La Terreur en Macédoine/Au lecteur

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Éditions Jules Tallandier (p. vii-viii).


AU LECTEUR


Il est aujourd’hui des pays qui, depuis des années, sont ravagés par le feu, décimés par le fer et noyés dans le sang.

Et non pas de ces contrées lointaines, encore mystérieuses, où quelque tyran nègre ignorant et féroce, moitié homme et moitié fauve, massacre pour l’immonde joie de tuer.

Non ! ces pays martyrs font partie de notre Europe civilisée, orgueilleuse de ses arts, de ses sciences, de ses découvertes et de ses génies ! J’ai nommé la Bulgarie, la Roumélie, la Macédoine, l’Épire, nations chrétiennes d’Orient que torture à merci le maître musulman.

Et c’est ainsi que des populations honnêtes, laborieuses, inoffensives, sont journellement en proie au vol, au pillage, à l’incendie, au brigandage organisé, à la mort dans les supplices les plus effroyables que puisse inventer la tyrannie la plus atroce et la plus raffinée.

J’ai voulu être l’écrivain de ces souffrances qui passent l’imagination. Et j’éprouve le scrupule bien naturel de vous dire : « Ce récit, documenté avec le plus grand soin et puisé aux sources les plus authentiques, sera toujours conforme à la vérité. Mais, pourtant, cette vérité devra être plutôt atténuée, car il est de ces horreurs que l’on ne peut écrire… »

Je raconterai donc avec tristesse et sincérité les atrocités poignantes dont souffrent les chrétiens d’Orient. Je serai narrateur fidèle et impartial, sans faire intervenir et sans discuter les croyances et sans la moindre préoccupation confessionnelle. Si notre pitié est acquise aux martyrs, c’est parce qu’ils sont avant tout des hommes. Et l’homme qui souffre a droit à notre compassion et à notre respect, quelles que soient son origine, sa nationalité, sa couleur ou sa foi !

C’est pourquoi, aussi, en écrivant ces lignes, je me joins de toute mon âme à ceux qui réclament au nom de l’humanité, pour les martyrs d’Orient, la fin d’une tyrannie qui déshonore un régime et une époque.


L. BOUSSENARD.