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La Gardienne du Phare/29

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Le Courrier Fédéral Ltée (p. 75-77).

CHAPITRE XXIX.

Le couloir et l’eau potable.

Aussitôt que tout bruit eut cessé, Zilumah, — qui semblait avoir pris le commandement de ce qui restait du « phare des glaces » — dit à Claire :

— « Il est une chose que nous allons faire sans perdre de temps. Vous comprenez, Claire, nous sommes emprisonnées dans des monceaux de glace et l’air respirable finirait par nous manquer. Nous allons donc percer une sorte de couloir perpendiculaire par lequel l’air pourra entrer librement. »

Après s’être orientée, l’Esquimale ouvrit une des petites fenêtres placée très haut et près du plafond. Les glaces venant du Nord, il fallait percer l’entonnoir du côté Sud. Là, la glace serait opaque aussi, sans doute ; mais moins que du côté Nord, assurément. Une barre de fer de dix pieds de long à peu près, que Zilumah découvrit, servirait à cette besogne. Dure besogne assurément !!… Quand Zilumah attaqua la masse glacée, la barre de fer rebondit et rebondit sans vouloir y pénétrer ; mais elle fit chauffer une des extrémités de la barre, qui était effilée, puis elle l’appliqua à la glace. Aussitôt un grésillement se fit entendre ; la barre de fer pénétrait dans la glace.

Zilumah savait que les mêmes difficultés ne se présenteraient pas dans toute l’épaisseur du glacier, la glace étant par couches plus ou moins dures, et cela l’encourageait un peu…

Claire prit la barre à son tour. Quelle pénible besogne pour ces frêles jeunes filles !!… À tour de rôle, elles travaillèrent, grignotant quelques morceaux de biscuits pour se soutenir un peu. Et maintenant qu’elles travaillaient depuis six heures du matin et qu’il était quatre heures de l’après-midi, une question importante se posait à Zilumah : si la glace avait plus de dix pieds d’épaisseur, que feraient-elles ?… Le couloir avait déjà plus de huit pieds de long et la fin semblait loin encore… La barre de fer n’avait que dix pieds… est-ce que vraiment tout ce travail serait perdu ?…

l’Esquimale voulut en avoir le cœur net tout de suite. Elle fit chauffer à blanc le bout de la barre de fer et l’enfonça dans la glace. Aussitôt, un cri de joie lui échappa ; l’extrémité de la barre était arrivée dans le vide. L’air pur entra à flots dans le rez-de-chaussée. Cet air vivifiant les ranima toutes deux, et même Tribord vint aboyer joyeusement à l’orifice.

Maintenant, il ne fallait pas risquer que ce couloir se bouchât par des fragments de glace. Zilumah alla chercher, au premier étage, des feuilles de tuyau de poêle. Aidée de Claire, elle enfila les feuilles les unes aux autres et ainsi enfilées, ces feuilles faisaient un tuyau de douze pieds à peu près. Non sans difficulté, les jeunes filles parvinrent à passer le tuyau jusqu’à l’extrémité du couloir, laissant dépasser deux pieds du tuyau au dehors, ce qui assurait le parfait fonctionnement de l’appareil, et la fenêtre fut refermée. Il était six heures du soir ; depuis douze heures qu’elles travaillaient, aussi, étaient-elles épuisées. Mais elles avaient réussi pleinement ; elles n’auraient qu’à ouvrir la fenêtre maintenant pour aérer leur demeure.

« Que j’ai faim ! » s’écria Zilumah. « Je vais préparer du café ; vous Claire, faites-nous un bon souper hein ? »

— « Avec quoi ferons-nous du café ? Nous n’avons pas d’eau », répondit Claire.

— « Pas d’eau !… et la glace nous entoure !!… L’eau est tout autour de notre demeure, Claire ; nous n’avons qu’à nous en tailler des morceaux. »

Zilumah ouvrit une des fenêtres et à l’aide d’une petite hachette, elle détacha des morceaux de glace, que Claire recueillit dans une marmite. La marmite fut déposée sur un feu doux et bientôt la glace fondit. Claire prit une partie de cette eau et, y jetant un morceau de glace afin qu’elle se refroidît aussitôt, elle l’offrit à Tribord. Le chien n’avait pas bu depuis la veille ; il but avidement, frétillant de la queue tout le temps, preuve de son contentement.

Bientôt une bonne odeur de café se répandit dans la chambre, puis on s’installa, tant bien que mal, sur une caisse vide et on mangea de bon appétit.

Après le souper, Zilumah fit fondre de la glace. Le vase de Tribord fut rempli de nouveau et le reste de l’eau fut mis dans un seau de fer blanc ; elle leur servirait pour leurs ablutions du matin et pour les besoins de la maison.

Il était à peine huit heures que Claire et Zilumah dormaient, étendues sur les poches de copeaux.

Pauvres abandonnées !!