Aller au contenu

La Plante/Partie I, chapitre XX

La bibliothèque libre.
Charles Delagrave (p. 201-211).
◄  XIX. — Structure des Feuilles
Partie I.
XX. — Séve ascendante

XX
Séve ascendante.

Endosmose. — Absorption par les racines. — Capillarité. — Action du feuillage. — Ascension de la séve. — Expérience de Hales. — Conservation du bois. — Nature de la séve ascendante. — Calcul de Vauquelin. — Masse d’eau évaporée par un arbre. — Modification de la séve dans son trajet. — Érable à sucre. — Vin de palme.

Nous allons rechercher comment les végétaux se nourrissent ; et comment, avec un petit nombre de matériaux, de l’eau, quelques gaz, quelques sels, de valeur nutritive absolument nulle pour nous, ils parviennent à composer les substances si variées qui nous font vivre tous. Pour ne pas nous égarer en ces difficiles questions, ce ne serait pas trop que d’appeler à notre aide les plus savantes ressources de la physique et de la chimie, et encore combien ne resterait-il pas de faits à l’état d’impénétrables mystères. Ces ressources, je ne peux en disposer : votre âge ne les comporte pas. Forcément je serai donc bref, très-incomplet. Si mes explications parfois vous échappent, n’oubliez pas la difficulté du sujet ; n’oubliez pas non plus que les connaissances d’un âge plus mûr achèveront de mettre en pleine lumière les points où je vais essayer aujourd’hui de jeter un premier jour.

Et d’abord demandons-nous de quelle façon les plantes prennent dans le sol les substances qui leur sont nécessaires. Une expérience de physique va nous l’apprendre, expérience toute simple, à votre portée et dont vous pouvez construire vous-même l’outillage. — Prenons un tube de verre ouvert aux deux bouts, de la longueur d’un mètre plus ou moins, et du calibre d’une forte plume. Procurons-nous d’autre part la vessie d’un lapin et nouons son orifice à l’un des bouts du tube. Remplissons enfin la vessie d’eau gommée ou sucrée et plongeons-la dans de l’eau pure, le tube qui lui sert de col restant au dehors, dressé verticalement. L’appareil est alors abandonné à lui-même, maintenu en place de manière que la vessie soit de partout enveloppée par l’eau pure et ne touche pas le vase qui contient celle-ci. La membrane se trouve de la sorte en rapport par chacune de ses faces avec un liquide de nature différente. Au dehors, elle est baignée par un liquide plus léger, plus fluide : l’eau pure ; au dedans, par un liquide plus lourd, plus visqueux : l’eau gommée ou sucrée. Eh bien ! dans ces conditions, un fait des plus remarquables se passe : petit à petit, des heures durant, l’eau pure s’infiltre à travers la membrane, pénètre dans la cavité de la vessie et se mélange à l’eau gommée. Le contenu du sac membraneux augmente donc sans cesse, ce qui se traduit par une élévation du liquide dans le tube. Si l’appareil n’est pas trop long, l’eau gommée, accrue en volume aux dépens de l’eau pure qui lui vient à travers la paroi du sac, finit par atteindre l’extrémité supérieure du tube et par se déverser au dehors. La hauteur atteinte par le liquide ainsi soulevé dépend, du reste, de l’étendue de la membrane à travers laquelle l’infiltration se fait, du calibre du tube, de la nature des deux liquides et d’autres conditions encore. Le résultat que je viens sommairement de vous exposer est général : toutes les fois que deux liquides différents sont séparés par la cloison d’une membrane, le plus léger, le plus fluide filtre à travers cette cloison et se porte vers le plus lourd, le plus visqueux. On donne à cette propriété le nom d’endosmose.

Revenons aux racines de la plante. Dans leurs parties jeunes, à l’extrémité surtout de leurs plus fines ramifications, elles sont composées de cellules dont chacune réalise, avec une perfection inimitable, le sac membraneux de notre expérience. Ces cellules sont d’ailleurs pleines d’un liquide provenant de leur travail vital antérieur et analogue, par sa densité et sa viscosité, à l’eau sucrée ou gommée dont nous venons de nous servir pour l’endosmose. Enfin le sol est imbibé d’eau, qui tient en dissolution de très-faibles quantités de matières étrangères et par conséquent diffère à peine de l’eau pure. Toutes les conditions pour l’endosmose se trouvent ainsi réalisées : la membrane de la cellule est baignée, au dedans, par un liquide dense et visqueux ; au dehors, par un liquide plus fluide et plus léger. L’humidité du sol s’infiltre donc à travers les parois des cellules et pénètre dans les racines. Ce premier acte de la nutrition des plantes se nomme absorption.

Tandis que les cellules de la surface se gonflent en absorbant les sucs de la terre, les cellules plus profondes s’emplissent au contact des premières, également par endosmose, et de proche en proche le tissu cellulaire arrive à l’état de plénitude. Maintenant des canaux se présentent très-déliés et très-longs, propres à l’ascension du liquide jusqu’à telle hauteur qu’il sera nécessaire. Ce sont les vaisseaux, distribués à profusion dans le tissu ligneux et échelonnés l’un sur l’autre depuis l’extrémité des racines jusqu’aux feuilles. Ils représentent, dans le laboratoire du végétal, le tube de verre de notre appareil à endosmose. De même que ce tube s’emplit avec le trop-plein du sac membraneux, dont le contenu augmente toujours ; de même aussi, dans les vaisseaux de la plante, s’élève le liquide dont les cellules regorgent par une absorption continue. Il est difficile de préciser la hauteur que le liquide peut ainsi atteindre ; du moins, avec nos appareils, si défectueux lorsqu’on les compare à ceux de la nature vivante, on a reconnu que l’endosmose, s’exerçant entre de l’eau et du sirop de sucre, développe une poussée capable de soulever une colonne d’eau de quarante à cinquante mètres de hauteur. La puissance d’absorption des racines serait donc à elle seule suffisante pour amener l’eau puisée dans la terre jusqu’à l’extrémité de nos plus grands arbres. D’autres causes d’ailleurs sont en activité dans cette ascension. L’une d’elles est la capillarité.

Une nouvelle digression dans le domaine de la physique est ici nécessaire. — Un tube est dit capillaire lorsque son canal est très-étroit et comparable à un cheveu, en latin capillus. Si vous plongez par un bout dans un liquide un pareil tube librement ouvert à ses deux extrémités, vous constaterez les faits suivants, en contradiction avec ce qui nous est habituellement connu. Il est d’expérience familière, en effet, qu’un canal ouvert étant plongé par un bout dans l’eau, le liquide se maintient à l’intérieur au même niveau qu’à l’extérieur. Avec un tube capillaire, le résultat est tout différent : le niveau intérieur est tantôt plus bas, tantôt plus haut que le niveau extérieur. Il est plus bas si le liquide est de nature à ne pas adhérer aux parois du canal, à ne pas les mouiller. C’est ce qu’on observe avec un tube de verre plongé dans le mercure. Il est plus haut si le liquide peut adhérer aux parois du canal. C’est ce que l’on obtient avec un tube de verre plongé dans l’eau. Bornons-nous à ce dernier cas, l’autre étant étranger à la question qui nous occupe. Si l’on plonge, vous dis-je, un tube capillaire dans un liquide capable de le mouiller, le niveau intérieur s’élève au-dessus du niveau extérieur, et l’ascension du liquide est d’autant plus considérable que le canal est plus fin. Voilà le fait fondamental de la capillarité ; il vous sera très-facile de le vérifier avec des tubes capillaires de divers calibres et de l’eau colorée.

Considérons maintenant un corps poreux, tout criblé d’étroites lacunes, de fissures déliées. Ces lacunes, ces fissures, assimilables sous le rapport de la ténuité au fin canal des tubes qui précèdent, constituent des intervalles capillaires dans lesquels un liquide peut s’élever. Lorsque, par exemple, vous faites tremper, par un point seulement, un morceau de sucre dans le café, vous voyez le liquide brun gagner au delà du point baigné et bientôt imbiber tout le morceau. C’est la capillarité qui introduit le liquide dans les intervalles vides du sucre et le soulève au-dessus de son niveau. C’est par la capillarité encore que le tissu spongieux de la mêche amène l’huile du réservoir de la lampe à la flamme ; c’est par la capillarité qu’un tas de sable dont la base est dans l’eau s’imbibe jusqu’au sommet. Or, où trouver de meilleures conditions pour de tels résultats que dans le tissu d’un végétal ? Les cellules y laissent entre elles d’innombrables intervalles vides ; les vaisseaux y sont d’une finesse extrême, avec laquelle celle de nos tubes les plus étroits difficilement pourrait rivaliser. Il est dès lors visible qu’à l’action de l’endosmose s’ajoute, dans une large mesure, celle de la capillarité, pour élever jusqu’aux feuilles le liquide qu’absorbent les racines.

Lorsqu’au réveil de la végétation au printemps, l’arbre est encore en cet état dénudé où l’a laissé l’hiver, l’afflux des liquides aux extrémités supérieures se fait uniquement sous l’impulsion des deux forces que nous venons d’examiner ; mais à partir du moment où les bourgeons ont déployé le nouveau feuillage, une troisième cause d’ascension entre en jeu, plus puissante encore que les deux autres. Chaque feuille, vous le savez, est le siége d’une évaporation très-active, d’où résulte nécessairement un vide dans les organes qui ont fourni l’eau évaporée. Mais ce vide est aussitôt comblé par les organes voisins qui cèdent leur contenu et reçoivent à leur tour celui des couches plus profondes. De cellule en cellule, de fibre en fibre, de vaisseau en vaisseau, pareil effet se reproduit en des points de plus en plus éloignés des surfaces évaporantes et se propage jusqu’aux extrémités des racines, qui, par une continuelle succion, remplacent le liquide disparu. C’est en quelque sorte le jeu de la pompe aspirante, dont le piston laisse derrière lui un vide, immédiatement rempli par l’eau du canal, qui la reçoit lui-même du fond du puits. Que le vide soit fait par le déplacement du piston ou par l’évaporation des feuilles, le résultat est le même : c’est l’afflux de proche en proche du liquide, accourant remplir, sous la poussée de l’atmosphère, un espace non occupé.

Puissance d’endosmose des racines, capillarité des tissus, aspiration des feuilles, telles sont les principales causes de l’ascension de la séve. L’expérience suivante vous renseignera sur leur énergie. Très-ralentie, suspendue même pendant l’hiver, l’absorption acquiert, aux premières chaleurs du printemps, une activité qui dédommage la plante des longues torpeurs hivernales. C’est alors que, de la section de leurs rameaux amputés, les arbres fruitiers laissent écouler des pleurs, c’est-à-dire le liquide ascendant, qui s’extravase en l’absence de ses conduits naturels retranchés par la taille. Ces pleurs sont surtout abondants sur les plaies récentes de la vigne. Pour évaluer la force qui les pousse, le physiologiste Hales coupait transversalement un cep de vigne, et sur la section ajustait l’embouchure d’un tube de verre deux fois coudé et imitant la courbure d’un S. Le coude inférieur était alors rempli de mercure. La séve, arrivant dans la branche du tube en rapport avec le cep, pressait sur le mercure et le refoulait devant elle dans la branche libre. La hauteur à laquelle le mercure se trouvait de la sorte soulevé était évidemment la mesure de la force d’ascension de la séve. Or dans une première expérience, Hales vit la colonne mercurielle atteindre la hauteur de 0m,873 ; et dans une seconde, celle de 1m,028. Comme le mercure est treize fois et demi plus lourd que l’eau, la même pression aurait soulevé une colonne d’eau de 12 mètres environ dans le premier cas, et de 14 mètres dans le second. Vous voyez, mon cher enfant, que malgré l’excessive délicatesse du mécanisme en action, la plante, avec ses cellules qui se gorgent par endosmose, ses vaisseaux qui s’emplissent par capillarité, est capable de très-grands effets. Un simple tronçon de vigne, uniquement pourvu de ses racines, chasse l’eau à une élévation où nos pompes aspirantes ne la porteraient pas.

Cette propriété du tissu végétal de s’imbiber aisément sur de grandes étendues est mise à profit dans une opération trop importante pour que je la passe sous silence. Si compacte qu’il soit, le bois éprouve tôt ou tard de profondes altérations, au grand préjudice de nos charpentes. Divers insectes, à l’état de larves, s’en nourrissent ; des plantes cellulaires, champignons, moisissures, byssus, s’y développent. Ainsi labouré en tous sens par les larves qui s’y creusent des galeries et miné fibre à fibre par la végétation parasite, le bois ne tarde pas à s’imprégner d’air et d’humidité et à devenir le foyer d’une altération lente, dont le résultat final est l’humus ou terreau, cette poussière brune que vous avez eue si souvent occasion de voir dans les vieux troncs caverneux. Le bois immergé dans les eaux de la mer est livré à d’autres destructeurs, les tarets, mollusques qui le perforent et le criblent de trous de manière à le rendre en peu de temps semblable à une éponge. C’est pour prévenir les ravages des tarets que les navires en bois sont doublés de lames de cuivre dans la partie immergée.

Ces causes d’altération disparaissent ou sont du moins très-amoindries si le tissu ligneux est artificiellement imprégné de certaines substances qui empêchent l’attaque par les insectes et la pourriture. Parmi ces substances, je vous citerai la couperose bleue ou sulfate de cuivre, composé très-vénéneux, et le pyrolignite de fer, que l’on obtient en faisant dissoudre de la vieille ferraille dans du vinaigre à bas prix donné par la distillation du bois. Pour introduire ces agents préservateurs, on les fait absorber par l’arbre, à l’état de dissolution dans l’eau. À la base du tronc, encore debout et muni de son feuillage, quelques incisions sont pratiquées, autour desquelles on dispose une large bande de toile imperméable, liée haut et bas et formant une poche circulaire qui, par un tube, reçoit, d’un réservoir, la liqueur préservatrice. L’évaporation dont le feuillage est le siége provoque une puissante aspiration, qui porte le liquide jusqu’au sommet de l’arbre et le fait pénétrer dans les moindres interstices du bois. Si le tronc gît à terre, coupé à ses deux extrémités, on enveloppe sa base d’un sac imperméable où arrive, d’un récipient
Fig. 108. — Injection d’une liqueur préservatrice dans un arbre encore debout.
plus élevé, le liquide à injecter. La capillarité, l’endosmose de proche en proche, la pression enfin du liquide
Fig. 109. — La même opération pour un arbre abattu.
du réservoir, remplacent ici l’aspiration des feuilles. On peut encore se proposer de faire absorber à des bois blancs des matières colorantes qui leur donnent telle ou telle autre teinte recherchée en ébénisterie. On y parvient par des moyens analogues.

En pratiquant les opérations dont je viens de vous donner une idée, on remarque que la liqueur préservatrice s’engage aisément dans le bois extérieur ou aubier et ne pénètre qu’avec une difficulté extrême dans le cœur ou bois parfait. La raison ne peut vous en échapper. Le bois extérieur est le plus jeune, il est formé de fibres et de vaisseaux dont les cavités sont libres ; le bois intérieur est le plus vieux, ses fibres et ses vaisseaux sont encroûtés de matière ligneuse, obstrués de couches surajoutées, décrépits et hors d’usage enfin. Le liquide s’engage donc là où la circulation est possible ; il cesse de pénétrer là où le passage est trop laborieux. C’est vous dire que l’ascension de la séve se fait par l’aubier et principalement par les couches superficielles, de formation plus récente. L’expérience directe ne laisse aucun doute à cet égard. Lorsqu’on abat un arbre, au moment de l’activité de la séve, on trouve l’aubier humide et le bois parfait sec. Enfin dans les plantes herbacées et dans tous les végétaux dont la partie centrale ne durcit point, c’est par l’ensemble des faisceaux ligneux que s’accomplit l’ascension.

Si l’on veut recueillir la séve pour en étudier la nature, le moyen est des plus simples. Avec une tarière, on pratique un trou de sonde, un peu obliquement de bas en haut, dans l’aubier d’un arbre déjà fort, et l’on ajuste à l’orifice un bout de roseau pour servir de bec d’écoulement. Un flacon reçoit le liquide, qui suinte goutte à goutte. Or que vous attendriez-vous à trouver dans le contenu d’une fiole remplie par de semblables saignées ? Beaucoup de choses, sans doute, car enfin ce précieux liquide est la matière première dont la plante doit composer tout ce qu’elle contient, cellulose, sucre, fécule, résines, huiles, essences, parfums et tant d’autres produits encore. De l’étonnante richesse des résultats, vous concluez à l’extrême multiplicité des matériaux mis en œuvre. Si telle est votre pensée, détrompez-vous : la séve ascendante n’est à peu près que de l’eau claire ; et souvent c’est à grand’peine que la science parvient à y constater les quelques substances dissoutes, tant est faible leur proportion. Parmi ces substances, les plus fréquentes sont des sels de potasse, des sels de chaux et de l’acide carbonique. Bref, le liquide d’où la plante doit tirer sa nourriture est un brouet des plus clairs, composé d’une masse énorme d’eau et de quelques traces de matières en dissolution, assez variables d’une espèce végétale à l’autre. Ces rares matières sont seules, ou peu s’en faut, utilisées par la plante ; et l’eau qui les a recueillies en lavant le sol, puis les a charriées des racines aux feuilles à travers l’aubier, l’eau qui forme la presque totalité de la séve, doit, aussitôt le trajet accompli, retourner par l’évaporation à l’atmosphère, d’où elle était descendue à l’état de pluie. Combien faut-il donc qu’il passe de litres de ce pauvre liquide dans les vaisseaux d’un arbre, combien faut-il qu’il s’évapore d’eau par les feuilles pour que le résidu en substances utilisables représente le poids de l’accroissement annuel ? Un calcul de Vauquelin va nous l’apprendre.

De la composition de la séve, le célèbre chimiste déduit que, pour parvenir au poids de 457 kilogrammes, un orme doit absorber dans la terre, puis exhaler en vapeurs dans l’air, 162600 litres d’eau, ou 355 litres par kilogramme d’accroissement. En admettant que, dans les six à sept mois que dure la végétation, le poids d’un orme augmente de 24 kilogrammes, l’eau absorbée puis évaporée pour l’accroissement annuel serait alors de 8 à 9 mètres cubes. Un tel calcul vous laisse confondu si l’on songe à l’immense travail mécanique effectué par une forêt entière pour soutirer dans les couches du sol, puis élever à une quarantaine de mètres de hauteur, et finalement verser dans l’air les torrents d’eau de la séve. Et ce prodigieux labeur s’accomplit tout calme, invisible, à peine soupçonné ; l’effrayante charge est soulevée à la cime des plus hautes futaies et jetée aux quatre vents sans faire fléchir le moindre rouage du délicat mécanisme végétal. La cellule, qu’un attouchement meurtrit, associée à d’autres cellules fait œuvre de Titan.

La séve n’est cependant pas toujours l’eau claire dont Vauquelin est parti pour ses calculs. Tous les végétaux puisent certainement dans le sol un liquide très-pauvre ; mais, à mesure qu’il pénètre plus avant dans l’épaisseur des tissus, ce liquide dissout diverses substances tenues en réserve dans les cellules et provenant d’un travail antérieur. Par une saignée pratiquée à la tige, on obtient donc souvent, non ce que les racines ont réellement absorbé, mais bien une séve enrichie des produits trouvés sur son trajet, de sucre notamment. C’est ainsi qu’un érable de l’Amérique du Nord laisse écouler des entailles faites à son tronc un liquide à saveur très-douce, d’où l’on retire du sucre par évaporation. C’est ainsi encore que divers palmiers, dont on ampute le gros bourgeon terminal, pleurent une séve sucrée, qui, fermentée, donne le vin de palme, et distillée après fermentation, l’eau-de-vie nommée arrack.

Le liquide puisé dans le sol arrive, par conséquent, aux feuilles déjà modifié ; il contient, en outre des principes fournis par la terre, ceux que lui ont cédés les tissus parcourus dans son ascension. Néanmoins ce n’est pas encore un fluide nourricier ; pour le devenir, cette séve brute ou séve non élaborée doit subir, dans les feuilles, d’abord une évaporation qui lui enlève l’eau en excès, et enfin des remaniements chimiques qui lui donnent des propriétés toutes nouvelles. Je vous ai déjà parlé de l’évaporation ; reste l’acte chimique des feuilles, le plus remarquable de tous ceux qu’accomplit la chimie des êtres vivants.