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La France Juive (édition populaire)/Livre 5/Chapitre 4

La bibliothèque libre.
Victor Palmé (p. 299-312).


CHAPITRE QUATRIÈME


Les fêtes de charité. — La loterie des Arts décoratifs. — Hecht et ses Courbet, Reinach et ses Franz Hals. — Les scandales aux courses. — Cercles et tripots. — M. Leconte et le Cercle du Parlement. — Les fournitures militaires.


I


Les Juifs ont trouvé moyen de se créer une réputation de bienfaisance en nous amenant à secourir nous-mêmes les misères des leurs. Il y a là un trait de race véritablement exquis et qui désarme.

Les catastrophes qui se sont produites dans le monde depuis quelques années, ont presque toutes frappé sur les Juifs.

La pensée de venir en aide aux victimes était louable, mais celle de faire sortir l’argent nécessaire à cette bonne œuvre, de la bourse des Chrétiens, était fine.

C’est Arthur Meyer qu’on charge d’organiser ces mystifications. Il guette les sinistres comme les marins de l’île de Batz guettaient autrefois les naufrages, et, dès qu’un malheur apparaît, il le confisque à son profit.

Les fêtes de charité sont une des manifestations de la vie mondaine que, plus tard, les historiens de mœurs étudieront avec le plus d’utilité. Elles ont joué un rôle important, et se sont multipliées depuis quelques années, car elles ont pour les Juifs un double avantage : elles attestent dans toutes les contrées de l’univers la puissance d’Israël, qui met Paris sens dessus dessous dès qu’un Sémite a besoin d’assistance ; elles permettent aux Juifs moins lancés que les Rothschild de se mêler aux gens du monde.

L’aristocratie, en effet, accourt là, la bouche enfarinée, comme partout où elle entend un petit râclement de violon.

La fête de Chio est restée la plus célèbre. En face des ruines noires des Tuileries on avait organisé une kermesse, une Foire aux plaisirs, comme on disait, qui dura huit jours.

Ce fut là que Camondo donna une leçon méritée au Faubourg. On suspendit naturellement la fête le samedi. — « Pourquoi donc cet arrêt ? demanda un jeune vicomte. On ne s’amuse donc plus ? » — « Il y a temps pour tout ; nous autres, nous avons coutume d’observer notre religion : aujourd’hui samedi, nous allons prier ; nous serons tout à la joie demain, puisque le dimanche n’a aucune signification pour nous, et que, je crois, il n’en a guère davantage pour vous… »

Le dimanche, la terrasse des Tuileries offrait un aspect curieux. Des jeux de petits chevaux, des boutiques, des tréteaux forains, avaient été installés partout. Les plaisanteries, les vives ripostes, les interpellations joyeuses, se croisaient dans l’air avec les boniments et les appels égrillards des visiteurs. On retrouvait là, au complet, cette vieille garde de l’élégance, qui se compose toujours des mêmes personnes, toujours citées avec les mêmes épithètes, dans les mêmes gazettes.

A travers cette Priapée, qu’éclairaient mille clartés se mêlant aux derniers feux d’un soleil de juin qui se couchait sur l’Arc-de-Triomphe, allait et venait, au milieu des propos grivois, Judic, acclamée par tous les Juifs, et guidant un petit âne que caressaient toutes les grandes dames, et qui semblait, comme l’âne d’or d’Apulée, sorti tout à coup d’une fable milésienne. Sur un théâtre improvisé, le comte de Fitz-James jouait le Vitrier ; ce descendant d’un compagnon des Stuarts proscrits, histrionnant dans ce jardin où étaient tombés sanglants, au 10 août, les défenseurs des Bourbons, ajoutait par sa présence je ne sais quel piquant à cette fête singulière.

Aux grilles, la foule du Paris des dimanches regardait, criait, apostrophait, hurlait, vociférait, sifflait. A la fin, elle pressa doucement sur la faible haie des gardiens de la paix qui essayait de la retenir, et elle entra. Alors ce fut une cohue affreuse, où gens du monde et gens du peuple, gommeux en habit noir et ouvriers en blouse, grandes mondaines et plébéiennes, roulèrent pêle-mêle le long des Tuileries en rythmant leur descente sur un chant d’Évohé[1].


II


Jadis, sous l’Empire, quand il s’agissait d’autoriser une modeste loterie de cent mille francs, les républicains montaient à la tribune, et ils protestaient contre ceux qui habituaient les travailleurs à se repaître de l’espérance d’un gain illusoire, et les dégoûtaient ainsi d’un labeur honnête. Maintenant ils ont changé tout cela : ils ont autorisé cette loterie des Arts décoratifs, loterie de quatorze millions, qui a été un si long scandale.

Nous avons vu un turlupin, ancien ministre des Beaux-Arts, remplissant Paris et les départements des boniments d’une réclame éhontée, multipliant ses appels cyniques, tentant le pauvre ouvrier par ce billet mis partout à la portée de sa main, et le forçant à prélever sur sa paye, le malheureux franc qui eût suffi à donner du pain aux siens pendant un jour.

De cet or, si péniblement arraché à un peuple qui meurt de faim, le Juif veut la plus grosse part. On n’avait pas encore recueilli un sou, qu’on parlait déjà de donner six millions au Juif Spitzer, pour lui acheter sa « collection ».

C’est un marchand, direz-vous, que ce Spitzer ? Gardez-vous de le croire. Comme tous les Juifs, Spitzer est un bienfaiteur de l’humanité. Le Bourgeois gentilhomme, qui se connaissait en étoffes, achetait quelques coupons qu’il revendait à ses amis moyennant un léger bénéfice, mais par pure obligeance. Spitzer a acheté quelques vieux meubles et quelques pots cassés, et il nous les offre moyennant six millions, parce qu’il aime la France.

Ne vous permettez pas de plaisanter ! Écoutez plutôt comme Eugène Müntz, bibliothécaire à l’École des Beaux-Arts, parle de son compère Spitzer dans une lettre adressée à l’Art : « Si M. Proust était vraiment parvenu à conquérir pour six millions pareille collection, on ne saurait assez lui voter des remerciements, quelle que soit sa destination, tout comme on ne pourrait trop combler d’honneurs le vendeur qui aurait poussé le désintéressement jusqu’à des limites aussi invraisemblables. »

Je regrette seulement que Müntz n’ait pas mieux précisé ce qu’il entendait par « combler quelqu’un d’honneurs ». Voudrait-il que l’on conduisît Spitzer, monté sur un cheval blanc, comme un nouveau Mardochée, à travers les rues de la capitale ? N’est-ce point assez pour une générosité qui atteint « des limites invraisemblables ? » Souhaite-t-il que l’on remette à ce Remonencq magnifique, à ce père Lemans héroïque, répée de connétable devant les troupes assemblées, dans le frémissement solennel des drapeaux lentement inclinés ?

Je ne rappellerai pas les actes inqualifiables qui firent de cette loterie une opération sans exemple. Nouvelles mensongères, chiffres frauduleux, manœuvres dolosives de toute sorte, il n’en aurait pas fallu le quart, autrefois, pour mettre toute la maréchaussée aux trousses des singuliers industriels qui donnaient ce spectacle[2].

Après avoir fait annoncer officiellement le 15 juin que l’émission des billets est terminée, Proust est obligé de reconnaître qu’il a menti et qu’une partie des billets est demeurée entre ses mains. La loterie est tirée néanmoins sans que les billets aient été placés ; le gros lot, ainsi que quelques lots d’une importance secondaire, reste au fond du sac, et les administrateurs avouent qu’ils ont gagné 770,000 francs. Ce n’est que sur les réclamations unanimes de la presse et de l’opinion que l’on se décide à procéder à un nouveau tirage. Ce qui est certain, ce qui est hors de conteste, c’est qu’une loterie autorisée à quatorze millions, sur lesquels douze millions de billets ont été placés, a produit pour résultat définitif et total cinq millions huit cent mille francs. C’est Proust lui-même qui a été forcé d’avouer ce chiffre, le 5 février 1885, devant les protestations du comité.

Où sont passés les autres millions ? En frais généraux ? En admettant, pour un instant, cette hypothèse insensée, il y a un moyen de répondre aux accusations formelles que chacun porte contre le promoteur et l’organisateur de cette loterie, contre celui qui en a assumé la direction exclusive : c’est de publier les comptes. Comment se fait-il que les membres du comité n’aient pas compris qu’ils se compromettaient eux-mêmes en ne réclamant pas immédiatement la publication de ces comptes ?

Ceci n’empêche point les membres de la gauche de déclarer que la loterie des Arts décoratifs est une œuvre nationale. Spitzer aussi et Proust sont des figures nationales ; et Hecht donc, l’intermédiaire de Proust dans l’achat des Courbet, qu’il fit payer à l’État un prix invraisemblable !

Depuis que les collectionneurs un peu avisés, loin de songer à rien acheter, se débarrassent sans bruit de leurs objets d’art, la Juiverie parait s’être rabattue sur le Louvre.

C’est ainsi que nous voyons Reinach, celui qui répond au nom de Joseph, s’entremettre pour faire acheter à notre Musée, pour le prix de cent mille francs, trois prétendus Franz Hals qui valent bien mille écus. Le Musée de Berlin, auquel on avait proposé cette acquisition, envoya à Harlem un représentant, qui, à la vue de ces tableaux, fut pris d’un fou rire et court encore.

Depuis Turquet et Proust, rien de ce qui touche au Louvre ne se fait nettement, directement. En Alsace, un paysan ne peut vendre sa vache sans recourir à l’intermédiaire d’un Juif. Avec un budget de plus de trois milliards, l’État ne peut plus acheter simplement une œuvre de maître après l’avis des hommes compétents ; il faut toujours qu’un Juif intervienne là-dedans, pour truquer, troquer, tromper.

Quand les Juifs auront réalisé leur rêve d’imposer comme directeur du Louvre un des leurs, dont chacun prononce le nom. et qui serait déjà installé si Proust fût resté ministre des Beaux-Arts, ils déménageront le Musée en deux ans, et substitueront des copies aux originaux sans que vous vous en aperceviez. Vous n’y verrez que du feu, et toute la presse, les journaux catholiques en tête, déclareront que ce directeur est le plus grand des directeurs passés, présents et futurs.


III


Les courses sont plus ruineuses encore pour les hommes que l’amour des faux bibelots. Le bookmaker, qu’un homme d’esprit a appelé un pick-pocket arrivé, est d’ordinaire un Juif anglais. Le propriétaire d’une des principales écuries de courses est un Israélite, mêlé à l’affaire du Honduras et condamné, au mois de mai 1856, à deux ans de prison pour abus de confiance. Chacun connaît cette histoire. On a publié une lettre du duc Decazes, du mois de juin 1875, qui prouve le fait jusqu’à l’évidence. On tolère néanmoins cet intrus, parce qu’il est Juif, et le Clairon l’appelait de temps en temps notre sympathique propriétaire éleveur X. Nos élégantes continuent à porter, quand le cheval a été vainqueur, les couleurs d’un escroc, comme leurs aïeules portaient, dans les tournois, les couleurs de quelque preux chevalier qui s’était signalé par sa vaillance.

On devine ce qu’il se passe de tripotages, de manœuvres déloyales, d’infamies, dans ce monde du turf. C’est l’Aryen toujours, le gentilhomme, l’honnête homme, qui est victime ; parfois on ne se contente pas de le ruiner, on le déshonore. On achète son jockey et on le mêle à quelque vilaine affaire, d’où le nom sort toujours un peu endommagé : il est disqualifié, comme on dit.

Des forêts de Bondy, des tripots équestres, des entreprises de vol à la course : voilà comment s’expriment tous les journaux, sans exception, à propos de certains hippodromes.

Il se produit là des scènes sans nom. Le cheval qu’on s’est arrangé pour faire gagner, est en retard. On entend des tribunes les jockeys qui crient à leur camarade, en retenant leurs chevaux : « Mais arrive donc ! » Un jour, c’est le jockey Andrews qui manque d’être assassiné par ses concurrents. Une autre fois, la foule proteste contre une filouterie trop évidente dans une course entre Blonde II et Georgina. Les jockeys s’emparent d’un des manifestants, l’entraînent dans la pièce où ils s’habillent, le cravachent à tour de bras et le laissent à moitié mort.

N’est-ce point pitié de voir un homme qui porte le nom de Castries, un descendant du vainqueur de Klostercamp, assistant à cet affreux spectacle d’un Français cravaché par dix valets anglais réunis contre un homme seul ?

Voilà où mènent l’oisiveté, la vie du turf, le goût des plaisirs bas.

Au concours hippique, tous les prix sont pour Israël. Camondo, ce gros Juif qui ressemble à un chef d’eunuques abyssins qui aurait déteint, ce Turcaret levantin dont Carolus Duran exhibait, au Cercle des Mirlitons, l’image cauteleuse et blafarde, triomphe avec un mail-coach noir-bleu attelé de quatre chevaux bai-brun.

Hirsch n’est pas oublié : il a obtenu, lui, un prix de première catégorie avec Sunshine et César, qui s’attèlent en flèche ; quant à Rob-Roy et Bonmary, ils steppent. Camondo a vingt-quatre chevaux dans son écurie, dont seize au harnais toute l’année, et huit chevaux de selle ; Hirsch n’en a que vingt-trois, mais parmi eux on compte un arabe rouan, présent de Sa Majesté l’Empereur d’Autriche à l’ami du pauvre comte de Vimpfen. Si le maître n’est pas impeccable, la tenue de l’écurie l’est. La sellerie, notamment, est une merveille : « C’est une pièce spacieuse, haute de plafond, dont la cheminée en marbre est un chef-d’œuvre. Tout cela brille et reluit, et offre le spectacle de l’arrangement le plus ingénieux.

Le sens moral est tellement oblitéré chez les classes supérieures, que personne ne trouve mauvais de récompenser le luxe conquis grâce à ces lots turcs, qui ont ruiné tant de Français. Ceux qui se montrent les plus obséquieux devant ce Juif allemand, feraient condamner à la prison un pauvre diable qui aurait pris un fagot dans leur bois. Les autres ne poursuivraient pas le voleur du fagot ; mais, natures molles et faibles, ils ne s’étonnent point qu’on ose étaler devant eux une fortune mal acquise.

La vie de cercle est la conséquence de la passion des courses. Le gouvernement aide tant qu’il peut à la démoralisation par le jeu. Là encore on trouve l’hypocrisie républicaine, cet amour de tout ce qui est trouble, de tout ce qui permet de réaliser des bénéfices honteux, que les députés de la gauche se partagent clandestinement.


IV


Paris, depuis la République, est devenu une immense maison de jeu. On joue partout, et partout d’une façon malhonnête[3]. La cagnotte, Dame Joséphine, comme on la nomme, prélève sur chaque joueur un impôt véritablement léonin. Un écrivain qui s’est particulièrement occupé de cette question, estime que les sommes ainsi perçues par les directeurs de cercles se sont élevées à soixante millions en cinq ans.

De ces chiffres il faut évidemment distraire les sommes considérables prélevées par le personnel de la Préfecture de police, qui, à tous les degrés, depuis le préfet jusqu’au dernier des agents, rançonne les maisons de jeu, et surtout les pots-de-vin donnés aux ministres et aux députés opportunistes.

Les ministres octroient aux députés, qui ferment les yeux sur leurs actes, soit des autorisations d’ouvrir des Cercles, soit des concessions, des parts dans les fournitures militaires et les adjudications.

On n’a pas oublié la poursuite correctionnelle dont furent l’objet, au mois de juin 1883, les fondateurs du Cercle du Parlement, somptueusement installé au 242 de la rue de Rivoli, et qui fit faillite après avoir dévoré 800,000 francs en quinze mois.

Alfred Leconte, député de l’Indre, déjà célèbre pour un permis de chemin de fer gratté dans une intention frauduleuse, et qui s’était associé pour l’exploitation de ce Cercle à l’un de ses collègues, reconnut devant le tribunal qu’il était logé et nourri gratuitement dans l’établissement ; il avoua également avoir reçu la moitié des six cents actions attribuées à un M. Trapet. C’est à Leconte, en effet, que l’autorisation a été accordée. Devant la Police correctionnelle, le Substitut, M. Louchct lut, à ce sujet, des lettres de Leconte qui prouvent une absence absolue de tout sens moral.

Ce procès, d’ailleurs, est d’un bout à l’autre un des plus curieux documents sur les mœurs actuelles que l’on puisse imaginer. Les sénateurs et les députés venaient faire dans ce Cercle de plantureux dîners, des dîners officiels, aux dépens des malheureux actionnaires[4].

Tout Paris a vu, pendant de longues années, un ancien ministre de l’Intérieur, un vice-président de la Chambre, tenir publiquement un véritable tripot, un Cercle ouvert à tous : le Cercle artistique de la Seine, qu’on appelait familièrement le Cercle Lepère ou le Dépôt. Dans tous les hôtels où descendent les riches étrangers, dans tous les grands cafés du boulevard, on distribuait des invitations à venir dîner et faire la partie, et ces invitations étaient signées du vice-président d’une Assemblée française ! Jamais les membres de la gauche n’ont pensé que la dignité du pays fût atteinte par ce singulier cumul ; ils trouvaient que ce teneur de brelan était encore le plus honorable d’entre eux, puisqu’ils l’avaient appelé à la vice-présidence. Dans l’histoire même du Directoire, je ne connais pas de fait analogue[5].

On ne saurait trop, néanmoins, encourager le gouvernement à récompenser ses fidèles plutôt par des permissions de tripot que par des fournitures. En ce dernier cas, c’est la sécurité même de la France que compromet le bon plaisir ministériel.

La discussion du 28 février 1884, sur les fournitures accordées aux industriels de Besançon, suffit à montrer comment les choses se passent pour les adjudications. M. Georges Perrin, avec un patriotisme et une clairvoyance qui surprennent chez un républicain, émit cette idée, qui frappa la Chambre d’étonnement, que généralement les places frontières étaient les premières assiégées en temps de guerre, et que les magasins et les ateliers d’habillement nécessaires à l’armée étaient plus convenablement installés à l’intérieur. Si les fournitures avaient été maintenues à Besançon, c’est qu’il y avait une cause ; et cette cause était un Juif, le Juif Veil-Picard, le fameux Veil-Picard, que nous rencontrons à chaque instant dans ce livre, partout où l’on agiote, où l’on tripote, où l’on complote une affaire d’argent.

Le sous-secrétaire d’État de la guerre, le petit Casimir Périer, proteste qu’il est innocent, et le ministre de l’Intérieur, Waldeck-Rousseau, déclare hardiment qu’il ne connaît pas Veil-Picard. M. Georges Périn le convainct immédiatement de mensonge, en lui montrant les lettres qu’il avait fait écrire au Juif par son secrétaire particulier Noël.

Pour être appelé de temps en temps le beau et fier jeune homme, dans le journal Paris, le ministre sacrifiait tranquillement les intérêts de la France.

Quoique, je le répète, les scandales des cercles et des tripots me semblent avoir une importance beaucoup moins grave que les faits de cette nature, l’affaire du Cercle de la rue Royale mérite d’être notée ici.

Ce qui est triste, c’est la honte qui rejaillit sur l’aristocratie par la faute de quelques désœuvrés. Faire son petit cercle, passer rue Royale, est maintenant l’expression adoptée par les ouvriers pour la tricherie au jeu.

Il est impossible que les Cercles ne soient pas déshonorés, avec la manie qu’ont les gens du monde d’accueillir à bras ouverts tous les rastaquouères et tous les Juifs de l’univers. Un homme que tout le monde a connu à Paris marchand de pastilles du sérail dans un passage, un cabaretier de la petite Russie, un ancien laquais prussien, ont-ils gagné quelque argent à la Bourse, les voilà reçus partout. Quand un scandale éclate, on n’ose même pas s’adresser à ceux-là, leur demander des éclaircissements sur leur famille, sur la façon dont ils se sont enrichis, sur ce qu’il y a au fond du train qu’ils affichent ; on tombe unanimement sur un malheureux garçon de jeu, uniquement parce qu’il est Français. C’est absolument honteux.

  1. Ce sont tout à fait les mœurs du Directoire, avec l’hypocrisie religieuse en plus, et en moins le tempérament, la vitalité débordante d’alors, le fier courage des conspirateurs royalistes.
  2. La Nouvelle Presse des 8, 9, 11 août 1884, le Petit Journal, le Matin, le XIXe Siècle, le Courrier de l’Art du 26 et du 27 mars 1885, ont porté contre Proust, avec preuves à l’appui, des accusations d’une telle gravité, que l’on ne comprend pas que le parquet ne se soit pas ému.
  3. Au mois d’octobre 1884, l’indignation fut si vive, les plaintes si nombreuses, qu’on se décida à fermer le Cercle des Arts libéraux, fondé par Devriès, et quelques établissements du même ordre, mais ils se sont reconstitués sous d’autres noms. C’est Leconte qu’il eût fallu poursuivre, pour donner l’exemple. En une seule année, le produit de la cagnotte du Cercle des Arts libéraux s’était élevé à quatorze cent mille francs : ce qui, à dix pour cent, donne une somme de quatorze millions mis en banque.
      Le Cercle de la Franc-Maçonnerie fut naturellement respecté. On laissa subsister en outre : le Cercle central, le Hunting-Club le Cercle des Arts-Réunis, le Cercle de l’Escrime, le Cercle de la Presse, le Cercle artistique de la Seine, le Cercle Washington et le Cercle Français. La cagnotte quotidienne de ces neuf établissements est de 69,800.
      Le Cercle de l’Escrime, auquel Camescasse n’a pas touché, est fortement appuyé par des hommes d’État républicains, qui trouvent là le déjeuner et le diner ; il a pour président un nommé Étienne Junca, Juif, je crois, d’origine, et qui a été décoré comme homme de lettres ; ce qui est bien flatteur pour les écrivains et même pour les militaires qui ont gagné leur croix, non dans les claque-dents, mais sur les champs de bataille.
      Il se produit, presque chaque jour, dans ce Cercle protégé par la police, des scènes inénarrables. Ce fut à la suite d’une séance du Conseil d’administration qui avait été véritablement épique, que le garçon dit à un des assistants qui venait se laver les mains au lavabo ce mot étonnant :
      — Que se passe-t-il donc, Monsieur ? Jamais on n’a volé tant de savon qu’aujourd’hui.
  4. Les Cercles placés sous le patronage des représentants de la nation ont remplacé les carrières d’Amérique. M. Andrieux a raconté, dans ses Souvenirs, que la première personne qu’un commissaire de police envoyé par lui rencontra, dans un Cercle autorisé, fut un repris de justice endormi sur une banquette. « Ne sachant où trouver un abri, cette victime de la justice humaine était venue chercher, dans les salons de jeu, un gîte hospitalier. Le Cercle était d’ailleurs présidé par un député. »
  5. >Le gérant de ce Cercle était un Juif nommé Landau, un personnage à aventures bruyantes, comme tous ceux de sa race, qui se suicida après des pertes d’argent et des peines de cœur que les journaux boulevardiers racontèrent tout au long. Il fut remplacé par deux autres Juifs, les frères Khan, autrefois directeurs du Cercle de Paris, rue Laffitte.
      Un député radical de Seine-et-Oise, ancien avocat général, nommé Vergoin, prit la succession de Lepère, comme président. Il n’avait d’autre but, déclara-t-il ingénument, « que de se faire de belles relations ». La première rencontre qu’il fit, dans cet endroit distingué, fut celle d’un gentleman qui lui confia que les croupiers venaient de lui proposer de lui remettre un certain nombre de portées toutes préparées, des biscuits, comme on dit, qui lui auraient permis de prendre la banque à coup sûr. Remarquez encore une fois, au point de vue du chemin parcouru depuis 1870, de l’accoutumance, que le fait pour un ancien magistrat, pour un représentant du peuple, d’accepter la présidence d’un tripot, ne choque personne : cela parait tout naturel.