La Douleur (Blanc de Saint-Bonnet)/Chapitre XII

La bibliothèque libre.
CHAPITRE XII




l’homme reçoit une aide dans le travail et dans la douleur

Il faut le répéter : les positions de la vie sont les positions des âmes. Chacune est déposée sur sa vertu, à portée de combattre constamment son vice. Il est inutile de faire un marchand de celui qui n’a pas le goût exagéré du gain : un valet, de celui qui n’a pas tout son orgueil à contenir. Chaque profession a ordinairement sa vertu derrière soi, et son vice à combattre devant elle. Les hommes sont plus à leur place qu’on ne pense ; mais qu’il faut d’humilité pour l’avouer !

Par le travail, la douleur, comme une loi, est régulièrement étendue sur tous les points de l’existence, et, par les diverses professions, elle est soigneusement appliquée aux différents états des âmes. La vie est tout organisée pour le Ciel.

Mais cet homme, né pour le Ciel, reste souvent courbé sous la forte loi de la terre. Ne faut-il pas qu’il ait un aide dans le travail et un secours dans la douleur ? Quel ange se tient donc prêt à lui tendre la main et à descendre avec lui dans toutes les positions de la vie ?


La femme a été mise belle et bonne sur la terre pour tempérer la douleur. Aussi, les femmes sont toujours ce que mérite l’homme. Elles correspondent essentiellement à l’état de la nature humaine. Voyez comme elles contractent divers aspects de beauté et de caractère suivant les classes pour lesquelles elles sont faites, de même que suivant les différents peuples de la terre auxquels elles appartiennent. On dirait qu’elles rappellent les fleurs, qui correspondent aux climats qui les voient naître. Les femmes ressemblent aux âmes des hommes ; leur beauté, comme leur sensibilité compatissante, est toujours proportionnée à notre cœur. Indépendamment des races, le caractère et l’état de la beauté chez elles présentent la mesure du sentiment religieux, parce qu’ils sont un reflet des propensions et de l’état des âmes.

La femme a été créée belle et bonne, mais il semble que Dieu lui retire ces attributs dès qu’il voit la nécessité de laisser agir la douleur. Un peuple chez lequel on voit les femmes prendre l’esprit de l’homme, c’est-à-dire mettre leur vanité avant leur cœur et passer d’abord par l’amour d’elle-mêmes, est un peuple que Dieu punit. La coquetterie annonce de grands malaises dans une nation. Quand les femmes ne sont plus pour nous, il est à craindre qu’il en soit de même de Dieu.

Mais lorsque chez un peuple le travail et la vertu accomplissent leur forte et sublime loi, la femme reprend ses attributs. Que l’homme observe l’état du Ciel dans ses regards ! Dieu l’a exonérée pour nous d’une partie du travail. Chez l’homme grossier et chez le barbare, elle le reprend ; comme elle en est de plus en plus déchargée dans les civilisations et dans les classes qui s’élèvent.

La femme a quelque chose de la mission angélique. Elle aura peut-être moins rudement combattu que nous ; mais, fille d’Ève, elle porte la blessure au cœur. Il semble qu’elle a pris un autre côté de la nature humaine, et qu’elle n’est pas d’une constitution tout à fait semblable à la nôtre. Son bien n’est plus autant le mérite acquis que le mérite conservé ; sa perfection nous paraît d’un autre ordre. Elle a moins de volonté que de cœur ; son corps lui-même a moins besoin de travail ; et, comme à l’ange, on lui demande, pour rester parfaite, de conserver sa pureté. Aussi, bien plus que l’homme, préfère-t-elle aimer et être aimée à la manière de l’ange. Elle sent moins que nous le besoin de liberté.

Aussi ne doit-on point s’étonner de voir les femmes qui s’éloignent de l’innocence rentrer en partie dans la condition de l’homme. La responsabilité et le travail augmentent aussitôt pour elles, absolument comme pour Adam après le terrible choix qu’il a fait. Ce n’est pas un faible indice de ce qui se passe ontologiquement en leur âme, que ce caractère masculin qu’elles revêtent alors extérieurement. Là n’est point leur nature, et, dès ce monde, elles le sentent déjà pour le bonheur.

Aussi, chez la femme, le repentir nous touche moins que l’innocence. On peut comprendre que ce qui vient de l’humanité nous intéresse moins que ce qui vient entièrement de Dieu ! Un instinct nous porte à préférer la beauté de l’innocence, où Dieu paraît tout faire, à celle du repentir, où la merveille est comme partagée. Dieu en juge peut-être différemment. Dans l’attendrissement où le tient sa bonté, il trouve aussi intéressante Marie l’Égyptienne, remontant l’échelle de l’amour, que Rose de Lima, qui ne l’a jamais descendue. La vertu est une tendance à l’innocence ; et tout dépend du degré acquis dans l’amour.

Accusons rarement les femmes, qui sont ce que les fait le milieu dans lequel elles vivent. D’une nature plus impersonnelle et plus impressionnable, elles attendent que l’homme leur communique un caractère, comme il attend d’elles la condescendance qu’il ne rencontre pas en lui. Pour croire, pour agir et pour se dévouer, elles exigent moins de lumières et de preuves que l’homme. Cette sorte d’impersonnalité se manifeste dans leur beauté, qui, en s’épurant, devient idéale et les rend l’objet d’un culte de la part des âmes élevées. Les hommes se comportent avec les femmes comme avec leur conscience : on peut juger d’une époque ou d’une classe de la société d’après leur conduite envers elles.

Quoi qu’il en soit, l’homme, héros de la nouvelle création, portera plus spécialement le travail, et la femme plus spécialement l’amour ; car cette création n’aurait pu se conserver sans complaisance et sans amour !


La douleur, certes, n’entrera pas au ciel ; mais, sur la terre, elle a une tout autre réalité que l’amour !