La Suite du Menteur/Acte II
ACTE II.
Scène première.
Certes, il écrit bien : sa lettre est excellente.
Madame, sa personne est encor plus galante :
Tout est charmant en lui, sa grâce, son maintien…
Il semble que déjà tu lui veuilles du bien ?
J’en trouve, à dire vrai, la rencontre si belle,
Que je voudrois l’aimer si j’étais demoiselle[1].
Il est riche, et de plus il demeure à Paris,
Où des dames, dit-on, est le vrai paradis ;
Et ce qui vaut bien mieux que toutes ces richesses[2],
Les maris y sont bons, et les femmes maîtresses.
Je vous le dis encore, je m’y passerois[3] bien[4] ;
Et si j’étois son fait, il seroit fort le mien.
Tu n’es pas dégoûtée. Enfin, Lyse, sans rire,
C’est un homme bien fait ?
Plus que je ne puis dire.
À sa lettre il paroît qu’il a beaucoup d’esprit ;
Mais, dis-moi, parle-t-il aussi bien qu’il écrit ?
Pour lui faire en discours montrer son éloquence,
Il lui faudroit des gens de plus de conséquence :
C’est à vous d’éprouver ce que vous demandez.
Et que croit-il de moi ?
Que vous l’avez tantôt vu par votre fenêtre ;
Que vous l’aimez déjà.
Cela pourroit bien être.
Sans l’avoir jamais vu ?
J’écris bien sans le voir.
Qui vous ayant conté par quel bonheur étrange
Il s’est mis à couvert de la mort de Florange,
Se sert de cette feinte, en cachant votre nom,
Pour lui donner secours dedans cette prison.
L’y voyant en sa place, il fait ce qu’il doit faire[5].
Je n’écrivois tantôt qu’à dessein de lui plaire ;
Mais, Lyse, maintenant j’ai pitié de l’ennui
D’un homme si bien fait qui souffre pour autrui ;
Et par quelques motifs que je vienne d’écrire,
Il est de mon honneur de ne m’en pas dédire.
La lettre est de ma main, elle parle d’amour :
S’il ne sait qui je suis, il peut l’apprendre un jour.
Un tel gage m’oblige à lui tenir parole :
Ce qu’on met par écrit passe une amour frivole.
Puisqu’il a du mérite, on ne m’en peut blâmer ;
Et je lui dois mon cœur, s’il daigne l’estimer[6].
Je m’en forme en idée une image si rare,
Qu’elle pourroit gagner l’âme la plus barbare ;
L’amour en est le peintre, et ton rapport flatteur
En fournit les couleurs à ce doux enchanteur.
Tout comme vous l’aimez vous verrez qu’il vous aime.
Si vous vous engagez, il s’engage de même,
Et se forme de vous un tableau si parfait,
Que c’est lettre pour lettre et portrait pour portrait.
Il faut que votre amour plaisamment s’entretienne :
Il sera votre idée, et vous serez la sienne :
L’alliance est mignarde, et cette nouveauté,
Surtout dans une lettre, aura grande beauté,
Quand vous y souscrirez[7] pour Dorante ou Mélisse :
« Votre très humble idée à vous rendre service. »
Vous vous moquez, Madame ; et loin d’y consentir,
Vous n’en parlez ainsi que pour vous divertir.
Je ne me moque point.
Cet autre cavalier dont vous possédez l’âme,
Votre amant ?
Qui ?
Philiste.
Que son cœur soit sensible au peu que j’ai d’appas :
Il fait mine d’aimer, mais sa galanterie
N’est qu’un amusement et qu’une raillerie.
Il est riche, et parent des premiers de Lyon.
S’il me voit quelquefois, c’est comme par surprise ;
Dans ses civilités on diroit qu’il méprise,
Qu’un seul mot de sa bouche est un rare bonheur,
Et qu’un de ses regards est un excès d’honneur.
L’amour même d’un roi me seroit importune,
S’il falloit la tenir à si haute fortune.
La sienne est un trésor qu’il fait bien d’épargner :
L’avantage est trop grand, j’y pourrois trop gagner.
Il n’entre point chez nous ; et quand il me rencontre,
Il semble qu’avec peine à mes yeux il se montre,
Et prend l’occasion avec une froideur
Qui craint en me parlant d’abaisser sa grandeur.
Peut-être il est timide et n’ose davantage.
S’il craint, c’est que l’amour trop avant ne l’engage.
Il voit souvent mon frère, et ne parle de rien.
Mais vous le recevez, ce me semble, assez bien ?
Comme je ne suis pas en amour des plus fines,
Faute d’autre j’en souffre, et je lui rends ses mines ;
Mais je commence à voir que de tels cajoleurs
Ne font qu’effaroucher les partis les meilleurs,
Et ne dois plus souffrir qu’avec cette grimace[8]
D’un véritable amant il occupe la place.
Je l’ai vu pour vous voir faire beaucoup de tours.
Qui l’empêche d’entrer, et me voir tous les jours ?
Cette façon d’agir est-elle plus polie[9] ?
Croit-il…
La sienne est de vous voir avec tant de respect,
Qu’il passe pour superbe, et vous devient suspect ;
Et la vôtre, un dégoût de cette retenue,
Qui vous fait mépriser la personne connue,
Pour donner votre estime, et chercher avec soin
L’amour d’un inconnu, parce qu’il est de loin.
Scène II.
Envers ce prisonnier as-tu fait cette feinte,
Ma sœur ?
Que je l’ai vu conduire en ce triste séjour,
Que ma lettre et l’argent sont des effets d’amour ;
Et Lyse, qui l’a vu, m’en dit tant de merveilles,
Qu’elle fait presque entrer l’amour par les oreilles.
Ah ! si tu savois tout !
Elle en vante l’esprit, la taille, le maintien,
Le visage attrayant et la façon modeste.
Ah ! que c’est peu de chose au prix de ce qui reste !
Que reste-t-il à dire ? Un courage invaincu ?
C’est le plus généreux qui jamais ait vécu[10] ;
C’est le cœur le plus noble, et l’âme la plus haute…
Quoi ? vous voulez, mon frère, ajouter à sa faute,
Percer avec ces traits un cœur qu’il[11] a blessé,
Et vous-même achever ce qu’elle a commencé ?
Ma sœur, à peine sais-je encore comme il se nomme,
Et je sais qu’on n’a vu jamais plus honnête homme,
Et que ton frère enfin périroit aujourd’hui,
Si nous avions affaire à tout autre qu’à lui.
Quoique notre partie aye été si secrète
Que j’en dusse espérer une sûre retraite,
Et que Florange et moi, comme je t’ai conté,
Afin que ce duel ne pût être éventé[12],
Sans prendre de seconds, l’eussions faite de sorte
Que chacun pour sortir choisît diverse porte[13],
Que nous n’eussions ensemble été vus de huit jours,
Que presque tout le monde ignorât nos amours,
Et que l’occasion me fût si favorable
Que je vis l’innocent saisi pour le coupable
(je crois te l’avoir dit, qu’il nous vint séparer,
Et que sur son cheval je sus me retirer) ;
Comme je me montrois, afin que ma présence
Donnât lieu d’en juger une entière innocence,
Sur un bruit épandu que le défunt et moi
D’une même beauté nous adorions la loi,
Un prévôt soupçonneux me saisit dans la rue,
Me mène au prisonnier, et m’expose à sa vue.
Juge quel trouble j’eus de me voir en ces lieux :
Ce cavalier me voit, m’examine des yeux,
Me reconnoît, je tremble encore à te le dire ;
Mais apprends sa vertu, chère sœur, et l’admire.
Ce grand cœur, se voyant mon destin en la main,
Devient pour me sauver à soi-même inhumain ;
Lui qui souffre pour moi sait mon crime et le nie,
Dit que ce qu’on m’impute est une calomnie,
Dépeint le criminel de toute autre façon,
Oblige le prévôt à sortir sans soupçon,
Me promet amitié, m’assure de se taire,
Voilà ce qu’il a fait ; vois ce que je dois faire.
L’aimer, le secourir, et tous deux avouer
Qu’une telle vertu ne se peut trop louer.
Cette pitié, ma sœur, étoit bien légitime ;
Mais ce n’est plus pitié, c’est obligation,
Et le devoir succède à la compassion.
Nos plus puissants secours ne sont qu’ingratitude ;
Mets à les redoubler ton soin et ton étude[14] ;
Sous ce même prétexte et ces déguisements,
Ajoute à ton argent perles et diamants ;
Qu’il ne manque de rien ; et pour sa délivrance
Je vais de mes amis faire agir la puissance.
Que si tous leurs efforts ne peuvent le tirer[15],
Pour m’acquitter vers lui j’irai me déclarer.
Adieu : de ton côté prends souci de me plaire,
Et vois ce que tu dois à qui te sauve un frère.
Je vous obéirai très-ponctuellement.
Scène III.
Et la faveur du ciel vous a bien conservée,
Si ces derniers discours ne vous ont achevée.
Le parti de Philiste a de quoi s’appuyer ;
Je n’en suis plus, Madame : il n’est bon qu’à noyer ;
Il ne valut jamais un cheveu de Dorante.
Je puis vers la prison apprendre une courante[16] ?
Oui, tu peux te résoudre encore à te crotter.
Quels de vos diamants me faut-il lui porter ?
Mon frère va trop vite ; et sa chaleur l’emporte
Jusqu’à connoître mal des gens de cette sorte.
Aussi, comme son but est différent du mien,
Je dois prendre un chemin fort éloigné du sien.
Il est reconnoissant, et je suis amoureuse ;
Il a peur d’être ingrat, et je veux être heureuse.
À force de présents il se croit acquitter ;
Mais le redoublement ne fait que rebuter.
Si le premier oblige un homme de mérite,
Le second l’importune, et le reste l’irrite,
Et passé le besoin, quoi qu’on lui puisse offrir,
C’est un accablement qu’il ne sauroit souffrir.
L’amour est libéral, mais c’est avec adresse :
Le prix de ses présents est en leur gentillesse ;
Et celui qu’à Dorante exprès tu vas porter,
Je veux qu’il le dérobe au lieu de l’accepter.
Écoute une pratique assez ingénieuse.
Elle doit être belle et fort mystérieuse.
Au lieu des diamants dont tu viens de parler,
Avec quelques douceurs il faut le régaler,
Entrer sous ce prétexte, et trouver quelque voie
Par où, sans que j’y sois, tu fasses qu’il me voie :
Porte-lui mon portrait, et comme sans dessein
Fais qu’il puisse aisément le surprendre en ton sein ;
Feins lors pour le ravoir un déplaisir extrême :
S’il le rend, c’en est fait ; s’il le retient, il m’aime.
À vous dire le vrai, vous en savez beaucoup.
L’amour est un grand maître : il instruit tout d’un coup.
Il vient de vous donner de belles tablatures[17].
Viens querir mon portrait avec des confitures :
Comme pourra Dorante en user bien ou mal,
Nous résoudrons après touchant l’original.
Scène IV.
Voilà, mon cher ami, la véritable histoire
D’une aventure étrange et difficile à croire ;
Mais puisque je vous vois, mon sort est assez doux[19].
L’aventure est étrange, et bien digne de vous ;
Et si je n’en voyois la fin trop véritable,
J’aurois bien de la peine à la trouver croyable :
Vous me seriez suspect, si vous étiez ailleurs.
Ayez pour lui, Monsieur, des sentiments meilleurs :
Il s’est bien converti dans un si long voyage ;
C’est tout un autre esprit sous le même visage ;
Et tout ce qu’il débite est pure vérité,
S’il ne ment quelquefois par générosité.
C’est le même qui prit Clarice pour Lucrèce,
Qui fit jaloux Alcippe avec sa noble adresse[20] ;
Et malgré tout cela, le même toutefois,
Depuis qu’il est ici, n’a menti qu’une fois.
En voudrois-tu jurer ?
Par le Dieu des menteurs, dont il est créature,
Et s’il vous faut encore un serment plus nouveau,
Par l’hymen de Poitiers et le festin sur l’eau.
Laissant là ce badin, ami, je vous confesse
Qu’il me souvient toujours de vos traits de jeunesse.
Cent fois en cette ville aux meilleures maisons
J’en ai fait un bon conte en déguisant les noms ;
J’en ai ri de bon cœur, et j’en ai bien fait rire ;
Et quoi que maintenant je vous entende dire,
Ma mémoire toujours me les vient présenter,
Et m’en fait un rapport qui m’invite à douter.
Formez en ma faveur de plus saines pensées :
Ces petites humeurs sont aussitôt passées ;
Et l’air du monde change en bonnes qualités
Ces teintures qu’on prend aux universités.
Dès lors, à cela près, vous étiez en estime
D’avoir une âme noble, et grande, et magnanime.
Vous n’eussiez pu jamais le payer de bonté.
Ne te tairas-tu point ?
Et fais-je à votre nom quelque nouvelle tache ?
N’étoit-il pas, Monsieur, avec Alcippe et vous,
Quand ce festin en l’air le rendit si jaloux ?
Lui qui fut le témoin du conte que vous fîtes[21],
Lui qui vous sépara lorsque vous vous battîtes,
Ne sait-il pas encore les plus rusés détours
Dont votre esprit adroit bricola[22] vos amours ?
Mais sans plus l’écouter, parlons de votre affaire.
Elle me semble aisée, et j’ose me vanter
Qu’assez facilement je pourrai l’emporter :
Ceux dont elle dépend sont de ma connoissance,
Et même à la plupart je touche de naissance ;
Le mort étoit d’ailleurs fort peu considéré,
Et chez les gens d’honneur on ne l’a point pleuré.
Sans perdre plus de temps, souffrez que j’aille apprendre[23]
Pour en venir à bout quel chemin il faut prendre.
Ne vous attristez point cependant en prison ;
On aura soin de vous comme en votre maison :
Le concierge en a l’ordre, il tient de moi sa place,
Et sitôt que je parle il n’est rien qu’il ne fasse.
Ma joie est de vous voir, vous me l’allez ravir.
Cliton divertira votre mélancolie.
Scène V.
Comment va maintenant l’amour ou la folie[24] ?
Cette dame obligeante au visage inconnu,
Qui s’empare des cœurs avec son revenu,
Est-elle encore aimable ? a-t-elle encore des charmes ?
Par générosité lui rendons-nous les armes[25] ?
Cliton, je la tiens belle, et m’ose figurer
Qu’elle n’a rien en soi qu’on ne puisse adorer.
Qu’en imagines-tu ?
Qui s’accordent fort mal avec vos figures.
Vous payer par avance, et vous cacher son nom,
Quoi que vous présumiez, ne marque rien de bon.
À voir ce qu’elle a fait, et comme elle procède,
Je jurerois, Monsieur, qu’elle est ou vieille ou laide,
Peut-être l’une et l’autre, et vous a regardé
Comme un galant commode, et fort incommodé[26].
Tu parles en brutal.
Mais si je disois vrai, que prétendez-vous faire ?
Envoyez et la dame et les amours au vent.
Mais vous avez reçu : quiconque prend se vend.
Quitte pour lui jeter son argent à la tête.
Le compliment est doux et la défaite honnête.
Tout de bon à ce coup vous êtes converti :
Je le soutiens, Monsieur, le proverbe a menti.
Sans scrupule autrefois, témoin votre Lucrèce,
Vous emportiez l’argent, et quittiez la maîtresse ;
Mais Rome vous a fait si grand homme de bien,
Qu’à présent vous voulez rendre à chacun le sien :
Vous vous êtes instruit des cas de conscience.
Deux ou trois jours peut-être, un peu plus, un peu moins,
Éclairciront ce trouble, et purgeront ces soins[27].
Tu sais qu’on m’a promis que la beauté qui m’aime
Viendra me rapporter sa réponse elle-même ;
Vois déjà sa servante, elle revient.
Dussiez-vous enrager, c’est ce que je vous dis.
Si fréquente ambassade, et maîtresse invisible,
Sont de ma conjecture une preuve infaillible.
Voyons ce qu’elle veut, et si son passe-port
Est aussi bien fourni comme au premier abord.
Veux-tu qu’à tous moments il pleuve des pistoles ?
Qu’avons-nous sans cela besoin de ses paroles ?
Scène VI.
Je ne t’espérois pas si soudain de retour.
Vous jugerez par là d’un cœur qui meurt d’amour.
De vos civilités ma maîtresse est ravie :
Elle seroit venue, elle en brûle d’envie ;
Mais une compagnie au logis la retient :
Elle viendra bientôt, et peut-être elle vient ;
Et je me connois mal à l’ardeur qui l’emporte,
Si vous ne la voyez même avant que je sorte.
Acceptez cependant quelque peu de douceurs
Fort propres en ces lieux à conforter les cœurs :
Les sèches sont dessous, celles-ci sont liquides.
Les amours de tantôt me sembloient plus solides.
Si tu n’as autre chose, épargne mieux tes pas :
Cette inégalité ne me satisfait pas.
Nous avons le cœur bon, et dans nos aventures
Nous ne fûmes jamais hommes à confitures.
Badin, qui te demande ici ton sentiment ?
Ah ! tu me fais l’amour un peu bien rudement.
Est-ce à toi de parler ? que n’attends-tu ton heure ?
Saurons-nous cette fois son nom, ou sa demeure ?
Non pas encore sitôt.
Parle-moi franchement, et ne déguise rien.
À ce compte, Monsieur, vous me trouvez passable ?
Je te trouve de taille et d’esprit agréable,
Tant de grâce en l’humeur, et tant d’attrait aux yeux,
Qu’à te dire le vrai, je ne voudrois pas mieux :
Elle me charmera, pourvu qu’elle te vaille.
Mais elle me surpasse en esprit, en beauté,
Autant et plus encore, Monsieur, qu’en qualité.
Tu sais adroitement couler ta flatterie.
Que ce bout de ruban a de galanterie !
Je le veux dérober. Mais qu’est-ce qui le suit[28] ?
Rendez-le-moi, Monsieur ; j’ai hâte, il s’en va nuit.
Je verrai ce que c’est.
[29].
C’est une mignatureOh ! le charmant portrait ! L’adorable peinture !
Elle est faite à plaisir.
Après le naturel.
Je ne crois pas jamais avoir rien vu de tel.
Ces quatre diamants dont elle est enrichie
Ont sous eux quelque feuille, ou mal nette, ou blanchie,
Et je cours de ce pas y faire regarder.
Et quel est ce portrait ?
Et doutez-vous si c’est ma maîtresse elle-même[30] ?
Quoi ? celle qui m’écrit[31] ?
À l’aimer tant soit peu vous l’auriez deviné[32].
Un si rare bonheur ne m’est pas destiné ;
Et tu me veux flatter par cette fausse joie.
[33].
Mais je m’amuse trop, l’orfèvre est loin d’ici ;
Donnez-moi, je perds temps.
Nous avons un orfèvre arrêté pour ses dettes,
Qui saura tout remettre au point que tu souhaites.
Vous m’en donnez, Monsieur.
Je te le ferai voir.
A-t-il la main fort bonne ?
Autant qu’on peut l’avoir.
Sans mentir ?
Sans mentir.
Il est trop jeune, il n’ose.
Je voudrois bien pour vous faire ici quelque chose ;
Mais vous le montrerez[34].
Non, à qui que ce soit.
Vous me ferez chasser si quelque autre le voit.
Va, dors en sûreté.
Mais enfin à quand rendre ?
Dès demain.
[35] :
Je ne puis me résoudre à vous désobliger.
Elle se met pour vous en un très grand danger.
Dirons-nous rien nous deux ?
Non.
Comme tu méprises !
Je n’ai pas le loisir d’entendre tes sottises.
Avec cette rigueur tu me feras mourir.
Peut-être à mon retour je saurai te guérir[37] ;
Je ne puis mieux pour l’heure : adieu.
Tout me succède.
Scène VII.
Voit-on des yeux plus vifs ? voit-on des traits plus doux ?
Je suis un peu moins dupe, et plus futé que vous.
C’est un leurre, Monsieur, la chose est toute claire :
Elle a fait tout du long les mines qu’il faut faire.
On amorce le monde avec de tels portraits :
Pour les faire surprendre on les apporte exprès ;
On s’en fâche, on fait bruit, on vous les redemande ;
Mais on tremble toujours de crainte qu’on les rende[38] ;
Et pour dernière adresse, une telle beauté
Ne se voit que de nuit et dans l’obscurité,
De peur qu’en un moment l’amour ne s’estropie[39]
À voir l’original si loin de sa copie.
Mais laissons ce discours, qui peut vous ennuyer[40].
Vous ferai-je venir l’orfèvre prisonnier ?
Un effet de l’amour dont mon âme est atteinte ?
Bon : en voici déjà de deux en même jour,
Par devoir d’honnête homme, et par effet d’amour.
Avec un peu de temps nous en verrons bien d’autres ;
Chacun a ses talents, et ce sont là les vôtres.
Tais-toi, tu m’étourdis de tes sottes raisons[41].
Allons prendre un peu l’air dans la cour des prisons.
- ↑ « C’est précisément ce que dit Antoine à César dans la tragédie de Pompée (acte III, scène iii, vers 952) :
Et si j’étois César, je la voudrois aimer. »
(Voltaire.)
- ↑ Var. Et ce qui vaut bien mieux que toutes ses richesses. (1645-63)
- ↑ C’est-à-dire je m’en contenterais, je m’en arrangerais bien. Voyez ci-dessus, p. 156, note 2.
- ↑ Var. Et je pense, s’il faut ne vous déguiser rien,
Que si j’étois son fait, il seroit bien le mien. (1645-56) - ↑ Var. Comme il y tient sa place, il fait ce qu’il doit faire. (1645-56)
- ↑ Var. Et je lui dois mon cœur, s’il le daigne estimer. (1645-56)
- ↑ Souscrirez, signerez.
- ↑ Var. Et je m’ennuie enfin qu’avec cette grimace. (1645-56)
- ↑ Var. Sommes-nous en Espagne, ou bien en Italie ?
LYSE. Les amoureux, Madame, ont chacun leur folie. (1645-56) - ↑ Var. C’est le plus généreux qui ait jamais (a) vécu. (1645)
(a) Cette transposition est très-vraisemblablement une faute d’impression ; voyez cependant au tome II, p. 188, la note qui se rapporte à la variante du vers 1190. - ↑ Les éditions de 1682 et de 1692 donnent seules il ; toutes les autres ont elle.
- ↑ Var. De peur que ce duel ne pût être éventé. (1645-56)
- ↑ Var. Que sans armes chacun sortit par une porte. (1645-64)
- ↑ Var. Donc à les redoubler mets toute ton étude. (1645-56)
- ↑ Var. Que si tous leurs efforts ne le peuvent tirer. (1645-56)
- ↑ C’est-à-dire courir à la prison, m’y rendre en courant. Voyez le Lexique.
- ↑ Tablatures, instructions, leçons. Voyez le Lexique.
- ↑ Var. Cette scène est dans la prison. (1663, en marge.)
- ↑ Var. Mais puisque je vous vois, mon sort m’est assez doux. (1645-56)
- ↑ Var. Qui fit jaloux Alcippe avecque tant d’adresse. (1645-56)
- ↑ Var. Fut-il pas le témoin du conte que vous fîtes ?
Vous sépara-t-il pas lorsque vous vous battîtes ?
Et sait-il pas enfin les plus rusés détours. (1645-56) - ↑ Bricoler, au propre, c’est diriger une balle, une bille, un boulet de façon à atteindre le but indirectement et par raccroc ; au figuré, c’est suivre des voies obliques, et activement, conduire par des voies obliques. Voyez le Lexique.
- ↑ Var. Donc sans perdre de temps, souffrez que j’aille apprendre. (1645-56)
- ↑ Var. Comme va maintenant l’amour ou la folie ? (1645-60)
- ↑ Var. Par générosité lui rendrons-nous les armes ? (1645-68)
- ↑ Var. Comme un galant commode, assez incommodé. (1645-56)
- ↑ Var. Éclaireront ce trouble, et purgeront ces soins. (1648-56)
- ↑ Var. Je veux le dérober. Mais qu’est-ce qui le suit ? (1645-68)
- ↑ Telle est l’orthographe de toutes les éditions, sans excepter celle de 1692.
- ↑ Var. Voyez-vous pas que c’est ma maîtresse elle-même ? (1645-60)
- ↑ Var. Qui ? celle qui m’écrit (1645 et 48)
- ↑ Var. À l’aimer tant soit peu vous l’eussiez deviné. (1645-56)
- ↑ Var. Quand je dis vrai, Monsieur, j’entends que l’on me croie. (1645-56)
- ↑ Var. Mais vous le montreriez. (1645-68)
- ↑ Var. Demain donc je le viendrai reprendre. (1645-56)
- ↑ Cette indication manque dans les impressions de 1645-63.
- ↑ Var. Peut-être à mon retour je te saurai guérir. (1645-56)
- ↑ Var. Mais on tremble toujours de peur qu’on ne les rende. (1645-60)
- ↑ Var. De crainte qu’aussitôt l’amour ne s’estropie. (1645-60)
- ↑ Var. Mais laissons ce discours, qui vous peut ennuyer. (1645-56)
- ↑ Var. Tais-toi, tu m’étourdis avecque tes raisons. (1645-56)