La Réaction païenne/Partie IV/Chapitre II

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L’Artisan du livre (p. 369-436).

CHAPITRE II

L’EMPEREUR JULIEN

I. Diversité des conceptions que les historiens, les poètes, les dramaturges se sont formées de Julien. — II. Julien fut-il un prince tolérant ? — III. Sa formation chrétienne. — IV. Son goût d’hellénisme. — V. Les côtés équivoques de sa théurgie. — VI. Sa ferveur païenne. — VII. Son programme religieux. — VIII. Quelle place aurait-il laissée à la liberté de conscience ? — IX. Ses premières attaques contre les « Galiléens ». — X. Il prépare un grand ouvrage antichrétien. — XI. Qu’en subsiste-t-il ? — XII. Conception générale que Julien se forme du christianisme. — XIII. Le Dieu des chrétiens. Judaïsme et christianisme. — XIV. Le Christ, selon Julien. — XV. Les Apôtres. — XVI. Les aspects contemporains de la vie de l’Église. — XVII. Dans quelle mesure la critique de Julien est-elle originale ? — XVIII. Quelles réserves appelle-t-elle ? — XIX. Résultats effectifs de son effort de polémiste. — XX. Deux fidèles de Julien « l’Apostat ». — XXI. Libanius. — XXII. Ammien-Marcellin.

I

Quand on connaît le complexus de regrets, de colères, de mépris et de craintes dont l’amertume tourmentait tant d’âmes, en face des grandes transformations opérées sous l’influence du christianisme, on comprend mieux l’enthousiasme que suscita la réaction de l’empereur Julien et les chaleureuses sympathies qui s’attachèrent à sa mémoire.

Au moment de décrire la physionomie morale de Julien, on ne peut se défendre de quelque embarras. Peu de personnalités antiques ont intéressé la postérité autant que la sienne. Et il n’en est guère qui aient été aussi diversement comprises. Pour s’en convaincre, il suffirait d’analyser la conception que se sont formée de Julien, dans les temps modernes, un historien comme Voltaire, un poète comme A. de Vigny, un dramaturge, comme Ibsen[1].

II

Mais écoutons seulement le témoignage des textes, sans essayer à leur propos de chimériques « reconstitutions ». Que nous livrent-ils des intentions de Julien, de ses pensées intimes et des motifs qui en déterminèrent le cours[2] ?

Et d’abord Julien fut-il un prince « tolérant » ?

Voltaire le jugeait tel. De même, un historien moderne, comme Vacherot[3] ; un critique littéraire, comme Anatole France[4]. Et sans doute se croyait-il lui-même fort respectueux des croyances d’autrui, à en juger par ses propres déclarations :

Je n’interdis point l’entrée des écoles (païennes) aux jeunes gens qui voudraient les fréquenter. En effet, il ne serait ni naturel ni raisonnable de fermer la bonne voie à des enfants qui ne savent pas encore de quel côté se diriger, et cela par crainte de leur faire suivre sans un libre choix nos traditions ancestrales. D’ailleurs, on aurait le droit de les guérir, comme on guérit les frénétiques, sans leur permission, mais bien entendu en leur pardonnant à tous leur maladie ; car, à mon avis, il faut éclairer les gens qui déraisonnent, et non les punir[5].

Pour persuader les hommes et les instruire, il faut recourir à la raison et non aux coups, aux outrages, aux supplices corporels. Je ne puis trop le répéter : que ceux qui ont du zèle pour la vraie religion ne molestent, n’attaquent ni n’insultent la foule des Galiléens. Il faut avoir plus de pitié que de haine pour ceux qui ont le malheur d’errer en si grave matière. Si la religion est en vérité le plus grand des biens, par contre l’impiété est le plus grand des maux[6].

Mais ses actes répondirent-ils à ces affirmations à la fois dédaigneuses et rassurantes ? Il ne peut être question de retracer ici l’histoire de sa politique religieuse. Il suffira de rappeler quelques faits, choisis parmi les plus significatifs.

Ammien-Marcellin, qui avait guerroyé avec Julien en Orient et lui avait voué une admiration nullement aveugle[7], parle de sa genuina lenitudo[8] et paraît chercher à garantir aux lecteurs des Res Gestae la droiture des intentions de son empereur[9]. Il se peut, en effet, que ses premières mesures en faveur des temples païens, dont Julien ordonna la réouverture et auxquels il voulut que leurs biens fussent restitués, n’aient été dans sa pensée que d’équitables réparations. N’avait-il pas admis à sa cour, malgré les épurations qu’il avait pratiquées dans le personnel dont s’était entouré Constance, des chrétiens comme Aetius ou Proheresius ? On ne saurait non plus l’accuser en toute certitude d’hypocrite perfidie pour avoir amnistié les évêques orthodoxes exilés par son prédécesseur. Ce pouvait être assurément une façon détournée de raviver parmi les chrétiens les furieuses querelles de naguère[10]. Mais ce pouvait être aussi simple vœu de se ménager le bon vouloir de tous ceux qui, chrétiens ou païens, avaient pâti du fait de Constance[11]. D’ailleurs, s’il permettait aux évêques de rentrer dans leur patrie, il ne leur rendait pas pour autant les sièges dont ils avaient été dépossédés[12].

Avait-il réellement espéré que les restitutions prescrites (souvent fort délicates au point de vue juridique) et que le spectacle des temples restaurés ne soulèveraient aucune résistance, aucune difficulté grave ? Une telle imprévoyance ferait plus d’honneur à sa générosité d’âme qu’à son sens politique. En fait, il y eut des protestations véhémentes, des émeutes, des statues détruites[13], des temples saccagés ou incendiés[14]. Et Julien eut le déplaisir de constater, qu’en plus d’un cas, c’étaient les évêques tirés d’exil par ses soins qui fomentaient les troubles. « Les proscrits, s’écriait-il[15], ont été libérés et ceux dont les biens avaient été confisqués ont pu les recouvrer intégralement en vertu d’une de nos lois. Malgré cela, ces énergumènes en sont venus à un tel excès de démence que, se voyant empêchés d’exercer leur tyrannie et de continuer leurs violences, tout d’abord entre eux, puis contre nous qui servons les dieux, ils s’exaspèrent ; ils remuent ciel et terre ; ils osent agiter les foules et les ameuter, sans respect pour les dieux, sans égard pour nos ordonnances, cependant si pleines d’humanité. »

En fait, il continuait, par toute une série de mesures, à restituer aux prêtres païens leurs immunités et leurs privilèges, tandis qu’il dépouillait des siens le clergé chrétien[16]. Ses adversaires voulaient la bataille : il l’accepta et la conduisit avec une vigueur, une âpreté, une violence injurieuse qui obligent tel de ses modernes admirateurs à avouer « qu’il oublia plus d’une fois sa tolérance et son humanité dans l’entraînement de la lutte » et « qu’il perdait toute mesure quand il s’agissait de venger les outrages faits à ses dieux[17] ».

J. Bidez, qui a étudié de près l’évolution de la politique de Julien, et par une considération attentive de la chronologie en a marqué les étapes d’une façon plus précise qu’aucun autre historien, observe que, dans le fameux édit qui interdisait aux maîtres chrétiens — sophistes, rhéteurs, professeurs de médecine — le droit d’enseigner « apparaît la première manifestation d’une tyrannie qui parut diabolique aux chrétiens… L’ère de la politique conciliante était close. Julien fut poussé à des actes qui lui ont valu une place dans la liste des persécuteurs de l’Église[18]. » On le vit alors se porter à des vexations qu’aggravaient presque toujours des sarcasmes indignes d’un chef d’État. Par exemple, il excluait les chrétiens de la garde prétorienne, de l’armée, des gouvernements des provinces et des fonctions judiciaires, en alléguant cette raison que la loi chrétienne leur défendait d’user du glaive[19]. Quand des chrétiens se plaignaient à lui des procédés de ses fonctionnaires, il leur rappelait le précepte divin qui leur commandait de supporter avec patience l’injustice[20]. Il savait faire sentir son aversion de la façon la plus mortifiante et déniait toutes faveurs, même les plus légitimes, aux cités qui témoignaient de quelque tiédeur à l’endroit des dieux et des sacrifices. Nisibis, Antioche, Césarée de Cappadoce, d’autres villes encore connurent ainsi le poids de sa disgrâce. Sous le prétexte d’une échauffourée entre deux sectes chrétiennes, à Édesse, il écrivit aux Édesséniens :

J’ai usé envers tous les Galiléens de douceur et d’humanité, de manière qu’aucun d’eux ne fût nulle part violenté, ni traîné au temple, ni contraint par de mauvais traitements à quelque autre action contraire à sa volonté. Cependant, ceux de l’église arienne, enflés de leurs richesses, ont attaqué les Valentiniens et commis dans Edesse des excès qui ne pourraient jamais se produire dans une ville bien policée. Or donc, puisque la plus admirable des lois leur enjoint de renoncer à ce qu’ils ont afin de parcourir plus aisément la route qui mène au royaume des cieux, associant à cet égard nos efforts à ceux de leurs saints, nous ordonnons que tous les biens de l’église d’Edesse leur soient enlevés, l’argent pour être donné aux soldats et les terres pour être réunies à notre domaine privé. Ainsi la pauvreté les rendra modestes, et ils ne seront point exclus de ce royaume céleste qu’ils espèrent encore !

À une supplique où l’évêque de Bostra, en Arabie, et son clergé lui avaient fait connaître la difficulté qu’ils éprouvaient à garder en main les masses chrétiennes et à les détourner de tout excès, il répondait par cette mesquine lâcheté de faire connaître directement aux Bostréniens les appréciations un peu pessimistes que venait de porter sur eux leur évêque[21].

Voilà, leur écrivait-il, en quels termes votre évêque parle de vous. Vous voyez que ce n’est pas à votre esprit qu’il attribue votre tranquillité. C’est malgré vous, dit-il, que vous êtes retenus par ses exhortations. Puisqu’il vous accuse ainsi, expulsez-le spontanément de votre ville.

Ajoutons qu’il ne décourageait que fort mollement les séditions païennes, qu’il laissa les émeutes sanglantes se multiplier dans maintes villes sans exercer de répression sérieuse, tandis qu’il frappait durement d’amendes, d’exil ou même de mort les délinquants chrétiens, allant jusqu’à destituer le gouverneur de la Palestine pour avoir voulu sévir contre les auteurs d’une échauffourée où quatre chrétiens avaient péri[22].

III

On aurait d’ailleurs grand tort de s’imaginer que ces injustices et ces violences lui fussent commandées par de froids calculs. La haine dont Julien était animé à l’égard du christianisme puisait sa source, ou sa flamme, dans un état d’esprit très particulier qu’il importe de définir avant d’étudier sa polémique, non plus légale et quasi-officielle, mais proprement littéraire.

« Il n’avait jamais été Galiléen que par force, a écrit Anatole France[23], et, tout jeune, il détestait le christianisme comme la religion de ses oppresseurs et des meurtriers de sa famille. »

Alfred de Vigny, d’autre part, dans son Daphné, représentait un Julien dont la foi n’aurait cédé qu’après de longues perplexités. C’est Libanius qui est censé parler à saint Basile[24].

Tu l’as rencontré bien désespéré à Nicomédie, Basile : eh bien ! les combats intérieurs qu’il livrait à sa croyance n’étaient pas encore achevés lorsque Jean le vit à Athènes dix ans après. Son amour du Christ luttait encore dans son cœur, et partout il le retrouvait, jusque dans les cris de Prométhée.

La vérité, c’est que nous savons mal dans quels sentiments Julien avait accepté l’éducation chrétienne qui fut imposée à sa jeunesse par Constance, le meurtrier des siens. On voit bien, à ses confidences[25], quel triste souvenir lui laissaient ces années de régime claustral, sans nulle tendresse auprès de lui (son frère Gallus avait des goûts assez grossiers et tout différents des siens), avec l’impression accablante de la surveillance qu’exerçait de loin sur lui la politique ombrageuse et facilement cruelle de Constance. Il rend pourtant justice à tel de ses anciens maîtres, comme l’eunuque scythe Mardonius, qui le prit à huit ans et sut l’habituer à l’effort, à une austérité de discipline dont il reconnaît le bienfait. Mardonius ne lui permettait d’ailleurs aucun plaisir. Quand les camarades de Julien venaient lui raconter les belles représentations qu’ils avaient vues au cirque ou au théâtre, Mardonius le renvoyait, en compensation des divertissements dont il le frustrait, aux luttes sportives décrites dans l’Iliade ou aux danses de la jeunesse phéacienne dans l’Odyssée[26] ! Julien laisse entendre d’un mot ses révoltes secrètes devant des contraintes si rigoureuses[27]. Parmi les pédagogues chargés de l’endoctriner, il y en avait dont le caractère était peu propre à lui inspirer du respect : par exemple, cet Hekebolius que Constance désigna pour lui enseigner la rhétorique et qui oscillait, selon le vent du jour, du paganisme au christianisme, — païen d’abord, puis chrétien, puis redevenu païen en 361 et chrétien de nouveau en 363 ; ou encore l’évêque arien Georges de Cappadoce, ancien fournisseur de viande de porc aux armées, un brouillon et un sectaire, « l’homme de main des partis[28] », qui coopéra aussi à sa formation religieuse.

Cette formation fut très minutieuse et strictement conforme à toutes les pratiques prescrites par l’Église : jeûnes, aumônes, assistance aux offices. Prétendre qu’il ait été alors aussi ardemment chrétien qu’il fut plus tard passionnément païen[29] me paraît une affirmation fort hasardée.

Il sut observer certains traits frappants, par exemple les séductions du culte, la puissance de l’armature ecclésiastique, la popularité que valait à l’Église son souci des déshérités et des infirmes. Mais rien ne dénote chez Julien adolescent une foi bien solide, rien ne prouve qu’il ait jamais touché au fond de l’esprit chrétien[30].

IV

Cela d’autant plus que, de bonne heure, la pensée hellénique, au sens le plus large du mot, s’installa dans la partie vivante et active de son âme. Homère lui fut un enchantement : il avait été initié à son œuvre par le grammairien Nikoklès de Sparte, le seul païen qui ait compté parmi ses maîtres, et Mardonius avait eu le souci de lui faire goûter les beautés de la poésie grecque. On le protégeait avec une sollicitude presque indiscrète contre l’influence de la philosophie profane. Mais, interné en 343 ou 344 dans un domaine de Cappadoce, le Fundus Macelli, près de Césarée, il put utiliser assez largement la bibliothèque de Georges de Cappadoce, qui contenait, outre les auteurs chrétiens, bon nombre de rhéteurs, de philosophes, d’exégètes païens[31]. C’est peut-être là qu’il lut pour la première fois les œuvres de Porphyre et de Jamblique, et tout un monde nouveau lui fut soudain révélé.

Il était alors un jeune homme de vie secrète et ardente, tout replié sur soi, perdu en des méditations passionnées. J. Bidez a mis en valeur avec beaucoup d’art une belle page dans laquelle Julien a dépeint l’espèce d’enthousiasme où le jetait la contemplation du soleil et des étoiles, le « mysticisme astrolâtrique » auquel, dès cette époque, il s’abandonnait par accès[32]. « Son émotion d’adolescent qui laisse son regard se perdre dans les régions éthérées, l’état d’extase où il tombe, tandis qu’il est illuminé et transporté par les rayons venus d’en haut, voilà de quoi il nous entretient. »

Quand Constance lui permit d’étudier en Asie la philosophie, Julien connut à Pergame un néo-platonicien de marque, Aidesius, qui ne voulut pas assumer personnellement sa direction intellectuelle, mais le mit en rapport avec ses propres disciples. C’est grâce à l’un de ceux-ci, Eusèbe de Myndos, que Julien conçut le désir de connaître l’homme qui devait exercer sur l’orientation de sa pensée une influence décisive, le philosophe Maxime.

Voici, d’après Eunape[33], le récit par lequel Eusèbe piqua au vif la curiosité de Julien, en essayant de le détourner de Maxime, dont certaines méthodes lui paraissaient suspectes[34] :

Je fus convoqué, il y a quelque temps, avec plusieurs amis par Maxime dans un temple d’Hécate : il se trouva ainsi rassembler de nombreux témoins contre lui-même.

Quand nous eûmes salué la déesse, Maxime s’écria : « Asseyez-vous, mes amis. Regardez bien ce qui va se produire, et voyez si je suis supérieur aux autres hommes ! »

Nous nous assîmes tous. Alors Maxime brûla un grain d’encens, se chanta à lui-même je ne sais quel hymne et poussa si loin son exhibition que, soudain, l’image d’Hécate sembla sourire, puis rit tout haut.

Comme nous paraissions émus, Maxime nous dit : « Qu’aucun de vous ne se trouble. Dans un instant, les torches que la déesse tient dans ses mains vont s’allumer. » Il n’avait pas fini de parler que déjà le feu brillait au bout des torches.

Nous nous retirâmes, frappés momentanément de stupeur devant ce théâtral faiseur de merveilles ; et nous nous demandions si nous avions vu pour de bon ces belles choses.

Mais (ajoutait Eusèbe) ne vous étonnez d’avance d’aucun fait de ce genre, pas plus que je ne m’en étonne moi-même ; et croyez qu’il n’y a d’important que la purification qui procède de la raison.

Alors le divin Julien se leva : « Adieu, cria-t-il. Plongez-vous dans vos livres. Vous venez de me révéler l’homme que je cherchais[35]. »

V

Une telle page évoque aussitôt un fâcheux souvenir : ne croirait-on pas lire un des épisodes burlesquement mystiques que Lucien, l’impitoyable railleur, avait prêtés à son Alexandre d’Abonotique ? Il est bizarre qu’une intelligence aussi sérieuse et aussi vive que celle de Julien se soit laissé envoûter par un charlatan comme Maxime, qui sut admirablement exploiter ses tendances dévotes et ses mystérieuses curiosités. Ce Maxime avait, si l’on en croit Eunape, beaucoup de séduction personnelle : Julien fut subjugué[36]. Il allait recueillir par cet intermédiaire la tradition de Jamblique. Jamblique était mort vers 325-326 ; Julien ne put donc le connaître, mais il le révéra à l’égal de ses plus fervents disciples. Ce philosophe devait rester pour lui le « très divin Jamblique[37] », « l’illustre hiérophante[38] », « Jamblique l’inspiré[39] », « Jamblique aimé des dieux[40] », celui, disait-il, « que, immédiatement après les dieux, je respecte et j’admire à l’égal d’Aristote et de Platon[41] ».

Or, c’était Jamblique qui, pendant ses longues années d’enseignement à Apamée de Syrie, avait le plus contribué à dévoyer le néo-platonisme et à le jeter dans les pratiques clandestines de la théurgie, laquelle, au lieu d’aider les âmes, comme le rêvait Plotin, à s’élever jusqu’à Dieu, prétendait évoquer de force les dieux et les démons sur la terre et dans l’âme des initiés[42]. La simple lecture du Livre des Mystères, dont Jamblique (ou peut-être seulement un de ses disciples) était l’auteur, décèle la dégradation de la philosophie néo-platonicienne depuis la grande époque de Plotin et de Porphyre. Ce ne sont qu’anges, archanges, démons, héros, apparitions d’êtres supra-terrestres, rites secrets, sacrifices, mantique, purifications, extases. « Le théurge, y lit-on, par la puissance des choses ineffables, ne commande plus aux êtres cosmiques comme un homme usant d’une âme humaine, mais en tant que prééminent dans le rang des dieux, il use de menaces supérieures à son essence propre[43]. » Les épiphanies divines étaient censées apporter à ceux qui en bénéficiaient dans une extase heureuse les plus précieux dons du corps et de l’âme : « Cette union théurgique, y était-il encore affirmé, s’obtient seulement par l’accomplissement de cérémonies ineffables, par des actes saints, dignes des dieux, qui sont bien au-dessus de toute raison, et par la force de symboles indicibles, que les dieux seuls peuvent comprendre[44]. »

Les anciennes liturgies des cultes traditionnels, interprétées, spiritualisées, sublimisées, récupéraient leur utilité et leur prestige ; et une unité factice était conférée à toutes les formes de la piété païenne[45]. L’ancienne mythologie était transposée en une métaphysique abstruse. La philosophie grecque elle-même — toutes différences effacées entre les penseurs — fut associée par contrainte aux élans de cette piété malsaine, comme si vraiment, depuis Orphée, l’hellénisme avait toujours formé un front unique et, animé du même esprit, avait poursuivi les mêmes buts. L’esprit critique d’un Porphyre, avec ses distinctions subtiles, ses scrupules, ses doutes, devenait chose dangereuse, presque sacrilège, et Jamblique crut devoir infliger à son ancien maître, de qui il avait naguère reçu la dédicace du traité sur le Connais-toi toi-même, le désaveu indirect de certaines réfutations.

Ces chimères absurdes, ces ajustements artificiels valurent à Jamblique l’admiration éperdue d’un groupe de fidèles, dont on peut mesurer l’exaltation dans la correspondance d’un sophiste contemporain, commentée par J. Bidez à la suite des Lettres de Julien[46]. L’âme sentimentale et enthousiaste de Julien y trouva un enchantement. Il acheva de se délier de ses premières croyances (sans doute au cours de l’hiver de 351-352), mais ne renonça pas toutefois aux pratiques extérieures, ce qu’il n’eût pu oser sans se créer de graves difficultés du côté de la Cour. Dix ans après, en Gaule, il jugera politique d’assister de sa personne aux fêtes de l’Épiphanie, le 6 janvier 361, « feignant d’adhérer au culte chrétien, dont il y avait beau temps qu’il était secrètement détaché[47] ». Il se fit initier, semble-t-il, au culte de Mithra dès l’époque de son séjour en Gaule, entre 355 et 360[48]. Plus tard, il le sera peut-être aux mystères d’Éleusis[49] et recevra aussi le baptême sanglant du taurobole[50]. L’esprit de son temps, avide de superstitions et de sciences occultes, revit en lui tout entier.

« Le système de Plotin, remarque J. Bidez[51], n’était pas accessible à assez d’intelligences. Pour prêter aux spéculations de sa philosophie des formes moins abstruses, il parut bon à ses successeurs de les donner à considérer à travers l’imagerie brillante et vaporeuse des cultes mystiques. Sérapis, Isis, Artémis, Hécate, Dionysos et Cybèle leur fournirent tout un appareil d’emblèmes qu’ils utilisèrent impérieusement et, désormais, ce fut par des visions symboliques que, s’inspirant d’exemples donnés aux siècles antérieurs par Posidonius, Philon et maints néo-pythagoriciens, ils prétendirent préparer le retour de l’Âme vers Dieu. Appels, voix et bruits, musiques troublantes accompagnées de parfums capiteux, fontaines lumineuses, ombres mouvantes, spectres de feu, portes s’ouvrant d’elles-mêmes, statues paraissant s’animer, diriger sur l’épopte un regard tour à tour caressant et fulgurant, puis semblant lui sourire et finalement flamboyer en s’entourant de rayons éblouissants : tels étaient, semble-t-il, certains des artifices auxquels ne dédaignaient pas de recourir les thaumaturges de l’école de Jamblique. Les néo-platoniciens se firent ainsi mystagogues et hiérophantes, et ils exploitèrent à leur profit les cultes secrets de leur temps. »

VI

Une fois maître du pouvoir, en 361, le premier soin de Julien sera de faire venir auprès de lui ceux de ses amis qui partageaient sa foi nouvelle ; en premier lieu, le « Maître[52] », son cher Maxime-385, qui eut le bon esprit de se faire désirer quelque temps, et puis enfin rejoignit Julien à Constantinople, « entouré des hommages de toute l’Asie[53] ». Maxime devint le personnage le plus important de la cour, mais ne tarda pas à se rendre insupportable aux gens du palais par son faste orgueilleux et sa détestable humeur[54]. Ensuite Priscus, autre philosophe néoplatonicien, qui se fit, à côté de Maxime, son directeur spirituel[55] : c’est Maxime et Priscus, qui, deux ans plus tard, se pencheront sur son lit d’agonie, et par de suprêmes discussions, l’aideront à franchir le douloureux passage[56] ; Salluste, l’auteur d’une sorte de memento de la doctrine de Jamblique, où était résumé tout ce qu’il importait de savoir sur les vérités incluses dans les mythes et les meilleurs procédés pour l’union de l’âme avec la divinité[57] ; Libanius, enfin, le vieux rhéteur qui, malgré l’intérêt très ardent qu’il portait à l’œuvre de restauration du paganisme déjà esquissée par Julien, n’avait nullement cherché à se glisser dans sa faveur, et attendit sagement que l’empereur lui fit des avances[58]. Cet entourage, dont Julien avait soigneusement choisi les éléments, était animé des mêmes ardeurs ferventes, des mêmes haines, des mêmes espoirs que lui, ou se donnait les airs de l’être. C’est dans cette atmosphère échauffée, surexcitante, qu’il vivait continuellement : or Grégoire de Nazianze, qui avait connu le prince pendant quelques mois, au temps où celui-ci parachevait à Athènes sa formation philosophique, notait déjà chez lui une certaine impulsivité, une nervosité que trahissaient son apparence physique et ses gestes[59].

Il y devint, non seulement un croyant (il l’était déjà depuis longtemps), mais un illuminé et même un fanatique, d’une religiosité un peu maladive. À la sécheresse des élucubrations de l’école de Jamblique, il associa les élans intimes d’une sensibilité vibrante. Il s’éprit d’amour pour les dieux délaissés, pour le vieux paganisme en train de mourir, et il s’en constitua le prêtre et l’apôtre. Ses contemporains citent nombre de témoignages où éclate sa dévotion personnelle et l’intensité de sa pratique religieuse. Il supportait « joyeusement » des jeûnes variés, « selon le dieu dont il célébrait le culte, Pan, Hermès, Hécate, Isis et tous les autres », pensant pouvoir plus aisément jouir ainsi « du commerce des dieux[60] ». De vie sobre et mortifiée, le divin pénétrait constamment sa pensée et ses actes. Il fréquentait assidûment les temples, se détournant au besoin de sa route, au cours de ses voyages et de ses expéditions, pour visiter tel sanctuaire illustre[61].

Il s’était, d’ailleurs, fait une règle d’offrir, presque chaque jour, un double sacrifice, un le matin, l’autre le soir[62]. « Nous adorons les dieux, écrivait-il à Maxime pendant une expédition contre Constantinople, et le gros de l’armée qui m’a suivi est plein de piété. Nous immolons des bœufs en public ; nous avons rendu grâces aux dieux par de nombreuses hécatombes. Ces dieux m’ordonnent de tout purifier autant que je le puis, et je leur obéis avec zèle. Ils disent qu’ils récompenseront largement nos efforts, si nous n’avons pas de défaillance[63]. » Ammien-Marcellin, dans le portrait qu’il trace de son empereur, dont il vient de raconter la mort[64], le qualifie de superstitiosus magis quam sacrorum legitimus observator. « On disait couramment, écrit-il, que s’il revenait de l’expédition des Parthes, il n’y aurait plus assez de bœufs pour ses sacrifices. » Et Libanius s’attendrit au souvenir de ce prince si dévot « qui passait ses jours et ses nuits à sacrifier, à prier, à converser avec les dieux, qui entrait en commerce avec eux par la divination, et qui, à la guerre, comptait plutôt, pour vaincre, sur leur assistance que sur le bras de ses soldats[65] ».

Julien sentait la divinité toute proche de lui. Il était persuadé qu’il en recevait des avertissements au moyen de visions, de songes, de rêves prophétiques[66]. C’est par des ordres d’en haut qu’il croyait sa conduite dictée dans les conjonctures difficiles[67] ; et la moindre de ses impressions intellectuelles ou même physiques devenait pour lui un mystérieux indice de la présence divine[68]. « Mère des dieux et des hommes, s’écriait-il dans la prière qui ferme son Ve Discours,… puissé-je, comme fruit de mon dévouement à ton culte, obtenir la vérité dans mes croyances religieuses et la perfection dans la théurgie, la vertu et la bonne fortune dans les tâches que j’entreprends pour mettre ordre aux affaires civiles et militaires, puis une fin de vie sans douleur et glorieuse, avec le bon espoir de mener jusqu’à vous tous mon dernier voyage[69] ! »

VII

Si l’on veut connaître l’ampleur du programme religieux dont les linéaments étaient tracés dans son esprit, on doit lire celles de ses lettres que, depuis l’historien anglais Gibbon, on appelle les Épîtres pastorales[70]. Julien avait vécu trop longtemps dans le christianisme pour n’avoir pas percé quelques-uns des secrets de sa vitalité : à savoir l’organisation solide qu’il s’était donnée, l’ardeur efficace de sa charité, l’exemple que la vie de beaucoup de ses prêtres proposait aux regards. « Ne voyons-nous pas, écrivait-il à Arsace, grand-prêtre de la Galatie, que ce qui a le plus contribué à développer l’athéisme [c’est-à-dire le christianisme], c’est l’humanité envers les étrangers, la prévoyance pour l’enterrement des morts, et une gravité simulée dans la vie ! Voilà de quoi nous devons nous occuper, sans y mettre aucune feinte… Il serait honteux, quand les Juifs n’ont pas un mendiant, quand les impies Galiléens, en plus des leurs, nourrissent encore les nôtres, qu’on voie les nôtres manquer des secours que nous leur devons[71]. » Avec la gravité du Souverain Pontife qu’il s’honorait d’être[72], il essaya de tracer le plan d’une réorganisation générale du paganisme[73]. Il aurait voulu diviser l’Empire en cercles métropolitains régis par un ἀρχιερεύς, un archiprêtre, qui aurait eu la haute main sur le clergé et les modalités du culte. Julien se serait réservé la nomination de ces hauts fonctionnaires. Il faut voir de quel ton pénétré il dicte aux prêtres, en une série de « mandements », les devoirs particuliers qui leur incombent ; avec quelles insistances il s’efforce de stimuler leur zèle pieux, de ranimer leur foi, qu’il devine molle et défaillante ; les menaces qu’il laisse planer sur ceux qui tolèrent que leur femme ou leurs gens « négligent le culte des dieux et préfèrent l’athéisme à la religion[74] ». Il voudrait pouvoir louer chez eux un prosélytisme actif, une vie chaste, sobre, strictement surveillée au point de vue des actes, des propos, du vêtement, des lectures même[75], dussent les candidats aux fonctions sacerdotales se recruter dans les rangs les plus humbles de la société. Tel aspirant, « fût-il pauvre, fût-il du bas peuple, du moment qu’il réunit en lui ces deux conditions, aimer les dieux et aimer les hommes, qu’on le fasse prêtre[76] ! »

Les méthodes chrétiennes le hantent. Il les imite ; il les « singe », dira son ex-camarade de jeunesse, Grégoire de Nazianze[77]. Contre l’idée d’un plagiat, Julien se rassurait peut-être en songeant que ses réformes, si voisines fussent-elles du christianisme abhorré, rappelaient aux païens fervents celles qu’avait essayées Maximin Daia, soixante ans auparavant[78], et qu’à tout prendre elles restaient aussi dans la ligne des inspirations de Jamblique. Car Jamblique avait déjà conçu l’idée d’un clergé païen, chargé des détails minutieux des rites prescrits et représentant qualifié d’une manière d’orthodoxie. « Julien, déclare Geffcken non sans une pointe d’exagération, c’est un Jamblique à cheval[79] ! »

VIII

Le côté inquiétant des projets de Julien, c’est qu’on se demande quelle part il aurait laissée à la liberté religieuse individuelle, s’il lui avait été permis de les parachever. J. Bidez fait remarquer qu’au ive siècle « une doctrine était toute formée dans l’esprit des polémistes païens ». « Éternité du monde, immortalité et divinité des anges, des démons, des héros et même des âmes, délivrées, au bout du cycle des métempsychoses, de la nécessité de se prêter à une résurrection et de vivre avec un corps ; fausseté de la révélation chrétienne ; par contre, vertu prodigieuse des rites et des symboles perpétués par les cultes les plus divers », tels étaient les articles principaux de cette doctrine. Et M. Bidez ajoute : « Julien devait-il en arriver jamais à fixer dans un credo toutes les propositions qu’un Hellène n’avait plus le droit de mettre en doute, et en même temps se serait-il mis à énumérer les erreurs dignes d’anathèmes ? Je n’oserais pas le nier. Il semble bien qu’au moment où il mourut, il s’était engagé fort avant déjà dans les voies d’un dogmatisme intransigeant[80]. »

Renan avait éprouvé la même impression et conçu la même crainte. Il écrivait spirituellement en 1884 dans ses Nouvelles études d’histoire religieuse[81] : « Si le rétablissement du paganisme ne devait servir qu’à relever les grossières superstitions dont on voit cet empereur sans cesse préoccupé, on ne comprend guère qu’un homme de tant d’esprit se soit donné pour d’aussi plates folies le mauvais renom d’apostat. » Déjà Auguste Comte, dans son Discours sur l’ensemble du positivisme[82], sur un ton autrement compassé, avait proposé « la solennelle réprobation simultanée des trois principaux rétrogradateurs (sic) que nous offre l’histoire, Julien, Philippe II et Bonaparte, le premier plus insensé, le second plus nuisible, le troisième plus coupable » ; et il voulait commémorer leur souvenir détesté dans une « fête des réprouvés » qu’il plaçait au 5 mai de chaque année !

IX

On comprend en quelle déplaisance Julien tenait le christianisme, seul obstacle sérieux à ses desseins réformateurs et qui, dans son passé personnel, restait associé pour lui aux plus pénibles, aux plus déprimants souvenirs de sa jeunesse.

Plusieurs de ses contemporains affirment qu’aigri jusqu’à l’exaspération, il s’était promis — s’il revenait vainqueur de l’expédition d’Orient où il trouva la mort — d’extirper par tous les moyens une secte sù dommageable à la santé morale de l’Empire.

En attendant que les circonstances lui permissent une action encore plus énergique, il voulut livrer à ses sujets toute sa pensée sur le compte des chrétiens. Il n’était pas seulement un homme d’État, un chef d’armée dont les succès avaient révélé les rares qualités d’énergie et de décision, il était aussi un « sophiste » passionné pour les livres, nourri d’Homère, d’Hérodote, de Thucydide, de Xénophon, de Platon, de Démosthène et de Dion Chrysostome ; il adorait les gens de lettres et se piquait de bien écrire ; confiant dans sa mémoire un peu pédante et toute chargée de citations classiques, il aimait à morigéner longuement son prochain, à développer ses idées sans se presser et sans craindre les redites[83].

Il était donc naturel qu’il songeât à aider et à justifier les rigueurs de sa politique par une polémique littéraire où il pouvait se flatter de dominer sans peine des adversaires dont il faisait, intellectuellement, peu de cas. C’est une satisfaction assez vive, sinon très généreuse, pour celui qui détient le pouvoir et en fait durement sentir le poids à des adversaires détestés, de leur démontrer par surcroît que la doctrine à laquelle ils appuient leur résistance est une doctrine absurde, et que la raison même leur donne tort.

Il avait évité, dans ses tout premiers ouvrages, les attaques directes contre les chrétiens, ou plutôt contre les « Galiléens », car c’est de cette expression qu’il use constamment, afin de souligner la prétention ridicule d’une religion si humble en ses origines à s’élever à la dignité de religion universelle[84]. Mais bientôt les allusions hostiles deviennent plus fréquentes dans ses opuscules et dans ses lettres. Par exemple, dans son Discours contre le Cynique Héracléius[85], qu’il soupçonnait de l’avoir visé au cours d’une conférence publique, il comparait aux faux cyniques, dont son adversaire représentait selon lui un frappant spécimen, les apotactistes, c’est-à-dire les « renonciateurs » :

C’est le nom que les impies Galiléens donnent à certaines gens. Au prix de menus sacrifices, ceux-ci gagnent pour la plupart beaucoup, ou plutôt tout, de tous côtés. Et, en plus, ils se procurent honneurs, escorte (d’admirateurs), bons offices. Votre méthode est assez analogue, sauf que vous ne proférez pas d’oracles. Ce n’est pas votre habitude, et c’est la leur. Car nous sommes plus sages que ces fous-là. — Il y a aussi cette autre différence que vous n’avez point de prétexte pour lever comme eux des taxes sous de spécieuses raisons. Ils les appellent « aumônes », je ne sais pourquoi. À tous les autres points de vue, vos manières d’agir et les leurs sont fort semblables. Comme eux, vous avez abandonné votre patrie ; vous errez à travers le monde, et vous avez troublé mon camp plus qu’eux et avec plus d’impudence encore. Car ils étaient invités ; vous, vous en étiez exclus.

Les dernières lignes sont un peu énigmatiques ; mais il est difficile de ne pas reconnaître, dans ce morceau, les moines errants, qui vivaient d’aumônes.

Le Christ, écrivait-il encore aux habitants d’Antioche dans son Misopogon composé pendant l’hiver de 362-363, vous l’aimez, et vous l’avez pris comme protecteur de votre cité au lieu de Zeus et du dieu de Daphné et de Calliope… Vous avez choisi l’athéisme[86] !

Dans le Symposion (rédigé fin décembre 362), au cours d’une description à demi bouffonne d’un repas offert par Romulus Quirinus aux dieux et aux empereurs déifiés, Julien trouve prétexte à passer en revue ses prédécesseurs. Il se montre peu clément pour Constantin, et il fait une allusion au baptême chrétien, qui rend purs les pires scélérats, à la pénitence qui lave leurs forfaits. Il prête à Jésus ce discours : « Que quiconque est séducteur, meurtrier, sacrilège ou infâme vienne ici hardiment. Baigné de cette eau-ci, je le purifierai sur place ; et s’il retombe dans les mêmes crimes, pour peu qu’il se frappe la poitrine et se tape sur la tête, je lui rendrai sa pureté[87]. »

Sa correspondance est plus fertile encore en expressions et en remarques désobligeantes. Plus d’une fois, dans nos manuscrits, le développement antichrétien n’est qu’amorcé, et s’arrête subitement. Un copiste n’aura pu se résoudre à transcrire un terme ou un passage injurieux, et les éditeurs modernes se voient obligés de signaler dans le texte une lacune[88]. Julien prenait la peine d’écrire d’Antioche à l’hérésiarque Photin, évêque de Sirmium, pour le féliciter « de rester près du salut, en se gardant avec raison d’introduire dans le ventre d’une mère celui qu’il prend pour un Dieu[89] ». Il esquissait, d’une façon d’ailleurs assez inopportune, dans l’une de ses lettres pastorales, une discussion sur les origines du genre humain, pour souligner l’invraisemblance que les hommes, si divers dans leurs mœurs, descendent tous d’un couple unique[90].

X

Mais, de plus en plus, l’idée de consacrer un traité spécial à la question chrétienne hantait son esprit. Il s’y préparait par des discussions orales, où il se flattait de garder le beau rôle[91]. Il annonce clairement son projet dans la lettre à Photin, dont un court passage vient d’être transcrit.

Si nous obtenons l’assistance de tous les dieux et déesses, des Muses et de la Fortune, nous montrerons ses faiblesses [Il s’agit de Diodore de Tarse, adversaire orthodoxe de Photin] et combien il dénature les lois, les doctrines et les mystères des Hellènes ainsi que les dieux infernaux ; nous ferons voir que son nouveau dieu Galiléen, à qui ses fables prêtent l’éternité, se trouve en réalité, par l’ignominie de sa mort et de sa sépulture, exclu de la dignité que Diodore invente pour lui[92].

Se rappelant les abondantes ressources en livres chrétiens qu’offrait la bibliothèque de l’évêque Georges, son ancien maître, massacré par la populace païenne d’Alexandrie, il prescrivit au directeur général des finances et au préfet d’Égypte, sous les plus sérieuses sanctions, de rechercher ces livres, qui avaient été dispersés, et de les lui expédier à Antioche[93]. Sans doute voulait-il rafraichir les notions personnelles qu’il avait déjà du christianisme, en revoyant les livres saints que ses maîtres lui avaient jadis expliqués, leurs interprètes et leurs apologistes. Nous saisirons aussi la preuve qu’il étudia de près les polémistes païens antérieurs à lui.

Il se mit au travail à Antioche au mois de juin 562, et acheva son œuvre en mars 363, « passant les longues nuits d’hiver, nous dit Libanius[94], à combattre ceux qui prétendent faire d’un homme de la Palestine un Dieu et un enfant de Dieu (θεόν τε καὶ θεοῦ παῖδα) ».

XI

L’écrit comprenait trois livres. Il n’a pas échappé au sort commun des ouvrages hétérodoxes. Mais, de même que la Parole de Vérité, de Celse, à passé pour une large part dans la réfutation d’Origène, de même Cyrille d’Alexandrie a conservé d’importants fragments du pamphlet de Julien dans son traité Pour la sainte religion des chrétiens contre l’ouvrage de Julien l’Athée[95], qu’il dédia à l’empereur Théodose II entre 433 et 441.

Malheureusement, la réponse de Cyrille ne s’est conservée qu’en partie. Nous avons en entier les dix premiers livres, mais ils correspondent seulement au premier des trois livres de Julien. Nous ne possédons, des livres XI à XX, que des fragments inclus dans les florilèges et les chaînes, en grec et en syriaque ; et ce second groupe n’avait trait, semble-t-il, qu’au deuxième livre de Julien. De son troisième livre, nous ne savons à peu près rien. Il est vraisemblable que Cyrille ne laissa pas inachevée sa vaste réfutation et qu’il discuta aussi ce troisième livre dans une nouvelle section de dix autres livres. Mais cela est hypothèse pure, car de cette dernière partie, si elle fut rédigée, rien ne nous est parvenu.

Les livres XI à XX de Cyrille, que connaissaient encore Jean Damascène au viiie siècle, et sans doute Photius au ixe, étaient égarés déjà au xiiie siècle, époque de la transcription du Codex Venetus Marcianus no 123.

Nous sommes donc fort loin de pouvoir lire dans son intégralité le traité de Julien. En avons-nous même les deux cinquièmes ? Ce qui en subsiste permet tout au moins de saisir son état d’esprit, sa méthode, quelques-uns de ses arguments et de mesurer l’originalité de ce nouvel essai antichrétien. Le lien paraît manquer souvent entre les idées : peut-être Cyrille ne s’est-il pas mis en peine d’indiquer la suture qui les unissait ; peut-être aussi Julien s’était-il abandonné à ses habitudes de composition assez lâche[96].

XII

Fixons tout d’abord la conception générale que Julien s’est formée du christianisme et qu’il veut communiquer à ses lecteurs.

Le christianisme, ou comme il dit « la machination des Galiléens » — c’est par cette affirmation qu’il ouvre son traité[97] — est pour lui une invention (πλάσμα) combinée par la méchanceté des hommes. Il ne contient « rien de divin ». Il s’adresse à la partie irrationnelle de l’âme, celle qui aime les fables, les contes puérils, et il l’achemine à tenir pour vraie cette absurde « tératologie ».

Les mots de « fable », de « mensonge », d’ « irrationnel », sont de ceux qui reviennent le plus volontiers sous la plume de Julien[98]. Le christianisme peut être considéré comme une maladie de l’intelligence (νόσος, νοσήμα).

Et cette maladie provient d’un fléchissement de la culture salvatrice dont les païens lettrés gardent le privilège. Trop fidèles à leurs premiers maîtres, lesquels n’étaient que de simples pêcheurs[99], les chrétiens se contentent d’une religion « rustique[100] ». Les vrais intellectuels sont rares parmi eux[101]. Or la παίδεια, la culture hellénique, a des vertus ennoblissantes, dont l’âme ressent aussitôt le bénéfice[102]. L’étude assidue des Livres Saints fait des bavards et des maniaques[103], tandis que le commerce des bons auteurs, si c’est une nature bien disposée qui le noue, devient un ferment d’amélioration morale, et prépare une élite pour les plus utiles métiers. Les « Galiléens » vouent à Satan cette littérature où se nourrissent les talents ; c’est qu’ils se doutent que de la fréquenter amène une désaffection certaine de leurs croyances[104].

Médiocres du fait de leur formation, les chrétiens sont aussi de mauvais citoyens. Ils ont déserté les rangs de l’hellénisme[105] ; ils ont abandonné ses douces lois pour des lois sauvages et barbares[106], méprisé les traditions de leurs pères[107]. Leur impiété[108] a fait d’eux des ingrats[109], et pour tout dire des athées[110].

Tel est le point de vue où s’établit Julien, et qui, d’ailleurs, lui est familier aussi dans ses autres écrits. Pitié, mépris, indignation, voilà les sentiments qu’éveillent en lui les « Galiléens ». Il les brimera, si cela est nécessaire. Il consent, avec un peu de dégoût, à essayer de les guérir, en leur montrant le néant de leurs « prétendus dogmes[111] » ; et il sonne le ralliement autour de la culture gréco-romaine, menacée par un nouveau genre de barbarie[112].

XIII

Julien relève d’abord la fausse notion qu’ils se forment de Dieu, ou plutôt de la manière dont Dieu se communique aux hommes[113]. Il n’est pas besoin pour cela, comme les Galiléens le supposent, d’un « enseignement » — c’est-à-dire d’une révélation. L’idée de Dieu est immanente à la nature humaine ; c’est ce qui explique son universalité. L’ordre même de l’univers suffit à l’imposer[114], et nulle pédagogie spéciale[115] n’est nécessaire pour que l’homme sente Dieu et croie en lui.

Certes, les Grecs ont débité sur le compte des dieux bien des fables absurdes[116]. Mais que dire des mythes mosaïques racontés dans la Genèse[117] ? Ce paradis planté par Dieu ; cette Ève, créée pour servir d’aide à Adam et qui devient la cause de sa perte ; ce serpent qui converse avec la femme (en quelle langue dialoguaient-ils donc ?) ; cette défense faite par Dieu à l’homme d’apprendre à distinguer le bien et le mal, comme si ce n’était pas là le rôle naturel et « l’œuvre propre » de la raison ; cette jalousie étrange que Dieu conçoit, quand ses créatures ont goûté du fruit de l’arbre : il n’est pas un de ces récits qui ne soit blasphématoire, à moins qu’ils ne cachent quelque allégorie, quelque θεωρία ἀπόρρηιος, ce que Julien s’avoue assez disposé à admettre.

La cosmogonie mosaïque est d’ailleurs incomplète et inconsistante. Moïse n’indique nulle part quelle est la nature des anges, quoiqu’il les présente ordinairement comme les serviteurs de Dieu ; il ne définit pas leurs fonctions[118]. Il donne l’impression que le Dieu des Juifs n’est le créateur d’aucun être incorporel et qu’il n’a fait qu’aménager une matière préexistante[119]. Comme l’idée de la création dans le Timée de Platon[120] est plus rationnelle et plus satisfaisante ! Le monde éternel, le Dieu suprême créant le monde intelligible, tandis que les choses sensibles et les êtres mortels doivent l’être à d’autres principes créateurs[121]

Le Dieu de Moïse, qui est censé avoir formé l’univers, a choisi la nation juive à l’exclusion des autres, il ne s’occupe que d’elle, n’a de sollicitude que pour elle :

Pendant des myriades ou, si vous préférez, des milliers d’années, (ce Dieu) laissa dans une pareille ignorance les adorateurs des « idoles », comme vous dites, depuis les lieux où le soleil se lève jusqu’à ceux où il se couche, depuis les Ourses jusqu’au Midi, à l’exception d’une chétive race qui habitait depuis deux mille ans à peine une partie de la Palestine. S’il est le Dieu de tous, le Créateur de toutes choses, pourquoi a-t-il fait de nous si peu de cas[122] ?

Si Dieu n’a rien fait pour l’amélioration morale et physique des peuples, sauf celui-là, quelle gratitude ces peuples lui doivent-ils[123] ? Selon la doctrine de l’hellénisme[124], au contraire, le Démiurge est le Père, le Roi commun de tous les êtres. Il ne réserve pas à une race unique ses bénédictions, mais il répartit les nations entre les dieux « ethnarques » et protecteurs, chargés de veiller sur elles. Et chacun de ces dieux a ses attributions, sa sphère d’action. De là la diversité des tempéraments nationaux ; de là aussi la diversité des langues, que Moïse croit expliquer par la légende de la Tour de Babel, qu’il est impossible de se représenter d’une façon tant soit peu réaliste sans qu’elle se décèle absurde et invraisemblable[125].

Cette fable si évidemment fausse, vous la tenez pour vraie ; vous supposez de Dieu qu’il eut peur de la violence meurtrière des hommes et que, pour cette raison, il descendit sur terre brouiller leurs langues. Et après cela, vous osez vous vanter de la science que vous avez de Dieu !

En réalité, continue Julien, à supposer que le Dieu prêché par Moïse soit vraiment le démiurge de l’univers, nous avons de lui, nous autres, une conception plus haute, en soutenant qu’il est le maître commun de tous les hommes, et que d’autres dieux placés sous ses ordres, tels les gouverneurs d’un roi, sont préposés aux diverses nations, chacun avec sa province spéciale, plutôt que de faire de lui comme un dieu partiel, rival des dieux qui lui sont subordonnés[126].

Julien passait ensuite à la Loi mosaïque, l’ « admirable » loi de Moïse, ainsi qu’il la qualifie ironiquement[127].

Le Décalogue ne contient, en somme, que des préceptes fort élémentaires dont l’observation — un fort petit nombre mis à part — s’impose à toutes les nations, sous des peines quelquefois plus rigoureuses que celles que Moïse a édictées. Mais Moïse présente son Dieu comme un dieu « jaloux » qui interdit d’adorer d’autres dieux que lui. Singulière épithète ! Pourquoi ce dieu jaloux a-t-il permis que les autres nations adorent, en fait, d’autres dieux que lui-même ? Est-ce parce qu’il n’a pas pu les en empêcher, ou parce qu’il ne l’a pas voulu ? Puis, qu’est-ce que ce dieu qui se fâche, s’indigne, exige des massacres, songe à anéantir la race entière des Juifs[128] ? Conçoit-on le désastre de pareilles colères, si un dieu tout puissant était réellement capable de les éprouver ? La philosophie païenne veut que l’homme imite Dieu dans la mesure de ses forces ; et cette imitation consiste dans la contemplation des êtres[129], qui implique la suppression des passions, l’ « apathie[130] ». Mais chez les Hébreux, que peut être cette imitation ? Elle trouve pour modèle, chez leur Dieu, la colère, le dépit, une sauvage fureur.

Revenant sur la prétention juive, Julien observe que l’hypothèse d’une prédilection spéciale de Dieu à l’égard des Juifs a contre elle l’évidence de la civilisation supérieure qui s’est développée chez les Chaldéens, les Assyriens, les Grecs. Ces peuples ont eu congénitalement le goût des mystères et de la théologie, dont les Hébreux s’imaginent avoir reçu le privilège[131]. C’est chez eux que toutes les sciences — astronomie, géométrie, arithmétique, musique — ont pris naissance et réalisé leurs premiers progrès. Les Grecs peuvent se prévaloir d’une prestigieuse élite de grands hommes dans tous les ordres d’activité[132] ; les Romains montrent le magnifique épanouissement de leur puissance, préparée par les lois sages du « beau et bon Numa », fomentée par la protection divine, que tant de signes ont rendue manifeste.

Malheureux que vous êtes, on conserve chez nous le bouclier tombé du ciel que nous envoya le grand Zeus, ou Mars, père (des Romains), comme un gage effectif et non purement verbal destiné à défendre à jamais notre ville : vous ne voulez plus l’adorer ni le respecter, mais vous adorez le bois de la croix, vous en tracez l’image sur vos fronts et le gravez sur les façades de vos maisons[133] !

Il y a bien d’autres témoignages de la sollicitude de Zeus à l’égard des hommes. Comme c’est un fait que le pneuma divin, l’inspiration d’en haut, se raréfie chez les divers peuples, Zeus, qui aime les hommes, qui est un père pour eux, leur a donné l’observation des Arts sacrés, comme un secours dans leurs diverses nécessités. Mais son plus grand bienfait (qui est aussi celui du Soleil), c’est d’avoir engendré Asclépios, lequel est apparu visiblement sous forme humaine à Épidaure et est allé à Pergame, en Ionie, à Tarente, à Rome, à Cos, à Æges, pour le salut physique et moral de tous !

Julien va examiner maintenant de quelle nature et de quelle solidité sont les liens qui unissent le christianisme au judaïsme.

Le sentiment de Julien à l’égard des Juifs est assez complexe. Ce qu’il appréciait chez eux, c’était — outre l’exactitude de leurs observances rituelles — la fidélité qu’ils gardaient à leurs traditions nationales, pour absurdes qu’elles fussent parfois, à les considérer en elles-mêmes[134]. Le conservatisme de Julien trouvait son meilleur appui dans sa théorie des dieux « ethnarques[135] ». Les mœurs de chaque peuple se sont constituées à l’image du dieu préposé à sa protection : elles varient, par suite, de peuple à peuple, mais elles ne changent pas, elles ne doivent pas changer chez tel peuple déterminé, puisqu’elles portent l’empreinte du caractère du dieu qui veille à ses destinées. Innover dans l’ordre religieux n’est rien de moins qu’un sacrilège. Et les Galiléens s’en rendent audacieusement coupables, par leur insolente manie de mépriser les traditions héritées des ancêtres. Au moins les Juifs ont-ils gardé leur religion nationale. S’ils avaient compris que leur dieu n’était qu’un dieu ethnarque, au lieu de l’ériger en dieu universel, leur position serait inexpugnable. Elle reste autrement honorable que celle des chrétiens, déserteurs des lois paternelles (τὰ πάτρια ἔθη), et des formes où la civilisation nationale s’est constamment réalisée. Car Julien n’imagine pas que cette civilisation ait évolué au cours des temps : dans la Grèce fictive qu’il se représente, tout fut toujours un, la pensée philosophique, les doctrines religieuses, et jusqu’aux modes concrets de la vie collective. Malheur à ceux qui prétendent ébranler cette unité séculaire[136] !

Il remarque donc qu’en un certain sens les chrétiens auraient eu bénéfice à se rallier simplement aux croyances juives, qu’ils affectent de considérer comme en partie périmées. Au moins adoreraient-ils un Dieu unique, et non pas un homme (le Christ), ou, pour mieux dire, plusieurs hommes (c’est sans doute aux martyrs qu’il songe) qui furent de pauvres sires[137]. Ils seraient, au point de : vue religieux, plus saints et plus purs.

Ils n’ont su prendre aux Juifs que ce qu’il y avait en eux de moins bon, leurs fureurs, leur humeur âcre[138] !

Vous jetez bas les temples et les autels ; vous égorgez non seulement ceux qui, parmi nous, restent fidèles aux enseignements de leurs pères[139], mais aussi, parmi ceux qui errent comme vous errez vous-mêmes, les hérétiques, parce qu’ils n’adorent pas le mort[140] de la même façon que vous. Mais ce sont là choses de votre invention : car nulle part ni Jésus, ni Paul ne vous ont transmis ni ordonné de telles manières de faire.

Singulière idée qu’ont eue les chrétiens de se solidariser historiquement, comme ils l’ont fait — au prix d’une ingratitude envers les dieux —, avec un petit peuple dont les destinées ont été si médiocres, quelquefois si humiliantes, et qui est demeuré si en retard au point de vue de la culture, encore que le « misérable Eusèbe[141] » prétende qu’il y eut chez les Juifs des poèmes en vers hexamètres, et même une logique, — cette science qui décèle son origine rien qu’à son nom ! Les Juifs se prévalent de Salomon. Mais Salomon n’a-t-il pas été séduit, trompé par une femme ? Quelle fâcheuse fortune pour un sage ! En fait, la science est toute grecque[142]. Que les chrétiens se gardent d’y toucher ! Qu’ils se contentent des Écritures ! Ils y laisseraient leur foi. Protégés par les divers dieux, tous les arts s’épanouissent parmi les Hellènes, statuaire, peinture, économie domestique, médecine. Julien lui-même — il en atteste les dieux — a été maintes fois guéri par les remèdes dont Asclépios lui a suggéré l’emploi.

La situation des chrétiens entre les Hellènes et les Juifs est, en somme, fort équivoque et dommageable. D’une part, ils ont renoncé aux institutions traditionnelles[143] des premiers ; et d’autre part, ils ne suivent plus les préceptes rituels des Juifs, si propres à favoriser une vie véritablement religieuse. De là, chez eux, une démoralisation dont saint Paul lui-même porte témoignage dans sa Lettre aux Corinthiens, ce qui prouve qu’elle a commencé de bonne heure[144]. Et, soulignant le verset où l’Apôtre, après avoir énuméré les vices dont nul chrétien ne doit se souiller, ajoute : « Cela, quelques-uns de vous l’ont été, mais vous avez été loués, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom de N.-S. Jésus-Christ, et par l’Esprit de notre Dieu[145] », Julien observe ironiquement :

Voilà donc une eau qui est capable de nettoyer, de purifier, car elle coulera jusqu’à l’âme. Le baptême, en effet, ne guérit ni la lèpre du lépreux, ni les dartres, ni les boutons farineux, ni les verrues, ni la goutte, ni la dysenterie, ni l’hydropisie, ni le panaris, ni aucun désordre physique, grand ou petit ; il chasse l’adultère, le vol, en un mot tous les péchés de l’âme !…

Les Galiléens expliquent ainsi leur position : ils conviennent qu’ils diffèrent des Juifs, mais affirment que ce sont eux qui sont restés les vrais Israélites, en plein accord avec les prophètes d’Israël, et spécialement avec Moïse.

C’est ce prétendu accord qu’il convient d’examiner.

Ils veulent que Moïse ait prédit le Christ. Il n’est que de comprendre les textes dont ils font état pour s’apercevoir que ces textes ne sauraient s’appliquer au fils de Marie. Moïse annonce un prophète, non un Dieu. Il le fait descendre de Juda, auquel Jésus ne se rattachait nullement, puisque les chrétiens enseignent qu’il n’était pas né de Joseph, mais du Saint-Esprit.

Quant à Joseph, vous le rattachez à Juda, dans vos généalogies, et ici encore vous ne réussirez pas à combiner des fictions plausibles. Matthieu et Luc se réfutent par le simple fait qu’ils sont en désaccord sur la généalogie de Jésus[146].

Au surplus, Moïse ne connaît absolument qu’un seul Dieu. Il ne fait nulle allusion à un Dieu « semblable » ou « dissemblable[147] ». Ses affirmations réitérées de l’unicité divine ne peut laisser planer aucune équivoque sur sa pensée. — Nous aussi, diront les chrétiens, nous n’admettons qu’un seul Dieu. — Le début de l’Évangile de saint Jean prouve le contraire, puisqu’il y est fait une distinction entre le « Verbe » et « Dieu ».

Le passage d’Isaïe (V, 14) est également inopérant. Isaïe parle d’une vierge ; or Marie était mariée. Isaïe dit qu’elle accouchera d’un fils, il ne parle pas d’un Dieu. Au surplus, si le Logos est Dieu et procède de Dieu, de quel droit appelle-t-on Marie « mère de Dieu[148] » ?

Nulle part, Moïse ne fait allusion à un « Logos-Dieu fils unique », ni à un « Fils de Dieu[149] ». Là où il parle de fils de Dieu, il est clair qu’il fait allusion à des anges, ceux qui s’éprirent des filles des hommes[150].

Autre divergence. Les chrétiens méprisent les sacrifices. Moïse les recommandait et en avait fixé les rites. Les Juifs d’aujourd’hui s’y conforment pour autant qu’ils le peuvent, n’ayant plus ni temples ni autels. Une fois mise à part leur croyance en un Dieu unique, il faut bien constater que leurs observances religieuses ont nombre de points communs avec celles des Hellènes[151].

On peut déduire de l’histoire du sacrifice de Caïn et d’Abel, ou du sacrifice d’Isaac, qu’il était obligatoire d’apporter le feu d’un autre lieu que celui où s’accomplissait le rite. Des Galiléens, même haut placés — tel évêque, par exemple, et l’un des plus instruits — ne comprennent pas le sens véritable de certains passages, où l’on voit Dieu marquer sa préférence pour des offrandes formées d’êtres vivants, et se détourner de celles qui consistent seulement en fruits de la terre[152].

Les Galiléens ont renoncé à la distinction entre les aliments purs et impurs[153]. Dieu a-t-il donc changé d’avis sur la qualité des viandes ? Faut-il croire que le porc soit devenu un ruminant, depuis la prétendue « apocalypse » de Pierre ? Ils prétendent, il est vrai, qu’une seconde Loi, permanente celle-là, a été substituée à la Loi occasionnelle, chronologiquement limitée, de Moïse. Mais Moïse présente sa Loi comme éternelle, comme intangible, et cela dans toute une série de textes irrécusables.

Ils ne sont plus circoncis. Et ils s’autorisent pour cela de la parole de saint Paul sur la véritable circoncision, qui serait celle du cœur[154].

Oui-dà ! Car il n’y a chez vous ni fourbe ni méchant : tellement vous vous circoncisez le cœur[155] !

D’ailleurs, la circoncision prescrite à Abraham n’avait-elle pas déjà une valeur spirituelle et symbolique ?

Cette Loi mosaïque, dont les chrétiens font bon marché, le Christ a affirmé qu’il était venu, non pas pour la détruire, mais pour l’accomplir ; et qu’il était obligatoire d’en observer les moindres préceptes[156]. « Vous autres qui les transgressez en bloc, quelle méthode de justification trouverez-vous ? Ou bien Jésus est un menteur ; ou bien c’est vous qui faites à cette Loi une infraction totale et complète[157]. »

Pour sa part, Julien déclare qu’il éprouve beaucoup de respect à l’égard du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, lesquels étaient des Chaldéens, de race sainte et théurgique, et qui avaient appris la pratique de la circoncision durant leur séjour chez les Égyptiens. Abraham, par exemple, honorait Dieu d’une façon où Julien ne trouve rien à reprendre. Il sacrifiait assidûment, tout comme les Hellènes. Il usait de la divination par les étoiles, ou par les oiseaux « ce qui, peut-être bien, est encore coutume hellénique[158] ! » ; et Dieu voulut, lors des promesses qu’il lui fit d’une innombrable descendance, lui montrer les étoiles, comme pour les lui confirmer par le témoignage du ciel qui domine et sanctionne tout. La foi d’Abraham fut confirmée, rassurée par des signes sensibles, qui en garantissent le bien-fondé ! Car une foi sans vérité est folie et stupidité…

XIV

Le long développement qui vient d’être analysé — d’après les extraits de Julien inclus dans les dix premiers livres de saint Cyrille — appartenait donc au premier livre du Κατὰ Γαλιλαίων.

Le second livre était consacré, semble-t-il, à la Christologie et à la critique des Évangiles. Les fragments qui en restent se réduisent à peu de chose. Mais, au cours même du premier livre, Julien attaque déjà, par endroits, le Christ et les Apôtres. Si l’on joint à ces allusions celles que fournissent plusieurs des autres opuscules de Julien, on arrive à se former quelque idée de cet aspect de sa polémique.

La pensée de Julien sur le Christ est aussi claire que possible. Il nie formellement sa divinité, et le considère, tel qu’il se présente historiquement, comme tout à fait indigne des adorations que font monter vers lui les Galiléens.

Rien ne l’annonce dans l’Ancien Testament. L’application qu’on lui fait de certains textes de la Genèse, du Deutéronome, des Nombres repose sur des interprétations erronées[159]. La fameuse prophétie d’Isaïe ne vise nullement Marie[160]. Les transpositions que saint Matthieu s’est permises en affirmant de Jésus ce que la Bible avait dit seulement d’Israël, n’allaient qu’à duper la candeur des convertis de la gentilité[161]. Quant aux généalogies dressées par Matthieu et par Luc, elles trahissent une imposture qui n’est même pas habilement combinée[162].

Non, Dieu n’a jamais voulu, lui, le Dieu « jaloux », qu’on adorât comme un autre Dieu ce fils bâtard, qu’il n’avait pas reconnu[163].

En fait, la carrière de Jésus fut une chétive carrière. L’étoile de Bethléem n’était qu’une étoile comme les autres[164]. Jésus naquit sujet de César, puisque, de l’aveu même de saint Luc, il fut assujetti au recensement de Quirinus, tout comme son père et sa mère[165]. Des détails imprudemment précis font voir que les épisodes de sa biographie ont été souvent forgés, par exemple, lors de la scène de la tentation, cette haute montagne qui se serait dressée en plein désert[166] ; Jésus transporté sur le pinacle du temple, alors qu’il était encore dans la solitude[167]. Quant à son jeûne, à la différence de celui de Moïse, dans l’Exode (xxiv, 28) ou de celui d’Hélie (I Rois, xix, 8), il ne lui procure aucun avantage[168].

Durant sa vie mortelle, il boit, il mange comme les autres hommes[169].

Il n’a su gagner que les pires éléments parmi vous ; il n’y a guère plus de trois cents ans que son nom est prononcé. Et durant le temps qu’il a vécu, il n’a rien fait qui méritât d’être écouté, à moins qu’on ne mette au rang des chefs-d’œuvre d’avoir guéri des boiteux et des aveugles, ou exorcisé des démoniaques dans les villages de Bethsaïde et de Béthanie[170] !… Il était enchanté — lui, et son disciple Paul — quand ils réussissaient à tromper quelques servantes et quelques esclaves, et par eux des femmes, ou des hommes comme Cornélius et Sergius. Si, sous les règnes de Tibère et de Claude, ils ont réussi à convaincre un seul personnage distingué, vous pouvez me tenir en toutes choses pour un menteur[171] !… Une fois devenu homme, de quel bien fut-il l’occasion pour ceux de sa race ? Ils ne voulaient pas, nous dit-on, l’écouter. Pourquoi cela ? Ce peuple, « au cœur dur », au cœur de pierre, écoutait Moïse. Mais Jésus, qui commandait aux esprits, qui marchait sur la mer, qui chassait les démons, qui a créé le ciel et la terre — à ce que vous dites, vous autres, car aucun des disciples qui l’entouraient n’a osé affirmer cela de lui, à l’exception du seul Jean, et encore ne l’a-t-il pas dit clairement ni distinctement, mais enfin admettons qu’il l’ait dit ! — Jésus ne réussissait pas à modifier, pour leur salut, les manières de penser de ses amis et de ses parents[172].

D’ailleurs, la doctrine qu’il prêchait était inapplicable, et dangereuse au point de vue social :

Écoutez-moi ce beau précepte, utile à la société : « Vendez ce que vous avez et donnez-le aux pauvres ; faites-vous des bourses qui ne vieillissent point[173]. » Qui pourrait formuler ordonnance socialement plus bienfaisante que celle-là ? Si tout le monde t’obéissait, qui serait l’acheteur ? Le moyen de louer un enseignement qui, s’il prévalait, ne laisserait debout ni ville, ni nation, ni une seule famille ? Une fois tout vendu, quelle maison, quelle famille pourrait rester honorée ? Quant au fait que si l’on vendait tout à la fois dans une ville, on ne trouverait plus personne pour acheter, cela est évident et va sans dire[174].

Julien blâmait également le conseil du Christ sur l’obligation de faire du bien à ses ennemis. Invoquer Dieu pour les méchants, c’est dépasser les limites du juste ; il faut être pervers soi-même pour s’attendrir sur les pervers[175]. Ailleurs, à propos de la prédiction du Christ dans saint Matthieu[176] : « Le frère livrera le frère à la mort, et le père, le fils, etc. », il demandait : « Comment donc le Logos de Dieu supprime-t-il le péché si, au contraire, il devient responsable de tant de meurtres commis par les fils sur les pères, par les pères sur les fils ? Or, les hommes sont obligés, ou bien de défendre les coutumes de leurs ancêtres, de s’attacher aux pieuses traditions héritées des âges[177], ou bien d’accepter ces principes nouveaux. Ne pourrait-on, d’ailleurs, en dire autant de Moïse, venu pour supprimer le péché, et dont on découvre qu’il l’a multiplié[178] ? »

Quant à sa mort, elle fut une mort honteuse, indigne d’un Dieu, la mort sur la croix[179]. Les circonstances de sa passion sont dégradantes et d’ailleurs mal établies. Les plaintes que Luc lui prête[180] sont d’un malheureux qui se sent incapable de supporter avec sérénité son infortune. Il faut qu’un ange vienne le consoler, lui, un Dieu ! Mais qui l’a vu, cet ange, puisque les disciples dormaient ? Jean, lui, n’a pas osé parler de cet ange, parce qu’il ne l’avait pas vu[181].

Le récit de la résurrection souffre aussi maintes difficultés. Ainsi, selon saint Matthieu, Marie-Madeleine et la seconde Marie vinrent au sépulcre, après le sabbat, à l’aube du premier jour de la semaine ; d’après saint Marc, elles vinrent en plein jour, alors que le soleil était déjà levé ; chez Matthieu, elles voient un ange ; chez Marc, un jeune homme ; chez Matthieu, elles s’en vont annoncer aux disciples la nouvelle de la résurrection du Christ ; chez Marc, elles se taisent et n’en parlent à personne[182].

Aussi, Julien, pour bien souligner l’invraisemblance de cette résurrection, emploie-t-il à plusieurs reprises le mot ὁ νέκρος le mort, pour désigner Jésus[183].

Quelle différence, au point de vue du prestige et des services rendus, entre un Jésus et les héros authentiques de l’hellénisme, véritables bienfaiteurs de l’humanité : un Héraclès, par exemple, que Zeus engendra comme un sauveur pour l’univers[184] ; ou encore, le guérisseur des âmes troublées et des corps infirmes, Asclépios, que les hommes doivent à Hélios[185] et qui se manifesta à Épidaure sous l’apparence d’un homme, pour étendre de là sa main de « sauveur » sur toute la terre[186] ! Julien n’a-t-il pas, dans ses maladies, reçu lui-même du dieu de précieux conseils[187] ? Le Christ, lui, qu’a-t-il fait de vraiment utile, quels droits a-t-il au titre de sauveur[188] ?

Ces comparaisons dépréciatives ne sont pas développées en forme par Julien. Il les suggère en divers endroits de ses écrits. Mais il est vraisemblable qu’il les avait plus largement orchestrées dans la partie de son œuvre où il avait eu l’occasion de dire toute sa pensée sur le « Nazaréen[189] ».

XV

Naturellement Julien élargissait cette malveillance jusqu’aux Apôtres, qui, soit naïveté, soit sottise, suivirent immédiatement le Christ, comme ils auraient obéi à n’importe quel appel[190]. Dans sa lettre à Photin, il les traite « d’ignares dégénérés », de « pêcheurs théologiens. » Son hostilité se marquait d’une façon spéciale à l’égard de l’apôtre Paul, le grand responsable de la conversion des Hellènes à la religion galiléenne[191]. Julien avait certainement lu les Épîtres : il cite des expressions ou des morceaux de l’Épître aux Romains, de la 1re  aux Corinthiens, de la 1re  aux Thessaliens, et de l’Épître aux Hébreux. Il déclare que Paul « a surpassé tous les goètes et tous les imposteurs qui furent jamais, où que ce soit… » ; et que, d’ailleurs, il changeait d’opinion selon les circonstances « comme les poulpes changent de couleur selon celle de leurs rochers[192] », tantôt attribuant le privilège de l’héritage divin aux Juifs seuls, tantôt y admettant aussi les Gentils[193]. C’est lui qui a promis aux chrétiens la résurrection dans le Christ, en des termes qui décèlent qu’il n’avait nul sentiment du possible et de l’impossible, ce qui est le signe même de la déraison poussée à bout[194].

Il s’en prenait aussi à saint Jean, le seul des disciples qui ait osé insinuer, en termes assez enveloppés, que Jésus créa le ciel et la terre[195] ; le seul qui ait osé proclamer la divinité du Christ.

Ni Paul, ni Matthieu, ni Luc, ni Marc ne se sont hasardés à l’appeler Dieu. Mais l’excellent Jean, s’apercevant que déjà, dans beaucoup de villes de Grèce et d’Italie, quantité de personnes s’étaient laissé prendre par cette maladie, et apprenant, j’imagine, que les tombes de Pierre et de Paul étaient honorées (secrètement, mais il dut le savoir tout de même), osa, le premier, lui donner ce nom. Après avoir brièvement parlé de Jean-Baptiste, Jean revient au Verbe dont il se fait le héraut. « Et le Verbe devint chair, et il habita parmi nous. » Comment ? Il ne le dit pas, parce qu’il a honte. Toutefois, nulle part il ne l’appelle Jésus ou Christ, aussi longtemps qu’il l’appelle Dieu et Verbe. C’est insensiblement et à petit bruit qu’il cherche à surprendre nos oreilles ; et il déclare que Jean-Baptiste porta ce témoignage sur le Christ-Jésus, que c’était celui-là dont il fallait croire qu’il est Dieu le Verbe. Que Jean affirme cela de Jésus-Christ, je n’y contredis pas moi-même. Cependant, il y en a parmi les « impies » qui pensent qu’autre est Jésus-Christ, autre le Verbe célébré par Jean. Mais il n’en est pas ainsi. Car celui qu’il dit être le Dieu Verbe, c’est celui-là qui, ajoute-t-il, fut reconnu par Jean-Baptiste comme étant le Christ Jésus. Mais remarquez de quelle façon précautionneuse, doucereuse et dissimulée il introduit dans son drame le suprême parachèvement de son impiété : il est assez artificieux et fourbe pour exécuter une dérobade : « Personne n’a jamais vu Dieu, ajoute-t-il, c’est le Fils unique, celui qui est dans le sein du Père, qui l’a fait connaître. » Mais alors, est-ce que le Dieu Verbe, celui qui s’est fait chair, c’est ce Fils unique, qui est dans le sein du Père ? Si c’est lui, comme je le crois, vous avez donc vu Dieu, vous aussi !… Vous l’avez vu, sinon Dieu le Père, du moins le Dieu Verbe[196]

On relève enfin chez Julien quelques attaques contre saint Pierre. Il raillait, par exemple, la vision, «  l’apocalypse[197] » de Pierre, racontée au Xe chapitre des Actes des Apôtres, et les modifications rituelles, en matière alimentaire, dont elle avait été le point de départ. Cyrille nous apprend, sans citer textuellement Julien, que celui-ci se moquait de Pierre « l’apôtre choisi entre les saints apôtres », déclarant qu’il s’était conduit comme un hypocrite, et s’était attiré de fortes observations de la part de saint Paul pour son attitude oscillante entre les Juifs et les Gentils[198].

XVI

Julien n’avait pas négligé non plus les aspects contemporains de la vie de l’Église. On a vu qu’il reprochait aux chrétiens de son temps l’intolérance dont ils faisaient preuve les uns à l’égard des autres, et que ne justifiait aucun précepte proprement évangélique[199]. Peut-être aussi signalait-il l’influence prépondérante des femmes dans les milieux chrétiens, l’activité de leur zèle charitable, qui servait leur prosélytisme[200], leur rôle funeste dans l’éducation des enfants[201]. Il s’emportait sans doute contre les moines, en tant qu’ennemis de cette « philanthropie » qui était pour lui le trait caractéristique de l’esprit hellénique[202], des lois qu’il avait inspirées[203], de ses dieux mêmes[204].

Il en est qui sortent des villes, écrivait-il dans une lettre au grand-prêtre Théodore, pour rechercher les déserts, bien que, de sa nature, l’homme soit un animal sociable et civilisé. Mais les démons pervers auxquels ils sont livrés les poussent à cette misanthropie. Déjà, en grand nombre, ils ont imaginé de se charger de chaînes et de carcans : tant les obsède de toute part l’esprit malin auquel ils se sont volontairement donnés en désertant le culte des dieux éternels et sauveurs[205].

Il laissait éclater son dégoût pour le culte des martyrs[206] ; il voyait dans l’héroïsme dont les confesseurs de la foi faisaient preuve une influence des « démons pervers ». « Ce sont eux, écrivait-il, qui jettent la plupart de ces athées dans un accès de délire qui leur fait souhaiter de mourir, en leur donnant l’idée qu’ils s’envoleront dans le ciel après s’être arraché violemment la vie[207]. »

Mais ce qui le choquait le plus, c’était la manie chrétienne « de tout remplir de tombeaux et de sépulcres[208] », et de fréquenter assidûment les chapelles sous lesquelles des martyrs étaient ensevelis. Cette piété avait pour Julien quelque chose de malsain : elle heurtait en lui le goût de purification, la crainte de toute souillure, qu’il tenait des théurges, ses maîtres[209], et qui se rattachaient d’ailleurs à des préjugés religieux fort anciens parmi les Romains[210]. Il était persuadé que le voisinage des cadavres détournait les dieux d’exercer ici-bas leur action bienfaisante. Il n’hésitait pas à opposer aux chrétiens les paroles du Christ sur les « sépulcres blanchis » qui au dehors paraissent beaux, mais au dedans sont pleins d’ossements de morts et de toute sorte de pourriture[211]. À ce prix, pourquoi invoquer Dieu sur des tombeaux[212] ? Pourquoi se rouler devant des sépultures[213] ? Jésus n’a-t-il pas dit aussi : « Laissez les morts ensevelir les morts[214]… » En réalité, il y a là, affirme Julien, une survivance d’une pratique juive, mentionnée par le prophète Isaïe. Isaïe condamne ceux qui « dorment dans les tombeaux et dans les cavernes » (65, 4), et Julien ajoute de son cru « δι’ ἐνύπνια » (à cause des songes), c’est-à-dire pour obtenir en songe des oracles divins. Cette pratique magique, adoptée par les apôtres après la mort de leur Maître, aurait été transmise par eux à la première génération chrétienne, et les tard venus auraient ainsi recueilli le secret des lieux où devait s’accomplir le rite abominable[215].

C’était là une des raisons principales qui avivaient l’hostilité de Julien contre les chrétiens, en qui il se refusait à voir des êtres « purs[216] ». Plus d’une fois, il prescrivit des exhumations de cadavres autour des sanctuaires païens, ou même des démolitions de chapelles[217]. Et il en arriva à des réglementations rigoureuses, et parfaitement arbitraires, au sujet des obsèques que, pour des motifs de l’ordre cathartique, il interdit de célébrer pendant le jour[218].

XVII

Il est difficile de mesurer la dose exacte de l’originalité de Julien dans la polémique dont je viens de résumer l’essentiel. Pour l’évaluer au plus juste, il faudrait avoir en leur totalité les ouvrages antérieurs dont il a pu profiter. Mais qu’il ait très largement tiré parti des traités de Celse et de Porphyre, les rapprochements que j’ai indiqués en note suffiraient à le prouver[219]. Déjà Libanius avait signalé la filiation intellectuelle entre Porphyre et Julien. Il nous parle du long combat mené avec vigueur grâce auquel Julien sut livrer à la risée les croyances de ses adversaires. « Il se montra, ajoute-t-il, plus habile encore que le vieillard de Tyr [c’est-à-dire que Porphyre] sur le même sujet. Et ce Tyrien lui aurait été favorable et aurait accueilli ses discours avec bienveillance, comme s’il eût été surpassé par un fils[220]. »

On peut dire qu’à mesure qu’on apprend à mieux connaître les théories de l’école de Jamblique, l’apport personnel de Julien s’amenuise progressivement. M. Mau, qui a étudié avec le plus grand soin la philosophie de Julien d’après ses deux traités fondamentaux, l’Hymne au Roi Hélios et l’Hymne à la Mère des Dieux[221], « deux des morceaux les plus difficiles de la littérature grecque[222] », montre comment Julien n’a guère fait qu’essayer de fonder sur le néo-platonisme le double culte du Soleil et de la Mère des Dieux[223]. Il rappelle le mot d’Alfred von Gutschmid à propos du néo-platonisme, « contre-religion dressée contre le christianisme », et il estime que cette définition convient à Julien mieux qu’à aucun autre néo-platonicien. Et de même que Julien essayait de copier les institutions chrétiennes, pareillement il plagiait la doctrine « galiléenne » : il trouvait un nouveau Logos dans Attis et dans Hélios-Mithra[224], un Dieu sauveur en Asclépios, une « Θεοτόκος », une mère des Dieux, en Cybèle[225]. Mais ce n’est pas tout : « Bien des conceptions dont nous pensons trouver le point de départ dans les écrits de Julien, observe M. Bidez[226], sont en réalité plus anciennes. Le renouveau de nationalisme grec qui a amené les champions de l’ancienne culture à s’intituler Hellènes en s’opposant aux « Galiléens », mouvement qui ne se marque point encore dans les écrits de Porphyre, semble s’accuser déjà chez le pseudo-Julien[227]. Il faut en dire autant de l’idée d’opposer Esculape au Christ. On a eu tort de croire que ce parallèle date du temps de l’Apostat. Les allusions au rôle philanthropique du Dieu guérisseur et sauveur ne sont ni plus fréquentes ni plus manifestes chez Julien que chez notre épistolographe anonyme. »

Même ses vues sur les dieux ethnarques, préposés à la direction des nations, lesquelles reflètent dans leurs attitudes propres la nature des divinités qui les conduisent, ne sont pas de son invention personnelle. On en retrouve l’essentiel chez Celse[228], et elles se rattachent finalement à la doctrine platonicienne des idées, des modèles intelligibles dont le monde sensible est la réalisation[229].

Il se peut que, seules, ses considérations sans bienveillance sur le christianisme de son temps lui appartiennent en propre. Mais ce qu’on ne saurait contester, c’est que son animosité même lui suggère des tours d’une vivacité frappante, une pressante dialectique, des ironies dont l’âpreté nous est sensible encore. L’œuvre avait une portée au point de vue littéraire. Et, de plus, elle restaurait mainte objection déjà oubliée. Le nom même de son auteur achevait de la rendre dangereuse, et cela explique que les plumes orthodoxes se soient employées de bonne heure à la combattre, dans des réfutations spéciales[230].

XVIII

Ce qui pouvait, sans les annuler, affaiblir la portée des attaques de Julien ; ce qui, en tous cas, la restreint à notre regard, c’est ceci.

En premier lieu, les chrétiens n’étaient pas aussi démunis qu’il affectait de le dire, au point de vue purement intellectuel, compte tenu de la qualité de la culture de ce temps. Le ive siècle assistait, il est vrai, à une véritable renaissance de l’éloquence païenne. À Athènes, à Constantinople, à Nicomédie, à Antioche et dans nombre d’autres villes, des maîtres réputés attiraient par leur habileté de virtuoses de la parole tout un peuple d’étudiants. Amour de la dialectique, amour du beau langage, ces deux traits caractéristiques de l’esprit hellénique prenaient une vigueur et un relief nouveaux. Mais, à part quelques exceptions, la plupart des protagonistes du christianisme, un Athanase, un Basile, un Grégoire de Nazianze, un Grégoire de Nysse, un Jean « Chrysostome » — presque tous hommes faits[231] à l’époque où écrivait Julien — avaient été modelés par les mêmes disciplines que les rhéteurs les plus écoutés. Julien et ses fidèles ne voulaient voir dans le christianisme qu’une folle gageure de déraison et de désordre social : ils le tenaient pour une foi d’illettrés. Mais ils fermaient les yeux à ce fait que, pour le goût et le savoir, l’élite de leurs adversaires les égalait ; que l’éloquence chrétienne, nourrie de controverses, de célébrations liturgiques, des grands souvenirs du passé sanglant de l’Église, y trouvait une matière surabondante dont la leur était frustrée ; que dans tous les domaines, enfin, — traité dogmatique et polémique, histoire, chronologie, critique textuelle, poésie même — l’esprit chrétien s’était approprié les méthodes helléniques, sans que son originalité foncière eût subi, du fait de cet amalgame, aucune altération grave[232].

D’autre part, la prétention de Julien à incarner « l’Hellénisme » et à se désigner comme l’héritier du patrimoine de la vraie culture, par opposition à la « barbarie », appelle également de sérieuses réserves. L’Hellénisme véritable croyait à la puissance de la raison pour expliquer le monde à l’homme et l’homme à lui-même ; il avait une confiance sans limites dans la force intelligente de l’homme, dès là que cette force s’applique méthodiquement à son objet. Julien, lui, aurait voulu soustraire aux investigations de la critique les idoles dont son imagination mystique était peuplée. J. Carcopino a remarqué avec grande justesse que sa prétention d’interdire comme scandaleux tout irrespect à l’égard des légendes de la mythologie « aurait exclu de l’Hellénisme, non seulement le chrétien Grégoire de Nazianze, mais les plus grands parmi les philosophes grecs du paganisme » et que « l’hellénisme confessionnel que Julien a servi en menaçant dans leur vie, et l’injure à la bouche, les Hellènes-athées comme Héraclius, n’est plus l’Hellénisme[233] ». « La théologie de Julien, note de son côté A. Puech[234], est une théologie dont l’esprit vient de l’Orient, et non point de la Grèce antique. Quand il traitait dédaigneusement les chrétiens de Galiléens, les chrétiens auraient pu lui répondre, presque sans exagération, qu’il n’était pas un Hellène, mais un Perse. »

XIX

Le résultat effectif du grand effort littéraire de Julien, et de la politique par laquelle il l’avait préparé et soutenu, nous échappe pour une large part. On ne s’étonnerait pas si les apostasies avaient été fort nombreuses, car l’intérêt, qui durant les deux règnes précédents avait déterminé tant de conversions parmi les âmes avides ou médiocres, favorisait un revirement dans le sens souhaité par Julien. Alfred de Vigny, dans son Daphné[235], voit « les Nazaréens, épouvantés en secret de la promptitude avec laquelle la moitié des leurs au moins a été ramenée à l’ancien culte par la douceur du jeune prince Julien, et surtout par le désir des honneurs dont le taurobole est le seul chemin ». Il est probable que si Julien avait obtenu une si belle réussite, il n’aurait pas laissé percer çà et là la désillusion dont il a peine à retenir l’aveu[236]. C’était une lourde tâche que de communiquer à autrui une foi aussi compliquée, aussi « philosophique » que la sienne. Son zèle s’usait à ranimer l’indifférence des foules. Et puis, il eut si peu de temps pour son œuvre de restauration ! On comprend le désespoir de ses partisans — sophistes, théurges, lettrés — à la nouvelle de la mort prématurée qui mettait fin brusquement aux espoirs qu’il avait incarnés.

Libanius, malgré sa bienveillance et son optimisme coutumiers, ne put se tenir de supposer, bien gratuitement[237], qu’il avait dû être victime de quelque traîtrise :

« Si Julien est tombé sous la pointe du fer, écrivit-il, et si l’arme n’a pas été dirigée par la main d’un Perse[238], qu’en conclure, sinon que le meurtrier était dans nos rangs, parmi des gens qui, ou bien immolaient Julien à la haine d’autrui, ou bien le sacrifiaient à leurs propres ressentiments pour faire retomber dans le mépris le culte des dieux qu’ils abhorraient[239] ! »

Du côté chrétien, la joie fut immense. La mémoire de l’empereur défunt devint une mémoire maudite. Dans ses deux Invectives, composées vers 365, Grégoire de Nazianze, esprit délicat et raffiné pourtant, le compare à un Achab, à un Pharaon, à un Nabuchodonosor ; il consent à peine à lui reconnaître quelques mérites et va jusqu’à invectiver contre la philosophie hellénique dont Julien s’était constitué le champion[240]. La légende de Julien se chargera plus tard, tant en Occident[241] qu’en Orient[242] de racontars absurdes.

Il est à noter pourtant qu’au début du ve siècle, le poète Prudence sut parler de lui, dans son Apotheosis, d’une façon mesurée et équitable[243]. Citons, pour clore cette partie de notre étude, quelques vers, dont l’impartialité apparaît généreuse, quand on sait l’animosité que les méthodes tour à tour doucereuses et violentes de Julien avaient laissée après lui.

Parmi tous les princes, il en est un qui ne se déroba point. Il était dans mon enfance, je m’en souviens, un chef d’armée de grand courage, un législateur aussi célèbre par son éloquence que pour son énergique action, un conseiller pour sa patrie ; mais il perdait ce titre quand il y allait de la religion, car il restait le zélateur de trois cent mille dieux : il fut perfide envers Dieu, mais il ne le fut pas envers Rome !

Principibus tamen e cunctis non defuit unus,
Me puero, ut memini, ductor fortissimus armis,
Conditor et legum, celeberrimus ore manuque
Consultor patriae, sed non consultor habendae
Religionis, amans tercentum milia divum.
Perfidus ille deo, quamvis non perfidus urbi.

XX

Au nom de l’empereur Julien, il est deux noms qu’il faut lier, celui de Libanius et celui d’Ammien-Marcellin. Ils lui furent l’un et l’autre profondément dévoués ; ils admirèrent son énergie guerrière et son œuvre de lettré. Mais ils n’apprécièrent pas tout à fait de même son attitude à l’égard des chrétiens. Ammien-Marcellin formule des réserves auxquelles Libanius n’eût point souscrit, car son âme, pourtant bienveillante, nourrissait des rancunes qui, depuis la mort catastrophique de Julien, souffraient de n’être plus exaucées.

XXI

Libanius était un des rhéteurs les plus en vue de ce temps. Du rhéteur, il avait les petits côtés, une vanité chatouilleuse, une hargne facilement en éveil contre ceux qui se permettaient de critiquer son enseignement, une insistance un peu fatigante à rappeler ses succès oratoires, les applaudissements qui saluaient presque chaque mot par lui prononcé, les clameurs « qui mêlaient à son nom le nom de Platon et de Démosthène ». Son univers était limité de tous côtés par ces flatteuses réussites. — Mais il était honnête, loyal, serviable, fort capable, le cas échéant, de se hausser à un réel courage moral, d’élever la voix, par exemple, pour défendre les pauvres paysans des environs d’Antioche accablés par les réquisitions et les corvées[244], ou pour dénoncer les abus de tel fonctionnaire haut placé[245].

Il gardait aussi l’amour de son métier, un respect profond à l’égard de la tradition littéraire de l’hellénisme (encore qu’il fût fermé à la poésie et ne s’intéressât guère à la philosophie), un goût de la forme oratoire et du biendire qu’il sut léguer à une élite de disciples, parmi lesquels il compta Basile, le futur évêque de Césarée, à Nicomédie, et, à Antioche, Jean « Chrysostome », Théodore de Mopsueste et Grégoire de Nazianze.

Libanius était né à Antioche de Syrie en 314, et il revint s’y installer définitivement en 354. Il put donc observer de près la vie chrétienne, dont Antioche était un très actif foyer. Il aurait fallu autre chose que les luttes dogmatiques et les violences dont quelques années plus tard saint Jérôme devait s’avouer excédé, pour modifier les sentiments peu favorables que lui inspirait le christianisme. Non qu’il eût une âme de persécuteur, ou même qu’il se fit scrupule d’entretenir de cordiales relations avec des catholiques authentiques. Il était tolérant, et d’une obligeance qui s’employa plus d’une fois au bénéfice des chrétiens brimés par les fonctionnaires de Julien[246].

Mais de bonne heure il eut l’impression, la certitude, que le christianisme menaçait la civilisation grecque, et que les mesures de rigueur portées par les princes chrétiens allaient l’entraîner aux abîmes. La responsabilité de Constance lui apparaissait singulièrement lourde.

Le père de Constance avait dépouillé les dieux de leurs richesses. Lui, il rasa les temples, abolit tous les rites sacrés, et se donna — à qui, nous le savons ! L’avilissement de la religion s’étendit aux lettres, et cela se conçoit, car la religion et les lettres se tiennent par une étroite parenté : elles sont sœurs[247].

Ce fut pour lui un immense soulagement quand il vit Julien, qui l’appelait son « compagnon » (ἑταῖρος), entreprendre sa tentative de défense et de revivification de l’hellénisme. Julien devint pour lui l’idéal du prince religieux, en commerce permanent avec les dieux[248]. Il n’hésitera pas à le diviniser et même à lui attribuer le don des miracles[249]. Aussi la mort inopinée de son prince aimé lui inspira-t-elle d’étranges soupçons, dont l’excuse fut le chagrin profond qu’il en ressentit[250]. Le revirement subit de la politique religieuse, au lendemain de cette catastrophe, n’intimida point son zèle pour l’hellénisme. En 384, encore, il réclamera de l’empereur Théodose une intervention énergique contre les destructions de temples, qu’il impute aux moines, « à ces gens qui remplissent les cavernes et n’ont d’austère que le manteau[251] ». Dès qu’il parle des moines renverseurs de sanctuaires, son indignation se donne libre cours. Il flétrit

… ces hommes habillés de noir, qui mangent plus que des éléphants, et qui, à force de boire, lassent la main des esclaves qui leur versent le vin parmi les chants ; ces gens qui cachent leurs désordres sous une pâleur qu’ils se procurent grâce à certains artifices. Oui, ce sont ces gens-là, & Empereur, qui, au mépris de la loi toujours en vigueur, courent sus aux temples. Ils portent du bois pour y mettre le feu, des pierres et du fer pour les saccager : ceux qui n’en ont pas se servent de leurs mains et de leurs pieds. Ils renversent les toits, démolissent les murs, jettent bas les statues, arrachent de terre les autels : c’est un vrai butin de Mysiens. Quant aux prêtres, il leur faut se taire ou périr ! Dès qu’un temple est détruit, c’est une course vers un second, puis vers un troisième, et ainsi de suite. Ils entassent trophées sur trophées, au mépris de la loi, etc.[252].

Ses œuvres, surtout à partir de sa nomination officielle à Antioche, en 354, sont pleines d’allusions désobligeantes au christianisme, à cette foi étayée sur des livres « qui font d’un homme de Palestine un Dieu et un enfant de Dieu[253] ». En 362 il publia une Apologie de Socrate, où il exaltait le philosophe comme un saint du paganisme et un exemplaire achevé de la haute philosophie païenne, indignement contrebattue par les chrétiens[254].

Il ne semble pas, au surplus, que Libanius ait fait, de la doctrine chrétienne, une étude personnelle. Ce sont les écrits de Julien qui lui fournissent ses armes et lui suggèrent le ton même, ironique et persifleur, dont il lui arrive d’user.

Pour lui, les chrétiens sont des « athées » (épithète déjà ancienne dans le vocabulaire des polémistes païens, et que Julien avait employée), puisqu’ils ne veulent rien savoir des divinités helléniques et de la fumée « profitable[255] » des sacrifices. Ils se bercent de « contes ridicules ».

Sur les questions les plus importantes de la vie humaine, ce ne sont pas les poètes, ce sont d’autres maîtres que vous suivez ; et vous fuyez ces temples qu’on vient de rouvrir, vous qui auriez dû gémir du fond de l’âme, alors qu’ils étaient fermés. Quand on vous parle d’un Platon, d’un Pythagore, voilà que vous alléguez votre mère, votre femme, votre intendante, votre cuisinier, et aussi le fait que l’on croit à ces choses-là depuis longtemps[256]. Vous vous traînez à la remorque de ces imbéciles créatures dont vous devriez gouverner l’esprit[257].

C’est aux habitants d’Antioche qu’il tient ce discours. Il déteste également, comme son modèle Julien, le culte des martyrs et des reliques, et il reproche aux chrétiens de hanter les tombeaux[258].

Mais ce n’est pas seulement à ces petits côtés de la foi nouvelle, ou aux manifestations intempestives de ses enfants perdus qu’il s’en prend. Pour lui, le christianisme, il le dit très nettement, est une « erreur », par laquelle les chrétiens sont « abusés[259] » : et c’est une erreur dangereuse, en ce sens que, par leur mépris des dieux, les chrétiens deviennent la cause indirecte des maux de l’Empire[260].

Aussi lui paraît-il impossible de ne pas s’opposer au progrès d’une religion aussi manifestement nuisible. Et il loue hautement Julien pour avoir essayé, par les moyens que sa situation et son talent lui fournissaient, de guérir ses sujets de leur ignorance et de leur aveuglement[261], « en dispersant les ténèbres qui les empêchaient de tendre les mains vers le Soleil[262] ».

XXII

Il est intéressant de comparer à la haine active, passionnée de Julien et de son fidèle Libanius, l’attitude toute prudente d’un historien qui fut son compagnon d’armes en 363, lors de l’expédition contre les Perses, et resta fidèlement attaché à son souvenir.

Ammien-Marcellin était païen. À l’entendre si souvent parler du Numen (Numen magnum, superum, divinum, etc.), on pourrait le croire monothéiste. En réalité, il se sert du jargon religieux, coutumier chez beaucoup de païens lettrés de ce temps. Il croit à l’astrologie, à la divination, à la vertu des sacrifices, encore qu’il reproche à son cher empereur d’avoir fait de ceux-ci un véritable abus[263].

Au surplus, il ne partage nullement l’ardeur antichrétienne de Julien. Il va même jusqu’à le blâmer d’avoir porté un édit contre les maîtres chrétiens[264]. Il est tolérant par nature, et Valentinien Ier reçoit de lui de grandes louanges pour être resté un arbitre impartial entre les diverses religions, sans imposer à personne aucun culte[265]. Il est vrai qu’il rédige son histoire sous Théodose, vers la fin du ive siècle, et qu’il devait se sentir d’autant plus de goût pour la tolérance qu’elle n’était plus guère à l’ordre du jour.

Il garde, malgré tout, dans ses Res Gestae un certain franc-parler, et donne assez librement son opinion sur les hommes et les choses, sans émousser, par cautèle, la pointe de ses critiques.

Il censure, par exemple, la politique religieuse de Constance, ses façons de raffiner sur le dogme, la désorganisation qu’il introduisit dans les services de la poste, en la mettant trop souvent à la disposition des évêques.

Constance gâta la religion chrétienne, qui est claire et simple, en y mêlant une superstition de vieille femme. Plus porté aux interprétations subtiles qu’aux sages apaisements, il provoqua de nombreuses scissions, qu’il laissa s’aggraver et qu’il entretint par des discussions de mots. On vit des groupes d’évêques emprunter les relais publics pour courir deci delà, de « synode » en « synode », comme ils disent ; et ainsi, en essayant de ramener tout le culte à sa propre opinion, il énervait le service public des transports (rei vehiculariae succideret nervos[266]).

Il redoute les disputes religieuses, et il rappelle que, si Julien essaya d’abord de calmer pacifiquement les dissensions entre évêques, c’est qu’il avait expérimenté « qu’il n’y a point de bêtes féroces aussi hostiles aux hommes que le sont entre eux bon nombre de sinistres personnages parmi les chrétiens[267] ».

À propos des compétitions entre Ursinus et Damase pour le siège romain, il note que si les candidats mettent tant d’ardeur à se disputer cette charge, c’est que les avantages positifs n’y manquent pas :

J’avoue comprendre, lorsque je considère le train de la vanité à Rome, que des hommes désireux de ce poste épuisent leurs poumons en disputes pour arriver au but de leurs ambitions. Une fois qu’ils l’ont atteint, les voilà délivrés de soucis. Ils s’enrichissent des cadeaux des matrones ; ils vont splendidement vêtus, installés sur des chars ; leurs tables sont servies avec une telle profusion que leurs repas surpassent les festins des rois. Ils pourraient cependant jouir du bonheur véritable en méprisant la splendeur de la Ville, qu’ils donnent comme excuse à leurs vices, et en vivant à l’imitation de quelques évêques de province, que leur extrême sobriété dans le boire et le manger, que leur simplicité dans le vêtement et leurs regards tournés vers la terre recommandent au Dieu éternel et à ses vrais adorateurs, comme des hommes purs et dignes de tout respect[268].

À l’égard des martyrs, Ammien s’exprime avec respect, il parle de « ces hommes qui, poussés à renier leur religion, ont supporté de cruels supplices, et ont marché jusqu’à une mort glorieuse sans souiller leur foi : et nunc martyres appellantur[269] ». Mais il n’aime pas beaucoup le culte qu’on leur voue. Ce culte lui inspire les mêmes défiances qu’à Julien ; et c’est avec une ironie presque indignée qu’il montre le chef des troupes d’Orient, Sabinianus, s’attardant parmi leurs tombeaux, à Édesse, sans se douter des funestes présages que son attitude faisait lever dans les esprits sur le prochain avenir[270].

On ne saurait dire toutefois qu’Ammien ait épousé la querelle de son empereur, ni recueilli le legs de ses profondes antipathies. Le plus probable est que le christianisme ne l’a jamais beaucoup intéressé, et qu’orienté vers d’autres soucis il ne s’est guère mis en peine de le bien connaître. Remarquable est la gaucherie, le vague des expressions dont il se sert dès qu’il en parle : on dirait qu’il ignore les termes techniques, ou qu’il évite systématiquement de s’en servir. Il appelle l’évêque de Rome legis antistes, il dit conventiculum ritus christiani[271] ou ritus christiani sacrarium[272] au lieu d’ecclesia ; ritus solemnitas, festo die christiani ritus, voilà le genre de tours qu’il aime ; et là même où il se décide à user de mots comme synodus, diaconus, presbyter, il se croit obligé d’ajouter : ut appellant Christiani[273].

N’hésitons pas à le rattacher à cette catégorie de païens cultivés, si nombreux à cette époque qui, soit dédain, soit indifférence, assistaient sans y comprendre grand’chose, peut-être sans trop s’en émouvoir, à la révolution que le christianisme opérait autour d’eux. De la part d’un historien, une telle placidité ne laisse pas que d’étonner, et elle marque ses limites.


  1. J’ai esquissé cette comparaison dans la Revue des Questions Historiques du 1er  octobre 1930, p. 257-261.
  2. Je désigne par les noms de Bidez-Cumont le recueil (non traduit) qu’ont publié ces deux savants dans la collection des Universités de France, Iuliani imperatoris Epistulae, Leges, Poematia, Fragmenta varia, Paris, 1922, et par le nom de Bidez, les Lettres et Fragments de l’empereur Julien, dans la même collection, texte et trad. franç., Paris, 1924. Pour les autres traités de Julien je renvoie à l’édition Hertlein, Leipzig, 1877, sauf pour le traité contre les « Galiléens », qui est cité d’après C. J. Neumann, Leipzig, 1880.
  3. Hist. critique de l’École d’Alex., Paris, 1846, II, 163. « Il avait horreur de la violence et de la persécution ; il pouvait être et il fut tolérant par bienveillance et par humanité, mais jamais par la neutralité d’un juge indifférent. »
  4. La Vie littéraire, IV, 261-262 : « Il unissait la tolérance à la foi et c’est une rare et belle alliance. Il a donné au monde ce spectacle unique d’un fanatique tolérant. Nourri dans la violence romaine et dans la cruauté byzantine, il semble n’avoir appris que le respect de la vie humaine et le culte de la pensée. »
  5. Bidez, no 61, p. 75.
  6. Bidez, no 114, p. 195.
  7. Voir les réserves qu’il formule sur l’édit contre les professeurs chrétiens (XXV, ix, 20).
  8. XXV, iv, 9.
  9. Voy. XXI, v, 1-5.
  10. Telle est l’interprétation fournie par Rufin, H. E., X, 27 ; Socrate, III, 1, 18 ; Théodoret, III, 4, 1.
  11. C’est l’avis de Sozomène, V, 4, 8 ; 5, 1 et de Philostorgue, VII, 4 (p. 81, 7, éd. Bidez).
  12. Bidez, no 110, p. 187.
  13. Par exemple à Merus, en Phrygie (Socrate, Hist. Eccl., III, 15 ; Sozomène appelle Mésos la ville en question).
  14. À Césarée de Cappadoce (Sozomène, V, 4), à Daphné, près d’Antioche (Ammien-Marcellin, XXII, viii, 1 et s.), etc.
  15. Lettre aux Bostréniens, Bidez, no 114, p. 193.
  16. M. Bidez a habilement reconstitué dans le Bull. de l’Acad. royale de Belgique, 1914, p. 422 et s., la loi du 13 mars 362, dont nous possédons cinq extraits dans le Code Théodosien sous les rubriques les plus diverses. Cette loi tendait à restreindre les exemptions trop onéreuses introduites par les précédents empereurs, et dont pâtissaient plus ou moins les finances de l’Empire.
  17. Vacherot, II, 167. L’excellent humaniste Constant Martha, qui a esquissé une réhabilitation de Julien (Études morales sar l’Antiquité) dit joliment, p. 293 : « Il vint un jour où il n’eut plus la force de se tenir renfermé dans sa modération. »
  18. Bulletin de l’Acad. royale de Belgique, classe des Lettres, 1914, p. 442. Cf. du même, La Vie de l’Empereur Julien, Paris, 1930, p. 310 et s. La réaction violente du sentiment chrétien s’exprime chez Grégoire de Nazianze, Orat., iv, 5 et s. ; Socrate, Hist. Eccl., VII, 12 ; Sozomène, v, 18 ; Rufin, x, 33 ; Théodoret, iii, B ; Augustin, De Civ. Dei, xviii, 52, etc. — Ammien-Marcellin désapprouve cette mesure (xxii, 10, 7 ; xxv, 4, 20) que loue Libanius (XVIII, 158).
  19. Saint Matthieu, XXVI, 52. La lettre 83 (Bidez, p. 94 et 143) confirme la réalité de cette exclusion, qui est mentionnée par Rufin, Hist. Eccl., X, xxxiii et par Socrate, Hist. Eccl., III, xiii ; elle permet de mesurer le « favoritisme confessionnel » de Julien.
  20. Socrate, III, xiii, 9.
  21. C’est pourtant à propos de cette manœuvre peu loyale que Voltaire s’écriait : « Relisez sa lettre cinquante-deuxième, et respectez sa mémoire ! » (Questions sur l’Encyclopédie, s. v. Apostat).
  22. Voir les faits groupés par P. Allard, Julien l’Apostat, t. III (Paris, 1903), p. 85 et s., et Bidez, Vie de l’Empereur Julien, p. 232.
  23. La Vie littéraire, IV, p. 255.
  24. Daphné, p. 119.
  25. Cf. la Lettre au Sénat et au peuple d’Athènes, p. 271-272 (Hertlein).
  26. Misopogon, p. 351 D.
  27. Ibid., p. 351 C (… ὅπερ ἐγὼ μὲν οὐκ ἐβουλόμην τότε).
  28. Voir Schemmel, Die Schalzeit des Kaisers Julian, dans le Philologus, t. 82 (1926-7), p. 454 et s.
  29. Ibid., p. 454. Le passage de l’Oratio IV (p. 131 A) et celui de la Lettre aux Alexandrins (Bidez, p. 191, l. 3) ne prouvent pas grand chose au point de vue de ses sentiments d’autrefois.
  30. Ammien-Marcellin, qui l’avait bien connu, affirme que dès son enfance (a rudimentis pueritiae primis), il avait un penchant pour le culte des dieux (inclinatior erat erga numinum cultum), XXI, v, 1.
  31. Ép. 107 (Bidez, p. 155, l. 18 et s.).
  32. Oratio IV (p. 130 C) ; voir Bidez, la Jeunesse de l’Empereur Julien, dans le Bulletin des Lettres de l’Académie royale de Belgique, 1921, p. 127 et s. Cf. du même auteur, la Vie de l’Empereur Julien, p. 59 et s.
  33. Vitae Sophistarum, Maximus (éd. Boissonade, Didot, p. 474).
  34. Ibid., p. 474, l. 45 et s.
  35. Eunape, Vies des Sophistes, Maximus (Didot, p. 475, ligne 11 et s.).
  36. Il est équitable de reconnaître qu’il impute à Maxime certaines améliorations de son caractère (Contre le Cynique Héraclius, Hertlein, p. 235 B).
  37. Ép. 92 (éd. Bidez, p. 182, l. 20).
  38. Fragm., dans Bidez, p. 215, l. 8.
  39. Contre le cynique Héraclius (p. 222 B, éd. Hertlein).
  40. Hymne au roi Hélios (p. 157 D, Hertlein).
  41. Contre le cynique Héraclius (p. 217 B, Hertlein).
  42. Voy. Karl Praechten, dans Archiv für Religionswiss., 1927, p. 200-213, et l’appréciation très sévère de Harnack sur Jamblique, Dogmengesch., I, 4e  éd. (1909), p. 820.
  43. Trad. Pierre Quillard, p. 176.
  44. De Myst., éd. Parthey, p. 96, l. 17.
  45. Julien dira, à l’imitation de son maître : « Comme il n’y a qu’une vérité, ainsi n’y a-t-il qu’une philosophie » (Or., VI, p. 184 C, éd. Hertlein).
  46. P. 233 et s.
  47. Ammien-Marcellin, XXI, ii, 4-5 (… a quo iampridem occulte desciverat).
  48. Cumont, Textes et mon. relatifs au culte de Mithra, II, 357 ; cf. Grégoire de Nysse, Or., IV, c. 31 et 55 ; Sozomène, H. E., V, 2, 5.
  49. Eunape, Vitae Sophist. (p. 52, éd. Boissonade). Le texte d’Eunape n’est pas décisif.
  50. Grég. de Naz., Or., IV, 52 (Patrol. gr., 35, 576).
  51. Bull. de l’Acad. royale de Belgique, classe des Lettres, 1916, p. 446. Comp. le même auteur, les Comptes rendus de l’Acad. des Inscr., oct.-déc. 1927, p. 280. « Les derniers des chefs de l’école néo-platonicienne furent des hiérophantes tout autant que des philosophes », et sa Vie de l’Empereur Julien, p. 69 et s.
  52. Ép. 89, Bidez, p. 152, l. 12.
  53. Eunape, Vitae Sophist., éd. Boissonade, p. 477, l. 13.
  54. Eunape, Vitae Sophist., Maximus (p. 477, l. 33).
  55. Noter les termes d’affectueux respect que Julien employait à son égard dès le temps où il vivait en Gaule (Ép. 11, Bidez, p. 18) ; cf. Ép. 12 et 13.
  56. Ammien-Marcellin, XXV, iii, 23 : ipse (Iulianus) cum Maximo et Prisco philosophis super animorum sublimitate perplexius disputans…
  57. Éd. A. Nock, Camb., 1926. Cf. Cumont, dans Rev. de Philologie, t. XVI (1892), p. 55 et s. ; Gnomon, 1927, p. 347 et s.
  58. Bidez, L’Empereur Julien, lettres et fragm., p. 107 et s.
  59. Oratio, V, 23-24 ; Patrol. gr., 35, 692.
  60. Libanius, Or., XVIII (Förster, t. II, p. 310, l. 9 et s.).
  61. Par exemple pendant son trajet de Constantinople à Antioche, il poussa une pointe vers Pessinus pour y vénérer le temple de Cybèle (visurus Matris magnae delubra : Ammien Marcellin, XXII, ix, 5) ; d’Antioche, il se rendit au temple de Jupiter sur le Mont Cassius (ibid., XXII, xiv, 4), etc. Sa lettre à Libanius (Bidez, p. 180) où il raconte son voyage dans le nord de la Syrie le montre obsédé de pèlerinages et d’immolations.
  62. Ép. 48 (Bidez, p. 182, l. 13).
  63. Ép. 26 (Bidez, p. 54, l. 5).
  64. XXV, iv, 17. Voir aussi XXII, xii, 6 et s. « Hostiarum tamen sanguine plurimo… », etc.
  65. Or., 37, 5 (Förster, t. II, p. 341).
  66. Cf. par ex. Ép. 12 (Bidez, p. 19) : Ép. 40 (Bidez, p. 64, l. 29).
  67. Ép. 54 (Bidez, p. 54, et la note 1) ; Ép. 28-29 (Bidez, p. 55).
  68. Ép. 12 (Bidez, p. 19, l. 5) ; Ép. 26 (Bipez, p. 53).
  69. Or., V (texte abrégé, trad. Bidez ; cf. Hertlein, p. 179-180).
  70. Ép. 84a, 86, 88, 89a, 89b (éd. Bidez).
  71. Ép. 84 (Bidez, p. 144). Cf. Misopogon (p. 363 AB, Hertlein) sur le zèle charitable des femmes galiléennes, grâce auquel elles inspirent « une grande admiration pour l’impiété à ceux qui ont besoin de leurs secours ; et Ép. 89 (Bidez, p. 173).
  72. Ép. 98 (Bidez, p. 166, l. 14).
  73. Voy. W. Koch, Comment l’empereur Julien tâcha de fonder une église païenne, dans la Revue belge de philologie et d’histoire, mars-juin 1927, p. 123 et s. ; janvier-mars 1928, p. 49 et s.
  74. Ép. 84 (Bidez, p. 145, l. 2).
  75. Ép. 89 (Bidez, p. 168).
  76. Ép. 86 (Bidez, p. 173, l. 12).
  77. πιθήκων μιμήματα (Or., IV, § 112 ; Patrol. gr., 35, 649). « Il voulait, dit Grégoire, établir des écoles dans toutes les villes et des chaires et des lectures sur les doctrines grecques et des explications de nature, soit à former les mœurs, soit à faire comprendre les choses mystérieuses ; introduire des prières avec réponses, des réprimandes graduées pour les pécheurs… toutes choses évidemment empruntées à notre organisation. Il voulait encore fonder des refuges et des hospices, des monastères, des maisons pour les vierges, des maisons de recueillement… »
  78. Voir plus haut, p. 328.
  79. Der Ausgang des Heidentums, p. 113.
  80. Bull. de l’Acad. royale de Belgique, classe des Lettres, 1914, p. 434 ; cf. Vie de l’Empereur Julien, p. 253 et 266.
  81. P. 29.
  82. Paris, 1848, p. 99.
  83. Les faiblesses de composition s’expliquent, chez lui, par un penchant assez fâcheux à l’improvisation. Le Discours sur le Roi Hélios fut écrit en trois nuits (Hertlein, p. 157, 5) ; le Discours sur la Mère des Dieux en moins d’une nuit (p. 178 D) ; le Discours contre les chiens ignorants, en deux jours (p. 203 C).
  84. Voir Bidez-Cumont, p. 207, no 151.
  85. Printemps 362. Or., VII (Hertlein, p. 224 B).
  86. P. 357 C, Hertlein.
  87. P. 336 A, Hertlein. Voyez aussi l’Hymne à la Mère des Dieux (Hertlein), p. 194 C ; 180 B ; le Discours au Roi Hélios, p. 131 A.
  88. Cf. Bidez, Lettres, p. 61, 103, 155, 159, 174, 183, 195.
  89. Cf. 90 (Bidez, p. 174).
  90. Ép. 89 (Bidez, p. 159). Le fragment de la lettre 155 (Bidez, p. 206) semble se rattacher au même ordre d’arguments.
  91. Voir l’anecdote qu’il raconte dans son grand ouvrage contre les Galiléens (Neumann, p. 228, l. 7).
  92. Bidez, p. 174.
  93. Ép. 106-107 (Bidez, p. 184-185).
  94. Or., XVIII, 178 (p. 313, 10 Förster).
  95. Patrol. gr., t. 76, 503-1064.
  96. Neumann a essayé dans son édition (Leipzig, 1880) de restituer, autant que faire se peut, l’ordre logique des fragments. Je rappelle que les références se rapportent à cette édition.
  97. Neumann, p. 163, ligne 2.
  98. μυθώδης, τὰ παράδοξα, ἀνόητος, μῦθος, ψεῦδος, etc.
  99. Cf. Grég. de Nazianze, Or., V, 25, 30.
  100. Ép. 90 (Bidez, p. 174, l. 16).
  101. Préface du De viris illustr., de saint Jérôme.
  102. Neumann, p. 205, 11.
  103. P. 206, 9.
  104. Neumann, p. 205, 5.
  105. ἀποστάντες, p. 219, 2 ; cf. p. 207, 5 et 12.
  106. P. 198, l. 16.
  107. τὰ πατρία, p. 207, 11. Sur cette expression qui revient si souvent chez Julien, voir Neumann, dans Theolog. Literaturzeitung, 1899, 303.
  108. ἀσεβεία, p. 207, 13 ; 234, 13, etc.
  109. P. 200, 7 ; cf. 202, 9.
  110. P. 164, 16 ; 205, 6, etc.
  111. P. 163, l. 7.
  112. Dès la seconde moitié du iie siècle, Celse avait signalé la révolte chrétienne contre la culture traditionnelle (ap. Origène, C. Celsum, III, 55 ; 75 ; 78 ; VI, 14).
  113. Neumann, p. 165, l. 1 et s.
  114. P. 165, 17.
  115. Une διδασκαλία τοῦ φανέντος θεοῦ (p. 204, 6).
  116. P. 167, 1 et s.
  117. P. 167, 9. Comparez les développements analogues de Celse, ap. Origène, Contra Celsum, VI, 49 et s. ; VII, 53.
  118. Neumann, p. 169, l. 16.
  119. ὑποκειμένης, p. 171, 23.
  120. Timée 41 ABC.
  121. Il songe à Hélios et à Attis. Voir le IVe et le Ve discours.
  122. Neumann, p. 178, 7 et s. Comp. Celse, ap. Origène, IV, 7 ; VI, 78 et Porphyre, fragm. 81 dans le répertoire de Harnack, Abhandl. d. pruss. Ak. d. Wiss., 1916, no 1.
  123. P. 184, 17
  124. οἱ ἡμέτεροι, « les nôtres ».
  125. P. 183, 2.
  126. Neumann, p. 187, 11 et s.
  127. P. 188, 6.
  128. P. 190, l. 5.
  129. P. 192, l. 5.
  130. ἀπαθεία, au sens philosophique du mot, l’impassibilité.
  131. P. 193, 9.
  132. P. 104, 15. Julien fait défiler Persée, Minos, Éaque, Dardanus, après Platon, Socrate, Aristote, Cimon, Thalès, etc.
  133. P. 196, 7 et s.
  134. P. 197, l. 15 et s.
  135. C’était aussi l’idée de Celse (ap. Origène, Contra Celsum, V, 26).
  136. On relève chez Celse un passage d’inspiration tout à fait analogue. Voir Contra Celsum, V, 25. Origène proteste contre ce « nationalisme », qui légitime tout usage, même coupable au regard de la morale. Voir p. 134.
  137. Δυστυχεῖς (p. 198, l. 13).
  138. τὴν πικρίαν (p. 199, 8).
  139. τοῖς πατρῴοις (p. 199, 9).
  140. C’est-à-dire le Christ.
  141. L’historien Eusèbe de Césarée ; cf. Praepar. Evang. XI, 5, 5 où il est dit que Moïse et David écrivirent en vers héroïques.
  142. P. 204, 12.
  143. ἀπολιπόντες τὰ πάτρια (p. 207, 10).
  144. P. 208, 20. Cf. I Cor., VI, 9-11.
  145. Ibid., I, VI, 11.
  146. P. 212, 7.
  147. οὔτε ὅμοιον οὔτε ἀνόμοιον (p. 211, 6). Allusion aux controverses du temps sur la Christologie.
  148. θεοτόκος (p. 214, 10). Il raille la vision nébuleuse des prophètes, dans un fragment de lettre, éd. Hertlein, p. 679-680.
  149. τόν μονογενῆ Λόγον υἱὸν ἣν υἱὸν θεοῦ (p. 215, 16).
  150. Genèse, VI, 2 et s.
  151. P. 240, 13 et s.
  152. P. 228, l. 11 et s.
  153. P. 220, 8 et s.
  154. P. 228, 21. Cf. Romains, IV, 11-13 et II, 29.
  155. P. 229, 21.
  156. Cf. Saint Matth., V, 17 et 19.
  157. P. 229, l. 16.
  158. Ἑλληνικὸν ἴσως καὶ τοῦτο (p. 230, 1).
  159. Neumann, p. 210.
  160. V. plus haut, p. 408.
  161. Neumann, p. 237, 26 et s.
  162. P. 212, 8.
  163. P. 180, 10.
  164. À déduire probablement de p. 234, l. 9.
  165. Neumann, p. 201, 6.
  166. P. 235, l. 3 ; cf. saint Matthieu, IV, 8.
  167. P. 235, l. 6 ; ibid., IV, 5.
  168. P. 234, 19.
  169. P. 236, 15.
  170. P. 199, 3 et s.
  171. P. 199, 14 et s.
  172. P. 202, 10 et s.
  173. Cf. saint Luc, XII, 33.
  174. Neumann, p. 237, 5 et s. Toute cette partie de la critique lui vient de Porphyre, fragm. 58 et 87, dans le répertoire de Harnack. Voy. p. 284-5.
  175. P. 236, 30.
  176. X, 21. Il visait aussi le Prologue de saint Jean, I, 29, là où il est dit de l’Agneau qu’il « enlève les péchés du monde ».
  177. C’est-à-dire de rester païens, ce qui est péché aux yeux des chrétiens.
  178. Par les prescriptions minutieuses de sa Loi. Ce fragment ne figure pas dans l’édition Neumann. Neumann l’a reconstitué d’après les données de Bidez et Cumont dans la Theolog. Literaturzeitung, de 1849, col. 301, en utilisant un fragment de l’archevêque Arethas de Césarée (xe siècle) inclus dans un manuscrit du xvie siècle de la Bibliothèque du Synode, à Moscou, no 441.
  179. P. 196, 10.
  180. Luc, XXII, 4.
  181. Neumann, p. 235, 12 et s.
  182. P. 236, l. 4 et s.
  183. Par ex. p. 196, 16 ; 199, 11. C’est sans doute un souvenir de Celse, ap. Origène, Contra Celsum, VII, 68 ; III, 41 et 43.
  184. τῷ κόσμῳ σωτῆρα ἐφύτευσεν (Contre le Cynique Héracléios, p. 220 A, Hertlein). Julien note qu’entre autres prodiges Héraclès marcha sur la mer (p. 219 C).
  185. Or. IV au Roi Hélios (p. 153 B, Hertlein).
  186. Neumann, p. 197, 10 et s. ; cf. 206, 10.
  187. P. 207, 3.
  188. P. 201, 10 ; cf. 214, 24.
  189. P. 176, 13.
  190. P. 238, l. 3.
  191. P. 176, 14.
  192. P. 177, 11. Cf. Misopogon, p. 349 D (Hertlein).
  193. P. 177, 12.
  194. P. 238, l. 10 et 15.
  195. P. 201, 17.
  196. P. 223, 4 et s.
  197. … ἑωρακέναι, ἳν’ εἴπω καθ’ ὑμᾶς, τὴν ἀποκάλυψιν (cette « apocalypse », pour parler comme vous), Neumann, p. 220, l. 19.
  198. P. 222, 17. Cf. ici p. 261.
  199. Voir plus haut, p. 406.
  200. L’indication rapide du Contra Galilaeos (p. 199, 15) est à compléter par ce que Julien a dit dans le Misopogon (p. 333 A, Hertlein) et dans la lettre 142 (Bidez, p. 192). À comparer un curieux passage de Libanius, Or., 16, § 47 (Förster, II, 178). « Quand (vous autres chrétiens), on vous parle d’un Platon, d’un Pythagore, voilà que vous alléguez votre mère, votre femme, votre intendante, etc. »
  201. Misopogon, p. 356 CD.
  202. P. 180, 10 (Neumann).
  203. P. 189, 4 ; 98, 15.
  204. P. 197, 6.
  205. Ép. 89b (Bidez, p. 105).
  206. Neumann, p. 237, l. 15.
  207. Ép. 89b (Bidez, p. 155).
  208. Neumann, p. 225, 11.
  209. Voir sur ces scrupules, si vivaces dans l’âme de Julien, les intéressantes observations de Bidez, Lettres, p. 129 et s.
  210. Cf. Bouché-Leclercq, Manuel des Instit. rom., p. 470.
  211. Saint Matth., XXIII, 27.
  212. Neumann, p. 220, 1.
  213. P. 226, 5.
  214. Saint Matth., VIII, 22.
  215. Neumann, p. 226, l. 8-15.
  216. P. 220, l. 9.
  217. Voir les faits énumérés par Bidez, p. 130.
  218. Texte de l’édit de Julien dans Bidez, p. 147, et Bidez-Cumont, p. 194 s.. Lire aussi son « exposé des motifs », dans Bipez, p. 198 et s. : Noter la phrase « Qui enim dies est bene auspicatus a funere aut quomodo ad deos et templa venietur ? »
  219. D’autres analogies sont relevées par Harnack, dans les Abh. der Kön. Preuss. Ak. der Wiss., 1916, 1, p. 33.
  220. Orat., XVIII, 178 (p. 313 Förster).
  221. Die Religionsphilosophie Kaiser Julians, Leipzig et Berlin, 1907.
  222. Ibid., préface.
  223. Ibid., p. 121.
  224. Cf. Marc, p. 59 et s.
  225. μήτηρ θεῶν ὄντως οὖσα πάντων (Hymne à la Mère des Dieux, p. 166 B). On a vu que Julien refusait à Marie le titre de θεοτόκος.
  226. Revue des Études grecques, 1919, p. 35.
  227. Il s’agit de l’auteur de la correspondance dont il a été déjà question plus haut, p. 353. L’expression τὸ Ἐλληνικόν apparaît trois ou quatre fois déjà dans cette correspondance (Bidez-Cumont, p. 247, 5 ; 254, 3 ; 261, 21 ; 267, 12). Julien, lui, emploie le Ἐλληνισμός (Bidez, p. 144, 7), que reprennent à plusieurs reprises Sozomène et Philostorgue, là où ils veulent caractériser l’esprit des réformes de Julien.
  228. ap. Origène, VIII, 58.
  229. Voir plus haut, p. 401.
  230. Apollinaire de Laodicée en composa une peu de temps après l’apparition du livre ; pour saint Jean Chrysostome, la chose est beaucoup moins sûre, comme l’a montré Neumann (p. 14). Théodore de Mopsueste, Philippe de Sida, enfin Cyrille d’Alexandrie combattront Julien tour à tour. Cyrille indique, dans son épître dédicatoire à Théodose, qu’il écrit pour rassurer les fidèles qui se laisseraient prendre aux arguments de Julien, et pour démontrer aux païens que ces arguments n’ont point la solidité qu’ils s’imaginent. M. Franz Cumont a relevé certaines réfutations indirectes de Julien dans l’Ambrosiaster (Revue d’hist. et de litt. relig., 1903, p. 428), lequel écrivait une quinzaine années après la mort de l’apostat.
  231. Jean, né en 344, n’avait qu’une vingtaine d’années à la mort de Julien.
  232. Qu’il y ait eu parfois, dans les milieux chrétiens, certains fléchissements du sens critique, qui s’en étonnerait ? Un passage du Discours à l’Assemblée des saints (19, 1), de l’Empereur Constantin, révèle que beaucoup de païens se rendaient compte que les Oracles sibyllins — dont Constantin lui-même tirait parti — avaient été retouchés par une main chrétienne.
  233. Revue Historique, mars-avril 1931, p. 335 et s.
  234. Journal des Savants, fév. 1931, p. 54.
  235. Éd. Gregh, p. 71.
  236. Par ex. Ép. 78, fin (Bidez, p. 85) ; Ép. 84 (Bidez, p. 144) ; Ép. 79 (Bidez, p. 87, l. 14 et s.) ; Ép. 98 (Bidez, p. 180, 24) ; Misopogon, § 23, etc. Il y eut quelques conversions retentissantes à l’hellénisme, mais si l’on en croit Asterius d’Amasée, plusieurs de ces convertis revinrent ensuite à l’Église (Hom. adv. avaritiam, Patrol. gr., 40, 193 ; Hom. XIX in Ps. V, Patrol. gr., 40, 433).
  237. Voir le récit détaillé de la mort de Julien dans Ammien-Marcellin, XXV, III et s.
  238. Aucun Perse, assure-t-il, ne s’était vanté d’avoir porté le coup fatal.
  239. Or. 24, § 21 (II, p. 523 Förster).
  240. Par ex. 1re  invective, LXXII (Patrol. gr., 35, 595).
  241. Voir les faits cités par A. Graf, Roma nella memoria e nelle immaginazioni del Medio Evo, Turin, t. II (1883), p. 127 et s. ; et l’ouvrage de R. Fœrster, Kaiser Julian in der Dichtung alter und neuer Zeit, 1905.
  242. Significatif est le texte syriaque publié en 1880 à Kiel, par J. G. E. Hoffmann. Julien y apparaît sous les traits d’un « maudit », d’un « fou » ; c’est une « vipère exécrable », un théurge familiarisé avec des pratiques abominables, et qui pour ses incantations magiques arrache le cœur à cinq petits enfants vivants, etc.
  243. Apotheosis, v. 50 et s. L’activité de Julien législateur est décrite d’une façon très complète par Wilh. Enszlin, dans la revue Klio, t. 18 (1923), p. 104-199. Saint Ambroise reconnaît que Julien s’était attiré la reconnaissance de ses sujets (de Obitu Valentiniani Consol., xxi).
  244. Περὶ τῶν ἀγγαρειῶν (Förster, III, 471).
  245. Κατὰ Τισαμένου (Förster, III, 165).
  246. Voir P. Allard, Julien l’Apostat, t. III, p. 98-102.
  247. Πρὸς τοῦς ἀποσκώψαντας, Or. 62, 8 (Förster, IV, 350).
  248. Or. 37, 3 (Förster, III, 241). Voir le texte cité ici même, p. 387.
  249. Or. 18, 177 (Förster, II, 313).
  250. Voir p. 427.
  251. Or. 2, 32 (Förster, I, 269).
  252. Or. 30, 88 (Ibid., I, 91).
  253. Or. 18, 178 (Förster, II, 314, l. 1 et s.).
  254. Förster, V, 1-121 ; cf. 123-147. Julien avait, lui aussi, magnifié Socrate : voy. Or. III, 96 (éd. Bidez, Paris, 1932, p. 174); Ep. ad Themistiam (p. 342, l. 7, Hertlein).
  255. λυσιτελοῦντος (Or. 12, 69 : Förster, II, p. 34, l. 12).
  256. τὸ πάλαι ταῦτα πεπεῖσθαι (Or. 16, 47 : Förster, II, p. 178, l. 13).
  257. Or. 16, 46-47 (Förster, II, 178).
  258. 62, 10 (Förster, IV, 351, l. 14).
  259. πεπλανημένος (12, 69).
  260. 2, 58 (Förster, I, 257, l. 15 et s.).
  261. 18, 123.
  262. Or. 4, 3.
  263. XXV, 4, 17.
  264. XXII, 10, 7 « Illud autem erat inclemens, obruendam perenni silentio, quod arcebat docere magistros rhetoricos et grammaticos, ritus christiani cultores. »
  265. XXX, 9, 5.
  266. XXI, 16, 18.
  267. XXII, 5, 4.
  268. XXVII, 3, 14-15.
  269. XXII, 11, 10.
  270. XVIII, 7, 7 (la phrase est exceptionnellement amphigourique) : Ammien songe évidemment à la chute d’Amida, en Arménie, prise peu après par les Perses.
  271. XV, 5, 31.
  272. XXVI, 3, 3.
  273. XV, 7, 7 ; XIV, 9, 7 ; XXXI, 12, 8.