La Norvège et l’Union avec la Suède/05

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Traduction par Gabriel Rouy.
Société d’édition et de publication (p. 51-65).

V

direction des affaires étrangères


Le principal différend entre les deux royaumes porte sur l’organisation du service des Affaires étrangères. Jusqu’ici celle-ci appartenait au ministre des Affaires étrangères de Suède qui n’a aucune responsabilité vis-à-vis de la Norvège. Une telle organisation est incompatible avec la situation de la Norvège comme État souverain, et est en contradiction formelle avec l’état d’égalité qui est la condition expresse de l’Union entre les deux royaumes.

Tous les efforts pour aboutir à une organisation plus rationnelle ont été vains pour deux raisons. D’abord la Suède n’a pas voulu renoncer à la suprématie que cette situation lui donnait en fait et dont l’Acte d’Union ne parlait pas ; en second lieu les termes de cet Acte étaient interprété dans les deux pays d’une manière complètement différente.

Tandis que les Norvégiens ont suivi ce document à la lettre et tandis qu’ils ont prétendu à la souveraineté de chacun des royaumes dans toutes les affaires qui ne sont pas (dans l’Acte d’Union) désignées comme «  unionnelles[1], les Suédois ont voulu donner à ce traité une interprétation plus ample et étendre la communauté d’une manière qui n’était pas prévue par l’Acte d’Union, mais qui, prétendaient-ils, s’entendait de soi-même par suite de la nature de l’Union ; et en ce qui concerne la direction des Affaires étrangères, ils en sont même arrivés jusqu’à admettre, par l’entremise de leur gouvernement (1891) cette opinion que « ni l’Acte d’Union ni aucune autre loi « unionnelle » n’accorde à la Norvège le droit de participer au traitement des affaires « ministérielles » (c’est-à-dire diplomatiques) ».

Le traité de l’Union, chose curieuse, ne mentionnant pas, d’une manière formelle, comment les Affaires étrangères seront traitées dans les circonstances normales[2], il est facile de comprendre qu’avec des opinions aussi diverses sur la nature même de ce traité, il devait se produire des différends sérieux. C’est pour des raisons qui seront mentionnées dans la suite, notamment après 1885, que cette question de litige est passée au premier plan, et elle est en ce moment la grande difficulté entre les deux peuples.

En raison de l’importance de cette question il est nécessaire, dans les pages suivantes, de faire un court exposé de son histoire et de son développement.

Au début de l’Union les constitutions de la Suède et de la Norvège accordaient au roi la plus grande liberté pour la direction des Affaires étrangères ; à ce point de vue le monarque avait les mains encore plus libres en Norvège qu’en Suède. La Constitution de notre pays, en effet, a confié la direction de la politique extérieure au roi personnellement ; il peut traiter les Affaires étrangères de la manière qu’il juge la plus satisfaisante, et il peut même se faire assister d’autres personnes que des conseillers norvégiens responsables. La Constitution dit en effet expressément qu’il n’est pas nécessaire que les affaires diplomatiques soient traitées en Conseil des ministres. Fort de ce droit, le roi a chargé, depuis la conclusion de l’Union, le ministre des Affaires étrangères de Suède de la direction des Affaires étrangères de Norvège[3] et il a fait représenter les deux royaumes à l’étranger par des légations communes. Le ministre des Affaires étrangères de Suède n’est cependant pas constitutionnellement responsable de la gestion des affaires norvégiennes.

Cette situation a naturellement été une source de mécontentement en Norvège, surtout après qu’il fut admis que le principe de la responsabilité ministérielle devait être étendu aux Affaires étrangères. Mais jusqu’en 1885 une égalité relative de situation fut conservée entre les deux royaumes, concernant le ministre des Affaires étrangères, celui-ci étant également en Suède une sorte de ministre personnel du roi.

D’après la Constitution suédoise de 1809, le roi, suivant l’usage de cette époque, avait la direction personnelle des affaires diplomatiques mais il n’avait pas le droit de les soustraire aussi complètement qu’en Norvège à l’examen du conseil des ministres. Dans certains cas, le ministre des Affaires étrangères devait faire un rapport sur les affaires extérieures à un conseil dit « ministériel », c’est-à-dire composé, outre le ministre des Affaires étrangères, d’un seul ministre suédois ; dans d’autres cas il devait faire un rapport au conseil des ministres au complet. Il s’ensuivit que les affaires diplomatiques concernant les deux royaumes furent traitées de la même manière que les affaires exclusivement suédoises. Cette situation fut un peu améliorée par le décret de 1835, d’après lequel le ministre d’État norvégien, ou un autre ministre norvégien devait être présent en conseil « ministériel » suédois lorsqu’un rapport relatif aux affaires diplomatiques concernant la Norvège était soumis au roi.

En 1837, le Storthing exprima, dans une adresse au Roi, sa reconnaissance de ce progrès, tout en constatant qu’il ne pouvait considérer le décret que comme une disposition préparatoire à des mesures plus complètes, Néanmoins cet arrangement resta en vigueur pendant plus de 50 ans, la Norvège s’étant trouvée engagée dans d’autres questions « unionnelles » et intérieures.

Une modification apportée en 1885 à la Constitution suédoise apporta un changement radical à la situation. Cette révision constitutionnelle enlève au roi de Suède la direction personnelle des affaires diplomatiques, pour la confier exclusivement au ministre des Affaires étrangères. En même temps le premier ministre suédois est nommé troisième membre permanent du conseil « ministériel » dans lequel se discutent les affaires diplomatiques. Ces modifications rendaient le ministre des Affaires étrangères commun responsable uniquement devant le parlement suédois. Au point de vue suédois, l’organisation complète de la responsabilité ministérielle constituait un progrès mais la nouvelle situation créée au ministre des Affaires étrangères commun était pour la Norwège beaucoup moins satisfaisante que l’organisation antérieure. Aussi devenait-il nécessaire pour nous d’obtenir une organisation plus rationnelle de la direction des Affaires étrangères.

La révision de la Constitution suédoise de 1885 a donc été la source de tous les différends « unionnels » survenus durant ces vingt dernières années. Ce n’est donc pas la Norvège mais la Suède qui les fait naître, contrairement à l’opinion générale à l’étranger qui nous représente toujours comme l’élément perturbateur dans l’union[4]. La Suède a agi ainsi en partant de ce point de vue quelle pouvait seule modifier sa Constitution même dans les cas où il s’agissait de questions concernant les deux royaumes. Mais alors, pourquoi n’aurions-nous pas le même droit ? Lorsque, par suite des modifications apportées par les Suédois à leur Constitution, la situation devient intolérable pour la Norvège, nous estimons que nous avons, non seulement juridiquement, mais aussi moralement, le droit et le devoir d’apporter nous aussi à notre Constitution les modifications nécessaires pour assurer nos intérêts, pourvu que ces modifications ne soient pas contraires à l’Acte d’Union. La Norvège ne poussa pas, immédiatement, les choses à l’extrême en organisant un service diplomatique particulier, et en prenant, comme l’avait fait la Suède, les mesures nécessaires à la sauvegarde de ses intérêts. Au contraire, elle essaya de s’entendre avec la Suède et entama, avec elle, des négociations loyales. Ces négociations n’aboutirent pas. Si, dans cet échec, on peut être tenté de voir un signe de faiblesse, on ne peut pas, en tout cas, nous reprocher d’avoir manqué d’égards ; dans ce cas comme dans bien d’autres nous avons fait preuve d’une patience peut-être exagérée.

À partir de 1885 nous essayâmes d’obtenir une amélioration de la situation créée dans le conseil « ministériel » par la présence de trois membres suédois contre un seul norvégien. Les Suédois reconnurent la justice de notre réclamation et nous firent une proposition transactionnelle, mais qui était inacceptable. Pendant les négociations de 1885-1886 ils essayèrent en effet de faire établir expressément que le ministre des Affaires étrangères de Suède serait celui de l’Union et celui de la Norvège. Une nouvelle tentative en 1891, échoua, le gouvernement suédois ayant fait accompagner les concessions qu’il faisait à la Norvège de l’insertion au procès-verbal d’une note déclarant que, « ni l’Acte d’Union ni aucune autre loi unionnelle ne concède à la Norvège le droit de prendre part à la discussion des affaires « ministérielles » (c’est-à-dire diplomatiques). » Cette note était jugée à bon droit offensante pour la Norvège.

Longtemps auparavant, deux « comités unionnels » avaient essayé de régler cette difficile question. Une proposition, présentée par un comité norvégien et suédois en 1844, avait été rejetée par le gouvernement suédois.

Un troisième « comité unionnel » très nombreux fut institué en 1890 et travailla pendant trois ans au règlement de la question litigieuse de la direction des Affaires étrangères et de celle de la représentation consulaire. Le résultat fut négatif. Le comité se divisa en fractions, deux norvégiennes et deux suédoises et il fut impossible d’arriver à un accord.

Toutes les négociations ouvertes par la Norvège pour obtenir l’égalité des deux royaumes dans la direction des Affaires étrangères ayant échoué par le fait d’une obstruction plus ou moins déguisée de la Suède, on envisagea en Norvège, de 1885 à 1890, la création d’un ministère des Affaires étrangères particulier correspondant à celui de la Suède. D’après reprogramme, les affaires norvégiennes seraient traitées par le ministre des Affaires étrangères de Norvège, les affaires suédoises par celui de Suède et les affaires communes des deux pays par les deux ministres réunis. Mais cette idée n’est pas entrée dans la politique pratique. Ses partisans ont reconnu que moins les deux pays avaient d’institutions communes, moins ils avaient de sujets de dissensions et plus les chances seraient nombreuses d’être d’accord sur leur conduite vis-à-vis de l’étranger, et sur une vigoureuse défense. Auparavant, l’opinion publique norvégienne avait accueilli avec faveur l’idée qu’une politique extérieure commune serait le mieux assurée par un ministre des Affaires étrangères commun, norvégien ou suédois, responsable devant les Chambres des deux pays. Cette conception politique qui comporte l’existence d’un ministère commun ne rallierait plus aujourd’hui qu’une infime minorité en Norvège, tandis qu’elle compte en Suède de très nombreux partisans. La grande difficulté de ce programme serait l’organisation de la responsabilité effective du ministre devant deux pays ; si cette responsabilité ne devait pas rester lettre morte, elle pourrait devenir la source de dissentiments malencontreux. En tous cas, il est certain que l’Acte d’Union n’impose pas à la Norvège un ministre des Affaires étrangères suédois. Le fait que notre pays emploie ce haut fonctionnaire pour le règlement de ses affaires extérieures, repose exclusivement comme je l’ai indiqué plus haut, sur le droit que la Constitution donne au roi de diriger lui-même notre politique extérieure. Pour cette raison, le titulaire des Affaires étrangères n’était pas considéré comme responsable ; son rôle se bornait à représenter le pays dans ses rapports avec l’étranger, et à la conduite des négociations tandis que les affaires elles-mêmes étaient décidées en conseil des ministres norvégiens, sur le rapport de l’un d’eux.

Dans les premiers temps de l’Union, il est arrivé que, dans un conseil de ce genre, le roi donnait directement des instructions au ministre des Affaires étrangères, lequel était appelé à participer aux délibérations de ce conseil[5]. Dans un cas même, en 1822, pour la ratification d’un traité avec le Danemark, le roi, sans se préoccuper du ministre des Affaires étrangères de Suède, chargea de la négociation un membre du cabinet norvégien : n’est-ce pas là un précédent à l’appui de nos justes revendications ?

Les deux pays, se trouvant par le fait de leur union, exposés aux mêmes vicissitudes de politique extérieure, doivent, cela est évidemment raisonnable, avoir une unité dans la direction de leurs Affaires étrangères ; personne ne l’a jamais nié ; mais « l’Acte d’Union » a omis de donner des règles pouvant assurer cette unité. Il est impossible de croire à un oubli comme on a essayé de le faire croire de différents côtés. La cause de cette omission doit, à notre avis, être cherchée dans ce fait que la Constitution norvégienne confie au roi la direction des Affaires étrangères ; mais alors, on se trouve en présence d’une sorte de contrat entre le roi et le peuple norvégien, lequel ne regarde pas la Suède[6].

Je dois faire ressortir que l’arrangement précédemment décrit, d’après lequel le ministre des Affaires étrangères suédois prend provisoirement la charge des affaires diplomatiques de notre pays, n’a pas eu pour conséquence que la Norvège se soit trouvée faire corps avec la Suède vis-à-vis d’autres puissances.

Tout au contraire, il a toujours été reconnu que chacun des royaumes séparément peut agir comme personne juridique internationale et conclure de son propre chef des traités avec les puissances étrangères.

Dans les cas où les intérêts des deux royaumes ont absolument concordé, par exemple, pour les traités purement politiques, ils ont habituellement agi de concert.

Par contre, lorsque l’un des royaumes a eu des intérêts spéciaux à sauvegarder, il a été seul — surtout pendant ces dernières années — à conclure le traité. C’est ainsi que la Norvège et la Suède ont un grand nombre de traités spéciaux avec les puissances étrangères, par exemple plusieurs traités de commerce et de navigation, des traités de frontière, des traités d’extradition et autres.

L’administration des Affaires étrangères, elle aussi, est dans une certaine mesure, séparée pour chacun des royaumes unis, et sur ce domaine — dans tous les cas sauf pour la politique étrangère proprement dite — la communauté n’existe qu’au point de vue de la forme.

Il y a lieu de remarquer spécialement que, dans chaque cas, ce sont les autorités d’État de chacun des deux royaumes qui seules peuvent décider si un traité doit être conclu. Le ministre des Affaires étrangères suédois et les ministres plénipotentiaires n’ont pas le droit, sans y être expressément autorisés par l’autorité gouvernementale norvégienne, de prendre des engagements formels pour la Norvège vis-à-vis d’une puissance étrangère. Si un traité implique une modification de la législation norvégienne, ou s’il oblige le pouvoir auquel il appartient de voter le budget, il faut aussi régulièrement que le consentement du Storthing soit obtenu.

La Suède a d’ailleurs fréquemment varié d’opinion quant à l’étendue de nos droits et à la manière d’accueillir nos revendications.

Tandis que, jusqu’en 1891, le gouvernement suédois paraissait enclin à conserver à la Norvège tout droit de participation dans la gestion des Affaires étrangères, le ministre des Affaires étrangères déclarait en 1893, qu’il ne doutait pas de la possibilité d’arriver au prix de concessions réciproques, à une solution satisfaisante pour les deux pays, en se basant sur l’égalité de situation, avec un ministre des Affaires étrangères commun, suédois ou norvégien.

Mais cette déclaration ne parut pas obtenir l’approbation des Chambres suédoises, et ne peut être considérée comme l’expression de l’opinion suédoise à cette date.

Ce n’est que dans le rapport du troisième comité unionnel de 1898 que les divers partis des Chambres suédoises ont accepté cette solution, mais à des conditions qui furent jugées inacceptables par la Norvège.

Enfin, en 1903, le gouvernent suédois déclara que l’organisation actuelle ne concorde pas avec la prétention justifiée de la Norvège à une égalité de situation dans l’Union.

Afin de pouvoir juger les nombreuses négociations engagées sur cette question, il est nécessaire de proclamer hautement que la Norvège n’a jamais réclamé de concession de la part de la Suède, mais seulement exigé le respect de ses droits d’État souverain. Toute condition posée par la Suède à la reconnaissance de ce droit est un empiétement sur la souveraineté de la Norvège. Notre pays n’a pas été dans l’Union la nation fière et combative, élevant sans cesse de nouvelles prétentions injustifiées à l’égard de la Suède.

Les Norvégiens ne trouveraient pas illégal de la part de la Suède de décider que le ministre des Affaires étrangères suédois lie devrait plus à l’avenir servir de « commissionnaire » à la Norvège, et administrer ses Affaires étrangères ; et je ne crois pas non plus que les hommes politiques suédois trouvent bien justifié de notre part, de vouloir empêcher la Suède de prendre une telle décision.

Mais de notre côté nous nous réservons le même droit de régler nos propres affaires, nos Affaires étrangères aussi, de la manière qui nous paraît répondre le mieux aux intérêts de la Norvège et de l’Union.

Nous n’avons cependant pas fait usage de ce droit qui nous appartient, parce qu’il aurait facilement pu en résulter des conflits pouvant avoir des conséquences fatales, la Suède semblant toujours ne pas comprendre nos prétentions dans ce sens.

Nous avons donc dû nous contenter provisoirement de la question moins importante de l’organisation de notre service consulaire.



  1. Adresse du Storthing au roi, en date du 23 avril 1860.
  2. L’Acte d’Union ne mentionne les Affaires étrangères que conjointement avec le gouvernement intérimaire en cas de vacance du trône, et il donne des règles générales au sujet du rapport et de la discussion en Conseil des ministres des « questions concernant les deux royaumes ».
  3. Comme l’a lait ressortir le procureur général du royaume, M. B. Getz (« Situation au point de vue du droit international et Constitution de la Norvège », dans La Norvège au xixe siècle. Christiania, 1900, t. i, p, 175), la situation, à ce point de vue, dans l’Union norvégienne-suédoise est la même que celle qui existait dans l’union austro-hongroise avant la nouvelle organisation de 1867. Jusqu’alors, aussi, d’après la législation hongroise, la direction des Affaires étrangères était du domaine purement personnel du roi, et celui-ci en profitait pour faire gérer les Affaires étrangères des deux pays par un ministre autrichien. Afin d’éviter tout malentendu, on doit peut-être faire remarquer en même temps que l’union entre la Norvège et la Suède n’a jamais été d’une nature aussi intime que l’union entre l’Autriche et la Hongrie, et que la communauté n’a jamais été aussi développée entre les deux premiers qu’entre les deux autres pays.
  4. La Suède a prétendu que la révision constitutionnelle de 1885 ne lésait pas les intérêts norvégiens, mais qu’elle avait seulement pour but de rendre plus forte la situation extérieure de la Suède et en même temps celle de l’union en général. Cette affirmation, cependant, se trouve contredite par le discours récent du célèbre parlementaire suédois M. Adolf Hedin, député de Stockholm. D’après lui, la modification avait également pour but direct d’empêcher que les affaires diplomatiques communes fussent remises au conseil des ministres norvégien et suédois combiné, ce qu’avait proposé, en Suède, M. Hedin lui-même. Ces affaires auraient, dans ce dernier cas, été contrôlées également par la Norvège, d’une façon que nombre de Suédois considéraient comme peu rassurante. (Voir J. E. Sars ; Samtiden Christiania, 1905, page 261.)
  5. B. Getz, l. c., p. 176.
  6. À l’appui de la thèse affirmant l’obligation pour les deux pays de n’avoir qu’un seul ministre des Affaires étrangères, on a avancé que, dans les articles où l’Acte d’union établit les règles relatives au gouvernement intérimaire dans le cas d’une vacance du trône, il n’est question que d’un seul ministre des Affaires étrangères. B. Getz (l. c., p. 175) est d’avis que cela n’a pas d’importance. Le gouvernement intérimaire étant un gouvernement national, qui prend la place des gouvernements spéciaux même dans les affaires purement intérieures des deux pays, il va de soi que toutes les Affaires étrangères, elles aussi, devaient être traitées « unionnellement ».

    La loi fondamentale donnait au roi la liberté de confier à des personnes n’occupant pas de fonctions publiques l’expédition des Affaires étrangères ; mais elle ne pouvait être maintenue lorsqu’il n’y avait plus de roi régnant.

    Comme cette liberté n’existait pas en Suède, on trouva tout naturel de charger du rapport de toutes les Affaires étrangères, dans ce collège unnionel, un des hommes qui s’en était continuellement occupé en vertu de ses fonctions.

    Suivant la proposition du Storthing norvégien, il fut donc établi, dans l’article vii}} de l’Acte d’Union, que le rapport serait fait par le chancelier de la Cour, suédois, remplacé par le ministre des Affaires étrangères ; il en était de même pour d’autres affaires communes ressortissant d’ailleurs directement du roi, et qui étaient aussi, d’après la proposition du Storthing, confiées à ce même fonctionnaire suédois.

    Il importe donc de remarquer que ce fut justement au chancelier de la Cour, qui entretenait avec le roi des rapports plus personnels, et non pas au ministre des Affaires étrangères que cette charge fut tout d’abord confiée, lorsque l’intérim du gouvernement fût nécessaire. Si l’on avait vraiment pensé que les deux pays dussent avoir un ministre des Affaires étrangères commun, il est difficile de comprendre pourquoi ce ministre ne devait pas continuer à rester en fonctions, en cas de gouvernement intérimaire.