La Théorie des parallèles/Études
Texte établi par Coubron, Librairie scientifique et technique Albert Blanchard, (p. 9-52).
Quelques-unes des théories de la géométrie élémentaire laissent encore beaucoup à désirer, et c’est à leur imperfection, je crois, qu’il faut attribuer le peu de progrès que cette science, en dehors des applications de l’analyse, a pu réaliser depuis Euclide.
Je compte parmi ces points défectueux l’obscurité qui règne sur les premières notions des grandeurs géométriques et sur la manière dont on se représente la mesure de ces grandeurs, ainsi que l’importante lacune que présente la théorie des parallèles, et que les travaux des géomètres n’ont encore pu combler. Les efforts de Legendre n’ont rien ajouté à cette théorie, cet auteur ayant été forcé de quitter la voie du raisonnement rigoureux pour se jeter dans des considérations détournées, et de recourir à des principes qu’il cherche, sans raison suffisante, à faire passer pour des axiomes nécessaires.
Mon premier essai sur les fondements de la géométrie a paru dans le Courrier de Kasan, pour l’année 1829. Désirant satisfaire à toutes les exigences des lecteurs, je me suis occupé ensuite de la rédaction de l’ensemble de cette science, et j’ai publié mon travail par parties dans les Mémoires de l’Université de Kasan, pour les années 1836, 1837, 1838, sous le titre de Nouveaux principes de Géométrie, avec une théorie complète des parallèles. L’étendue de ce travail a peut-être empêché mes compatriotes de suivre cette études, qui, depuis Legendre, semblait avoir perdu son intérêt. Je n’en persiste pas moins à croire que la théorie des parallèles conserve toujours ses droits à l’attention des géomètres, et c’est pour cela que je me propose d’exposer ici ce qu’il y a d’essentiel dans mes recherches, en faisant d’abord remarquer, contrairement à l’opinion de Legendre, que les autres imperfections de principes, telles que la définition de la ligne droite, ne doivent point nous occuper ici, et sont sans aucune influence sur la théorie des parallèles.
Pour ne pas fatiguer le lecteur par une multitude de propositions dont les démonstrations n’offrent aucune difficulté, j’indiquerai seulement ici celles dont la connaissance est nécessaire pour ce qui va suivre.
1 — Une ligne droite se superpose à elle-même dans toutes ses positions. J’entends par là que, si l’on fait tourner autour de deux points de la ligne droite la surface qui la contient, cette ligne ne change pas de place.
2 — Deux lignes droites ne peuvent se couper en deux points.
3 — Une ligne droite, suffisamment prolongée dans les deux sens, pourra dépasser toute limite, et partagera ainsi en deux parties toute portion de plan limitée.
4 — Deux lignes droites perpendiculaires à une troisième, et situées dans un même plan que cette troisième, ne peuvent se couper, quelque loin qu’on les prolonge.
5 — Une ligne droite coupera toujours une autre droite, lorsqu’elle aura des points situés de part et d’autre de celle-ci.
6 — Des angles opposés par le sommet et ayant leurs côtés situés sur les prolongements les uns des autres sont égaux. Cette proposition est vraie aussi pour les angles dièdres.
7 — Deux lignes droites ne peuvent se couper, lorsqu’elles sont coupées par une troisième sous des angles égaux.
8 — Dans un triangle rectiligne, à des côtés égaux sont opposés des angles égaux, et réciproquement.
9 — Dans un triangle rectiligne, à un plus grand côté est opposé un plus grand angle. Dans un triangle rectangle, l’hypothénuse est plus grande que chacun des côtés de l’angle droit, et les deux angles adjacents à l’hypothénuse sont aigus.
10 — Deux triangles rectilignes sont égaux lorsqu’ils ont un côté égal et deux angles égaux, ou deux côtés égaux comprenant un angle égal, ou deux côtés égaux et l’angle opposé au plus grand de ces deux côtés égal, ou enfin les trois côtés égaux.
11 — Une droite perpendiculaire à deux autres droites situées dans un plan qui ne la contient pas est perpendiculaire à toute autre droite menée par son pied dans ce plan.
12 — L’intersection d’une sphère avec un plan est un cercle.
13 — Une droite perpendiculaire à l’intersection de deux plans perpendiculaires entre eux, et située dans l’un de ces deux plans, est perpendiculaire à l’autre.
14 — Dans un triangle sphérique, à des côtés égaux sont opposés des angles égaux, et réciproquement.
15 — Deux triangles sphériques sont égaux lorsqu’ils ont deux côtés égaux comprenant un angle égal, ou bien un côté égal adjacent à deux angles égaux.
Les propositions que nous donnerons dans ce qui va suivre seront accompagnées de leurs explications et de leurs démonstrations.
16 — Toutes les droites tracées par un même point dans un plan peuvent se distribuer, par rapport à une droite donnée dans ce plan, en deux classes, à savoir : en droites qui coupent la droite donnée, et en droites qui ne la coupent pas. La droite qui forme la limite commune de ces deux classes est dite parallèle à la droite donnée.
Soit abaissée, du point (fig. 1), sur la droite la perpendiculaire et soit élevée au point sur la droite la perpendiculaire Dans l’angle droit il arrivera ou que toutes les droites partant du point rencontreront la droite comme le fait par exemple ; ou bien que quelques-unes d’entre elles, comme la perpendiculaire ne rencontreront pas Dans l’incertitude si la perpendiculaire est la seule droite qui ne rencontre pas nous admettrons la possibilité qu’il existe encore d’autres lignes, telles que qui ne coupent pas quelque loin qu’on les prolonge. En passant des lignes qui coupent aux lignes qui ne coupent pas on trouvera nécessairement une ligne parallèle à c’est-à-dire une ligne d’un côté de laquelle les lignes ne rencontrent pas la ligne tandis que, de l’autre côté, toutes les lignes rencontrent L’angle compris entre la parallèle et la perpendiculaire sera dit l’angle de parallélisme, et nous le désignerons par représentant la distance
Si est un angle droit, le prolongement de la perpendiculaire sera également parallèle au prolongement de la droite et nous ferons remarquer, à ce propos, que, par rapport aux quatre angles formés au point par les perpendiculaires et par leurs prolongements toute droite partant du point est comprise, soit par elle-même, soit par son prolongement, dans un des deux angles droits dirigés vers de sorte qu’à l’exception de la seule parallèle toutes ces droites, prolongées suffisamment dans les deux sens, devront couper la droite
Si l’on a alors, de l’autre côté de il y aura une autre droite faisant avec le même angle laquelle sera parallèle au prolongement de la ligne de sorte que, dans cette hypothèse, il faut distinguer encore le sens du parallélisme. Toutes les autres droites comprises dans l’intérieur des deux angles droits dirigés vers appartiennent aux droites sécantes, lorsqu’elles sont situées dans l’angle des deux parallèles ; elles appartiennent, au contraire, aux droites non sécantes lorsqu’elles sont situées de l’autre côté des parallèles à l’intérieur des deux angles entre les parallèles et la droite perpendiculaire sur De l’autre côté de la perpendiculaire les prolongements des parallèles seront également parallèles à Parmi les autres droites, celles qui sont dans l’angle appartiendront aux droites sécantes, celles qui sont dans les angles aux droites non sécantes.
D’après cela, si l’on suppose les droites ne pourront être que sécantes ou parallèles. Mais, si l’on admet que on devra considérer alors deux parallèles, l’une dans un sens, l’autre dans le sens opposé ; de plus, les autres droites devront se distinguer en non sécantes et en sécantes. Dans les deux hypothèses, le caractère du parallélisme est que la ligne devient sécante par la moindre déviation vers le côté où est située la parallèle ; de sorte que, si est parallèle à toute ligne faisant, du côté de un angle aussi petit que l’on voudra avec coupera nécessairement
17 — Une ligne droite conserve le caractère du parallélisme en tous ses points.
Soit (fig. 2) parallèle à et perpendiculaire sur Considérons deux points pris à volonté sur la ligne et sur son prolongement au delà de la perpendiculaire. Supposons le point situé, par rapport à la perpendiculaire, du même côté que celle des directions de qui est considérée comme parallèle à Abaissons du point sur la perpendiculaire et menons ensuite de manière qu’elle tombe à l’intérieur de l’angle Joignons les points et par une droite, dont le prolongement devra rencontrer quelque part en (prop. 16). Nous obtiendrons ainsi un triangle dans l’intérieur duquel pénétrera la ligne Cette dernière ligne, ne pouvant rencontrer par suite de la construction, et ne pouvant pas non plus rencontrer ni pour la seconde fois (prop. 2), coupera nécessairement quelque part, en (prop. 3).
Soit maintenant un point sur le prolongement de et une perpendiculaire abaissée sur le prolongement de Menons la ligne faisant avec un angle assez petit pour couper quelque part en Tirons du point la ligne faisant avec un angle égal à et dont le prolongement coupera en (prop. 16). On formera ainsi un triangle dans lequel pénétrera le prolongement de la ligne Or cette ligne ne peut pas rencontrer une seconde fois elle ne peut pas non plus couper puisque l’angle (prop. 7). Il faudra donc qu’elle rencontre quelque part en
Donc, quels que soient les points d’où partent les lignes et quelque peu qu’elles s’écartent de la ligne elles couperont toujours la ligne à laquelle est parallèle.
18 — Deux droites sont toujours réciproquement parallèles.
Soit (fig. 3) une perpendiculaire sur et une
parallèle à Menons par le point la ligne faisant avec
un angle aigu quelconque et abaissons du point sur
la perpendiculaire Nous formerons ainsi un triangle rectangle
dont l’hypothénuse sera plus grande que le côté
Fig. 3
de l’angle droit (prop. 9). Faisons et plaçons
sur et prendront les positions et
de sorte que l’on aura l’angle Il faudra alors que
coupe la droite quelque part en (prop. 16), et il en résultera
un triangle dans lequel la perpendiculaire rencontrera
la ligne en (prop. 3), et déterminera par là la distance
du point au point de rencontre de la ligne avec
De là résulte que coupera toujours quelque petit que soit l’angle Donc est parallèle à (prop. 16).
19 — Dans tout triangle rectiligne, la somme des trois angles ne peut surpasser deux angles droits.
Supposons que, dans le triangle (fig. 4), la somme des trois
angles soit Dans le cas où les côtés sont inégaux, soit
le plus petit. Partageons en deux parties égales au point
par et menons la droite sur le prolongement de laquelle
nous prendrons joignons, enfin, le point au point par la droite Dans les deux triangles égaux on a
l’angle et l’angle (prop. 6 et 10). De
là résulte que la somme des trois angles du triangle doit être
aussi égale à En outre, le plus petit angle (prop. 9)
Fig. 4
du triangle a passé dans le triangle où il se trouve partagé
en deux parties En continuant de la même manière
à partager toujours en deux parties égales le côté opposé au
plus petit angle, on finira nécessairement par obtenir un triangle dans
lequel la somme des trois angles sera mais où il se trouvera
deux angles dont chacun sera moindre, en valeur absolue, que
Or, le troisième angle ne pouvant être plus grand que il faut donc
que soit nul ou négatif.
20 — Si, dans un triangle rectiligne quelconque, la somme des trois angles est égales à deux angles droits, il en sera de même pour tout autre triangle.
Supposons que dans le triangle rectiligne (fig. 5) la somme
des trois angles soit égale à deux au moins de ces angles, et devront être aigus.
Fig. 5
Abaissons, du sommet du troisième angle
la perpendiculaire sur le côté opposé cette perpendiculaire partagera le triangle en deux triangles rectangles, dans chacun
desquels la somme des trois angles devra encore être égale à sans
quoi elle serait dans l’un de ces deux triangles plus grande que ou
dans le triangle total plus petite que On obtiendra donc ainsi un
triangle rectangle, dont les côtés de l’angle droit seront et et au
moyen duquel on pourra former un quadrilatère dont les côtés opposés
seront égaux entre eux, et dont les côtés adjacents et (fig. 6)
seront perpendiculaires l’un à l’autre. Par la répétition de ce quadrilatère,
on pourra en former un pareil dont les côtés seront et
Fig. 6
et enfin un autre ayant ses côtés perpendiculaires entre eux,
et dans lequel
et étant des nombres entiers quelconques. Ce quadrilatère sera
divisé par la diagonale en deux triangles rectangles égaux,
dans chacun desquels la somme des trois angles est
égale à Or, on peut prendre les nombres et assez grands
pour que le triangle rectangle (fig. 7), dont les côtés de l’angle
droit sont renferme dans son intérieur tout
autre triangle rectangle donné lorsqu’on aura fait coïncider
leurs angles droits. En menant la ligne on obtient ainsi des
triangles rectangles ayant deux à deux un côté commun. Le triangle
est formé par la réunion des deux triangles dans
chacun desquels la somme des trois angles ne peut surpasser elle
doit donc être, pour chacun, égale à sans quoi elle ne serait pas
égale à dans le triangle total. De même, le triangle se compose
des deux triangles d’où il s’ensuit que dans
la somme des trois angles doit être égale à Cela doit donc avoir lieu, en général, pour un triangle quelconque, puisque tout triangle
peut être décomposé en deux triangles rectangles.
On conclut de là que deux hypothèses seulement sont possibles : ou la somme des trois angles est égale à dans tous les triangles rectilignes, ou bien elle est dans tous moindre que
21 — Par un point donné, on peut toujours mener une ligne droite qui fasse avec une droite donnée un angle aussi petit que l’on voudra.
Abaissons, du point donné (fig. 8) sur la droite donnée
la perpendiculaire prenons à volonté sur un point
Fig. 8
joignons faisons et menons Dans le triangle
rectangle soit l’angle l’angle du triangle
isocèle sera égal à ou (prop. 8 et 20). En continuant
ainsi, on parviendra, à la fin, à un angle plus petit que
tout angle donné.
22 — Si deux perpendiculaires à une même droite sont parallèles entre elles, la somme des angles d’un triangle rectiligne quelconque sera égale à
Soient les droites (fig. 9), parallèles entre elles, et perpendiculaires
sur Menons du point les droites
aux points pris sur la droite à des distances quelconques,
Fig. 9
du point En supposant que la somme des trois angles
soit égale à dans le triangle rectangle et à
dans le triangle elle devra être égale, dans le triangle
à et ne pouvant être négatifs. Soient, de plus, les
angles on aura Si l’on
écarte maintenant la ligne de la perpendiculaire on pourra
rendre aussi petit que l’on voudra l’angle compris entre et la
parallèle on pourra de même diminuer l’angle indéfiniment.
Par conséquent, les deux angles et ne peuvent avoir d’autres
valeurs que et
D’après cela, il faut que, dans tous les triangles rectilignes, la somme des trois angles soit égale à et qu’en même temps l’angle de parallélisme soit égal à quelle que soit la distance ou bien il faut que, dans tous les triangles, la somme des angles soit et qu’on ait en même temps
La première hypothèse sert de fondement à la Géométrie ordinaire et à la Trigonométrie plane, La seconde hypothèse peut être également admise, sans conduire à aucune espèce de contradiction dans les résultats, et elle est la base d’une nouvelle théorie géométrique, à laquelle j’ai donné le nom de Géométrie imaginaire, et que je me propose d’établir ici jusqu’au développement des équations entre les angles et les côtés des triangles tant rectilignes que sphériques.
23 — Étant donné un angle quelconque on peut toujours trouver une distance telle que l’on ait
Soient et (fig. 10) deux droites formant, à leur intersection
l’angle aigu Prenons à volonté sur un point
Fig. 10
de ce point abaissons perpendiculaire sur faisons élevons en la perpendiculaire et continuons
ainsi jusqu’à ce que nous arrivions à une perpendiculaire qui ne
rencontre plus C’est ce qui doit nécessairement arriver ; car, si
la somme des trois angles du triangle est égale à cette
somme, dans le triangle sera égale à dans le
triangle elle sera moindre que (prop. 20), et ainsi
de suite, jusqu’à ce qu’enfin elle devienne négative, auquel cas il
serait impossible de former un triangle. La perpendiculaire
pourrait être celle-là même qui forme la limite entre les perpendiculaires
plus voisines du point qui rencontrent et les perpendiculaires
plus éloignées qui ne le rencontrent pas. Dans tous les cas,
il doit exister une telle perpendiculaire-limite lorsqu’on passe
des perpendiculaires sécantes aux perpendiculaires non sécantes. Menons
maintenant par le point la droite faisant avec l’angle
aigu et située, par rapport à du même côté que le point D’un point quelconque de la droite abaissons sur
la perpendiculaire dont le prolongement devra par suite
rencontrer quelque part en et former ainsi un triangle
dans lequel pénétrera le prolongement de la ligne ce prolongement
rencontrera donc quelque part en l’hypothénuse L’angle
étant arbitraire, et pouvant être supposé aussi petit que
l’on voudra, sera donc parallèle à et l’on aura
(prop. 16 et 18).
On voit aisément que, lorsque diminue, l’angle croît, et qu’il s’approche de lorsque tend vers zéro. Au contraire, lorsque croît, l’angle diminue, et il s’approche de plus en plus de à mesure que tend vers Comme on peut choisir arbitrairement l’angle que l’on désignera par la notation lorsque sera exprimé par un nombre négatif, nous poserons la relation
relation qui aura lieu pour toutes les valeurs, tant positives que négatives, de aussi bien que pour
24 — Si l’on prolonge de plus en plus loin deux lignes parallèles dans le sens de leur parallélisme, elles s’approcheront de plus en plus l’une de l’autre.
Élevons sur la ligne (fig. 11) deux perpendiculaires
et joignons leurs extrémités et par une droite. Le quadrilatère
aura, en et en deux angles droits, et en et
Fig. 11
deux angles aigus (prop. 22), lesquels seront égaux entre eux, comme
il est aisé de s’en convaincre, si l’on imagine le quadrilatère superposé à lui-même, en plaçant la ligne sur et la ligne sur
Partageons en deux parties égales, et au milieu élevons sur
la perpendiculaire laquelle devra être en même temps
perpendiculaire sur puisque les quadrilatères
coïncideront l’un avec l’autre, si l’on plie la figure totale autour de
Donc la ligne ne peut être parallèle à la ligne mais
la parallèle à menée par le point savoir la ligne devra
s’écarter de vers (prop. 16), et retranchera de la perpendiculaire
une portion Le point étant pris
à volonté sur la ligne il en résulte que s’approchera d’autant
plus de qu’on la prolongera plus loin.
25 — Deux droites parallèles à une troisième sont parallèles entre elles.
Supposons d’abord que les trois droites (fig. 12),
soient situées dans un même plan et se succèdent dans l’ordre indiqué.
Si les deux premières et sont parallèles chacune à la
troisième je dis que et seront aussi parallèles entre
Fig. 12
elles. Pour le démontrer, d’un point quelconque de la ligne extrême
abaissons sur l’autre ligne extrême la perpendiculaire
laquelle rencontrera la ligne intermédiaire en un point (prop. 3), et sous un angle dans le sens de la direction
de qui est parallèle à la direction (prop. 22). Une perpendiculaire
abaissée du même point sur devra tomber dans
l’ouverture de l’angle aigu (prop. 9), et toute autre ligne
menée par dans l’intérieur de l’angle devra rencontrer
quelque part en la droite parallèle à Par conséquent,
dans le triangle la ligne devra couper quelque part
en puisqu’il est impossible qu’elle rencontre Si était
menée du point dans l’intérieur de l’angle elle devrait
couper le prolongement de entre les points et dans le
triangle De là résulte que et sont parallèles (prop. 16 et 18).
Si les deux lignes extrêmes sont supposées chacune parallèles à la ligne intermédiaire alors toute ligne menée par le point dans l’intérieur de l’angle coupera la ligne en un point quelconque quelque petit que soit l’angle Sur le prolongement de prenons à volonté un point et joignons-le au point par la ligne celle-ci devra rencontrer quelque part en de manière à former un triangle Le prolongement de la ligne à l’intérieur du triangle ne peut rencontrer une seconde fois ni ni donc ce prolongement rencontrera quelque part en et par conséquent et sont parallèles entre elles.
Supposons maintenant que les parallèles (fig. 13),
soient situées dans deux plans dont l’intersection soit D’un
Fig. 13
point quelconque de cette intersection, abaissons une perpendiculaire
sur l’une quelconque des deux parallèles ; puis,
du pied de la perpendiculaire abaissons une nouvelle perpendiculaire sur l’autre parallèle et joignons les extrémités
et des deux perpendiculaires par la ligne L’angle doit
être aigu (prop. 22) ; donc une perpendiculaire abaissée du
point sur tombera en un point situé, par rapport à
du même côté que la direction suivant laquelle et sont
considérées comme parallèles. Toute ligne s’écartant si peu que
ce soit de appartiendra, avec la ligne à un plan qui devra
couper le plan des deux parallèles le long d’une ligne quelconque
Cette dernière ligne rencontrera quelque part, et
ce sera au même point commun au trois plans, et par lequel la
ligne devra aussi nécessairement passer. Donc est parallèle
à On démontrera de la même manière le parallélisme de et
de
La supposition qu’une ligne est parallèle à l’une des deux autres droites parallèles entre elles revient donc à considérer comme l’intersection de deux plans contenant les deux parallèles par conséquent, deux lignes sont parallèles entre elles, lorsqu’elles sont parallèles à une même troisième, bien qu’elles ne soient pas situées toutes les trois dans un même plan. Ce dernier théorème peut encore s’énoncer de la manière suivante : les intersections de trois plans deux à deux sont trois droites parallèles entre elles, toutes les fois que l’on suppose le parallélisme de deux de ces droites.
26 — Deux triangles opposés sur la surface de la sphère ont même surface.
Nous entendons ici par triangles opposés ceux qui sont formés par les intersections de la surface sphérique avec les trois mêmes plans, de part et d’autre du centre. Dans ces triangles, les côtés et les angles ont donc deux à deux une direction opposée.
Dans les triangles opposés (fig. 14, où l’un de ces
triangles doit être considéré comme retourné), on a entre les côtés
les égalités et les angles en
sont égaux à leurs correspondants en dans
l’autre triangle. Par les trois points imaginons que l’on
mène un plan, et que sur ce plan l’on abaisse du centre de la sphère
une perpendiculaire, dont les prolongements dans les deux sens rencontrent
les deux triangles opposés aux points et de la surface sphérique. Les distances du point aux points mesurées
sur la sphère en arcs de grands cercles, devront être égales (prop. 12),
Fig. 14
tant entre elles qu’aux distances dans l’autre
triangle (prop. 6). Donc les triangles isocèles formés autour des
points et seront égaux deux à deux dans les deux triangles
sphériques
Nous prendrons pour caractère général de l’équivalence de deux surfaces la définition suivante : deux surfaces sont ÉQUIVALENTES, lorsqu’elles sont formées par l’addition ou la soustraction de parties ÉGALES.
27 — Un angle trièdre est égal à la demi-somme de ses angles dièdres, moins un angle droit.
Dans le triangle sphérique (fig. 15), dont chaque côté est
moindre que désignons les angles par prolongeons le
Fig. 15
côté de manière à former le cercle entier lequel
partagera la sphère en deux parties égales. Dans l’hémisphère qui contiendra le triangle prolongeons encore les deux autres côtés
au delà de leur intersection mutuelle jusqu’à leur rencontre avec
le cercle en et en L’hémisphère se trouvera partagé ainsi en
quatre triangles dont nous désignerons
les surfaces par Il est évident que l’on a
La surface du triangle sphérique est équivalente à celle du triangle opposé qui a le côté commun avec le triangle et dont le troisième sommet est situé à l’autre extrémité du diamètre de la sphère, mené par le point (prop. 26). De là résulte
et comme d’ailleurs
il s’ensuit que l’on a
On peut encore arriver à la même conclusion d’une autre manière, en s’appuyant seulement sur le théorème que nous avons démontré relativement à l’équivalence des surfaces (prop. 26).
Dans le triangle sphérique (fig. 16), menons, par les milieux
des côtés le grand cercle sur lequel nous abaisserons, des
Fig. 16
points les arcs perpendiculaires
Si l’arc perpendiculaire tombe entre et le
triangle résultant sera égal à et le triangle égal
à (prop. 6 et 15), d’où il résulte que la surface du triangle est équivalente à celle du quadrilatère (prop. 26). Si le
point coïncide avec le milieu du côté (fig. 17), il n’y aura
plus que deux triangles rectangles égaux par l’échange
Fig. 17
desquels on démontrera l’équivalence du triangle et du quadrilatère
Si enfin le point tombe en dehors du triangle
(fig. 18), la perpendiculaire pénétrant alors dans le triangle,
on passera du triangle au quadrilatère en ajoutant
le triangle et retranchant ensuite le triangle
Imaginons maintenant que, dans le quadrilatère sphérique
on mène par les points et ainsi que par les
points et des arcs de grands cercles, ces arcs seront
égaux entre eux (prop. 15) : donc les triangles seront
aussi égaux (prop. 15), et l’angle sera égal à l’angle
De là résulte que, dans tous les cas précédents, la somme des trois angles du triangle sphérique est égale à la somme des deux angles égaux du quadrilatère, autres que les deux angles droits. D’après cela, pour tout triangle sphérique dont la somme des trois angles est on peut trouver un quadrilatère de même surface, ayant deux angles droits et les deux côtés perpendiculaires égaux entre eux, et dont chacun des deux autres angles est égal à
Soit maintenant (fig. 19) le quadrilatère sphérique dont
les côtés sont perpendiculaires sur et dont les angles
en et en sont égaux chacun à Prolongeons les côtés
et jusqu’à leur rencontre en et, au delà de ce point
portons encore sur le prolongement de la longueur
et abaissons sur le prolongement de l’arc perpendiculaire
Fig. 19
Partageons l’arc total en deux parties égales, et joignons le milieu
par des arcs de grands cercles aux points et Les triangles
sont égaux (prop. 15) ; on a donc Les triangles sont pareillement égaux, parce qu’ils
sont rectangles et ont les côtés de l’angle droit égaux. Donc et
appartiennent à un même cercle ; l’arc est égal à
L’arc est pareillement égal à l’angle
Donc l’angle ou, ce qui revient au même, la mesure du fuseau laquelle à son tour est égale à celle du quadrilatère comme on le voit aisément, lorsqu’on passe de l’un à l’autre, en ajoutant d’abord le triangle puis le triangle et retranchant ensuite les triangles égaux aux précédents. D’après cela sera la mesure du quadrilatère et en même temps aussi celle du triangle sphérique dont la somme des trois angles est égale à
28 — Lorsque trois plans se coupent deux à deux suivant des droites parallèles, la somme des trois angles dièdres est égale à deux angles droits.
Soient (fig. 20), les trois parallèles formées
par les intersections des trois plans (prop. 25). Prenons à volonté sur
ces droites trois points et imaginons que l’on mène par
ces points un plan qui coupera les plans des parallèles suivant les droites
Menons, de plus, par la ligne et par un point
quelconque de la ligne un nouveau plan qui coupera le plan
Fig. 20
des parallèles suivant la droite et le plan des parallèles
suivant la droite et qui fera avec le troisième
plan des parallèles un angle que nous désignerons par
Soient les angles dièdres des trois plans, suivant les arêtes
respectivement. Soient enfin les angles plans
Imaginons que, du point
comme centre, on décrive une surface sphérique dont les intersections
avec les droites déterminent un triangle sphérique
ayant pour côtés pour surface et pour angles
opposé au côté opposé au côté et par suite
opposé au côté (prop. 27). De même couperont
la sphère de centre en déterminant un triangle de surface dont
les côtés seront et les angles opposé à opposé
à et par suite opposé à Enfin détermineront sur une sphère de centre un triangle
sphérique dont les côtés auront pour angles respectivement
opposés et dont la surface
sera par conséquent
Lorsque diminue, les surfaces des triangles et diminuent en
même temps, de telle sorte que peut être rendu moindre
que toute quantité donnée. Dans le triangle les côtés et
peuvent également être rendus indéfiniment petits (prop. 21). Donc
le triangle avec un de ses côtés, ou peut être porté autant
de fois que l’on voudra sur un grand cercle de la sphère, sans que
l’hémisphère se trouve complètement couvert ; par suite, s’évanouit
en même temps que d’où résulte que l’on doit avoir nécessairement
29 — Dans un triangle rectiligne, les perpendiculaires élevées sur les milieux des côtés ou ne se rencontrent pas, ou se rencontrent toutes en un même point.
Supposons que dans le triangle (fig. 21), il y ait intersection au point entre les deux perpendiculaires élevées aux milieux des côtés Menons aux sommets du triangle les lignes
Dans les triangles égaux (prop. 10), on a par une raison analogue, Le triangle est donc isocèle, et par conséquent la perpendiculaire abaissée du point sur la base tombera au milieu de cette base.
La démonstration n’éprouve aucun changement lorsque le point d’intersection des deux perpendiculaires se trouve soit sur la ligne elle-même, soit en dehors du triangle.
Donc, dans le cas où l’on admet que deux de ces perpendiculaires ne se coupent pas, la troisième ne pourra pas non plus rencontrer les deux autres.
30 — Les perpendiculaires élevées aux milieux des côtés d’un triangle rectiligne seront toutes les trois parallèles entre elles, toutes les fois que l’on en supposera deux parallèles.
Soient les perpendiculaires (fig. 22) élevées sur
les milieux des côtés du triangle Supposons d’abord
que les deux perpendiculaires qui rencontrent
en et en soient parallèles, et que la perpendiculaire
Fig. 22
se trouve entre les deux autres. À l’intérieur de l’angle tirons
à volonté du point la ligne qui devra rencontrer quelque
part en quelque petit que soit l’angle d’écart (prop. 16).
Puisque, dans le triangle la perpendiculaire ne peut pas
rencontrer (prop. 29), il faut donc qu’elle coupe quelque
part en d’où l’on conclut que doit être parallèle à (prop. 16)
et à (prop. 18 et 25).
Si l’on représente les côtés par
et que l’on désigne par les angles respectivement opposés, à ces côtés, on a, dans le cas considéré,
comme il est aisé de s’en convaincre, à l’aide des lignes menées par les points parallèlement à la perpendiculaire et par suite aussi aux deux autres perpendiculaires (prop. 23 et 25).
Supposons maintenant que les deux perpendiculaires
soient parallèles, alors la troisième perpendiculaire ne pourra
pas les rencontrer (prop. 29) ; donc ou elle leur sera parallèle, ou elle
coupera La dernière hypothèse revient à dire que l’angle
Si l’on diminue cet angle jusqu’à ce qu’il devienne
égal à en donnant à la ligne la nouvelle
position (fig. 23), et si l’on désigne la longueur du troisième
côté par alors l’angle qui se trouvera augmenté,
Fig. 23
devra être égal, d’après ce qui a été démontré plus haut, à
d’où il résulte que
(prop. 23). Mais, dans le triangle les angles et sont
égaux ; donc, il faut que dans le triangle l’angle en soit
plus grand que l’angle en d’où il résulte (prop. 9),
c’est à dire
31 — Nous appellerons COURBE‒LIMITE (horicycle) la ligne courbe, située dans un plan, et telle que toutes les perpendiculaires élevées sur les milieux de ses cordes soient parallèles entre elles.
Conformément à cette définition, on peut concevoir que la courbe-limite
soit engendrée comme il suit : étant donnée une droite
(fig. 24), par un point pris par cette droite, on mène, sous
divers angles des cordes L’extrémité
de chacune de ces cordes sera située sur la courbe-limite, dont on
pourra ainsi déterminer successivement tous les points. La perpendiculaire
élevée sur le milieu de la corde sera parallèle à la
ligne que nous nommerons axe de la courbe-limite. De même toute perpendiculaire élevée sur le milieu d’une corde quelconque
sera parallèle à Donc cette propriété devra aussi
Fig. 24
appartenir en général à toute perpendiculaire élevée au milieu
d’une corde quelconque quels que soient les points
de la courbe-limite qui forment les extrémités de cette corde (prop. 30).
De telles perpendiculaires devront donc recevoir, sans distinction,
comme le nom d’axes de la courbe-limite.
32 — Un cercle dont le rayon va en croissant se change en une courbe-limite.
Soit (fig. 25) une corde de la courbe-limite. Par les extrémités
et de la corde, menons deux axes, qui feront
avec la corde des angles égaux (prop. 31). Sur
Fig. 25
un de ces axes prenons un point quelconque comme centre
d’un cercle, et menons l’arc de ce cercle depuis l’origine de l’axe jusqu’à sa rencontre en avec l’autre axe Le rayon
du cercle, correspondant au point formera d’un côté, avec
la corde l’angle et de l’autre côté, avec l’axe
l’angle L’angle compris entre les deux cordes (prop. 22), d’où resulte
Or, comme l’angle peut décroître jusqu’à zéro, soit lorsque le
point se meut dans la direction restant fixe (prop. 21),
soit encore lorsque s’approche de sur l’axe le centre
conservant sa position (prop. 22) ; il s’ensuit que, l’angle décroissant
ainsi, l’angle ou l’inclinaison mutuelle des deux cordes
et par suite aussi la distance du point de la courbe-limite
au point du cercle, tendront vers zéro. Donc on peut appeler
la courbe-limite un cercle de rayon infiniment grand.
33 — Soient (fig. 26) deux droites parallèles entre elles dans la direction de vers et supposons que les parallèles à ces droites servent d’axes aux deux arcs de courbes-limites On aura
étant indépendant des arcs et de la droite distance des arcs et
Pour le démontrer, admettons que le rapport des deux arcs soit égal à celui des deux nombres entiers Entre les deux axes menons un troisième axe qui retranche de l’arc une partie et de l’arc une partie située du même côté que Supposons que le rapport de à soit égal à celui des deux nombres entiers de sorte qu’on ait
Partageons maintenant l’arc par des axes en parties égales ; il y aura de ces parties sur et sur À ces parties égales de et de correspondent aussi des parties égales de et de on a par conséquent
D’après cela, de quelque manière que l’on prenne les deux arcs entre les deux axes le rapport de à restera toujours le même. Si donc on pose, pour on aura, pour une valeur quelconque de
Le nombre étant un nombre inconnu soumis à la seule condition et d’un autre côté l’unité qui mesure la ligne pouvant être prise arbitrairement, on pourra, pour simplifier le calcul, choisir cette unité de telle sorte que le nombre devienne égal à la base des logarithmes de Neper.
On peut encore remarquer que pour Donc non seulement la distance de deux parallèles va en diminuant (prop. 24), mais encore, lorsqu’on prolonge les parallèles dans le sens du parallélisme, cette distance finit par s’évanouir. Les lignes parallèles présentent donc le caractère des asymptotes.
34 — Nous appellerons surface-limite (horisphère) la surface engendrée par la révolution de la courbe-limite autour d’un de ses axes, lequel sera aussi, comme tous les autres axes de la courbe-limite, un axe de la surface-limite.
Une corde de longueur donnée est inclinée d’un angle constant sur les axes menés par ses extrémités, quels que soient les deux points de la surface-limite que l’on prenne pour les extrémités de cette corde.
Soient (fig. 27) trois points de la surface-limite,
l’axe de révolution, et deux autres axes, et par suite
et des cordes sur lesquelles les axes sont inclinés d’angles égaux
Fig. 27
(prop. 31). Les deux axes et
menés par les extrémités de la troisième corde sont également
parallèles et situés dans le même plan (prop. 25). Une perpendiculaire
élevée au milieu de la corde dans le plan des deux
parallèles sera parallèle aux trois axes
(prop. 23 et 25) ; une perpendiculaire menée de la même
manière sur le milieu de la corde dans le plan des parallèles
sera parallèle aux trois axes et à la
perpendiculaire Désignons maintenant par l’angle compris
entre le plan qui contient les parallèles et le plan du
triangle pouvant être positif, négatif ou nul. Si est positif, élevons, à l’intérieur du triangle et dans le plan de ce triangle,
la droite perpendiculaire au milieu de la corde
Si était un nombre négatif, on mènerait extérieurement
au triangle, de l’autre côté de la corde Si était nul, le point
coïnciderait avec Dans tous les cas, on obtient deux triangles
rectangles égaux et par conséquent
Élevons maintenant en la ligne perpendiculaire sur le plan
du triangle
Puisque l’angle et que sera parallèle à et à la droite qui est située dans le même plan perpendiculaire au plan du triangle Imaginons maintenant que, dans le plan des parallèles on abaisse sur la perpendiculaire Cette droite sera aussi perpendiculaire sur le plan du triangle (prop. 13) et sur la ligne située dans ce plan (prop. 11) ; par conséquent, qui est perpendiculaire sur et sur sera aussi perpendiculaire sur (prop. 11). Les triangles sont égaux, parce qu’ils sont rectangles et ont les côtés de l’angle droit égaux ; donc on a Une perpendiculaire abaissée du sommet du triangle isocèle sur la base passera par le milieu de cette base. Un plan mené par cette perpendiculaire et par la ligne devra être perpendiculaire sur le plan du triangle et coupera le plan des parallèles suivant la ligne qui sera encore parallèle à et à (prop. 25). Or, étant perpendiculaire sur et par suite aussi sur il s’ensuit que l’angle (prop. 23).
De là résulte que, dans la surface-limite, chacun des axes peut être considéré comme un axe de révolution.
Nous appellerons plan principal tout plan mené par un axe de la surface-limite. D’après cela, tout plan principal coupe la surface-limite suivant la courbe-limite, tandis que, pour toute autre position du plan sécant, cette intersection est un cercle. Trois plans principaux qui se coupent deux à deux forment entre eux des angles dont la somme est égale à (prop. 28). Nous considérerons ces angles comme les angles du triangle de la surface-limite, qui a pour côtés les arcs de courbes-limites, formés par les intersections de la surface-limite avec les trois plans principaux. Les triangles de la surface-limite ont donc, entre leurs angles et leurs côtés, les mêmes relations que l’on démontre exister dans les triangles rectilignes en géométrie ordinaire.
35 — Dans ce qui va suivre, nous représenterons par une lettre accentuée, telle que la grandeur d’une ligne, pour indiquer que cette ligne est liée à une autre ligne, désignée par la même lettre sans accent, par la relation exprimée par l’équation
Soit maintenant (fig. 28) un triangle rectiligne rectangle ayant pour hypothénuse pour côtés de l’angle droit et pour angles opposés à ces derniers Au point élevons la perpendiculaire au plan du triangle et par les points et menons et parallèles à Les plans qui renferment deux à deux ces trois parallèles forment entre eux l’angle suivant un angle droit suivant (prop. 11 et 13), et par suite l’angle suivant (prop. 28).
Les intersections des lignes avec une surface sphérique, décrite du point comme centre, déterminent un triangle sphérique dont les côtés sont et les angles respectivement opposés
D’après cela, l’existence d’un triangle rectiligne, ayant pour côtés et pour angles opposés entraîne aussi celle d’un triangle sphérique (fig. 29) ayant pour côtés , et pour angles opposés
Outre ces deux triangles, l’existence du triangle sphérique entraîne aussi réciproquement celle d’un triangle rectiligne pouvant avoir pour côtés et pour angles respectivement opposés
On peut ainsi passer de à et aussi à
Imaginons que par le point (fig. 28), en prenant comme axe, on mène une surface-limite qui coupe les deux autres axes en et et dont les intersections avec les plans des parallèles forment un triangle de surface-limite ayant pour côtés et pour angles respectivement opposés On aura, par conséquent (prop. 34),
Détruisons maintenant le long de la ligne (fig. 30) la liaison
des trois plans principaux, et étalons-les de façon qu’ils viennent tous
les trois, avec toutes les lignes qu’ils contiennent, s’appliquer sur un
même plan, sur lequel les arcs se réuniront en un seul arc de
courbe-limite, passant par le point et ayant pour axe de
telle sorte que, d’un côté de seront situés : les arcs et le côté du triangle, lequel est perpendiculaire en sur
l’axe mené par l’extrémité de parallèlement à et passant
par le point de réunion des arcs et le côté perpendiculaire
sur au point et l’axe mené par l’extrémité
de parallèlement à et passant par l’extrémité de
l’arc — de l’autre côté de seront situés : le côté perpendiculaire
à au point et l’axe parallèle à et
Fig. 30
l’arc joignant l’extrémité de à La grandeur de la ligne
dépend de et nous exprimerons cette dépendance par
l’équation On aura de même Si,
en prenant pour axe, on décrit une nouvelle courbe-limite,
à partir du point jusqu’à l’intersection de cette courbe avec
l’axe et que l’on désigne l’arc par on aura
et par suite
Remarquons, de plus, que l’on a (prop. 32)
Si la perpendiculaire au plan du triangle (fig. 28), au lieu d’être élevée au point l’avait été au point les lignes et seraient restées les mêmes ; les arcs et se seraient changé en et les droites et en et et l’angle en On aurait, par conséquent,
d’où résulte, en substituant pour sa valeur,
et, en changeant en en
d’où, en multipliant par
Il en résulte aussi
Or les droites et sont indépendantes l’une de l’autre, et de plus, pour on a
Donc, pour toute droite on a
ce qui donne
On tire encore de là, par des échanges de lettres,
Si, dans le triangle sphérique rectangle (fig. 29), on désigne les côtés avec les angles opposés par les lettres les équations précédentes prendront la forme des équations connues que l’on établit, en trigonométrie sphérique, pour les triangles rectangles, savoir :
équations au moyen desquelles on peut passer à celles qui sont relatives aux triangles sphériques quelconques. Donc la trigonométrie sphérique est indépendante de ce que, dans un triangle rectiligne, la somme des trois angles est ou n’est pas égale à deux angles droits.
36 — Considérons maintenant de nouveau le triangle rectiligne
(fig. 31), ayant pour côtés et pour angles respectivement opposés
Fig. 31
Prolongeons l’hypothénuse au delà du point et prenons au point élevons sur
la perpendiculaire qui sera parallèle au prolongement
du côté au delà du point Par le point menons encore
à la parallèle qui sera en même temps parallèle à
(prop. 25). Par conséquent l’angle
d’où
Portons à partir du point sur l’hypothénuse à l’extrémité
(fig. 32), élevons sur à l’intérieur du triangle, la perpendiculaire
et par le point menons à la parallèle
Fig. 32
la ligne avec son prolongement sera la troisième
parallèle. Alors l’angle d’où
Cette dernière équation subsiste encore lorsqu’on a ou Si l’on a (fig. 33), la perpendiculaire élevée sur au point sera parallèle au côté avec son prolongement par conséquent tandis que l’on a aussi (prop. 23). Si l’on a l’extrémité de tombera au delà du point en (fig. 34), sur le prolongement de l’hypothénuse La perpendiculaire élevée sur et la parallèle menée par le point à cette perpendiculaire seront toutes deux parallèles au côté et à son prolongement Ici, l’angle donc (prop. 23)
Fig. 33 | Fig. 34 |
La combinaison des deux équations trouvées donne
d’où résulte
En substituant ici la valeur (prop. 35)
il vient
étant ici un nombre arbitraire, puisque l’on peut choisir à volonté l’angle du côté avec le côté entre les limites et et par suite entre les limites et on en conclura, en faisant successivement que l’on a, pour toute valeur positive du nombre
Considérons maintenant comme le rapport de deux lignes et et admettons que l’on ait
on trouvera que, pour toute ligne en général, positive ou négative, on a
pouvant être un nombre quelconque plus grand que l’unité, puisque l’on a pour
Comme l’unité qui sert à mesurer les lignes est arbitraire, on peut faire en sorte que représente la base des logarithmes de Neper.
37 — Parmi les équations trouvées plus haut (prop. 36), il suffit de connaître les deux suivantes :
en appliquant la dernière aux deux côtés de l’angle droit et pour déduire de leur combinaison les deux autres équations du no 35, sans qu’il y ait ambiguïté dans les signes algébriques, tous les angles étant ici aigus. On parvient d’une manière semblable aux deux équations
(1) |
(2) |
Considérons maintenant un triangle rectiligne ayant pour côtés
(fig. 35), et pour angles respectivement opposés
Fig. 35
Si et sont des angles aigus, la perpendiculaire abaissée du
sommet sur le côté opposé tombera dans l’intérieur du triangle,
et partagera le côté en deux parties : soit celle de ces parties
qui est adjacente à l’angle celle qui est adjacente à
l’angle On formera ainsi deux triangles rectangles qui donneront,
en appliquant l’équation (1), les relations
et ces relations continueraient de subsister lors même qu’un des angles, par exemple, serait droit (fig. 36), ou obtus (fig. 37). On a donc généralement, pour un triangle quelconque,
(3) |
Dans un triangle dont les angles et sont aigus (fig. 35), on a encore (équation 2)
Fig. 36 | Fig. 37 |
équations qui subsistent encore pour un triangle dans lequel un des angles serait droit ou obtus. Ainsi, pour (fig. 36), on devra prendre la première équation se change alors dans celle que nous avons trouvée plus haut (équation 2) ; l’autre se vérifie d’elle-même. Pour (fig. 37), la première équation n’est pas altérée, tandis que la seconde devient
Or, on a (prop. 23), et d’ailleurs Si l’angle est droit ou obtus, on remplacera par et par pour ramener ce cas au précédent.
Pour éliminer entre les deux équations, remarquons que l’on a (prop. 37)
En mettant pour leurs valeurs, il vient
d’où résulte
et enfin
On trouvera de même
De ces trois équations on tire encore
On conclut de là, sans ambiguïté de signe,
(5) |
En substituant ici pour sa valeur, conformément à l’équation (3),
il vient
Si l’on remplace maintenant par cette expression dans l’équation (4), on a
(6) |
L’élimination de au moyen de l’équation (3) donne
D’ailleurs, l’équation (6) donne, par des échanges de lettres,
On conclut des deux dernières équations
(7) |
Les quatre équations qui exprimeront les relations entre les côtés et les angles opposés dans un triangle rectiligne seront d’après cela (équation (3), (5), (6), (7))
(8) |
Si les côtés du triangle sont très petits, on pourra se contenter des déterminations approchées (prop. 36)
et de même pour les autres côtés Pour un tel triangle, les équations (8) deviennent donc
Les deux premières de ces quatre équations sont celles que fournit la géométrie ordinaire. Les deux dernières, combinées avec les premières, conduisent à la relation
Donc la géométrie imaginaire se change dans la géométrie ordinaire lorsque l’on suppose les côtés d’un triangle rectiligne très petits.
J’ai publié, dans les Mémoires de l’Université de Kasan quelques recherches sur la mesure des lignes courbes, des figures planes, des aires et des volumes des corps, ainsi que sur l’application de la géométrie imaginaire à l’analyse[2].
Les équations (8) constituent par elles-mêmes une raison suffisante pour considérer comme possible l’hypothèse de la géométrie imaginaire. Il n’existe donc pas d’autre moyen que les observations astronomiques pour s’assurer de l’exactitude des calculs auxquels conduit la géométrie ordinaire. Cette exactitude s’étend très loin, comme je l’ai fait voir dans un de mes Mémoires. Ainsi, dans les triangles qui sont accessibles à nos moyens de mesure, on n’a pas encore trouvé que la somme des trois angles différât d’un centième de seconde de deux angles droits.
Il est encore à remarquer que les quatre équations (8) de la géométrie plane se changent dans les équations de la géométrie sphérique, lorsqu’on remplace les côtés par et que l’on pose en même temps
et de même pour les deux autres côtés et De cette manière, les équations (8) se changent dans les suivantes :
- ↑ En effet, si l’on suppose la distance des axes infiniment petite, d’où
l’équation précédente donne
donc est constant, quel que soit et l’on a, en considérant comme fonction de
d’où, et étant des constantes arbitraires,
De plus, décroît lorsque croît (prop. 24). Donc doit être moindre que l’unité. En représentant ce nombre par étant on a l’équation qu’il s’agissait de démontrer. (Note du traducteur)
- ↑ Voyez aussi un Mémoire de l’auteur publié en français dans le Journal de Crelle (tome XVII, p. 295-320, 1837), sous le titre de Géométrie imaginaire. (Note du trad.)