. Les forces de l’industrie, Paris, p. 46 (F. Alcan).
  7. V. Boutroux, Contingence des lois de la nature, p. 94 (Paris, F. Alcan).
  8. V. Gizicki, Ferri, Pearson, Harmening, cités par Woltmann, op. cit., p. 70, 78, 76, 161. Cf. Huxley, Evol. a. Ethics, p. 27, 40. Lange, Arbeiter frage, chap. i et ii.
  9. V. Veblen, Leisure Class.
  10. V. Gurewitsch, Entwick. der Bedürfn..
  11. V. plus haut, p. 33.
  12. V. Élie Halévy, Th. Hodgskin, p. 46-49.
  13. V. plus haut, p. 104.
  14. V. Woltmann, op. cit., p. 78, 342.
  15. V. Woltmann, op. cit., p. 57-60, 208.
  16. Socialisme contemp., Appendice, p. 384-387.
  17. V. plus haut, p. 88.
  18. Probl. soc., p. 123 sqq.
  19. V. Richard, L’Idée du droit. Passim.
  20. Evol. a. Ethics, p. 31.
  21. Richard, op. cit., p. 160, 10.
  22. Ibid., p. 66.
  23. L’Opposition, p. 378. Cf. Richard, Socialisme et sc. soc, p. 2-6 (Paris, F. Alcan).
  24. Politique soc., p. 281. Cf. p. 274.
  25. Cité par Richard, Social. et sc. soc., Conclusion.