La Vie de M. Descartes/Livre 4/Chapitre 3

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Daniel Horthemels (p. 287-295).

Le prémier essai de la méthode de M Descartes est le traité de la dioptrique , qu’il a partagé en dix parties qui sont autant de discours sur la lumiére, sur la réfraction, sur l’œil et les sens, sur les images qui se forment dans le fonds de l’œil, sur la vision, sur les lunettes, et la taille des verres. Le dessein de l’auteur dans ce traité étoit de nous faire voir que l’on peut aller assez avant dans la philosophie, pour arriver par son moyen jusqu’à la connoissance des arts qui sont utiles à la vie. Il n’y a rien omis de ce qui pourroit être nécessaire pour expliquer ce qu’il y a de plus important dans l’optique et la catoptrique. Mais il y a éclairci toute cette matiére d’une maniére si solide et si nouvelle, que l’étonnement public, qui fit naître l’admiration et la reconnoissance dans les esprits desireux de s’instruire, produisit dans quelques mathématiciens une jalousie qui n’aboutit qu’à des animositez et à des disputes. Elles allumérent entre-eux une petite guerre, dont les suites ont été longues et facheuses, mais utiles néanmoins au public, et glorieuses à M Descartes. Si ce traité a eu ses adversaires comme les autres, il a eu aussi ses défenseurs et ses commentateurs. Ceux d’entre-eux qui se sont signalez du vivant de nôtre philosophe pourront fournir de la matiére à l’histoire de sa vie dans la suite de cét ouvrage.

Le traité qui fait le second essai de sa méthode est celuy des météores qu’il a divisé en autant de parties ou chapitres que celuy de la dioptrique. Il y traite des corps terrestres ; des vapeurs et exhalaisons ; du sel ; des vents ; des nuës ; de la pluie, de la nége, et de la grêle ; des tempêtes, de la foudre, et des autres feux qui s’allument en l’air ; de l’arc-en-ciel ; de la couleur des nuës, et des cercles ou couronnes qui paroissent quelquefois autour des astres ; des parhélies ou apparition de plusieurs soleils. Nous avons rémarqué ailleurs que ce traité doit principalement son origine à l’observation des parhélies qui fut faite à Rome au mois de Mars de l’an 1629. Cette occasion luy avoit fait interrompre ses autres études, pour éxaminer ce phénoméne : et la satisfaction qu’il avoit reçûe de luy même en ce point, l’avoit fait passer de suite à la recherche des météores, dont il n’abandonna point l’étude qu’aprés s’être mis en état d’en pouvoir rendre raison. Mais il ne s’assujettit point à continuer l’ouvrage pour le conduire à sa fin. Les occasions qui se présentérent de faire depuis d’autres observations sur les météores, luy fournirent la matiére de quelques chapitres qu’il ne composa que quelques années aprés ; et il ne s’avisa de les incorporer au reste, que lors qu’il fut question de mettre le traité sous la presse. La lecture de cét ouvrage produisit à M Descarte s l’effet qu’il en avoit espéré. Cét effet n’étoit autre que la persuasion qu’il prétendoit donner à tout le monde de la différence totale qui se trouvoit entre sa maniére de philosopher, et celle qui étoit en usage dans les écoles. En quoi l’on peut dire qu’il a rencontré moins d’adversaires pour ses météores que pour tous ses autres ouvrages.

Le derniér des essais de sa méthode qu’il voulût donner pour lors au public est son traité de géométrie

qui comprend trois livres, où il s’agit principalement de la construction des problémes. Le dessein de l’auteur dans cét ouvrage étoit de faire voir par voye de démonstration qu’il avoit trouvé beaucoup de choses qui avoient été ignorées avant luy, et d’insinuer en même têms qu’on en pouvoit découvrir encore beaucoup d’autres, afin d’exciter plus efficacement tous les hommes à la recherche de la vérité. Il ne s’étoit pas résolu d’abord à rien publier de sa géométrie parmi les essais de sa méthode, et l’on commençoit déja l’impression de ses météores, lors qu’il s’avisa d’y travailler. Les plus habiles mathématiciens n’ont pû se persuader que ce fût un ouvrage fait à la hâte : mais il n’a point voulu que nous doutassions de ce fait aprés avoir écrit à un pére jésuite en ces termes. Ma géométrie est un traité que je n’ay presque composé que pendant qu’on imprimoit mes météores, et même j’en ay inventé une partie pendant ce têms-là. Mais je n’ay pas laissé de m’y satisfaire autant et plus que je ne me satisfais d’ordinaire de ce que j’écris. On se tromperoit au reste de croire que M Descartes eût eu intention de donner les élémens de la géométrie dans cét ouvrage, qui demande d’autres lecteurs que des écoliers en mathématiques. Il s’étoit étudié dans les trois traitez qui précédent celuy-cy, à se rendre intelligible à tout le monde, parce qu’il étoit question de faire comprendre des choses qui n’avoient pas encore été enseignées, ou dont on n’avoit pas encore donné les véritables principes. Mais voyant qu’il s’étoit fait avant luy beaucoup d’ouvrages de géométrie, ausquels il ne trouvoit rien à redire, il ne crût pas devoir répéter dans son traité ce qu’il avoit vû de bon et de fort bien démontré dans les autres. Loin de vouloir les rendre inutiles par son travail, il contribua solidement à les rendre nécessaires, puis qu’il faut les avoir lûs pour pouvoir comprendre sa géométrie. C’est pourquoi il ne commença que par où ils ont fini. Il supprima les principes de la plus grande partie de ses régles, et leurs démonstrations. Il avoit prévu même que plusieurs de ceux qui auroient lû les autres géométres, mais qui n’auroient acquis qu’une connoissance commune de cette science, pourroient trés-difficilement parvenir à l’intelligence de son écrit. Je sçay, dit-il au médecin Plempius, que le nombre de ceux qui pourront entendre ma géométrie sera fort petit. Car ayant omis toutes les choses que je jugeois n’être pas inconnuës aux autres, et ayant tâché de comprendre, ou du moins de toucher plusieurs choses en peu de paroles, (même toutes celles qui pourront jamais être trouvées dans cette science,) elle ne demande pas seulement des lecteurs trés-sçavans dans toutes les choses qui jusqu’icy ont été connuës dans la géométrie et dans l’algébre, mais aussi des personnes trés-laborieuses, trés-ingénieuses, et trés-attentives.

Aprés tout, ce fut un peu par affectation et par malice qu’il se rendit difficile à entendre dans sa géométrie : et s’il est fâcheux qu’il ait mérité pour ce point d’être mis en paralléle avec Aristote au sujet de son obscurité étudiée, il est encore plus fâcheux qu’il trouve aujourd’huy tant de gens qui prétendent qu’il ait eu plus de raison qu’Aristote d’en user de la sorte. On en jugera par ce qu’il en écrivit dix-huit mois aprés à M De Beaune en ces termes. J’ay omis dans ma géométrie, dit-il, beaucoup de choses qui pouvoient y être ajoutées pour la facilité de la pratique. Toutesfois je puis assurer que je n’ay rien omis qu’à dessein, excepté le cas de l’asymptote

que j’ay oublié. Mais j’avois prévû que certaines gens qui se vantent de sçavoir tout n’auroient pas manqué de dire que je n’avois rien écrit qu’ils n’eussent sçû auparavant, si je me fusses rendu assez intelligible pour eux : et je n’aurois pas eu le plaisir de voir l’incongruité de leurs objections. Outre que ce que j’ay omis ne nuit à personne. Car pour les autres, il leur sera plus avantageux de faire des efforts pour tâcher de l’inventer d’eux-mêmes, que de le trouver dans un livre. Pour moy je ne crains pas que ceux qui s’y entendent, prennent aucune de ces omissions qu’ils m’imputent pour des marques de mon ignorance. Car j’ay eu soin de mettre en toute rencontre ce qu’il y a de plus difficile, et de ne laisser que ce qu’il y a de plus aisé.

Le peu de solidité qui a paru dans cette raison que M Descartes n’a point été honteux de débiter encore au Pére Mersenne, et à quelques autres de ses amis, a fait juger à ses ennemis que sa solitude et sa philosophie n’avoient pas encore entiérement épuré ses passions. Ce qui donna aussi lieu à des jugemens si peu avantageux fut la bonne opinion qu’il parut avoir pour sa géométrie, et qu’ils ne manquérent pas d’attribuer à des mouvemens de quelque secréte vanité, dans le têms même qu’ils joignoient leurs voix avec celles de ses admirateurs pour reconnoître qu’il ne s’étoit point vû de plus grand géomettre depuis la naissance du monde. Il auroit apparemment prévenu cette médisance, si la complaisance pour des amis à qui il n’étoit point en état de rien refuser, ne l’avoit engagé à en dire ingénûment sa pensée. Je ne suis pas bien aise, dit-il à l’un d’eux, d’être obligé de parler avantageusement de moy même. Mais parce qu’il y a peu de gens qui puissent entendre ma géométrie, et que vous desirez que je vous mande quelle est l’opinion que j’en ay, je crois qu’il est à propos que je vous dise qu’elle est telle que je n’y souhaite rien d’avantage . J’ay tâché par la dioptrique et par les météores de persuader que ma méthode est meilleure que la méthode ordinaire : mais je prétends l’avoir démontré par ma géométrie. Car dés le commencement j’y résous une question qui par le témoignage de Pappus n’a pû être trouvée par aucun des anciens : et l’on peut dire qu’elle ne l’a pû être non plus par aucun des modernes, puis qu’aucun n’en a écrit, et que néanmoins les plus habiles ont tâché de trouver les mêmes choses que Pappus dit au même endroit avoir été cherchées par les anciens. C’est ce qu’ont fait les auteurs de l’Apollonius Redivivus, de l’Apollonius Batavus, et les autres, du nombre desquels il faut mettre aussi m. Vôtre conseiller, de Maximis et Minimis. Mais aucun de ces modernes n’a sçû rien faire que les anciens ayent ignoré.

Aprés cela, ce que je donne au second livre touchant la nature et les propriétez des lignes courbes, et la façon de les examiner, est, ce me semble, autant au delà de la géométrie ordinaire, que la rhétorique de Cicéron est au delà de l’a, b, c, des enfans. M Descartes parloit ainsi de luy même à des amis qui avoient sa confiance, et qu’il croyoit discrets, sans songer que ce que la prudence tient caché entre amis pendant la vie, est souvent sujet à devenir public aprés la mort des uns ou des autres. Ses envieux qui paroissoient beaucoup plus ingénieux à ruiner sa réputation que ses amis ne l’étoient à la ménager, tâchérent de luy faire un nouveau crime du discernement qu’il avoit entrepris de faire entre ceux qu’il croyoit capables d’entendre sa géométrie, et ceux qu’il n’en jugeoit point capables. Il mettoit au rang des prémiers M De Méziriac gentil-homme de Bresse de l’académie françoise, qui n’étoit que de trois ans plus âgé que luy. Il faisoit un cas tout particulier de son génie et de sa capacité, sur tout pour l’arithmétique et l’algébre, qu’il possédoit en un degré de profondeur qui l’égaloit à M Viéte. Il s’en expliqua au P Mersenne vers le mois de février de l’année 1638 en ces termes. Je m’attens fort à M Bachet pour juger de ma géométrie. J’ay regret que Galilée ait perdu la vuë, je me persuade qu’il n’auroit pas méprisé ma dioptrique. Mais il ne pût recevoir de M De Méziriac pour sa géométrie la satisfaction qu’il ne pouvoit espérer de Galilée pour sa dioptrique : parce que M De Méziriac perdit la vie vers le même têms dans la plus grande vigueur d’un âge d’homme, n’ayant guéres que quarante-cinq ans lors qu’il mourut.

Son travail sur Diophante d’Aléxandrie est plus que suffisant pour justifier l’estime que M Descartes faisoit de luy : mais il est à croire que le public auroit encore enchéri sur cette estime, s’il avoit vû le traité d’algébre de M De Méziriac, et quelques autres manuscrits de cét auteur, dont le plus important est celuy des Xiii livres des eléments d’arithmétique servant pour l’algébre , écrit en latin, et acheté des héritiers de M De Méziriac depuis environ quinze ou seize années, par une personne de la religion réformée, qui n’a point oublié de l’emporter hors du royaume au têms de la révolution de l’état où étoient les religionaires avant la révocation de l’edit de Nantes.

Outre M De Méziriac il se trouvoit encore en France quelques autres mathématiciens que M Descartes estimoit tres-capables d’entendre sa géométrie. Il mettoit de ce nombre ses amis Messieurs Mydorge et Hardy, et il n’en excluoit pas M De Fermat, lors qu’il eût reconnu son habileté. Il connoissoit aussi quelques personnes dans les Pays-Bas, à la portée desquels il ne la jugeoit pas disproportionnée. Parmi ceux qui l’entendoient parfaitement dans la Hollande, il contoit deux particuliers qui faisoient profession d’enseigner les mathématiques aux gens de guerre, et dont l’un étoit le Sieur Gillot qui avoit été quelque têms à M Descartes. Il ne croyoit point les Pays-Bas espagnols dépourvûs de mathématiciens assez habiles pour l’entendre. Il mettoit de ce nombre le Sieur Vander Wegen gentil-homme brabantin, et Godefroy Wendelin chanoine De Condé en Haynaut et curé de Herck sur les confins du Brabant et du pays de Liege ami particulier de M Gassendi : et il en écrivit au médecin Vopiscus Fort Plempius, pour le prier de luy faire sçavoir le sentiment qu’en auroient ces messieurs. Mais il ne préféroit personne de quelque pays que ce fût à M De Beaune conseiller au présidial de Blois, pour l’intelligence de sa géométrie. Il reconnut par un écrit que le P Mersenne lui envoya de luy, qu’il l’entendoit tres-bien, et qu’il en sçavoit plus que ceux qui se vantoient plus que luy . Il se confirma de plus en plus dans cette persuasion, et il s’en expliqua au même pére l’année suivante en ces termes. Le développement que M De Beaune a fait de mes solutions sert à démontrer deux choses ; l’une, que M De Beaune en sçait plus que ceux qui n’en ont sçû venir à bout ; l’autre, que les régles de ma géométrie ne sont pas inutiles, ny si obscures qu’on ne les puisse entendre, ny si défectueuses qu’elles ne suffisent à un homme d’esprit pour faire plus que par les autres méthodes. Car il les a entenduës sans aucun interpréte, et il s’en sert à faire ce que vos plus grands géométres de Paris ignorent.

C’étoit certainement une marque de grande distinction parmi les prémiers mathématiciens du siécle de se trouver sans prés omption en état de pouvoir comprendre la géométrie de M Descartes. Ceux à qui il avoit bien voulu rendre luy-même ce témoignage pouvoient s’assûrer d’être trés-profondément dans son estime : mais il y avoit d’autant moins de confusion à craindre pour les autres, que la matiére étoit plus difficile et plus supérieure à la portée des esprits du commun. M Descartes luy-même ne prétendoit pas ôter le titre de mathématicien à ceux qui ne pouvoient aspirer à l’intelligence de sa géométrie. Il est pourtant fâcheux pour la réputation de la prémiére université de Hollande, qu’il n’ait pas trouvé un professeur de l’ecole publique en mathématiques à Leyde qui pût l’entendre, non pas même Jacques Golius, qui étoit son ami d’ailleurs ; mais qui sembloit se distinguer davantage par la connoissance des langues orientales, et sur tout de l’arabe, que par celle des mathématiques qu’il professoit. Il n’avoit pas meilleure opinion des professeurs d’Amsterdam. Martin Hortensius de Delpht en étoit sans doute le plus célébre et le plus habile, au jugement même de M Gassendi qui le connoissoit trés-particuliérement. Cependant il est nommé par M Descartes parmi ceux qui ne comprenoient point sa géométrie. Il ne sçavoit point assez de mathématiques, et particuliérement assez d’algébre pour cela, et il l’entendoit encore moins que Golius.

Pour les autres mathématiciens et philosophes de Hollande, ils parurent la plûpart si éloignez d’y rien comprendre (si l’on en excepte le Sieur François Schooten qui l’étudia depuis, et le Sieur Jean Hudden qu’on ne connoissoit pas encore) qu’ils n’y trouvérent pas même un mot capable de leur ouvrir la bouche, quoy qu’ils fussent excitez d’ailleurs à parler, soit par leur propre jalousie, soit par la mauvaise volonté des ministres et autres théologiens protestans qui n’aimoient pas M Descartes, et qui n’en étoient pas aimez.

à l’égard des mathématiciens de Paris et de quelques provinces de France, qu’il soupçonnoit de ne pouvoir atteindre à sa géométrie, il se peut faire qu’il en ait jugé un peu de trop loin. Il se peut faire aussi qu’il n’ait été ny trop précipité, lors qu’il en a dit sa pensée au P Mersenne en ces termes. Vos analystes n’entendent rien en ma géométrie, et je me mocque de ce qu’ils disent. Les constructions et les demonstrations de toutes les choses les plus difficiles y sont : mais j’ay omis les plus faciles, afin que leurs semblables n’y pussent mordre. Mais il n’avoit peut-être consulté que ses ressentimens dans le jugement qu’il porta depuis sur l’habileté de ceux qui trouvérent à redire à sa géométrie. Il n’auroit sans doute osé dire à un autre qu’au P Mersenne à qui il découvroit toutes ses foiblesses, qu’il ne croyoit aucun de ses adversaires capable d’apprendre en toute sa vie tout ce qu’elle contient, pourvû qu’il ne fût pas plus habile que M De Roberval. Il avoit pris des sûretez et des mesures suffisantes pour ne pouvoir être surpris ny convaincu dans son jugement et dans sa prédiction. C’est ce qui a paru par la maniére dont il a traité la fameuse question de Pappus mathématicien d’Aléxandrie, vivant du têms de Théodose l’ancien, à laquelle il avoit témoigné quatre ans auparavant avoir employé cinq ou six semaines pour en trouver la solution. La solution de cette question, qui demande un homme consommé dans l’analyse des anciens et dans l’algébre des modernes avoit été tentée par Euclide, et poursuivie par Apollonius, sans que ny Euclide, ny Apollonius, ny aucun des mathématiciens jusqu’à Pappus, ny enfin ceux qui avoient paru dans le monde depuis Pappus jusqu’à M Descartes fussent venus à bout de l’achever. Il ne crut pas devoir prodiguer au public la découverte qu’il en avoit faite, pour ne pas donner lieu aux mathématiciens de Paris qui luy portoient envie, de luy ravir ce petit honneur, et de se vanter aprés qu’ils la luy auroient dûë, de l’avoir apprise d’ailleurs, et dés auparavant, indépendemment de luy. Le bon de cette affaire, dit-il, touchant cette question de Pappus est, que je n’en ay mis que la construction et la démonstration, sans en mettre toute l’analyse, laquelle ces messieurs s’imaginent que j’ay mise seule, en quoy ils témoignent qu’ils l’entendent bien peu. Mais ce qui les trompe, c’est que j’en fais la construction comme les architectes font les bâtimens, en prescrivant seulement tout ce qu’il faut faire, et laissant le travail des mains aux charpentiers et aux massons. Ils ne connoissent pas aussi ma démonstration, à cause que j’y parle par A, B : ce qui ne la rend toutefois en rien différente de celle des anciens, sinon que par cette façon je puis mettre souvent en une ligne ce dont il leur falloit remplir deux ou trois pages. Et pour cette cause elle est incomparablement plus claire, plus facile, et moins sujette à l’erreur que la leur. Pour l’analyse, j’en ay omis une partie, afin de retenir les esprits mal intentionnez dans leur devoir. Car si je la leur eusses donnée, ils se fussent vantez de l’avoir sçûë long-têms auparavant : au lieu que maintenant ils n’en pourront rien dire qui ne fasse connoître leur ignorance.