La Théorie physique/Introduction

La bibliothèque libre.
Chevalier & Rivière (p. 1-2).


LA THÉORIE PHYSIQUE

SON OBJET ET SA STRUCTURE

INTRODUCTION

Cet écrit sera une simple analyse logique de la méthode par laquelle progresse la Science physique. Peut-être certains de nos lecteurs voudront-ils étendre à des sciences autres que la Physique les réflexions qui sont ici exposées ; peut-être, aussi, désireront-ils en tirer des conséquences transcendantes à l’objet propre de la Logique ; pour nous, nous nous sommes soigneusement gardé de l’une et de l’autre généralisation ; nous avons imposé à nos recherches d’étroites limites, afin d’explorer d’une manière plus complète le domaine resserré que nous leur avons assigné.

Avant d’appliquer un instrument à l’étude d’un phénomène, l’expérimentateur, soucieux de certitude, démonte cet instrument, en examine chaque pièce, en étudie l’agencement et le jeu, la soumet à des essais variés ; il sait alors d’une manière exacte ce que valent les indications de l’instrument et de quelle précision elles sont susceptibles ; il peut en faire usage avec sécurité.

Ainsi avons-nous analysé la Théorie physique. Nous avons cherché, tout d’abord, à en fixer l’objet avec précision. Puis, connaissant la fin à laquelle elle est ordonnée, nous en avons examiné la structure ; nous avons étudié successivement le mécanisme de chacune des opérations par lesquelles elle se constitue ; nous avons marqué comment chacune d’elles concourait à l’objet de la Théorie.

Nous nous sommes efforcé d’éclairer chacune de nos affirmations par des exemples, craignant, par-dessus toutes choses, les discours dont on ne saisit point l’immédiat contact avec la réalité.

D’ailleurs, la doctrine exposée en cet écrit n’est point un système logique issu de la seule contemplation d’idées générales ; elle n’a pas été construite par une méditation ennemie du détail concret. Elle est née, elle s’est développée par la pratique quotidienne de la Science.

Il n’est presque aucun chapitre de la Physique théorique que nous n’ayons eu à enseigner jusqu’en ses détails ; il n’en est guère au progrès desquels nous ne nous soyons maintes fois efforcé. Les idées d’ensemble sur l’objet et la structure de la Théorie physique que nous présentons aujourd’hui sont le fruit de ce labeur, prolongé pendant vingt ans. Nous avons pu, par cette longue épreuve, nous assurer qu’elles étaient justes et fécondes.