La Femme en blanc/III/Walter Hartright/11

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Traduction par Paul-Émile Daurand-Forgues.
J. Hétzel (1 et 2p. 271-280).
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Troisième époque — Walter Hartright


XI


On pressa l’enquête pour quelques raisons d’utilité locale qui parurent déterminantes au « coroner » et aux autorités de la ville. La séance fut tenue dans l’après-midi du lendemain. J’étais nécessairement au nombre des témoins assignés.

Ma première démarche, dans la matinée, fut d’aller prendre à la poste la lettre que j’attendais de Marian. Aucun changement de circonstances, si extraordinaire qu’il fût, n’avait prise sur cette anxiété profonde qui me serrait le cœur aussi longtemps que je restais hors de Londres. Cette lettre du matin, qui me rassurait seule contre toutes les périlleuses éventualités de mon absence, était encore, dès mon réveil, ma plus absorbante préoccupation…

À mon grand soulagement, la lettre de Marian m’attendait dans les bureaux.

Aucun malheur n’était arrivé ; — mes deux amies étaient l’une et l’autre aussi bien portantes et aussi tranquilles que lorsque je les avais quittées. Laura m’envoyait ses tendresses, et me priait de lui annoncer mon retour vingt-quatre heures d’avance. Sa sœur commentant ce message, m’expliquait que la chère enfant avait mis de côté « près d’un sovereign, » sur ses dépenses particulières, et qu’elle entendait commander elle-même, le donnant à ses frais, le repas destiné à célébrer ma rentrée en ville. Je lisais ces petites confidences domestiques aux brillants rayons du matin, ayant encore présent à la mémoire le terrible souvenir de ce qui s’était passé la veille au soir. La nécessité d’épargner à Laura toute révélation trop soudaine, fut la première considération que me suggéra la lettre. J’écrivis immédiatement à Marian pour lui raconter, avec tous les ménagements possibles, les incidents relatés dans ces dernières pages, et pour l’avertir, en même temps, de ne laisser arriver aucune sorte de journal entre les mains de Laura, aussi longtemps que durerait mon absence. S’il s’était agi de toute autre femme moins courageuse et moins sûre, j’aurais peut-être hésité à lui faire connaître ainsi la vérité tout entière. Mais je devais bien à Marian, en souvenir des épreuves passées, de me fier à elle comme à un autre moi-même.

Ma lettre fut naturellement assez longue. Elle prit tout mon temps, jusqu’à l’heure où je devais comparaître à l’enquête.

L’objet particulier de cette constatation légale était nécessairement entouré de complications et de difficultés particulières. Outre les investigations relatives aux circonstances par suite desquelles avait succombé le défunt, il se présentait à éclaircir de très-graves questions sur la cause de l’incendie, l’enlèvement des clefs, et la présence d’un étranger dans la sacristie au moment où le feu s’était déclaré. On n’avait pas même encore constaté d’une manière définitive l’identité du défunt. L’imbécillité plus ou moins confirmée dont le domestique faisait preuve avait mis la police en garde contre ses assertions relativement au maître qu’il disait reconnaître. On avait envoyé, pendant la nuit, à Knowlesbury pour s’assurer de témoins à qui la figure et les dehors de sir Percival Glyde fussent tout à fait familiers ; et, de plus, dès le matin, on s’était mis en communication avec Blackwater-Park. Grâces à ces précautions, le « coroner » et le jury purent régler la question d’identité. Les assertions du domestique se trouvant parfaitement vérifiées par les témoignages de personnes compétentes ; et la découverte de certains détails jusque là restés dans l’ombre, reçurent une consécration nouvelle quand on examina la montre du défunt. Les armoiries et le nom de sir Percival Glyde étaient gravés à l’intérieur de la boîte.

Les interrogatoires durent ensuite porter sur l’incendie.

On appela d’abord en témoignage le domestique du mort et l’enfant qui avait entendu dans la sacristie le frottement d’une allumette. Ce garçon déposa d’une manière assez claire ; mais l’intelligence du domestique n’était pas encore remise du choc violent qu’elle avait subi ; — le pauvre diable était tout à fait incapable de fournir les renseignements qu’on lui demandait. Après quelques questions, on le pria de retourner à sa place.

Heureusement pour moi, mon interrogatoire dura peu. Je n’avais pas connu le défunt ; je ne l’avais même jamais vu ; j’ignorais qu’il se trouvât au Vieux-Welmingham ; et je n’avais pas assisté, dans la sacristie, à la découverte du corps. Tout ce que je pus affirmer, c’est que je m’étais arrêté devant le cottage du clerc pour demander mon chemin ; qu’il m’avait appris la perte des clefs ; que je l’avais accompagné à l’église pour lui prêter toute l’assistance en mon pouvoir ; que j’avais vu l’incendie ; que j’avais entendu, à l’intérieur de la sacristie, une personne à moi inconnue, essayer vainement d’ouvrir la porte ; que j’avais fait, enfin, par simple humanité, tout mon possible pour sauver l’homme en péril. D’autres témoins, qui avaient été en relation avec le défunt, furent interrogés sur le point de savoir s’ils pouvaient expliquer le double mystère et du vol des clefs qu’on lui attribuait, et de sa présence dans le lieu où l’incendie avait éclaté. Mais, tout naturellement, le « coroner » sembla regarder comme acquis aux débats que, dans ma position particulière, totalement étranger au pays, totalement étranger à sir Percival Glyde, je ne pouvais, sur ces deux points, fournir aucun éclaircissement utile.

Une fois que j’eus passé par l’étamine officielle, la marche que j’étais tenu de suivre me parut assez clairement indiquée. Je ne me sentais nullement appelé à produire spontanément un exposé quelconque de mes convictions particulières ; d’abord, parce qu’en agissant ainsi, je ne pouvais arriver à aucun résultat pratique, maintenant que la seule preuve existant à l’appui de mes conjectures avait été détruite en même temps que le registre, en second lieu, parce que je n’aurais pu exposer mon opinion, — mon opinion purement hypothétique, — sans dévoiler toute l’histoire du complot ; sans produire, par conséquent, je n’en pouvais douter, sur l’esprit du « coroner » et des jurés, la même fâcheuse impression que j’avais vue se manifester naguère dans celui de M. Kyrle.

Mais dans ces pages, et après le laps de temps déjà écoulé depuis lors, les précautions et la gêne dont je viens de rendre compte ne sauraient enchaîner l’expression libre de ma pensée. J’exposerai donc ici, avant que d’autres événements se présentent sous ma plume, comment je suis amené à me rendre compte de l’enlèvement des clefs, de la manière dont le feu put être mis, et du trépas de ce malheureux.

La nouvelle que je venais d’être mis en liberté sous caution acculait sir Percival, je l’ai déjà dit, à ses dernières ressources. L’embuscade placée sur ma route était un de ces moyens suprêmes ; l’autre, et le plus sûr des deux, était de supprimer toute preuve matérielle de son crime, en détruisant la page du registre sur laquelle le faux avait été commis. Si je ne pouvais produire un extrait régulier du registre original à comparer avec le double authentique que l’on en gardait à Knowlesbury, toute évidence manquait à mes preuves, et je ne pouvais plus le menacer de révélations qui dussent le perdre. Pour atteindre à son but, il n’avait qu’à se glisser «  incognito » dans la sacristie, à déchirer la page du registre, et à sortir ensuite aussi secrètement qu’il serait entré.

Dans cette hypothèse, on comprend aisément comment il attendit que la nuit fût tombée, avant de risquer sa dernière tentative, et comment il profita de l’absence du clerc pour se mettre en possession du paquet de clefs. Il lui était également indispensable de se procurer de la lumière pour trouver le registre en question, et la prudence la plus vulgaire devait lui suggérer l’idée de s’enfermer en dedans, soit pour se mettre à l’abri de l’indiscrète curiosité du premier passant venu, soit pour se soustraire à ma surveillance, si par hasard je m’étais déjà rendu sur le théâtre de cette machination.

Je ne puis croire qu’il entrât le moins du monde dans ses intentions de s’arranger pour que la destruction du registre parût être le résultat d’un accident, et, dans ce but, de mettre le feu à la sacristie. La simple chance que de prompts secours pussent arriver, et que les registres, de manière ou d’autre, fussent sauvés des flammes, devait, à première réflexion, lui faire écarter cette combinaison hasardeuse. En tenant compte de la quantité d’objets combustibles que contenait la sacristie, — la paille, les papiers, les caisses d’emballage, le bois sec, les buffets vermoulus, — toutes les probabilités doivent faire croire, selon moi, que l’incendie eut lieu à la suite de quelque accident causé par ses allumettes ou par la bougie qui l’éclairait.

Dans de telles circonstances, sa première impulsion lui fit sans doute essayer d’éteindre les flammes naissantes ; et, n’y pouvant parvenir, il avait dû (ne connaissant pas l’état de la serrure) essayer de s’échapper par la porte qui lui avait donné accès. Au moment où j’étais arrivé à lui, le feu gagnait certainement déjà vers la porte donnant sur l’église, et des deux côtés de laquelle étaient placés les vieilles armoires ainsi que les autres objets combustibles dont j’ai parlé. Selon toute probabilité, lorsqu’il tenta de s’échapper par cette porte, les flammes et la fumée (concentrées encore dans cet étroit foyer) avaient eu raison de ses efforts. Il était tombé mortellement évanoui à la place où son corps fut ensuite retrouvé, juste au moment où j’arrivais sur le toit pour briser le châssis de l’abat-jour. Alors, bien même qu’à la longue, nous eussions pu pénétrer dans l’église et rompre la porte de ce côté, nous serions probablement arrivés trop tard ; il était perdu, irrévocablement perdu, et déjà depuis longtemps. Nous n’aurions abouti qu’à ouvrir aux flammes l’accès de l’église ; de l’église maintenant sauvée, mais qui, le cas échéant, aurait partagé le sort de la sacristie. Il n’existe aucun doute dans mon esprit, — il ne saurait y avoir de doute dans l’esprit de qui que ce soit, — sur ce point qu’il était déjà mort quand nous courûmes aux cottages abandonnés, et lorsque, de toutes nos forces, nous travaillions à détacher la poutre qui devait nous servir de bélier.

Voilà tout ce que mes théories à ce sujet ont pu me fournir de plus logique et de plus vraisemblable, pour rendre compte d’un résultat, qui, après tout, s’était produit sous nos yeux. La surface des événements fut telle que je l’ai décrite. Ainsi que je l’ai raconté, on retrouva son cadavre.

L’enquête, cependant, fut ajournée à vingt-quatre heures ; jusque-là, effectivement, l’examen légal n’avait pu expliquer d’une manière suffisante, les mystérieuses circonstances de ce tragique événement.

Il fut convenu qu’un supplément d’instruction aurait lieu, et que le « solicitor » du défunt serait invité à comparaître. Un médecin fut aussi chargé de donner son avis sur l’état mental du domestique qui, jusqu’alors, avait semblé hors d’état de fournir aucun enseignement de quelque valeur. Il se bornait à répéter en véritable idiot, que le soir de l’incendie, l’ordre lui avait été donné d’attendre dans le petit chemin, et que, du reste, il ne savait pas autre chose, mais que le défunt était bien certainement son maître.

Mon impression particulière, à ce sujet, c’est que (sans le mettre au courant d’aucune intention coupable) on s’était servi de lui pour s’assurer que le clerc était absent, et qu’ensuite on l’avait posté près de l’église, mais non en vue de la sacristie, afin qu’il pût venir prêter secours à son maître, dans le cas où, sorti de l’embuscade que l’on m’avait préparée, une lutte personnelle s’établirait entre sir Percival et moi. Peut-être est-il bon d’ajouter que le témoignage direct de cet homme n’est jamais venu corroborer ma manière de voir. Le rapport du médecin, à son sujet, déclarait sérieusement ébranlées les facultés mentales, d’ailleurs fort médiocres, dont le ciel l’avait pourvu ; on ne put rien tirer de lui à la reprise de l’enquête ; et je n’ai aucune raison de penser que, jusqu’à ce jour, il se soit jamais rétabli.

Je revins à l’hôtel de Welmingham, si fatigué de corps et d’esprit, si énervé, si accablé par tant d’épreuves successives, que j’étais absolument hors d’état de supporter le bavardage local dont l’enquête fournissait la matière, et de répondre aux insignifiantes questions qui m’étaient adressées par les causeurs de la « coffee-room. » Je quittai mon pauvre dîner pour me retirer dans mon galetas économique ; là, je trouvais un peu de repos ; là, je pouvais, tout à mon aise, rêver de Marian et de Laura.

Si j’eusse été plus riche, je serais retourné à Londres, et la vue de ces deux chers visages m’aurait certainement ranimé. Mais, d’une part, il fallait me tenir prêt à répondre si l’enquête ajournée réclamait mon témoignage, et j’étais encore bien autrement tenu de satisfaire à l’engagement, sous caution, contracté envers le magistrat de Knowlesbury. Nos minces ressources avaient déjà été entamées, et notre avenir incertain, — maintenant plus incertain que jamais, — m’interdisait toute dépense superflue, même celle d’un voyage à prix réduit, aller et retour, dans des voitures de seconde classe.

Le lendemain, — le jour qui suivit l’enquête, — j’avais la pleine disposition de moi-même. Je débutai, le matin, par aller chercher à la poste le bulletin régulier que m’adressait Marian. Il m’attendait là, comme le jour d’avant, et avait été rédigé d’un bout à l’autre avec une parfaite sérénité. Je le lus avec reconnaissance, et, l’esprit à l’aise pour vingt-quatre heures, j’allai au Vieux-Welmingham, pour y revoir, au grand jour, le théâtre de l’incendie.

Que de changements j’y trouvai ! sous quel aspect nouveau il m’apparut !

Sur tous les chemins de notre énigmatique planète marchent, se donnant la main, le trivial et le terrible. L’ironie des circonstances n’est épargnée à aucune catastrophe humaine. Lorsque j’arrivai devant l’église, la seule trace sérieuse qu’eussent laissée derrière eux l’incendie et le trépas, était la condition du cimetière, bouleversé, profané par les pas de la foule. On avait dressé, devant la porte de la sacristie, un grossier amas de planches. Déjà d’immondes caricatures y étaient inscrites, et les enfants du village se disputaient en criant les interstices par lesquels on pouvait le mieux voir. À l’endroit même où j’avais entendu le cri de rescousse qui sortait de la fournaise embrasée, à l’endroit même où le domestique, frappé de terreur, s’était laissé tomber sur ses genoux, une escouade bruyante de volailles affamées caquetaient et se heurtaient l’une l’autre, picorant çà et là, parmi l’abondante moisson de vers que la pluie avait fait sortir de terre ; — et enfin, sur le sol que je foulais, le même où la veille on avait déposé la porte arrachée et les horribles débris auxquels elle servait de civière, le dîner d’un ouvrier, empilé dans une petite écuelle jaune, attendait qu’il fût de loisir, et le fidèle roquet à la garde duquel il était commis, aboyait après moi, qui m’approchais trop de son trésor. Le vieux clerc contemplait paresseusement la lente mise en œuvre des réparations, et n’avait plus maintenant à bavarder que sur un seul sujet, ne songeant qu’à s’exonérer de toute censure, et à démontrer qu’il n’avait aucune part dans le désastre arrivé. Une des villageoises, — dont je me rappelais bien la figure pâle et bouleversée, véritable image de la terreur, au moment où la poutre tombait à nos pieds, — penchée maintenant sur un vieux baquet à lessive, ricanait niaisement avec une autre femme, et offrait la véritable image du néant moral. Dans les choses d’ici-bas, rien de sérieux. Salomon, dans toute sa gloire, n’en avait pas moins, cachés à tous les plis de ses manteaux de pourpre, à tous les coins de son splendide palais, des motifs de risée et de mépris.

En m’en allant je vins à songer, non pour la première fois, que, par la mort de sir Percival, tout espoir actuel d’établir l’identité de Laura se trouvait complètement anéanti. Avec lui avait disparu la chance sur laquelle se concentraient toute mon activité, toute ma foi dans l’avenir.

Ne pouvais-je donc envisager mon échec à un autre point de vue, celui-ci beaucoup plus exact ?

Supposons qu’il eût vécu, en quoi cette circonstance aurait-elle modifié la situation ? Même dans l’intérêt de Laura, du moment où j’avais constaté que le vol des droits d’autrui formait l’essence du crime de sir Percival, pouvais-je faire métier et marchandise de ma découverte ? Aurais-je pu lui offrir mon silence en échange de ses aveux relativement au complot, lorsque ce silence devait avoir pour effet de priver de ses biens l’héritier légitime, et du titre nobiliaire celui qui seul y avait droit ?… Non, cela n’était pas possible !… Sir Percival eût-il vécu, il ne m’aurait pas été permis de supprimer ou de révéler à mon gré, pour obtenir que justice fût rendue à Laura, cette découverte sur laquelle j’avais tant compté, quand j’ignorais encore la véritable nature du secret. Les notions les plus vulgaires du bon droit et de l’honneur m’auraient immédiatement contraint d’aller trouver l’étranger injustement privé des avantages de sa naissance, et il m’eût fallu renoncer à la victoire à peine gagnée, en mettant sans réserve entre les mains de cet étranger tout le bénéfice de ma découverte. Alors je me serais retrouvé de nouveau face à face avec toutes les difficultés qui me séparaient encore du but vers lequel je tendais uniquement, et tout à fait dans la même position où j’étais maintenant, bien déterminé à lutter contre elles jusqu’au bout.

Je revins à Welmingham, l’esprit plus tranquille ; je me sentais plus que jamais sûr de moi-même et de mon énergique résolution.

En cheminant vers mon hôtel, je passai à l’extrémité du square où logeait mistress Catherick. Fallait-il retourner chez elle, tenter encore d’y être admis ? Non. Cette nouvelle de la mort de sir Percival, — la dernière, bien certainement, qu’elle pût s’attendre à recevoir, — avait dû lui parvenir depuis déjà plusieurs heures. Le journal de la localité, dans son numéro du matin, n’avait pas manqué de publier le procès-verbal de l’enquête. Je ne pouvais donc rien dire à cette femme, dont elle ne fût déjà informée. D’ailleurs, je ne me sentais plus le même intérêt à la faire parler… Je me rappelai la haine cachée qu’exprimait son visage, au moment où elle me disait : — « En fait de nouvelles de sir Percival, je n’attends plus avec quelque intérêt que celle de sa mort. » Je me rappelai cette curiosité furtive avec laquelle, au moment où je partais, elle m’examinait après avoir prononcé ces paroles. Une sorte d’instinct, au plus profond de mon cœur, instinct auquel je savais pouvoir me fier, me rendait souverainement répugnante la pensée de me retrouver en sa présence ; — je tournai donc le dos au square, et rentrai directement à l’hôtel.

Quelques heures plus tard, tandis que je me reposais dans la « coffee-room, » une lettre me fut remise par le garçon. L’adresse perlait bien mon nom, et j’appris, en réponse à quelques questions, qu’elle avait été déposée au comptoir de l’hôtel, par une femme, au moment où le jour tombait, et avant que le gaz fût allumé. Cette femme n’avait pas ouvert la bouche, et s’était retirée avant qu’on pût lui parler, ou même regarder qui elle était.

J’ouvris la lettre. Elle ne portait ni date ni signature, et l’écriture était visiblement déguisée. Néanmoins, avant que j’eusse achevé la première phrase, je savais à quoi m’en tenir sur l’origine de ce document. Il me venait de mistress Catherick.

La lettre portait ce qui suit ; — je la copie exactement, mot pour mot :