La Princesse des airs/I/3

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III


AUX CHANTIERS DE L’AÉROSCAPHE


Le docteur Rabican, dont M. Bouldu et Van der Schoppen partageaient, d’ailleurs, les opinions, n’avait jamais voulu confier à d’autres qu’à lui-même l’éducation de ses enfants.

Ludovic Rabican n’avait jamais connu ni devoirs fastidieux, ni leçons fatigantes, ni pensums inutiles.

Le docteur s’était contenté d’éveiller habilement sa curiosité, ou de piquer son émulation.

Dès que l’enfant avait su lire, une collection de volumes, choisis avec soin, avait été mise à sa disposition.

Le docteur complétait, par des explications données sur le ton de la causerie familière, le résultat de ces lectures.

Grâce à cette méthode, Ludovic avait fait des progrès surprenants.

Il était beaucoup plus avancé que nombre de ses camarades plus âgés que lui, et pourtant accablés de leçons et de répétitions.

Tout enfant, il s’était [1] passionné pour l’étude, dont on avait su lui faire goûter le charme, en lui en évitant l’amertume.

Ce système avait même si complètement réussi que, parfois, le docteur craignait d’avoir été trop loin, d’avoir forcé la croissance de ce jeune cerveau.

À certains jours, Ludovic posait à son père des questions effarantes, des questions qui étaient plutôt d’un savant déjà avancé dans sa carrière que d’un enfant.

Ces questions rendaient soucieux le docteur.

Il se demandait, avec inquiétude, si plus tard, devenu homme, Ludovic ne perdrait pas ses brillantes facultés ; si, faute d’un développement graduel et modéré, il n’était pas destiné à devenir, comme la plupart des petits prodiges, un homme fort ordinaire dans la suite de sa vie.

– Pourtant, réfléchissait-il, on ne peut pas dire que je l’ai surmené. Je ne lui ai jamais dit de travailler. Il a étudié toujours avec plaisir, et j’ai dû, bien des fois, me fâcher pour l’envoyer à la promenade, ou lui cacher des volumes qu’il me réclamait avec insistance

Ludovic était d’une grande vivacité d’intelligence, et d’une extrême sensibilité de tempérament.

Il voulait comprendre tout ce qu’il voyait ; et tout ce qu’il avait compris, il voulait le réaliser.

Il enrageait de n’être pas encore un homme, et de ne pouvoir partir, courageux explorateur, à la découverte de régions inconnues, de ne pouvoir tenter des descentes en navire sous-marin, ou des ascensions en dirigeable.

Mais la navigation aérienne surtout l’enthousiasmait.

Un aéronaute lui apparaissait comme un être merveilleux.

L’imagination de l’enfant, surchauffée par les conversations de son père et par les récits d’Alban Molifer, lui représentait les couches supérieures de l’atmosphère comme la seule patrie vraiment désirable.

Planer au-dessus de la mer des nuages, dans un ciel éternellement pur, éclairé par des astres dont nulle vapeur, nul brouillard ne vient troubler l’éclat, voir à ses pieds se former et se dissoudre les tempêtes, être emporté sans secousse par ces courants aériens qui traversent l’Europe en quelques heures, quel rêve !…

Pour Ludovic, la science laissait bien loin derrière elle les inventions les plus audacieuses des conteurs orientaux.

Le tapis merveilleux de la reine de Saba, l’anneau du Roi des Génies, et même la lampe d’Aladin, ne lui paraissaient que de misérables imaginations à côté du microphone qui permet au premier venu, comme à la fée Fine-Oreille elle-même, d’entendre l’herbe pousser – à côté du téléphone[2], cent fois[3] plus commode et plus pratique que les miroirs magiques où les enchanteurs faisaient apparaître l’image des absents – à côté des rayons Rœntgen qui photographient jusqu’à l’invisible – du cinématographe qui reproduit les mouvements mêmes de la vie – du phonographe qui emmagasine, pour les siècles futurs, la voix de nos cantatrices et les tirades de nos tragédiens – enfin de cent autres prodiges, effectués par la science, et que l’enfant s’énumérait avec émerveillement.

Ludovic regardait comme presque immédiatement réalisables les hypothèses hardies, mais pourtant justifiées, qui nous montrent, dans l’avenir, une humanité enfin libérée des lois de la pesanteur, installant au-dessus de la région des nuages, dans un air cent fois plus pur et plus vivifiant que le gaz empoisonné de miasmes que nous respirons, des cités flottantes, des îles aériennes, transportées rapidement autour de notre globe par les courants atmosphériques.

L’enfant s’était juré d’être aéronaute ; et quand son père le réprimandait doucement, lui conseillant d’attendre pour se choisir une vocation, il répondait que son parti était irrévocablement pris, que son choix était fait, que rien ne pourrait, désormais, le faire changer de résolution,

Ludovic émerveillait, par ses récits d’anecdotes aérostatiques, ses petits amis, Yvon Bouldu et les frères Van der Schoppen – Karl, Wilhem et Pétrus – qui, comme lui, avaient reçu une éducation presque exclusivement scientifique.

Il possédait, pour son âge, une érudition vraiment complète sur l’histoire de tous les inventeurs de machines volantes, depuis Icare jusqu’au colonel Renard et à Santos-Dumont, en passant par le jésuite Lana, les frères Montgolfier et le marquis Pilâtre des Roziers, sans oublier ce mécanicien espagnol dont le nom s’est perdu et qui, à Paris, sous la Restauration, s’envola, en présence d’une foule de curieux, et parcourut ainsi un espace de plus de trois cents mètres.

Les camarades de Ludovic, tout en s’intéressant à ses récits, ne partageaient pas entièrement son enthousiasme.

Yvon Bouldu, d’un tempérament très énergique, ne désirait qu’une chose, l’action et la lutte.

Il se promettait, plus tard, d’explorer les trois grands continents qui sont encore demeurés presque entièrement fermés à la civilisation européenne : l’Amérique du Sud et les forêts mystérieuses de l’Amazone ; l’Afrique avec ses lacs grands comme des mers, et ses peuples inconnus, parmi lesquels, il y a quelques années, on a retrouvé le peuple des Pygmées décrit par Hérodote ; enfin et surtout, cette Asie centrale où se trouvent les plus hautes montagnes du globe, et où la religion du Grand Lama possède plus de fidèles que l’église catholique romaine n’en a dans le monde entier.

Yvon Bouldu était un explorateur-né.

Quant aux jeunes Van der Schoppen, ils avaient des goûts beaucoup plus sédentaires.

Quoique l’exemple et les conseils paternels les eussent endurcis aux batailles, ils étaient, au fond, d’un tempérament très paisible.

Karl et Wilhelm adoraient l’herborisation et l’étude des insectes.

Dans les bois qui avoisinent Saint-Gond, ils faisaient de longues promenades, interrompues à chaque clairière, par de petits pugilats hygiéniques.

Quand à Ludwig et à Pétrus, ils étaient encore trop jeunes pour avoir une vocation bien marquée.

Ils se contentaient, pour le moment, de se bourrer d’énormes tartines, et de se chamailler, toute la journée, avec leur petite sœur Dorothée.

Au demeurant, les Van der Schoppen, grands et petits, vieux et jeunes, se ressemblaient tous.

Ils avaient les mêmes yeux, bleus et clairs, à fleur de tête, la même tignasse blonde ébouriffée, les mêmes faces rondes et roses, et les mêmes gestes, maladroits et lourds.

Yvon Bouldu, tout en étant en excellents termes avec Karl Van der Schoppen et ses frères, ne leur gardait pas, dans son affection, la même place qu’à Ludovic et à sa sœur Alberte.

Il tenait les petits Allemands pour de bons camarades, un peu bruyants, un peu batailleurs, et c’était tout.

À Ludovic, au contraire, il donnait toute sa confiance, ne lui cachant rien, et ne lui ménageant même ni les conseils ni les leçons.

Aussi, le jeune homme passa-t-il tout l’après-midi, là même où son père lui avait interdit d’aller, chez le docteur Rabican.

Le jeune homme se demandait avec angoisse si la brouille allait durer, s’il allait être, désormais, séparé pour toujours de ses amis ou forcé de ne les voir qu’en cachette.

Le mécontentement d’Yvon s’augmenta lorsque, à la tombée de la nuit, il vit Jonathan se glisser dans la rue et se diriger, en rasant les murs, comme quelqu’un qui craint d’être observé, du côté de la ville basse.

– Il faudra bien pourtant, s’écria le jeune homme en fermant les poings, que je règle un jour mon compte avec ce misérable. Il n’a déjà fait que trop de tort à mon père… Une première fois il a réussi à chasser d’ici Alban Molifer, que j’estime comme un savant et un homme de cœur. Maintenant, il sème la brouille entre mon père et son seul véritable ami, le docteur Rabican… Mais, je jure que j’y mettrai bon ordre ! Je trouverai le moyen de démasquer cet hypocrite Yankee !

Pendant qu’Yvon se dépitait ainsi, en cherchant vainement un moyen de réconcilier son père et le docteur Rabican, Jonathan s’était faufilé dans le parc.

Profitant de l’abri des grands arbres, se dissimulant derrière leurs troncs quand il apercevait un promeneur, l’Américain marchait, d’un pas rapide, vers une clairière où s’élevait une immense baraque en planches.

C’était là, sur un terrain prêté à Alban Molifer, grâce à l’influence du docteur Rabican, qu’avait été installé, provisoirement, l’atelier de construction de l’aéroscaphe : la Princesse des Airs.

Jonathan passait rarement une journée sans aller rôder de ce côté.

Il s’y sentait attiré par une invincible puissance.

Tous les soirs, son instinct malfaisant le conduisait là.

Il restait, parfois des heures, tapi dans un enfoncement sombre, à regarder, avec mille pensées de haine, le mince filet de lumière qui filtrait au-dessous de la porte. Il revenait de ces promenades plus jaloux et plus aigri contre Alban et son protecteur.

Ce soir-là, tout en continuant à prendre de minutieuses précautions, il marchait d’un pas très allègre.

Depuis le départ du professeur Van der Schoppen, il avait échafaudé tout un plan qui devait, croyait-il, le faire triompher de ses adversaires.

– Le professeur l’a bien dit, se répétait l’Américain, en foulant, avec précaution, le gazon humide de rosée, il suffirait d’un léger accident, d’un rien, pour faire manquer l’ascension de leur fameuse machine !… Eh bien, cet accident aura lieu, je le promets !

Haineusement, en disant ces mots, Jonathan tâtait, dans la poche intérieure de son veston une lime, un ciseau à froid et une clef anglaise qu’il avait eu soin d’emporter.

– Avec ces outils, ricana-t-il, j’ai de quoi démolir, en dix minutes, le plus bel aéroscaphe du monde… Et si je rencontre quelqu’un, malheur à lui !…

Aux abords de l’atelier, tout était silencieux.

Pas une lumière ne brillait entre les interstices de la palissade.

– Personne, murmura Jonathan. Ils sont tous partis !… Voilà le moment ou jamais !

Il se hissa pour enjamber la clôture.

Mais, à ce moment, une poigne de fer le saisit à la gorge, et il se trouva face à face avec Alban.

– Que faisais-tu là ? lui demanda celui-ci en le secouant rudement.

L’Américain tremblait de tous ses membres.

Les outils, qu’il avait apportés, avaient roulé à terre ; et dans la pénombre, Alban les avait aperçus.

Il comprit tout.

– Tu venais, s’écria-t-il, pour détruire le résultat des découvertes que tu as d’abord essayé de me voler !… Tu es le dernier des misérables ! Je devrais te livrer à la justice, ou te tordre le cou comme à un animal nuisible !

Le Yankee, haletant, à demi étranglé, n’avait garde de répondre.

– Tiens, ajouta l’acrobate avec dégoût, je te méprise trop… Tu n’es même pas capable de me nuire.

Et d’un formidable coup de poing, Alban l’envoya rouler à quelques mètres de là.

Jonathan tournoya, deux ou trois fois, sur lui-même, roula sur le sol, et se releva, tout meurtri.

Puis, il s’éloigna, en boitant.

Seulement, quand il fut à une bonne distance de son adversaire, il se mit à proférer une foule d’injures et de menaces, à l’adresse d’Alban Molifer.

Jonathan regagna piteusement son laboratoire, à la fois furieux et inquiet des suites de son équipée.

Cette imprudence pouvait lui coûter cher.

Si le météorologiste apprenait la vérité, il mettrait infailliblement à la porte, et peut-être ferait-il jeter en prison son trop zélé préparateur.

Jonathan se coucha donc, ce soir-là, plus haineux et plus mécontent que jamais.

La pensée que M. Bouldu ne voudrait même pas écouter les dénonciations de son adversaire, le rassurait à peine.

Alban Molifer, une fois seul, avait ramassé les outils qui pourraient, au besoin, servir de pièces à conviction ; puis il était rentré dans son atelier, qu’il n’osait plus abandonner.

Le premier mouvement de colère passé, il se trouvait profondément découragé.

Ainsi, ses ennemis ne reculaient même pas devant un crime, pour avoir le dessus dans cette lutte !

Après quelques réflexions qui lui rendirent tout son courage, il conclut qu’il n’avait rien d’autre à faire, que de veiller, nuit et jour, sur son œuvre.

Le soir même, Robertin, un ouvrier de confiance qui avait exécuté les parties les plus délicates du mécanisme de l’aéroscaphe, s’installa dans une cabane en planches, qui se trouvait près de la porte d’entrée de l’atelier.

Il devait y coucher une nuit sur deux, et alterner, dans sa surveillance, avec Rondinet, son aide et son camarade.

Pour plus de sûreté, un chien de garde, emprunté à un voisin, fut laissé libre dans la première enceinte de la palissade.

Alban se retira, un peu rassuré par ces précautions ; mais avant de rentrer chez lui, il se rendit à l’institut Rabican, pour avertir immédiatement le docteur, du fait grave qui venait de se produire.

Le docteur partagea l’indignation de son ami pour le procédé inqualifiable dont il avait failli être victime.

– Cependant, dit Alban, je ne croirai jamais que M. Bouldu qui, malgré son tempérament coléreux, est d’une loyauté parfaite, ait ordonné ou conseillé à Jonathan d’essayer de détruire nos appareils.

– Je ne le crois pas non plus, approuva le docteur, après un silence. Je réponds de l’honnêteté de mon vieux camarade.

– Jonathan serait donc le seul coupable ?

– Sans aucun doute. Lui seul peut avoir conçu l’idée d’un pareil crime.

– Mais alors, interrogea Alban très perplexe, que me conseillez-vous ? Dois-je avertir M. Bouldu, ou déposer une plainte contre Jonathan ?

Le docteur réfléchit un instant.

– Déposer une plainte, répondit-il, je ne vous y engage pas. Vous n’avez ni preuves ni témoins. Jonathan, appuyé par Bouldu, niera effrontément, prétendra que vous ne l’accusez que par rivalité scientifique. Dans le doute, la justice s’abstiendra…

– Mais ces outils que j’ai gardés ! interrompit Alban. Voilà des pièces à conviction.

– Ces outils ne constituent pas des pièces à conviction. On en trouve des milliers de pareils dans tous les ateliers d’ajustage, et même chez tous les quincaillers.

– Dans ce cas, je n’hésite plus. Je vais aller tout raconter à M. Bouldu. Sa première fureur passée, il me donnera probablement raison.

– Je vous aurais proposé, moi-même, de vous y accompagner, si je ne le connaissais trop bien pour savoir qu’il ne voudra pas écouter, de nous, un seul mot d’explications. Il ne verra dans notre récit, qu’une nouvelle machination de notre part, pour perdre son cher Jonathan. Il nous mettra à la porte, et nous abominera d’invectives. L’Américain, d’ailleurs, a dû prendre les devants et lui expliquer les faits à sa façon… Avec tout autre que Bouldu, je vous dirais : « Tentons l’aventure. » Mais il est têtu comme un âne rouge, et aussi brutal et aussi violent que les cyclones et les trombes dont il fait son étude favorite.

– Cependant, dit Alban avec une nuance d’irritation dans la voix, nous ne pouvons laisser détruire nos appareils par ce bandit !…

– Faites bonne garde. Ne vous relâchez pas un instant de votre vigilance. Faites vous-même, chaque nuit, une ronde autour des ateliers… Je n’ai rien de mieux à vous conseiller.

Alban se trouvait tout dépité.

Il pensait, à part soi, qu’il s’était peut-être un peu hâté de se montrer généreux envers son ennemi, et de le remettre si aisément en liberté.

Le docteur, qui devinait les sentiments d’Alban, s’efforça de dissiper sa contrariété, et de lui redonner du courage par quelques bonnes paroles.

– Croyez-moi, mon cher ami, lui dit-il. Dans la lutte que nous soutenons, notre probité et[4] notre désintéressement sont une grande force. La foi, même et surtout la foi scientifique soulèvent les montagnes. Nous réussirons, peut-être, là où de plus habiles, moins enthousiastes que nous, auraient échoué. L’âme des savants, qui ont tout sacrifié à leurs convictions, l’esprit des Archimède, des Galilée, des Képler, des Pasteur et de bien d’autres, nous soutient, et combat avec nous.

– Votre opinion, répondit Alban rêveur, est aussi la mienne. L’avenir montrera qu’elle est plus rationnelle et plus scientifique que beaucoup de gens ne le pensent. Dans la nature, aucune force ne se perd. Pourquoi la puissance psychique, la plus formidable de toutes, s’anéantirait-elle ?… Je n’en donnerai qu’une preuve. En dépit de tout, le progrès humain est un fait. Triomphante des superstitions, des préjugés et des bas instincts, la conscience de l’humanité s’affirme, de jour en jour, plus scrupuleuse et plus forte.

Une fois la conversation orientée du côté des idées générales, Alban et le docteur eurent vite oublié la tentative de vandalisme qui les avait, d’abord, tant préoccupés.

Émerveillé, le petit Ludovic écoutait, dans un profond recueillement, son père décrire, avec un véritable lyrisme, les splendeurs du siècle futur.

– Le xxe siècle, s’écriait le docteur Rabican sera le plus prodigieux, dans l’histoire des races humaines… Nos petits-fils, débarrassés des chaînes pesantes de l’attraction terrestre, maîtres des domaines aériens, délivrés des horreurs de la maladie, connaîtront une existence libre, harmonieuse, éthérée, dont on n’eût jamais pu prévoir, jadis, la possibilité… Déjà, la médecine triomphe de toutes les maladies, recule même, audacieusement, les limites de la dissolution de l’être… Grâce aux rayons Rœntgen, les aveugles voient, les sourds entendent, les voiles de l’invisible s’écartent. Grâce à la chirurgie antiseptique, les organes les plus essentiels sont extraits, guéris, nettoyés et remis en place. La vieillesse même et la caducité reculent devant la force électrique, ancienne puissance créatrice des univers, et que nous commençons à savoir capter… Sur la terre, débarrassée de la fumée délétère des usines, rendue, dans toute sa surface, belle par ses villes et verte par ses feuillages, nos petits-neveux habiteront des édifices entourés de jardins, où la science des saisons, enfin conquise, fera régner un éternel printemps. Ils s’élanceront, d’un lieu à l’autre, à travers les nuages ; ils sillonneront, avec la vitesse d’une ardente pensée, les flots de la mer et les entrailles du sol. Ils se mettront en communication avec les habitants des astres voisins, et recevront d’eux les moyens d’augmenter encore leur bonheur.

Le docteur continua, avec un enthousiasme croissant :

– Le travail sera devenu facile, presque inutile. L’homme n’aura plus guère qu’à surveiller de dociles et infatigables machines qui, sous ses yeux, transformeront la matière au gré de ses désirs. Allégé des soucis matériels, il pourra, tout entier, s’adonner au culte de la science et de la beauté. L’homme deviendra meilleur… Un vice est presque toujours le résultat d’une maladie. C’est dans les lieux où l’oxygène est le plus raréfié, qu’il se commet le plus de crimes. La statistique des suicides et des meurtres concorde avec le tableau météorologique des saisons. La morale est l’hygiène de l’esprit, comme l’hygiène est la morale du corps.

Pendant cette longue tirade, le docteur s’était promené, à grands pas, dans le salon.

Ses longs cheveux argentés voltigeaient autour de ses tempes ; une flamme juvénile brillait dans ses yeux.

Il s’arrêta enfin, en face d’Alban ; et lui serrant les mains avec effusion :

– Pour vous, mon cher ami, s’écria-t-il, vous aurez été un des glorieux promoteurs de l’ère bienheureuse qui va s’ouvrir. Votre place est marquée dans la reconnaissance des générations, à qui vous allez assurer, définitivement, la possession des plaines aériennes.

Alban se retira, très ému. Aux chaleureuses paroles du docteur, son découragement s’était évanoui, comme ces vapeurs malsaines que dissipent les premiers rayons du soleil.

Il avait passé la porte, bien décidé à faire un tour dans la direction des ateliers avant de rentrer chez lui lorsque, en traversant le vestibule de l’institut, que décoraient de hautes statues de bronze portant des torchères électriques, il se sentit tiré par la basque de sa jaquette.

C’était le petit Ludovic, encore sous l’impression des paroles qu’il venait d’entendre.

– Monsieur Alban, dit-il, d’une voix suppliante, je voudrais vous faire une demande… Est-ce que vous me permettrez, dans deux ou trois jours, d’aller visiter les ateliers de la Princesse des Airs, où papa n’a jamais voulu me mener ?

La figure de l’enfant exprimait un si ardent désir, qu’Alban n’eut pas le courage de refuser.

– Eh bien, oui, fit-il… Accordé. Mais venez seulement la semaine prochaine, quand le montage des moteurs sera terminé, et que l’atelier sera un peu moins encombré.

L’aéronaute se retirait.

Ludovic le retint encore.

– Monsieur Alban, balbutia-t-il timidement, je voudrais bien aussi emmener avec moi mon ami Y von Bouldu… Mais vous allez sans doute me refuser ; je sais que vous êtes brouillé avec son père.

– Cela est vrai, répondit sérieusement Alban. M. Bouldu s’est montré fort injuste à mon égard ; mais j’ai toujours eu beaucoup d’amitié pour Yvon qui a pris mon parti, à qui je dois beaucoup de reconnaissance, et qui, d’ailleurs, déteste Jonathan presque aussi cordialement que moi-même.

Ludovic est maintenant tout joyeux.

Le rendez-vous avait été fixé pour le mercredi d’après, dans la matinée.

Aucun incident ne se produisit les jours suivants.

Les travaux étaient poussés avec une activité fébrile.

Alban Molifer, aidé de Robertin et de Rondinet, travaillait nuit et jour.

Le montage de l’aéroscaphe fut poussé avec une telle hâte, qu’on put bientôt prévoir que l’expérience décisive aurait lieu une semaine plus tôt qu’on ne l’avait prévu.

En attendant le jour fixé pour la visite des ateliers, Ludovic avait peine à contenir son impatience.

Toutes les nuits, il voyait en songe des machines aérostatiques, toutes plus bizarres et plus compliquées les unes que les autres.

Une nuit, il rêva qu’il était monté, avec tous ses parents, son ami Yvon Bouldu et ses camarades, les petits Van der Schoppen, dans la nacelle d’une immense machine volante armée d’hélices, d’ailes en toile, et de tuyaux de machine à vapeur.

Le ballon se dirigeait, avec une rapidité extraordinaire, vers un pays féerique, lorsque d’en bas, on avait tiré des coups de canon sur le ballon.

Ludovic avait vu le projectile arriver, grossir démesurément, et finalement, prendre la forme d’un énorme oiseau de proie qui, les ailes étendues, les serres en avant, se précipitait avec une vitesse vertigineuse.

Le plus étrange, c’est que cet oiseau de proie, qui ressemblait assez, pour le reste, à un vautour, avait la tête de l’Américain Jonathan Alcott, dont les yeux étincelaient de haine, et dont un mauvais sourire plissait les lèvres.

Ludovic voyait déjà les serres d’acier du monstre, aussi larges et aussi acérées que des faux de moissonneurs, à quelques mètres à peine de l’aérostat, dont elles menaçaient de déchirer l’enveloppe, lorsque Alban, à l’aide d’un de ses appareils, avait dardé, vers l’oiseau fantastique, un rayon de lumière.

Jonathan avait poussé un grand cri.

Un sourd roulement de tonnerre s’était fait entendre ; et le vautour, devenu un énorme nuage noir, avait été promptement dissipé et déchiqueté en lambeaux par la brise…

Quoiqu’il ne fût pas superstitieux, Ludovic s’éveilla, tout réjoui de ce rêve, qui semblait présager, à ses amis, un triomphe complet.

Quand il fut bien réveillé, il constata, avec une vive satisfaction, en jetant un coup d’œil sur le calendrier qui se trouvait près de son lit, qu’il était arrivé au mercredi, et qu’il ne lui restait plus que quelques heures à patienter pour pénétrer dans les ateliers de l’aéroscaphe.

Il s’habilla en toute hâte, et alla rejoindre son ami Bouldu qui l’attendait près de la grille de parc.

Yvon n’était pas seul.

Le fils aîné du docteur Van der Schoppen, Karl, se trouvait avec lui.

Ludovic fut un peu contrarié de la présence du jeune botaniste ; mais Karl était un si bon camarade, un si franc et si loyal garçon, que sur l’insistance d’Yvon, il se décida à l’emmener aussi.

Karl, d’ailleurs, promit solennellement d’être muet sur l’escapade.

À cette heure, les avenues du parc étaient encore presque désertes ; on n’y voyait que quelques promeneurs, attirés par la beauté de cette matinée de printemps.

Les trois jeunes gens étaient ravis de leur équipée ; et ce fut avec une joie de précoces conspirateurs qu’ils se glissèrent, les uns après les autres, par la petite porte de la palissade.

Le chien de garde, pour qui Ludovic avait eu l’attention d’apporter un morceau de sucre, signala leur arrivée par ses aboiements.

Alban apparut au seuil de la seconde porte, et introduisit, lui-même, ses visiteurs, dans l’atelier.

Il fronça légèrement les sourcils à la vue du jeune Van der Schoppen ; mais la physionomie naïve et loyale du petit Allemand le rassura.

D’ailleurs Yvon répondit de lui.

Quant à Ludovic, il s’était déjà précipité du côté de l’aéroscaphe, et demeurait perdu dans une muette contemplation.

Bientôt Yvon et Karl partagèrent son émerveillement…

Sur des traverses de bois s’allongeait une vaste coque d’acier et d’aluminium qui jetait, aux rayons du soleil, mille éclairs éblouissants.

L’aéroscaphe avait à peu près la forme d’un gigantesque fuseau, percé de quelques étroites fenêtres.

À l’arrière, étaient fixées des hélices ; de chaque côté de l’avant, des portes, à fermeture hermétique, permettaient d’entrer dans l’appareil, ou d’en sortir.

Sur l’un des côtés se voyaient déjà deux immenses ailes en pégamoïd, que Robertin et son aide achevaient d’adapter.

La coque d’acier pouvait avoir quinze mètres de long sur trois mètres de large et quatre de hauteur.

Dans l’air il devait ressembler à quelque monstrueux oiseau.

– Il vous faudra sans doute, demanda Ludovic, un énorme ballon pour enlever toute cette masse ?

– Mon aérostat, répondit Alban, ne cube pas autant que vous pourriez le croire. Cela tient à ce qu’il est gonflé, non avec de l’hydrogène, ni même avec du coronium, ce gaz encore plus léger que découvrit, il y a quelques années, un savant italien, mais avec du « lévium centrifuge », une découverte de moi, un gaz presque impondérable, et qui est, lui, trente fois plus léger que l’hydrogène.

– Mais, interrompit Karl qui ouvrait de grands yeux, je vous avouerai que je ne comprends pas grand-chose à cette machine… Et d’abord, monsieur Alban, voudriez-vous m’expliquer, s’il vous plaît, comment fonctionne un ballon ordinaire ?

– Faut-il que tu sois ignorant !… s’écria Ludovic, sans laisser à l’aéronaute le temps de répondre… Un ballon monte dans l’air, pour la même raison qu’un bouchon flotte sur l’eau, parce qu’il est plus léger. Les ballons sont gonflés avec de l’hydrogène, gaz moins lourd que l’air, ce qui fait que le ballon s’élève.

– Mais pourquoi ne sait-on pas diriger les ballons ?

– Parce que, d’abord, répondit Alban, on les construit généralement de forme ronde, ce qui les rend aussi peu maniables que le serait un baquet à la surface de la mer. Aussi, maintenant, les dirigeables sont-ils généralement construits en forme de cigare. Ensuite, même en leur donnant cette forme, il faut encore leur imprimer une vitesse qui soit supérieure à celle des courants aériens dont ils sont le jouet, et au milieu desquels ils sont plongés.

– Oui, dit Ludovic ; et pour donner de la vitesse, il faut faire tourner des hélices ; et pour les faire tourner, il faut des machines très lourdes, que le ballon alors n’est plus assez fort pour enlever. Toute la difficulté est là.

– Aussi, mes jeunes amis, reprit Alban, malgré les magnifiques expériences du colonel Renard, les ballons sont-ils très peu pratiques comme machines aériennes… L’appareil que vous voyez est une machine plus lourde que l’air ; et elle s’y maintiendra, sans être soutenue par aucun sac rempli de gaz. Elle s’y maintiendra, grâce à la superficie de ses ailes et à la rapidité du mouvement de ses hélices. La difficulté pour les machines de ce genre, consiste surtout à pouvoir quitter la terre. Cette difficulté, je l’ai résolue, en adjoignant à mon aéroscaphe, un ballon ordinaire, gonflé de « lévium centrifuge », et qui sera installé au-dessus de la coque d’acier que vous voyez. Ce ballon enlèvera tout mon appareil, à une très grand hauteur. Arrivé là, je me débarrasse du ballon en faisant revenir le « lévium » à l’état liquide ; et la Princesse des Airs n’a plus qu’à se soutenir dans l’atmosphère, par le pouvoir de ses appareils moteurs. L’enveloppe du ballon, une fois vide de « lévium », est pliée et roulée, comme un parapluie après l’orage.

– Et pour redescendre ? questionna Yvon.

– Vous touchez là, jeune homme, une des plus graves difficultés du problème ! L’aéroscaphe ne se maintient en l’air que grâce à sa vitesse. Sitôt qu’on l’a ralentie, il est exposé, à cause de son poids considérable, à tomber comme une masse inerte. J’ai paré à cet inconvénient en disposant, tout autour de la coque de l’aéroscaphe une série de tubes d’acier chargés d’air liquéfié et dont l’ouverture est braquée du côté de la terre. Par le mouvement de recul que ces espèces de fusées impriment à la machine, d’une manière graduelle et continue, quand je donne issue à l’air liquide, l’aéroscaphe vient se reposer sur la terre avec la douceur et la légèreté d’un papillon qui se pose sur une fleur.

– Oui, demanda Karl, qui avait écouté ces explications en donnant tous les signes de la plus profonde et de la plus religieuse attention, vous avez dit tout à l’heure, monsieur Alban, que le moteur qui actionne vos hélices et vos ailes devait être d’une très grande puissance, et en même temps d’un très faible poids ?…

– Voilà une objection qui prouve beaucoup de bon sens, répondit Alban. La difficulté de trouver un moteur à poids léger, a longtemps retardé la science aéronautique. Grâce à l’air liquide et à l’électricité combinés, je l’ai enfin découvert, après de longues et pénibles recherches.

– C’est même le secret de ce moteur que Jonathan a vainement essayé de vous dérober ! s’écria Yvon.

– Précisément…

– Pourquoi, demanda Ludovic, l’aéroscaphe est-il construit presque complètement en aluminium.

– Parce que c’est un métal à la fois très résistant et très léger.

Alban fit voir à ses visiteurs l’intérieur de l’aéroscaphe, divisé en cinq pièces confortablement aménagées : celle de l’avant, munie d’épaisses vitres de cristal, devait être occupée par le timonier, qui avait, à sa portée, les différents leviers commandant la vitesse ou la direction.

La seconde, sur laquelle s’ouvraient les portes, était la salle commune ; la troisième renfermait les couchettes, aménagées à peu près comme dans les paquebots transatlantiques ; la quatrième était la salle des machines ; la dernière, le magasin.

Une passerelle circulaire, munie d’un garde-fou en cordage tressé, régnait tout autour de la coque.

Sous le plancher de la passerelle se trouvaient disposées les fusées.

On accédait à la plate-forme, légèrement bombée, qui formait, en quelque sorte, la toiture de la coque, par deux échelles à rampes qui partaient de la passerelle.

Les trois enfants remercièrent chaleureusement Alban de leur avoir ouvert l’entrée des chantiers de construction de la Princesse des Airs et se retirèrent.

– Je n’y ai pas grand mérite, dit l’aéronaute en les reconduisant. À part quelques perfectionnements, que la plupart des constructeurs auraient pu réaliser aussi bien que moi, tout le secret consiste dans l’invention de mon moteur léger ; et cette invention-là, je ne vous en ai pas expliqué les détails.

Au retour, les trois jeunes gens furent silencieux.

Karl, qui mettait beaucoup de temps à comprendre ce qu’il apprenait, ruminait encore les explications qu’on lui avaient données.

Yvon songeait aux belles explorations que l’on pourrait faire dans les régions inconnues du globe, avec un appareil aussi perfectionné et aussi facile à manier que le merveilleux aéroscaphe la Princesse des Airs.

Quant à Ludovic, il était plongé dans une profonde tristesse.

– Ainsi donc, songeait-il, sous prétexte que je suis trop jeune, il me faudra attendre six ans, dix ans peut-être, avant de pouvoir me lancer dans les belles aventures scientifiques qui m’enthousiasment. On dit que je ne suis pas un homme… Pourtant je me sens la force de tout entreprendre… Ah ! si mon père et Alban consentaient à me laisser m’embarquer dans l’aéroscaphe… Puisqu’il paraît qu’on n’y court aucun danger, je ne vois pas pourquoi on me refuserait…

Au déjeuner, en famille, Ludovic sembla préoccupé.

Sa sœur et sa mère le remarquèrent en plaisantant ; mais c’est à peine s’il daigna leur répondre, lui qui, d’ordinaire, était si prompt à la riposte, et réjouissait la famille de ses saillies.

Le repas terminé, Ludovic prit son père à part, et lui annonça gravement qu’il voulait lui parler en particulier.

– Tu me demandes une audience, alors ? s’écria le docteur, en souriant. Qu’est-ce que tu me veux ? Quelle nouvelle folie t’a traversé la cervelle ?… Dis-le-moi bien vite, car aujourd’hui je suis très occupé.

– Cela ne peut pas s’expliquer comme ça, répondit l’enfant avec le même sérieux. Ce que j’ai à vous dire est très important.

– Alors, monsieur, passons dans mon cabinet.

Quand Ludovic eut soigneusement refermé la porte, il s’approcha de son père qui s’était assis dans son fauteuil de consultation, et il déclara nettement.

– Vous me rendrez cette justice, mon père, que par mon travail et ma conduite, je vous ai toujours satisfait. Je viens, aujourd’hui, vous demander une grande faveur : je veux prendre part, avec Alban, à l’ascension de la Princesse des Airs.

Le docteur fronça les sourcils.

– Toujours ton idée fixe ?… Mais c’est de la folie, murmura-t-il… Je refuse net.

– Je vous en supplie, papa, insista l’enfant, les larmes aux yeux.

– Sois raisonnable, dit le docteur d’un ton plus doux. Tu n’as ni l’endurance ni l’expérience qui sont indispensables dans les expéditions de ce genre… D’ailleurs ma conscience est engagée. Vois-tu quelle serait ma responsabilité, s’il allait t’arriver malheur !… Tu n’as pas songé à cela ; tu n’as pensé qu’à satisfaire ton caprice !… Je t’aime trop, j’ai fondé sur toi de trop grands espoirs pour permettre que tu t’exposes aussi légèrement… Quand tu seras devenu vraiment un homme, que tu accorderas moins de part à l’imagination et davantage à la raison, tu me remercieras de ma prudence.

– Mais puisqu’il n’y a pas de danger !… insista l’enfant, à travers ses larmes.

– Il n’y en a peut-être pas beaucoup pour des hommes de métier et d’expérience comme Alban ; mais pour toi, il y en a suffisamment pour que je sois obligé de te refuser… Tu me feras même grand plaisir en ne me reparlant jamais de ce présomptueux projet.

Ludovic se le tint pour dit. Il savait que son père, très bon et très indulgent dans la plupart des cas, était inflexible lorsqu’il avait pris une résolution sérieuse.

Il essuya ses yeux, et monta à sa chambre pour s’y abandonner sans contrainte au chagrin et à la colère que lui causait cette déception.

Après avoir réfléchi tout l’après-midi, combattu entre la crainte qu’il avait d’affliger ses parents et son désir maladif de prendre part à l’ascension, il pencha enfin pour le second parti.

– Tant pis, s’écria-t-il, il en arrivera ce qu’il pourra, je vais faire en sorte d’être le compagnon d’Alban dans son voyage, et de prendre passage, en dépit de tout le monde, à bord de la Princesse des Airs.

Le lendemain, Ludovic avait repris sa gaieté habituelle ; le docteur pensa que l’enfant avait tout à fait renoncé à ses projets de vagabondage aérien, et il s’applaudit de la fermeté qu’il avait déployée la veille.

Seule Alberte, avec sa clairvoyance féminine, crut remarquer que son frère lui cachait quelque chose.

– Tu dois méditer une escapade, lui dit-elle ; tu ris du bout des dents ; tu n’as pas la franche gaieté que je te connais… Serais-tu dans tes mauvais jours ?

Les avances de la jeune fille furent inutiles.

Ludovic s’était promis de ne confier ses projets à personne.

Alberte ne put réussir à tirer de son frère aucun aveu, aucune confiance.




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