La France Juive (édition populaire)/Livre 5/Chapitre 2

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Victor Palmé (p. 271-285).


CHAPITRE DEUXIÈME


Les chasses juives. — Hirsch et nos officiers. — Le chartrier des La Trémoille. — Les Rothschild. — L’Union générale. — Le bal dea victimes.


I


La chasse est au premier rang des divertissements de bonne compagnie.

Cette passion a amené l’aristocratie à fréquenter les Juifs, à aller chez eux, à manger à leur table.

Ces forêts où ont chevauché les ancêtres, les conquérants hardis de la vieille Gaule, noire de bois, sont hantées encore par les légendes du passé. Les fées ont habité au bord de ces étangs, et c’est ici, peut-être, qu’au-dessus de la ramure d’un cerf, la figure de Jésus-Christ, toute resplendissante de clarté, apparut à saint Hubert.

L’âme de notre histoire ne parle-t-elle pas dans tous ces lieux ? Fontainebleau, à demi-païen, où les Nymphes de Jean Goujon semblent errer dans les allées, ne raconte-t-il pas François Ier, le Primatice, la poésie automnale de cette fin de règne où le paladin de Marignan vint chercher le repos dans ce palais, fait à l’image de l’Italie qu’il avait rêvé de conquérir ? Tout un monde ne ressuscite-t-il pas dans cette chambre des Cariatides où a Jean Goujon, dit Michelet, communique aux pierres la grâce ondoyante, le souffle de la France, sait faire couler le marbre comme nos eaux indécises, lui donne le balancement des grandes herbes éphémères et des flottantes moissons ? » Versailles ne dit-il pas tout un siècle en un mot, les brillantes cavalcades et les grandes dames dans les calèches que Louis XIV aborde chapeau bas, et les splendeurs de tout ce règne évanoui ?

Parfois, quand le soir tombe, cette vision des temps lointains vient à plus d’un duc, d’un marquis, d’un comte, honteux d’être le compagnon de tous ces coupeurs de bourse juifs que ses aïeux n’auraient pas regardés.

Fontainebleau est à Ephrussi, Versailles est à Hirsch, Ferrières est à Rothschild ; Oahen d’Anvers se manifeste aux Bergeries. Quant à Hirsch, qui fait aussi belle figure au faubourg, ce qu’il chasse de préférence, ce sont les officiers français.

Ce n’est pas un des spectacles les moins intéressants de notre époque que celui de ce baron de contrebande, protégé, encouragé dans sa folie maniaque par Dreyfus, l’ancien député juif de Seine-et-Oise, et disant à ses gardes : « Dès que passe un Français, tirez dans le tas ! » Ce tyranneau occupe même ce terrain d’une façon absolument illégale, puisque le conseil municipal de Versailles a protesté contre la cession qui lui en a été faite. N’importe ! il s’y conduit comme en pays ennemi. Les faits se passent à quelques lieues de Paris sans que personne ait jamais osé les porter à la tribune : la Gauche, on le sait d’avance, se lèverait en masse pour couvrir la voix d’un orateur qui oserait attaquer un financier juif.

Le seul journal républicain qui ait jamais parlé de ces indignités, c’est le Temps. Il est vrai que l’article emprunte à la modération bien connue de son auteur, M. Jules Claretie, un accent particulier.

Les journaux de Seine-et-Oise, écrit-il, sont, sans aller plus loin, remplis chaque semaine des exploits des gardes d’un gros financier qui a loué une partie du parc de Versailles.

Des allées où les enfants passent ! des fourrés où les promeneurs s’égarent ! des nids de verdure où l’on aimerait à se perdre, un livre à la main !

Un instant : attention à vous ! Il y a presque péril de mort ! Les gardes du baron Hirsch sont là tout près, le fusil chargé. Le Petit Versaillais, un journal du pays, conte que, l’autre jour, une ordonnance traversait à cheval l’avenue qui conduit du boulevard de la Reine à la porte Saint-Antoine. Deux beaux chiens de chasse suivaient, appartenant à des officiers. L’un d’eux entre sous bois : il revient bientôt avec la patte cassée et un œil crevé. L’autre disparaît dans une haie : il est tué raide. Le brigadier de gendarmerie a déclaré que M. le baron Hirsch donne à ses gardes un franc de prime par bête abattue, avec prescription d’assimiler aux fauves tous les chiens rencontrés dans sa chasse.

Mais sa chasse, c’est une propriété de l’État ! mais on devrait pouvoir prendre le frais dans sa chasse sans courir le risque de recevoir des grains de plomb dans le visage !

Un officier, la semaine passée, se promenait avec son enfant dans une allée en contre-bas d’un taillis. Tout à coup quelqu’un tire. Le plomb fait pleuvoir des feuilles criblées sur la tête du petit, et l’enfant a peur. Le garde, interpellé par l’officier, répond simplement : « J’ai tiré sur une fouine. Quand j’en rencontre, j’ai ordre de tirer. »


Avouez, entre nous, que ce garde a eu de la chance de tomber sur un officier contemporain ! S’il avait fait cette réponse à Kléber, à Desaix, à Marceau, à Pélis-Bierou à Bugeaud dans leur jeunesse, je crois que le baron Hirsch aurait passé un mauvais quart d’heure !


II


Ces sentiments si français ont naturellement concilié au baron et à la baronne de Hirsch la sympathie de notre aristocratie. C’est le prince de Sagan qui fait les honneurs de cette demeure, dans laquelle le général d’Abzac et le comte de Chabot jouent un peu le rôle de chambellans.

Le comte d’Andigné brigue l’avantage de conduire le cotillon dans les fêtes, tandis que le marquis de Massa se charge des intermèdes, et fait représenter là de petites pièces comme la Cicatrice.

Hirsch occupe à Paris une situation relativement supérieure à celle des Rothschild. Il est le baron, comme les autres sont les barons. Au rebours des Rothschild, qui tiennent à personnifier une collectivité, le baron tient à être seul, et laisse toute sa famille dans un demi-jour dédaigneux. Il n’a point la morgue et la hauteur des Rothschild, que l'on ose à peine aborder maintenant dans un salon ; parvenu réjoui, il est infiniment plus ouvert, plus rond que les princes d’Israël, et, somme toute, moins ridicule qu’eux. Il est insolent, sans doute ; mais son insolence est goguenarde et familière. Haut en couleur, les narines ouvertes, heureux de vivre quand il ne se roule pas dans d’atroces douleurs hépatiques, il est volontiers bonhomme, avec une pointe de raillerie ; il dit, par exemple, à de grands seigneurs qui viennent quêter chez lui pour des blessés carlistes : « Je veux bien vous donner quelques billets de mille francs, mais êtes-vous bien sûrs que cet argent ira aux carlistes ? »

Cette différence d’allures avec les Rothschild s’explique facilement. Les Rothschild ont hérité d’une situation sociale déjà créée par leurs parents, qui ont essuyé les premières rebuffades ; ils croient, jusqu’à un certain point, appartenir à l’aristocratie ; Hirsch, au contraire, croit que l’aristocratie lui appartient.

Cette place dans le monde élégant, qui lui faisait tant envie, Hirsch, en effet, l’a conquise petit à petit, par lui-même ; il sait le tarif de chaque scrupule et le prix marchand de chaque conscience. Si Bismarck a pu apprécier toute la lâcheté humaine dans les diplomates et les politiques à genoux devant sa fortune, il ne peut méconnaître les beaux côtés de l’humanité quand il songe à tant d’obscurs héros qui se sont sacrifiés pour la gloire de l’Allemagne. S’il avait dans son entourage les plus effrayants échantillons de la servilité, Gambetta pouvait se rappeler qu’au commencement de sa carrière, beaucoup d’êtres désintéressés et naïfs l’avaient soutenu en croyant aider au triomphe d’un principe. Hirsch n’a jamais vu dans sa vie un être humain qui se soit adressé à lui autrement que pour lui demander de l’argent.

Il a grandi à mesure que la France s’abaissait. Il y a quelques années à peine, les déclassés du monde eux-mêmes refusaient ses invitations ; aujourd’hui, les plus qualifiés sont heureux de monter le fameux escalier qui, disons-le en passant, ne justifie guère la bruyante admiration dont il est l’objet.

L’été, les séries se succèdent à Beauregard comme jadis à Compiègne. Parmi les plus assidus : la duchesse Decazes, la duchesse de Castries, la marquise de Beauvoir, la comtesse de la Ferronnays, la marquise d’Hervey de Saint-Denis, la comtesse de Chavagnac (aujourd’hui la comtesse de Pontevès), le marquis de Scépeaux, le comte de Béthune, le marquis de Fontenilles, la princesse Hohenlohe, la comtesse de Divonne, la marquise d’Aoust, le comte de Beust. etc., etc.

Dans ces fêtes d’ostentation, le Juif encore se révèle. Toute la chasse est vendue d’avance à des marchands de comestibles ; les hôtes du châtelain ne viennent guère faire là que le métier de tueurs, de garçons bouchers.

Autrefois, à Ferrières, quelques invités, désireux de rapporter à Paris les preuves de leurs exploits, éludaient la consigne et gardaient quelques pièces dans leur carnier. Le cas était prévu : guidé par un chien spécial admirablement dressé à cet usage, le baron James visitait les chambres pendant qu’on prenait le café, et confisquait impitoyablement tout gibier indûment conservé.

En toutes ces charges, qui rappellent l’ancienne vénerie comme Croquefer rappelait les Chansons de geste, figurent des noms de gentilshommes authentiques, qui font un singulier effet. Comme ils doivent s’étonner d’être là !

Avez-vous jamais vu, en allant au Bois dans l’après-midi, l’homme qui sert d’écuyer cavalcadour à la baronne de Rothschild ? C’est un vrai duc de la Trémoille. Lui-même, plus instruit que la plupart des membres de l’aristocratie, a classé, sans l’aide d’aucun paléographe, les papiers de sa famille, et, sous ce titre, le Chartrier de la Trémoille, il a publié un magnifique volume, qu’il n’a pas mis dans le commerce, et qu’il généreusement distribué aux bibliothèques et aux sociétés savantes.

Et regardez le contraste ! Cet homme qui a le souci de sa race ; qui, pareil à ces chevaliers qui préparaient d’avance le tombeau où ils devaient reposer morts, élève aux siens un monument digne d’eux, est le commensal assidu de ces rogneurs d’écus de Francfort, enrichis par les spéculations que vous connaissez.


III


Pour une partie de la noblesse, la maison de Rothschild joue le rôle que jouait autrefois la maison de France.

C’est une bizarre et curieuse destinée que celle de cette famille, à laquelle nous consacrerons plus tard une étude spéciale, et qui est si intimement liée à l’histoire de ce siècle. Nous ne voulons en prendre aujourd’hui que le côté qui touche à la vie mondaine. Là encore les Rothschild ont eu à lutter longtemps. Il y a quarante ans, l’aristocratie bondissait d’indignation à la seule pensée de voir les Juifs se mêler à elle.

En 1846, en l’honneur de l’arrivée à Baden d’un souverain étranger, on voulut organiser un bal. On nomma, pour régler les détails de la fête, trois commissaires, parmi lesquels M. Maurice de Haber. Les deux autres refusèrent d’avoir pour collègue un Juif, quoique ce collègue fût M. de Haber, le richissime banquier de Cologne, allié à la famille d’un maréchal de France, à la famille de Grouchy. M. de Haber envoya des témoins. Les commissaires refusèrent de se battre avec lui, et ne consentirent à croiser le fer qu’avec un de ses amis.

La ténacité juive, la patience à endurer les affronts et à feindre même de ne pas les apercevoir, vinrent à bout de tout. Le vieux James entra dans la société comme bouffon : il amusait ; on lui faisait répéter à chaque instant sa fameuse charade :

— Mon bremier il a tes tents, mon segond il a tes tents, mon troisième il a tes tents, et mon tout il est un fîlain dévaut.

— Le mot ! le mot ! criait-on.

Chalousie, répondait triomphalement le baron. C’est encore lui qui disait un jour que l’on parlait devant lui des hommes de paille :

Fui, l’homme de baille est une ponne geose pour les goguins ; ils vinissent douchours bar le vaire serfir de lit à leurs actionnaires.

Un jour, en jouant au whist dans un salon, le financier avait laissé tomber un louis par terre. Aussitôt il dérange tout le monde et prend un flambeau sur la table pour retrouver ses vingt francs.

— Laissez donc, mon cher ! dit d’Orsay : je vais vous éclairer. Et il alluma à la bougie un billet de mille francs, pour aider le baron à chercher son louis…

De nos jours, les Rothschild n’ont plus à redouter de rencontrer un d’Orsay dans l’aristocratie.

L’aristocratie, du moins celle qui figure dans les comptes rendus des journaux parisiens, est littéralement vautrée aux pieds des Rothschild ; elle regarde comme un honneur d’être reçue par eux, et la baronne Alphonse a pu dire ce mot prodigieux dans la bouche d’une Juive : « Je ne puis pourtant pas inviter tout le monde ! »


IV


Il y a dans cet avilissement quelque chose de véritablement incompréhensible.

Quel exemple plus frappant du degré où peuvent tomber des descendants d’illustres races, individuellement bons et généreux, mais faibles de caractère et dominés par cet impérieux besoin de s’amuser dont je parlais tout à l’heure, que ce qui s’est passé au moment de la catastrophe de l’Union générale ?

J’ai parlé à fond de cette affaire dans mon dernier volume : la France juive devant l'opinion. Grâce aux documents qui m’ont été fournis, j’ai reconstitué ce chapitre de l’histoire financière contemporaine, et montré le rôle odieux joué là-dedans par Léon Say, le valet de Rothschild, et par Loew, Juif d’origine, Protestant apparent, qui commit, comme procureur de la République, de monstrueux abus de pouvoir.

L’honnêteté de M. Bontoux est hors de toute contestation. Il n’a point gardé une parcelle de sa fortune, et il a dû accepter pour vivre une place modeste d’ingénieur en Espagne. Il a été dupe malheureusement de la confiance que montrent les Catholiques en toute circonstance et il est vraiment inexplicable que le président de l’Union générale ait été prendre pour co-directeur, dans une affaire destinée à combattre le monopole financier de la Juiverie, un protestant d’origine juive comme Feder[1], et pour représentant à Vienne, un Juif comme Rappaport.

Ce qui est certain, c’est que toutes les règles de la justice furent cyniquement violées dans cette circonstance. Les directeurs de la Société furent arrêtés sans enquête, sur la plainte d’un seul individu qui prétendait qu’on avait disposé de ses fonds, ce qui fut reconnu absolument faux. Rien n’était perdu alors, puisque des sommes énormes étaient dues à la Banque, que deux jours après devait avoir lieu une réunion générale, qui aurait certainement sauvé la situation[2].

Ce fut Humbert, le garde des sceaux franc-maçon, qui, avec Léon Say et Loew, fut l’instrument des Juifs.

Ce qui confond l’imagination dans l’affaire de l’Union générale, c’est l’attitude des victimes elles-mêmes.


V


On venait d’enlever à la noblesse française ce qui, pour elle, était jadis plus précieux que l’argent, plus précieux que la vie : l’honneur. Ce cher trésor, amassé pendant tant de générations, était jeté au ruisseau. Les plus beaux noms, les Broglie, les d’Harcourt, les Biencourt, étaient couverts de boue, assimilés à ceux des aigrefins véreux qui défrayent la chronique des tribunaux.

Ce qu’on appelle le monde manifesta l’intention de ne plus revoir au moins ces étrangers qui, pour augmenter leur monstrueuse fortune, n’avaient pas hésité à déshonorer la vieille France. Pendant huit jours on tint parole. Les baronnes, épouvantées d’être mises ainsi en quarantaine, chassées de ce paradis où elles étalaient leur luxe insolent, se lamentaient et reprochaient à leurs maris d’avoir fait le coup. Pour tâter le terrain, elles essayèrent de donner une petite fête. C’est une grande qu’il eût fallu donner. On s’étouffait dans les salons à ce bal des victimes, et, au premier rang, parmi les plus obséquieux, figuraient les malheureux déshonorés par les Rothschild, les pères, les frères, les sœurs de ces infortunés, les d’Haussonville, par exemple, doublement atteints dans les d’Harcourt et dans les Broglie.

Quelle vision pour l’observateur, que celle de toutes ces familles qui furent glorieuses, défilant en éclatante toilette sous les huées, à peine dissimulées, de quelques Juifs cosmopolites ;, qui raillaient leur chagrin, comptaient combien de pauvres diables s’étaient suicidés à la suite du Krach, demandaient tout haut si l’affaire irait en police correctionnelle ou en cour d’assises, si le régime des maisons centrales était dur en France !

On a accusé certains romanciers contemporains d’être irrespectueux envers le Passé, et de rire de choses qui furent augustes : quel tableau à la fois sinistre et comique, tragique et burlesque, pourrait-on tracer qui ne fût inférieur à cette réalité ?

Notez que cette dégradation est absolument spéciale à la noblesse française. Quelques heures de chemin de fer suffisent à transformer la fille hautaine d’Alphonse de Rothschild, la madame Ephrussi, si altière envers notre aristocratie, en une petite Juive fort humble, qui, munie de toutes sortes de recommandations, serait bien heureuse et bien honorée si la cour de Russie daignait la recevoir, non pas sur le même pied assurément, mais à la suite de la femme de quelque vaillant officier qui, pour fortune, n’a que sa solde.

On a raconté le voyage que fit à Saint-Pétersbourg, au commencement de 1884, la belle triomphante de nos salons. À force d’importunités, d’influences mises en avant, l’impératrice de Russie s’était laissé aller, bien à contre-cœur, à permettre qu’on lui présentât Mme Ephrussi au Palais d’hiver. Le maître des cérémonies avait demandé comment il devait présenter cette Juive. — Vous me la présenterez en partant, répondit l’impératrice.

En conséquence, la fille d’Alphonse de Rothschild ne fut présentée à la tzarine qu’au moment où celle-ci quittait le salon dans lequel elle venait de s’entretenir avec plusieurs dames, avec la grâce qui lui est habituelle. Quant à Mme Ephrussi, qui, ce jour-là, était couverte d’une véritable pluie de rubis, elle n’eut ni un regard ni une parole de la souveraine.

L’an dernier, le gouvernement autrichien, qui est pourtant, au point de vue financier, entre les mains des Israélites, refusa d’agréer le ministre des États-Unis, M. Keiley, parce qu’il avait épousé une Juive.

Le spectacle auquel nous assistons en France, nous explique comment les races finissent. Rome vit des déchéances analogues. Juvénal nous a montré les patriciens, dont les aïeux avaient conquis le monde, mendiant une place à la table des fils d’esclaves enrichis. Lucien a fait défiler devant nous les variétés de parasites : le Plagipatide ou Duricapitor qui reçoit des coups, le Derisor qui a comme attributions de dire des bons mots.

Les Rothschild sont plus hospitaliers que le Virron de Juvénal, qui laissait à ses invités le vin de Bénévent, tandis qu’il buvait, lui, du vin d’Albe, comme en buvaient seulement Thraséas et Helvidius au jour natal de Cassius ou de Brutus.

Le Romanée est à Alphonse ; le Château-Laffitte est à Gustave ; le Mouton est à James, qui n’en boit plus pour toutes sortes de raisons qui sont fort bonnes. Notre vin, où l’esprit national se retrempait jadis, appartient aux Juifs, comme tout le reste. Ainsi s’accomplit la promesse faite à Israël par Jéhovah : « Tu boiras le vin des vignes que tu n’auras pas plantées. »


VI


Les goym héraldiques qui se pressent chez les Rothschild, n’y sont point seulement attirés par le parfum du Romanée. Beaucoup, parmi ceux qui recherchent cette hospitalité humiliante, ont chez eux un petit vin qui n’est point mauvais, un vieil hôtel souvent où il y a des portraits de famille qui parlent des vertus d’autrefois, des livres où revit la jeunesse de nos anciens écrivains, une femme intelligente, des enfants auxquels ils pourraient raconter les batailles où furent leurs pères. Pourquoi quitter tout cela ? Mon Dieu ! c’est toujours l’atavisme, qui, malheureusement, on le sait, transmet plutôt des défauts que des qualités.

Aller chez Rothschild, pour eux, c’est aller à la Cour. Le roi des Juifs, le Juif des rois, n’est pas tout à fait Louis XIV, mais ils ont l’illusion d’être dans un palais.

Au milieu de tous ces hommes qui se prosternent devant eux, mais qui leur sont supérieurs encore par l’élégance native, les Rothschild sont mal à l’aise quand même. Vous les connaissez. Aucun d’eux ne paye de mine.

Le baron Alphonse a cinquante-quatre ans, il en porte soixante-dix, ou plutôt il a peine à les porter ; il est tout petit, avec des favoris blanchâtres : il personnifie la décrépitude prématurée de sa race. Ce qui frappe dans cette physionomie, c’est l’absence de regard, le clignotement perpétuel des yeux.

Très rogue dans le monde, Alphonse a des instincts populaires : il aime à parcourir Paris en dissimulant sa royauté, et en se faisant passer pour photographe près des petites lingères ou des fleuristes, avec lesquelles il cause volontiers.

Edmond est le classique marchand de lorgnettes ; il a une barbe roussâtre, et braque un lorgnon sur ses yeux avec un tic nerveux qui voudrait être impertinent : il a toujours l’air fureteur de quelqu’un qui cherche quelque chose qu’il ne trouve pas.

Gustave, avec sa barbe châtaine déjà poivre et sel, sa haute taille, aurait l’air relativement distingué, s’il savait marcher, entrer et sortir ; il affecte d’être encore plus sec que les autres membres de sa famille. Sa femme est d’une insupportable arrogance.

Tout ce monde est plus ou moins maussade et quinteux. Les uns ont la moelle épinière entamée ou un épanchement de la synovie, comme Edmond ; les autres deviennent aveugles de bonne heure, comme Nathaniel, qu’on promenait dans une petite voiture à travers ces appartements magnifiques dont le luxe n’existait plus pour lui. On les trouve mal élevés ; ils sont surtout moroses, ressentant, comme la plupart des autres Juifs, au sein d’une scandaleuse opulence, ce qu’on a appelé « la grande misère de tout ». Ils n’ont aucun stimulant, aucun mobile d’action. Ils ont voulu conquérir la France ; ils l’ont conquise, et ils sentent qu’elle meurt sous leur souffle délétère, qu’ils n’ont à eux qu’un cadavre.

Alphonse a de l’esprit, ou plutôt une sorte d’humour anglaise tournée à l’aigreur et à l’ironie, qui, maintenue par le besoin de ménager la haute société qu’il méprise, s’épanche parfois en saillies fantasques, en allusions désobligeantes et taquines. À ces brusques incartades, les convives rient jaune, les valets s’esclaffent en dessous, et le baron ajoute en gouaillant : « Voulez vous du Romanée ? »

  1. Les détails sur la maîtresse du Feder de l’Union générale, qui se faisait appeler Mlle de Sombreuil, ont traîné dans tous les journaux. Elle tire un coup de pistolet sur un financier à Lyon, elle est expulsée comme Allemande, elle essaye de se suicider. Tout Paris, plus tard, s’occupe d’elle à propos des scandales du député Vergoin. Tous ces conservateurs que j’ai vus dans certaines occasions si collets montés, auraient pu prendre quelques renseignements sur ce Feder, savoir qui il était, d’où il venait.
  2. J’ai constaté combien les administrateurs furent imprudents, combien surtout ils manquèrent de courage moral en n’attaquant pas franchement les Juifs, contre lesquels ils poussent de véritables hurlements lorsqu’on cause avec eux en tête à tête ; il est juste de rendre hommage à l’honnêteté scrupuleuse dont ils ont fait preuve dans ce désastre. Après les effroyables manœuvres employées contre elle, l’Union générale distribue 70 pour 100 à ses dépositaires.