La Science des religions/Chapitre 5

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Librairie Ch. Delagrave (p. 54-67).


CHAPITRE V


LES SÉMITES


I. Soumirs. — Nous ignorons à quelle époque remonte la civilisation des Soumirs et des Accads, qui a précédé celles de Babylone et de l’Assyrie. Ce peuple établi sur les rives de l’Euphrate et du Tigre était de bonne heure aussi avancé que les Égyptiens et les surpassait en plusieurs choses. Il connaissait mieux qu’eux les phénoménes célestes ; il distinguait les planètes des étoiles et calculait les éclipses de lune et de soleil. Doué de la faculté d’analyse, il était mathématicien et chronologiste ; le système de numération duodécimale, qui n’a pas encore disparu de nos habitudes, doit peut-être lui être attribué. Il avait une écriture cunéiforme et cursive très-supérieure aux hiéroglyphes, qui pourtant avaient été son premier système. Il avait une littérature dans le sens propre de ce mot.

Ce que nous apprenons par les textes accadiens et par leurs traductions en langue assyrienne, c’est que la religion des Soumirs était un polythéisme succédant à la croyance aux Esprits. Il est probable que ces derniers étaient adorés dans le bas peuple et que les divinités d’un ordre supérieur étaient celles des hommes lettrés. Le peuple voyait partout des esprits, dans les phénomènes du ciel et de l’air, dans ceux de la terre, des eaux et du feu, dans les maladies corporelles et mentales ; il croyait aux revenants. Les plus puissants esprits devinrent ses dieux et reçurent un culte solennel.

Les grandes divinités des Soumirs furent : Ana, l’esprit du ciel, avec Nana, la déesse mère ; — En ou Elim, le Seigneur, avec Nin-ge la reine des ténèbres et des morts ; — Héa, l’esprit des vapeurs et de l’abîme, avec la dame de la terre Davkina ; — Agou, l’esprit de la Lune ; — Oudou, celui du Soleil lumineux ; — Im ou Bin appelé aussi Ni, l’esprit de l’orage, avec Sala, déesse de la terre fécondée ; — Ninib, dieu de la guerre ; — Nirgal, le grand-roi ; — Amar-Oudouki, l’esprit de vie, doué du pouvoir de ressusciter les morts. — À ces divinités il faut ajouter Bil-gi, l’esprit du feu, manifesté dans la flamme du sacrifice et dans le foyer domestique, qualifié de grand-prêtre et donné comme fils de l’esprit des eaux, Héa, et de Davkina. Bel-gi, renfermé dans le roseau comme le feu védique et le feu de Prométhée, avait la vertu d’écarter les mauvais génies et de protéger ses adorateurs.

À quelle race d’hommes appartenaient les Soumirs ? Nous l’ignorons. La langue des inscriptions accadiennes n’est pas âryenne. Mais, nous constatons une grande analogie entre leurs conceptions religieuses et les doctrines les plus anciennes et les plus élémentaires consignées dans le Vêda. Ce peuple a eu de la nature une notion plus analytique et plus complète que les Égyptiens. Il y a vu autre chose que les retours périodiques du Soleil, de la Lune, des étoiles et des inondations. Il a pour le moins entrevu le rôle du feu et des autres éléments dans la production de la vie. Il l’a installé sur l’autel ; il en a fait le grand Sacrificateur et le centre de la religion. S’il avait, comme les Égyptiens, construit de nombreux et solides édifices, faits de grandes pierres et tout ornés de peintures, de symboles et d’inscriptions, on parlerait peut-être des Soumirs autant que des habitants du Nil.


II. Babyloniens et Assyriens. — Nous ignorons aussi l’époque où les Sémites envahirent le pays des Fleuves, Nahamim, auquel les Grecs ont donné le nom de Mésopotamie, et asservirent les Soumirs. La civilisation accadienne était plus parfaite que la leur : car ils en adoptèrent presque tous les éléments. Toutefois, ils firent subir aux conceptions qu’ils trouvèrent chez les vaincus une sorte de déchéance qui les rapprocha des idées égyptiennes. Les Sémites n’ont jamais pu concevoir Dieu autrement que comme une personne ayant les attributs de l’humanité, agrandis et rendus plus redoutables.

Après la conquête, beaucoup de divinités gardèrent leurs noms accadiens. Quelques-unes prirent un autre nom, sans pour cela changer de nature. Il n’y eut pas d’abord un dieu suprême ; mais il se fit avec le temps une sorte de classement, dans lequel les divinités furent réparties en plusieurs groupes. Les Sémites admirent en outre quelques divinités dont on n’a pas jusqu’à présent trouvé les analogues parmi celles des Soumirs. L’Égypte aussi fournit son contingent.

Enfin il arriva, comme en Égypte, que le grand dieu de la dynastie régnante ou de la cité victorieuse devint le dieu principal de tout le pays pendant la durée de leur domination et que le nombre des grands dieux ne fut pas toujours le même. Dans les premières inscriptions babyloniennes le dieu principal est Anou, l’Ana des Soumirs, et l’on vit presque au même niveau que lui, Bel, Sin, Dagan, Maroudouk et d'autres. Quand les rois de Ninive succédèrent à ceux de Babylone, on garda ces anciens dieux ; mais au dessus d’eux tous, il y eut Asour dont le nom était donné à l’Assyrie. À la chute de l’empire assyrien, Asour tomba avec lui ; les grands dieux du nouvel empire furent Nabou et Mardouk, ayant au dessus de leur tête un soleil ailé emprunté aux Égyptiens et figurant le dieu suprême.

Voici le tableau comparatif des divinités accadiennes et sémitiques avec leur signification :

Soumirs. Babyloniens. Assyriens.
Asour.
Ana, le ciel. Anou. Anou.
Nana, la mère. Antou, la terre. Istar.
Dingiri
En-ge ou Elim le Seigneur. Bel, le ciel nocturne. Bel.
Nin-ge, le monde obscur. Belit, déesse du ciel étoilé. Belit.
Héa, (Éa), océan céleste. Dagan, (Salman, Apsou). Héa.
Davkina, dame de la terre. Davkina, la terre fécondée.
Agou, la Lune. Sin, la Lune, dieu des
armées célestes.
Sin.
Goula, Aï, Allat.
Ourou-ki, celui qui éclaire
la terre.
Enou-zouna, croissance,
sagesse.
Oudou, la Lumière. Samas, le Soleil.
Ouroukh (Goula ?)
Samas.
Soumirs. Babyloniens. Assyriens.
Im, (Bin, Ni), l’orage ; Sala, la terre féconde.
Ramanou, l’orage. Râman.
Ninib, (Nindar), la guerre.
Ninib, la guerre.
Laz.
Ninib.
Baal-Chamman, le soleil mourant et ressuscitant.
Nirgal, le grand prince.
Nergal, kéroub-lion.
Nergal.
Amar-oudouki, l’esprit de vie.
Maroudouk, la vie, Zarbanit, la mère.
Mardouk.
Istar, la Lune (?)
Samoura-mat.
Doumouzi (Tammouz)
Bil-gi, le feu dans le roseau.
Nin-ki-gal, reine des ombres.
Nouksou.
Nabou, soleil levant et couchant.
Nabou.
Lachmou, créateur
Lachamou créatrice.
Sar
Kisar.
Namtar, la peste.

Le polythéisme ressort de ce tableau, qui montre l’attribution des phénomènes naturels à des forces divines indépendantes les unes des autres. Les trinités que le travail du sacerdoce organisé introduisit parmi elles, furent un acheminement vers le monothéisme, rien de plus. La trinité d’Anou, Bel et Dagan comprenait en outre, Antou et les sept esprits mauvais, Belit, Davkina et ensuite Istar. Celle de Sin, Samas et Râmanou comprenait Goula, Aï et Allât, Ouroukh, Mardouk, Zarbanit et Nabou, Ninib, Nergal et Laz. Ninib et Nergal étaient les dieux kéroubim, dieu-taureau, dieu-lion, que l’on plaçait comme gardiens à l’entrée des villes et des palais, analogues à ceux qui, en Égypte, gardaient le coffre saint dans le sanctuaire.

Tout ce polythéisme est celui d’une religion naturaliste ; il n’y a rien d’historique ni d’humain dans ses légendes. On y trouve moins de symbolisme et plus de mythologie que chez les Égyptiens. L’esprit sémitique, en y introduisant une personnalité divine plus marquée que celle des dieux accadiens, a fait de cette religion un moyen terme entre le sémitisme pur et les doctrines âryennes.

Par exemple : Amar-oudouki, chez les Soumirs, était l’esprit de vie répandu dans toute la nature. Devenu Mardouk, il fut l’auteur de la vie, le créateur. Vivant lui-même et mortel, il eut son tombeau dans la ville de Babilou (Babylone), comme un roi défunt et divinisé.

La conquête assyrienne mit Asour au dessus de tous les dieux. Les conquérants ninivites étaient de même race que les Babyloniens, mais de race probablement plus pure, parce que ceux-ci avaient mêlé leur sang à celui des Soumirs qui n’étaient pas sémites. La civilisation mésopotamienne déchut encore d’un degré pendant les douze siècles que dura l’empire ninivite. Asour fut un dieu plus personnel que Maroudouk, un maître absolu du monde et des hommes. Il fut mis fort au dessus d’Anou et de Bel. Le roi fut un sultan (sil-tanou), titre assyrien qui veut dire celui qui commande en second : c’est Asour qui commandait en premier ; le roi était son ministre et son lieutenant.

La hiérarchie divine et les fonctions humaines se modelèrent sur cette idée, qui donna naissance à la théocratie la plus violente et la plus impitoyable. Les guerres des Assyriens furent les guerres d’Asour, c’est-à-dire des guerres de religion, comme celles des Sémites modernes et en général des Musulmans sont les guerres d’Allah. Point de merci : l’incendie, les tortures, le meurtre des enfants et des femmes et jusqu’à celui des animaux, le ravage et le désert, voila ce que conseillait aux Sémites de l’Euphrate et du Tigre la personnalité suprême de leur dieu.

Du reste, ces dieux, dont le nom général était ilou (el, elohim, allah) qui veut dire le Fort, régnaient sur l’humanité comme des rois absolus sur des peuples asservis : le dieu était le maître, l’homme l’esclave. La puissance du dieu, plus encore qu’en Égypte, se faisait sentir dans tous les actes de la vie, dans la supputation des années, des mois et des jours, dans les constructions publiques et privées, dans les fêtes, dans les ouvrages de l’art et les objets usuels, dans les horoscopes et la divination, dans les noms mêmes des hommes et des femmes.

L’exclusion des dieux étrangers contrastait ici avec la tolérance de l’Égypte qui les admettait tous. Elle entraînait celle de leurs adorateurs. La haine du genre humain fut un des caractères dominants des Sémites assyriens et babyloniens. L’étranger était pour eux un rival impie qu’il fallait asservir ou exterminer.

Tel était l’état religieux et moral des peuples mésopotamiens quand l’ârya Cyrus, en l’année 538, mit fin à ces vieilles dominations exclusives et répandit sur toute l’Asie occidentale un flot d’idées plus justes et de sentiments plus humains.


III. Phéniciens. — El, le Fort, est le nom du dieu chez tous les Sémites anciens et modernes. Dans la Phénicie, non plus que dans le pays des fleuves, El ne fut le nom propre d’aucune divinité ; elohim est un pluriel qui signifie les dieux.

Il en était de même de Baal, nom commun qui signifie seigneur, et de baalit, baaltis, qui est une déesse en général. On peut en dire autant de Mélek (Melk, molek), roi, et de Adôn (Adonis, Adonaï), seigneur, appliqués par les Phéniciens même à des dieux étrangers.

La Phénicie n’a jamais été monothéiste. Elle n’a pas même eu un dieu qui ait occupé la premier rang, comme Asour à Ninive et à Babylone et Amoun-râ en Égypte. Ses cultes étaient locaux et dispersés. À Çidôn (Sidon) et à Çôr (Tyr), c’était un baal appelé Hammân (Amon ou Mon) dieu solaire de la chaleur, mourant et ressuscitant comme les époques de l’année ; sous le nom de Melqart il était le dieu de la cité. — À Carthage, l’Asthoret à tête de vache était la Lune, reine du ciel, épouse du baal Hammân. — À Gebal (Byblos) le dieu principal était l’adôn (Adonis) nommé Abobas ou Gingras pendant sa vie, Tammouz après sa mort. Les fêtes de la mort et de la résurrection d’Adonis se célébraient au printemps et à l’automne en Syrie, en Chypre, dans le pays de Canaan, partout où il y avait des Phéniciens. Le sommeil et le réveil de la vie dans la nature en formaient le fond. Plus tard on y vit un symbole de l’immortalité. — À Paphos, Aphrodite était la divinité principale, représentée par une pierre conique et par une colombe. Le culte de cette vierge-mère était licencieux. — À Ascalon la grande déesse Atergatis (Dercèto) avait pour époux le dieu-poisson Oannès, qui était le Dagan des Babyloniens et l’Ea (Héa) des Soumirs. — À ces divinités il faut ajouter Çédeq le juste et ses sept fils, qui étaient le Soleil et les sept planètes ; les Kébirim (Cabires) et les Patakhu (Patèques), ainsi que les Pugm (Pygmées), êtres longtemps mystérieux, que nous savons avoir été les modeleurs qui donnent la forme à toute chose dans l’univers.

Mineurs et fondeurs, navigateurs et commerçants, les Phéniciens n’ont été ni artistes, ni lettrés, ni théoriciens. Leurs religions provenaient d’un fonds plus ancien qu’eux-mêmes, probablement identique à celui des Soumirs. Plus tard ils accueillirent chez eux Osiris, Ptah, Harpechruti, divinités égyptiennes. Ils ne formaient pas un monde fermé comme les Assyriens. Ils furent au contraire, par leurs voyages et leurs nombreux comptoirs, les propagateurs de religions étrangères et de leurs propres religions. Par là ils contribuèrent dans une certaine mesure à la fusion qui s’opéra dans l’est de la Méditerranée aux temps Alexandrins.


IV. Hébreux. — Il n’en fut pas de même des Hébreux surtout avant la captivité. Quand ils quittèrent le nord-est de l’Égypte (terre de Geshen) où ils vivaient en contact avec les Sémites du désert, ils étaient polythéistes. Ils adoraient Çédeq le juste, dieu du feu, le même que le Soutekh ou Set du Delta ; le mélek Kiyoun ou Keiwan qui est la planète Saturne ; Gad, la planète Jupiter ; Asher et Ashera, qui fut confondue avec l’Astarté des Phéniciens. Chaque famille avait en outre ses propres idoles qu’elle nommait ses teraphîm. Tous ces dieux représentaient des forces de la nature et se rattachaient comme les vieilles divinités des Phéniciens, des Soumirs et de l’Égypte, à une origine qui n’était pas sémitique, à un culte peut-être âryen des esprits.

Yahveh (Jéhovah), dont le nom signifie le « créateur », fut introduit chez les Hébreux pendant le voyage qui suivit l’exode. C’était le dieu du désert, de la tradition kénite conservée au Sinaï. Kaleb, chef de Juda, Réhuel, beau-père de Moïse et Moïse lui-même étaient kénites. Yahveh était un dieu physique vêtu de lumière, brûlant au ciel comme un buisson ardent, soufflant le vent, ayant pour arme la foudre et pour voix le tonnerre. C’était une espèce d’Indra.

Son symbole était purement égyptien : une arche ou boite fermée, entre deux kérubîm. Il eut aussi pour image un serpent, figurant l’éclair. Sa fête était en automne, au retour de la saison des orages et de la végétation. C’était donc le dieu des pasteurs sémites, menant leurs troupeaux dans les maigres pâturages de la Mer Rouge.

Moïse fit de Yahveh le dieu national des Hébreux, qui eut dans la suite à se mesurer avec Asour. Il tenta pour Israël ce que dans les temps modernes Mahomet a fait pour les Arabes. Au désert, Moïse gardait l’arche sacrée sous une tente où lui seul pénétrait. Il faisait avancer cette boite mystérieuse avec le peuple hébreu, auquel elle assurait la victoire. L’invasion du pays de Canaan se fit au nom de Yahveh. Établis dans la terre promise, les Hébreux élevèrent des temples en l’honneur de Yahveh à Silo, Bethel, Sichem, Hébron et ailleurs. À Dan, Yahveh eut une statue ayant la forme d’un taureau.

Le sacerdoce fut confié à la tribu de Lévi, caste Yahviste sans territoire. Sur la fin des Juges, Samuël établit la première école de prophètes, c’est-à-dire interprètes libres du Yahvisme. David, élevé au trône par une conspiration sacerdotale, resta protecteur des prêtres et des prophètes, transporta l’arche de Silo à Jérusalem, pontifia comme grand-prêtre et immola, pour apaiser Yahveh, deux fils et cinq petits-fils de Saul. David n’en conservait pas moins chez lui ses propres idoles.

C’est se tromper que de considérer Yahveh comme l’unique dieu d’Israël. Salomon, qui construisit le grand temple de Jérusalem, en éleva d’autres pour Ashtoreth à Sidon, pour Milkom chez les Ammonites, pour Molock dans le Moab, dont le principal dieu était Kamosh. Du reste le temple de Jérusalem n’avait rien d’original ; il était phénicien et égyptien à la fois : en avant les deux colonnes ou hammanîm, une cour intérieure pour les holocaustes, un bain lustral en cuivre porté par douze taureaux, une salle avec l’autel des parfums, une table pour les pains, dix chandeliers d’or, un sanctuaire contenant l’arche entre deux kéroubîm.

Avec le schisme des dix tribus commença une suite de guerres dont la religion était la cause, Yahveh luttant contre les dieux locaux, prophètes soufflant la discorde, rois féroces, meurtre des familles royales, adorateurs massacrés dans les temples, statues brisées, temples profanés et rasés.

Dès le temps de Salomon, les nécessités du commerce juif avaient fait naître une sorte de littérature libre. Les guerres de religion et leurs horreurs la poussèrent en avant : l’athéisme apparut dès le temps de Hiskia (Ezéchias) et dura jusqu’au jour où le roi d’Assyrie Salmanasar prit Samarie et détruisit le royaume d’Israël.

Le prophétisme n’en continua pas moins une lutte acharnée contre les dieux et leurs symboles. Amos, Hosée, Zacharie, Yéshahya (Isaïe) en vinrent à prêcher, non plus seulement contre les idoles, mais aussi contre le commerce, la navigation, les arts, le luxe, les femmes et leurs parures, et enfin contre l’Assyrie et l’Égypte, ce qui était plus dangereux. À la suite du Yahvisme effréné de Hiskia et de la réaction polythéiste de Manassé, un orgueil sans mesure animait les écoles de prophètes ; Nahum annonçait la chute de Ninive ; Çephanyah (Sophonie) disait que Yahveh avait jugé non seulement les Philistins et Moab, mais aussi Koush et Asour, et que Yahveh serait bientôt le seul dieu.

Ce fut alors en effet que, sous Josias, on feignit d’avoir découvert dans le temple le Livre de la Loi. On tint une grande assemblée ; on jura fidélité à Yahveh. Puis on brûla tout ce qui se rapportait au culte des autres dieux ; on déposa leurs prêtres dont on détruisit les maisons ; on supprima les cultes privés, les idoles de famille, les autels élevés par Salomon ; on tua plusieurs prêtres de la Samarie et on célébra la pâque pour la première fois. En même temps ce Deutéronome (mot grec qui signifie la seconde Loi) prescrivait le culte unique de Yahveh, l’exclusion des étrangers, la destruction des symboles, restaurait les Lévites et faisait des Juifs un peuple saint.

Néko prit Jérusalem et déposa le roi. Une partie du peuple juif passa en Égypte. Quelque temps après, Naboukoudourouçour assiégea et prit Jérusalem et emmena captif Zédékia.

Alors commencèrent les soixante-dix ans de captivité pendant lesquels s’introduisirent chez les Juifs et les autres Sémites du nord les idées âryennes, préparation du christianisme.

De ce court exposé des idées religieuses dans le monde sémitique plusieurs conclusions doivent être tirées. Les peuples Sémites appartenant à l’histoire ont tous commencé par le polythéisme. L’unité vers laquelle ils se sont ensuite acheminés n’a pas été l’unité de Dieu en général, mais la prédominance ou le règne exclusif d’un dieu local, qu’on le nommât Asour, Yahveh ou de tout autre nom. L’idée d’un dieu universel ne fait que commencer à poindre dans les derniers temps du prophétisme en Israël.

Les peuples Sémites ont eu des cultes symboliques et peu de mythologie. Les mythes qu’ils ont adoptés, comme ceux du déluge, de la création, du paradis et de la chute de l’homme, ils les ont reçus de peuples qui les avaient précédés en civilisation et qui semblent se rattacher à la race âryenne, chez laquelle ces mêmes légendes se trouvent largement développées. Et ce qui indique l’origine non sémitique de ces récits, c’est que dans les traditions aryennes ils sont toujours donnés comme des mythes, tandis que chez les Sémites ils sont donnés pour de l’histoire.

Il y eut donc un fond probablement âryen de mythologie sur lequel s’établirent les dogmes sémitiques. Ce fond lui-même s’altéra de plus en plus, au point de disparaître presque entièrement, à mesure que l’idée sémitique prenait plus d’empire. Chaque nation Sémite eut son dieu principal, et tous ces dieux, également appelés Ilou, El ou Allah, c’est-à-dire le Fort, furent des personnes égales entre elles par l’idée qu’on s’en faisait et la puissance qu’on leur attribuait. Elles portèrent, suivant les pays et les langues, les noms d’Anou, d’Asour, Malek, Kamosh, Mardouk, Nabou, Yahveh, et ce fut sous ces noms qu’elles se firent entre elles des guerres acharnées.

En définitive, aucun des peuples qui avaient pris ces dieux pour chefs ne parvint à faire prévaloir le sien. Yahveh lui-même resta le dieu des Juifs rejeté par toutes les autres nations. Allah, dieu des Sémites modernes, asservit au joug musulman des hommes appartenant à d’autres races, mais ne put conquérir que ceux de race inférieure. Les Perses s’enfuirent devant lui jusque dans l’Inde. Il vint se faire battre à Poitiers et à Vienne. Il a été expulsé de l’Espagne et en partie de la Grèce. Le voilà humilié dans l’Inde, en Algérie, en Égypte et jusqu’à Constantinople. Un jour viendra où il le sera par toute la terre, parce que une personne, dieu ou homme, qui asservit ses adorateurs pour les mener plus docilement à la bataille, ne peut devenir le dieu du genre humain.