La Neige et le feu/08
IV
La nouvelle Béatrice
La première fois que Simone l’embrassa, Boureil lui dit :
— Il ne faut pas brûler les étapes.
Un peu plus tard, comme elle le pressait, il loua une chambre dans un petit hôtel. Le lendemain, il murmura :
— Je n’en demandais pas tant.
Croyant avoir mal entendu :
— Tu m’aimes de toutes tes forces ? demanda Simone.
Boureil hocha la tête. Mais, après déjeuner, comme ils étaient allés s’asseoir sous un orme au jardin du Luxembourg :
— L’amour grandit comme un arbre, en s’attachant toujours plus solidement. Qu’est-ce que l’amour libre ? Une plante sans racine.
Il lui apprit qu’il était marié indissolublement.
— Qu’importe ?
— Nous aimerons-nous bien quand même ?
Simone sourit :
— Il me semble que nous nous le sommes prouvé pas mal.
Boureil était heureux. Il n’était plus libre.
De sa fenêtre, il consultait, par-dessus les toits, l’horloge du lycée Henri IV, avant l’arrivée de Simone et après son départ.
Le bonheur le ramenait à la religion. Maintenant il lui arrivait souvent de songer à la mort, à la destinée de l’homme, à l’éternité et à d’autres choses infinies au prix desquelles ses joies actuelles lui paraissaient éphémères comme la toilette fraîche d’une petite fille.
Infinie était pourtant elle-même la science de Simone, qui avait eu déjà mainte expérience amoureuse.