La Villa Palmieri/XV

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Michel Lévy Frères (p. 233-252).

xv

LE PETIT HOMME ROUGE.

Tous les samedis à peu près je passais la soirée chez le prince de Montfort, seule maison véritablement française qui existe à Florence, seul salon véritablement parisien qu’il y ait dans toute l’Italie.

Un soir que nous avions beaucoup causé de la vie intime de l’empereur, de ses habitudes, de ses manies, de ses superstitions, je demandai au prince ce qu’il fallait croire du petit Homme Rouge.

— J’ai souvent entendu parler dans la maison de mon frère de cette singulière apparition, me dit-il ; mais il va sans dire que je n’ai jamais vu l’étrange personnage que l’on prétend s’être mis trois fois en communication avec l’empereur : la première fois à Damanhour en Égypte ; la seconde fois aux Tuileries, au moment où fut décidée la malheureuse campagne de Russie, et la troisième fois pendant la nuit qui précéda la bataille de Waterloo. Mais à mon défaut, ajouta le prince en riant, voici la princesse Galitzin qui sait sur lui des choses merveilleuses, qui lui ont été racontées par son vieil ami Zaionczek.

Tous les regards se tournèrent vers la princesse.

Qu’on sache d’abord, je ne parle ici que pour ceux qui n’ont pas l’honneur de la connaître, qu’on sache d’abord que la princesse Galitzin, Polonaise de naissance, et par conséquent compatriote du fameux général dont le prince venait de prononcer le nom, est une des femmes les plus aimables et les plus spirituelles que je connaisse. Quand nous passions la soirée chez elle et chez le prince Wladimir son fils, dont je parlerai à son tour en temps et lieu, il est impossible de dire quel tour original prenait la conversation, et comment trois ou quatre heures du matin sonnaient quand nous croyions qu’il n’était encore que minuit. La princesse Galitzin qui, au reste, racontait très bien, fut donc sommée de raconter à l’instant même ce qu’elle savait sur le petit Homme Rouge et son compatriote Zaionczek.

Je voudrais pouvoir conserver le tour original que la princesse imprima à ce récit, qui peut-être n’a d’autre valeur que celui qu’elle lui donnait ; mais c’est chose impossible, et il faudra que pour le moment nos lecteurs se contentent de ma simple prose.

Bonaparte avait mis le pied sur la terre d’Égypte dans la nuit du 1er au 2 juillet, à une heure du matin, après avoir emporté Malte comme une bicoque, et être passé par miracle au milieu de la flotte anglaise. Le lendemain la ville d’Alexandrie était prise, et le nouveau César déjeunait au pied de la colonne de Pompée.

Le général en chef était entré dans la ville par une rue étroite, accompagné seulement de quelques personnes et de cinq ou six guides. Deux personnes pouvaient à peine passer de front par cette ruelle. Bourrienne marchait côte à côte avec lui, quand tout à coup un coup de fusil retentit, et le guide qui marchait devant Bonaparte tomba. Ce coup de fusil avait été tiré par une femme. Peu s’en fallut, comme on le voit, que Bonaparte ne finit comme Cyrus.

Bonaparte resta six jours à Alexandrie ; ces six jours lui suffirent pour organiser la ville et la province, le septième, il marcha vers le Kaire, sur la route duquel Desaix l’avait précédé, laissant Kléber blessé pour commander à la ville prise. Le 8, Bonaparte arriva à Damanhour, et établit son quartier-général chez le cheik. À peine installé dans cette maison, qui était grande, isolée, et devant la porte de laquelle s’élevait un sycomore au feuillage touffu, Bonaparte ordonna à Zaionczek, qui commandait sous mon père une brigade de cavalerie, de prendre une centaine de chasseurs et de pousser une forte reconnaissance sur la route de Rhamanieh.

Quoique Zaionczek soit bien connu, disons rapidement quelques mots sur ce général, dont la fortune fut une des fortunes éclatantes de l’époque.

Zaionczek était né le 1er novembre 1752 : c’était donc, vers l’époque où nous sommes arrivés, c’est-à dire en l’an IV de la république française, un homme de quarante-cinq ans à peu près. Les premières années de sa vie s’étaient illustrées au milieu des guerres de l’indépendance polonaise, où il avait combattu sous les ordres de Kosciusko et côte à côte avec lui ; après la confédération de Targowitza, au bas de laquelle le roi Stanislas avait eu la faiblesse d’apposer sa signature, Zaionczek fit ses adieux à l’armée polonaise et se retira à l’étranger avec Kosciusko et Joseph Poniatowski : mais au commencement de l’année 1794 une insurrection ayant éclaté en Pologne, les proscrits y reparurent plus grands de leur proscription. Alors commença cette nouvelle lutte de la Pologne, aussi glorieuse, aussi sanglante et aussi fatale à la nationalité polonaise que l’avait été celle de 1794 et que devait l’être celle de 1830. Le 4 novembre, Varsovie fut prise par Souwarow ; les généraux Iasinski, Korsack, Paul Grabowski et Kwasniewki furent trouvés parmi les morts, et Zaionczek, emporté mourant du champ de bataille, alla expier pendant deux ans dans la forteresse de Josephstadt, d’où il ne sortit qu’à la mort de l’impératrice Catherine, la part qu’il avait prise à l’insurrection de sa patrie.

Zaionczek, proscrit de Pologne, vint en France, cette éternelle terre des proscrits, qui a donné tour à tour asile aux rois et aux peuples, et demanda du service dans les armées républicaines. Envoyé en Italie avec le grade de général de brigade, il y avait fait en 1797, avec Joubert et mon père, la campagne du Tyrol.

Lorsque la campagne d’Égypte fut résolue, et que mon père eût été nommé général en chef de la cavalerie, il choisit Zaionczek pour un de ses généraux de brigade.

Voilà quelle avait été jusque-là la vie du patriote polonais ; vie glorieuse, mais persécutée. En outre, comme certains généraux dont la mauvaise chance était devenue proverbiale, Zaionczek ne pouvait point paraître au feu sans être blessé : il pouvait compter les batailles auxquelles il avait assisté par ses cicatrices.

Zaionczek se mit à la tête de ses cent chasseurs, et s’avança sur la route de Rhamanieh. À peine eut-il fait une lieue qu’il aperçut un gros de cinq cents mamelucks à peu près. Zaionczek les chargea, et les mamelucks se dispersèrent.

Zaionczek les poursuivit un instant, mais autant valait poursuivre un tourbillon de sable, essayer d’atteindre un nuage ; les Arabes disparurent dans le désert, leur éternel et constant allié.

Zaionczek fit encore une lieue ; mais il n’aperçut pas un seul cavalier. Il revint donc à Damanhour.

En arrivant devant la maison du cheik, où demeurait le général en chef, il voulut entrer ; mais l’aide de camp Croisier et le général Desaix l’en empêchèrent.

Bonaparte était avec le petit Homme Rouge.

Zaionczek demanda ce que c’était que le petit Homme Rouge ; mais Croisier et Desaix n’en savaient guère plus que lui là-dessus ; Bonaparte avait dit seulement :

— J’attends le petit Homme Rouge, vous le laisserez entrer.

Une demi-heure après, un Turc haut de cinq pieds à peine, ayant la barbe et les sourcils roux, et vêtu d'une robe ponceau, s’était présenté à la porte : il avait aussitôt, selon l’ordre donné, été introduit prés de Bonaparte, où il était encore en ce moment.

Plusieurs officiers-généraux se joignirent au groupe que formaient Croisier, Desaix et Zaionczek ; car l’étrange apparition de cet être inconnu et quelque peu fantastique préoccupait tous les esprits.

Dans ce moment Bourrienne sortit ; comme Bourrienne était alors le secrétaire intime de Bonaparte, on l’accabla de questions sur le petit Homme Rouge ; mais Bourrienne, qui était chargé de faire expédier un courrier à Kléber, se contenta de répondre : — Il paraît que c’est un sorcier turc qui vient dire la bonne aventure au général en chef.

Et il continua son chemin.

Comme on le comprend bien, une pareille réponse n’était pas faite pour calmer la curiosité des assistans ; la croyance de Bonaparte au fatalisme était connue ; on commençait à raconter des prophéties qui lui auraient été faites dans son enfance et qui lui promettaient une haute fortune ; il avait déjà, avec ses plus intimes, parlé deux ou trois fois de son étoile. Cette étoile, lui seul la voyait ; mais tous commençaient à y croire.

Aussi, les jeunes officiers, dont quelques-uns, à l’âge de vingt ou vingt-cinq ans, étaient déjà arrivés au grade de colonel ou de général de brigade et de division sous un général en chef de vingt-huit ans, et qui, par conséquent, eux aussi, rêvaient bien intérieurement quelque haute fortune, résolurent-ils de ne pas laisser passer le petit Homme Rouge sans l’interroger, curieux de savoir s’ils accompagneraient dans sa lumineuse révolution l’astre dont ils étaient les satellites.

Or, comme on les avait prévenus que le petit Homme Rouge était sorcier, ils formèrent un grand cercle à la porte, afin que le petit Homme Rouge ne pût pas leur échapper ; chose qui, d’après les dispositions prises par les meilleurs stratégistes de l’époque, ne pouvait arriver que dans le cas où il s’envolerait au ciel ou s’enfoncerait dans la terre.

Le petit Homme Rouge sortit. Il était bien comme on l’avait dit, et sa barbe et son costume justifiaient parfaitement le nom qu’on lui avait donné. Il ne parut aucunement étonné de voir les dispositions prises pour le bloquer, et ne parut désirer en aucune façon d’échapper à ceux qui le gardaient à vue, car, bien au contraire, s’arrêtant sur le seuil de la maison :

— Citoyens, dit-il en adoptant la locution encore en usage à cette époque, vous m’attendez pour que je vous raconte l’avenir de la France et le vôtre. L’avenir de la France, je viens de le dire à votre général en chef ; le vôtre : que trois d’entre vous s’avancent, et je le leur dirai,

Croisier, Desaix et Zaionczck s’élancèrent.

Le reste des assistans demeura à sa place.

— Il y a un précepte de votre religion, reprit le petit Homme Rouge, qui dit que les premiers seront les derniers ; permettez-moi de retourner ce précepte, et de dire que les derniers seront les premiers.

Et il s’avança vers Croisier qui n’était qu’aide de camp. Croisier lui tendit la main.

Le petit Homme Rouge l’examiner et secoua la tête.

— On t’appelle brave parmi les braves, dit-il, et cela est vrai. Cependant il y aura un jour, une heure, un moment où ton courage t’abandonnera, et tu paieras ce moment de la vie.

Croisier se recula, le sourire du dédain sur les lèvres.

Le petit Homme Rouge s’avança vers Desaix ; le jeune général n’attendit point sa demande et lui tendit la main.

— Salut, dit le sorcier, au vainqueur de Kehl, qui, avant quinze jours, aura encore rattaché son nom à une autre victoire. Trois journées te feront immortel ; mais défie-toi du mois de juin, et crains le curé de Marengo.

— Tu es bien obscur, sorcier mon ami, dit en riant Desaix ; et combien demandes-tu de temps pour que tes prédictions se réalisent ?

— Deux ans, répondit le prophète.

— À la bonne heure ! répondit Desaix ; allons, ce n’est pas trop long, et l’on peut attendre.

Le petit Homme Rouge s’avança vers Zaionczek qui lui tendit la main à son tour.

— Enfin, dit-il, voilà une de ces mains comme j’aime à en voir, un de ces horoscopes comme j’aime à les dire ; un avenir glorieux qu’il m’est doux de rattacher à un glorieux passé.

— Diable ! dit Zaionczek, voilà un début qui promet.

— Et qui tiendra, dit le petit Homme Rouge.

— Oui, si quelque balle ou quelque boulet ne l’emporte pas avec lui.

— En effet, dit le prophète, tu as du malheur au feu, et, si je compte bien, tu as déjà reçu sept blessures.

— C’est, ma foi ! mon compte, dit Zaionczek.

— Oui, tu as raison… et cependant ce serait malheureux. Trente ans encore à vivre, vingt champs de bataille à traverser, une vice-royauté à atteindre ; oui, tout cela peut, comme tu le dis, être détruit par une balle qui dévie, par un boulet qui se trompe. Oui, tu as raison, oui, je vois le danger ; il existe, il menace. Mais… mais, écoute : ta destinée est une de ces destinées qui importent, non-seulement à une famille, mais à un peuple. As-tu confiance, Zaionczek ?

— En quoi ? dit le général.

— En ce que je te dis.

Le Polonais sourit.

— Pour le passé, tu m’as assez bien dit la vérité ; mais mon passé appartient à l’Europe et n’est pas difficile à connaître. Cependant, s’il faut croire, eh bien ! je croirai.

— Crois, Zaionczek, dit le prophète ; il croit bien, lui. Et il étendit la main vers la maison qu’habitait Bonaparte.

— Eh bien ! que faut-il croire ?

— il faut croire à mes paroles. Comme je te l’ai dit, il y a un jour, une heure, un moment qui menace ta glorieuse vie ; ce moment passé, tu n’as rien à craindre ; mais ce moment, je ne puis te dire quand il viendra.

— Alors, dit Zaionczek, ton avis, tu en conviendras, ne m’est point d’un grand secours.

— Si fait, car je puis te préserver de ce danger.

— Et comment cela ?

— Tu vas le voir.

Le petit Homme Rouge fit signe à un tambour d’apporter sa caisse et de la déposer à terre ; puis il s’agenouilla devant le sonore instrument, et il tira de sa ceinture un encrier, une plume et un bout de parchemin sur lequel il se mit à écrire, dans une langue inconnue, quelques mots à l’encre rouge.

— Tiens, dit alors le prophète en se relevant et en tendant à Zaionczek le précieux parchemin, voici le talisman que je t’ai promis, prends-le, porte-le toujours sur toi, ne le quitte dans aucune circonstance, et tu n’auras rien à craindre, ni des balles, ni des boulets. Tous les assistans se mirent à rire, et Zaionczek comme les autres.

— N’en veux-tu point ? dit le petit Homme-Rouge en fronçant le sourcil.

— Si fait, si fait, s’écria Zaionczek. Diable ! quelle susceptibilité! Et tu dis donc, mon cher prophète, que je ne dois pas quitter ce petit parchemin ?

— Pas un instant.

— Ni jour ni nuit ?

— Ni jour ni nuit.

— Et si par hasard je le quittais ?

— Il deviendrait sans force contre le péril dont il est chargé de te préserver.

— Merci, dit Zaionczek en tournant et en retournant le talisman entre ses mains. Et que te faut-il pour cela ?

— Crois, dit le petit Homme Rouge, et je serai récompensé.

Alors le prophète fit signe de la main qu’on lui ouvrit un passage ; les assistans s’écartèrent avec un sentiment de terreur superstitieuse dont ils ne furent pas les maîtres, et le suivirent des yeux jusqu’à ce qu’il eût disparu à l’angle d’une maison.

Aucun de ceux qui l’avaient vu ce jour-là ne le revit jamais, excepté Bonaparte.

Mais voilà ce qui arriva :

Le lendemain, tandis que Bonaparte dictait à Bourrienne quelques ordres que Croisier s’apprêtait à porter, le général en chef aperçut par les fenêtres ouvertes une petite troupe d’Arabes qui venait insolemment assister le quartier-général. C’était la deuxième fois que les mameluks se permettaient pareille facétie ; cela impatienta le général en chef.

— Croisier, dit-il sans s’interrompre de ce qu’il faisait, prenez quelques guides et chassez-moi cette canaille-là. Aussitôt Croisier sortit, prit quinze guides et s’élança à la poursuite des Arabes.

En entendant le galop des chevaux qui partaient, Bonaparte s’interrompit, et allant à la fenêtre pour examiner ce qui allait se passer ; — Voyons un peu, dit-il à Bourrienne, comment se battent ces fameux mameluks, que les journaux anglais affirment être la première cavalerie du monde ; ils sont cinquante, je ne suis pas fâché qu’à la vue de l’armée mon brave Croisier leur donne la chasse avec ses quinze guides. Et il cria comme si Croisier eût pu l’entendre : — Allons, Croisier ! en avant ! en avant !

En effet, le jeune aide de camp s’avançait à la tête de ses quinze guides ; mais, soit que la supériorité du nombre intimidât la petite troupe, Croisier et ses hommes chargèrent mollement, ce qui n’empêcha pas les Arabes de plier devant. Craignant sans doute que l’ennemi ne voulût l’attirer dans une embuscade, Croisier, au lieu de les poursuivre en vainqueur, s’arrêta à l’endroit même d’où il venait de les débusquer. Cette hésitation rendit le courage aux mameluks, qui chargèrent à leur tour, et à leur tour les guides plièrent.

Bonaparte devint pâle comme la mort ; ses lèvres minces se pincèrent et blêmirent. Il porta, par un mouvement machinal, la main à la poignée de son sabre, et toujours, comme si son aide de camp eût pu l’entendre, il cria d’une voix sourde :

— Mais en avant donc ! Mais chargez donc! Mais que font-ils ?

Et, avec un mouvement de colère terrible, il referma la fenêtre.

Un instant après, Croisier rentra ; il venait annoncer à Bonaparte que les Arabes étaient disparus : il trouva le général en chef seul.

À peine la porte se fut-elle refermée sur Croisier que l’on entendit retentir la voix stridente de Bonaparte. Ce qui se passa entre eux nul ne le sait ; mais ce qu’on sait seulement, c’est que le jeune homme sortit les larmes aux yeux et en disant :

— C’est bon ! Ah ! l’on doute de mon courage ; eh bien ! je me ferai tuer !

Pendant dix mois, à Chebreisse, aux Pyramides, à Jaffa, Croisier fit tout ce qu’il put pour tenir la parole qu’il avait donnée. Mais le brave jeune homme avait beau se jeter en insensé au milieu du danger, le danger lui faisait place ; il avait beau, étrange amant qu’il était, courtiser la mort, la mort ne voulait pas de lui.

Enfin l’on arriva devant Saint-Jean-d’Acre : trois assauts eurent lieu ; à chacun de ces assauts, Croisier, qui accompagnant le général en chef dans la tranchée, s’était exposé comme le dernier soldat ; mais on eût dit qu’il avait fait un pacte avec les boulets et les balles ; plus le jeune homme était désespéré, plus il semblait invulnérable.

À chaque fois Bonaparte le querellait sur sa témérité et le menaçait de le renvoyer en France.

Enfin arriva l’assaut du 10 mai. À cinq heures du matin le général en chef se rendit à la tranchée ; Croisier l’accompagnait.

C’était un assaut décisif ; ou le soir la ville serait prise, ou le lendemain on lèverait le siège. Croisier n’avait plus que cette dernière occasion de se faire tuer : il résolut de ne pas la perdre.

Alors, sans nécessité aucune, il monta sur une batterie, s’offrant tout entier au feu de l’ennemi.

Aussitôt Croisier devint le but de tous les coups ; la cible humaine n’était pas à quatre-vingts pas des murailles. Bonaparte le vit. Depuis le jour fatal où il s’était laissé emporter à sa colère, il avait bien vu que le jeune homme, trappé au cœur, ne demandait rien que de mourir. Ce désespoir du brave l’avait plus d’une fois touché profondément, et il avait souvent essayé par des paroles de louanges de faire oublier à son aide de camp les paroles de blâme qui lui étaient échappées. Mais, à chacun de ces retours, Croisier souriait amèrement et ne faisait aucune réponse.

Bonaparte, qui examinait quelques travaux en retard, se retourna et l’aperçut debout sur la batterie.

— Eh bien ! Croisier, s’écria-t-il, que faites-vous encore là ? Descendez, Croisier, je vous l’ordonne ! Croisier, ce n’est pas là votre place !

Et à ces mots, voyant que l’entêté jeune homme ne bougeait point, il s’avança pour le faire descendre de force. Mais, au moment où il étendait le bras vers Croisier, le jeune homme chancela et tomba en arrière en disant :

— Enfin !

On le ramassa ; il avait la jambe cassée.

— Alors ce sera plus long encore que je ne le croyais, dit-il lorsqu’on le transporta au camp.

Bonaparte lui envoya son propre chirurgien. Celui-ci ne jugea point l’amputation nécessaire, et l’on eut l’espoir non-seulement de sauver la vie du jeune homme, mais encore de lui sauver la jambe.

Lorsqu’on leva le siège, Bonaparte donna les ordres les plus précis pour que rien ne manquât au blessé. On le plaça sur un brancard, et seize hommes, en se relayant par huit, le portaient alternativement.

Mais, entre Gazah et El-Arych, Croisier mourut du tétanos.

Ainsi s’accomplit la première prédiction du petit Homme Rouge.

Passons à Desaix.

Desaix, après avoir fait des merveilles aux Pyramides ; Desaix, après avoir reçu des Arabes eux-mêmes le titre de sultan Juste, quitta l’Égypte et passa en Europe, où Bonaparte l’avait précédé.

L’homme du destin suivait le cours de la fortune prédite : il avait fait le 48 brumaire ; il était premier consul, il rêvait le trône.

Une grande bataille pouvait le lui donner ; Bonaparte avait décidé que cette autre Pharsale aurait lieu dans les plaines de Marengo.

Desaix avait rejoint le premier consul à la Stradella : Bonaparte l’avait reçu les bras ouverts et lui avait confié une division en lui commandant de marcher sur San-Giuliano.

Le 14 juin, à cinq heures du matin, le canon autrichien réveille Bonaparte et l’attire sur le champ de bataille de Marengo, qu’il doit perdre et regagner dans la même journée.

On connaît les détails de cette étrange bataille, perdue à trois heures, gagnée à cinq.

Depuis quatre heures l’armée française était en retraite : elle reculait pas à pas, mais elle reculait.

Ce qu’attendait Bonaparte, nul ne le savait : mais, en le voyant se retourner de temps à autre vers San-Giuliano, chacun se doutait qu’il attendait quelque chose.

Tout à coup un aide de camp arrive ventre à terre, annonçant qu’une division paraît à la hauteur de San-Giuliano.

Bonaparte respire : c’est Desaix et la victoire.

Alors Bonaparte tire du fourreau son sabre qu’il n’avait pas tiré de la journée, ce même sabre qu’au retour de la campagne, il donna à son frère Jérôme, pour le consoler de ne pas l’avoir emmené avec lui, et allongeant le bras, il fit entendre le mot : — Halte !

Ce mot électrique, ce mot si longtemps attendu courut sur le front de la ligne, et chacun s’arrêta.

Au même moment Desaix arrive au galop, devançant sa division ; Bonaparte lui montre la plaine couverte de cadavres, toute l’armée en retraite, et à trois cents toises en avant la garde consulaire qui, pour obéir à l’ordre donné, tient comme une redoute de granit.

Puis, lorsque les yeux de son compagnon d’armes ont successivement erré d’une aile à l’autre, se sont portés de notre armée à l’armée ennemie :

— Eh bien ! lui dit Bonaparte, que penses-tu de la bataille ?

— Je pense qu’elle est perdue, dit Desaix en tirant sa montre ; mais il n’est que trois heures et nous avons le temps d’en gagner une autre.

— C’est aussi mon avis, répond Bonaparte.

Puis, passant sur le front de la ligne :

— Camarades ! s’écrie-t-il au milieu des boulets qui le couvrent de terre lui et son cheval ; c’est assez de pas faits en arrière : le moment est venu de marcher en avant ! En avant donc ! et souvenez-vous que mon habitude est de coucher sur le champ de bataille !

Alors les cris de : Vive Bonaparte ! Vive le premier consul ! s’élèvent de tous côtés, et ne s’éteignent que dans le bruit des tambours qui battent la charge.

Desaix prend congé de Bonaparte et en le quittant lui dit adieu.

— Pourquoi adieu ? dit le premier consul.

— Parce que, depuis deux ans que je suis en Égypte, dit Desaix en souriant avec mélancolie, les balles et les boulets d’Europe ne me connaissent plus.

Voilà ce que Desaix dit tout haut, puis tout bas il répéta les paroles du petit Homme Rouge :

— Crains le mois de juin, et défie-toi du curé de Marengo.

Mais les ordres de Bonaparte ont été aussitôt suivis que donnés. D’un seul mouvement nos troupes ont repris l’offensive sur toute la ligne ; la fusillade pétille, le canon mugit, le terrible pas de charge retentit accompagné par la Marseillaise ; une batterie établie par Marmont se démasque et vomit le feu ; Kellermann s’élance à la tête de trois mille cuirassiers, et fait trembler la terre sous le galop de fer de ses chevaux ; Desaix, qui s’anime au bruit et à la fumée, saute les fossés, franchit les baies, arrive sur une petite éminence, et se retourne pour voir si sa division le suit.

En ce moment un coup de feu part de la lisière d’un petit bois, et Desaix, frappé au cœur, tombe sans prononcer une parole.

C’était le 14 juin, et la tradition veut encore aujourd’hui que le funeste coup de fusil ait été tiré par le curé de Marengo.

Ainsi s’accomplit la seconde prédiction du petit Homme Rouge.

Passons maintenant à Zaionczek.

Zaionczek était resté en Égypte ; il apprit la mort de Croisier à Saint-Jean-d’Acre, et la mort de Desaix à Marengo : c’était à la lettre ce qu’avait prédit le sorcier turc, de sorte que Zaionczek, sans en rien dire à personne, commença à comprendre la véritable valeur de son talisman ; si bien qu’à chaque côté du parchemin il fit coudre un ruban noir, et qu’à partir du jour où il apprit la mort de Desaix, il porta le préservatif suspendu à son cou.

Après la capitulation signée avec l’Angleterre pour l’évacuation de l’Égypte, capitulation à laquelle Zaionczek, lui troisième, s’était opposé, le patriote polonais revint en France. En 1805, il commanda une division au camp de Boulogne, puis à l’armée d’Allemagne ; puis enfin en 1806, les Polonais s’étant repris à cet espoir, tant de fois déçu, de retrouver leur indépendance, ils accoururent de toutes les parties de la terre où ils étaient dispersés. En effet, le traité de Tilsitt rassembla quelques débris de la vieille Pologne, dont on forma le duché de Varsovie. Zaionczek alors eut part aux dotations impériales, et un domaine lui fut assigné dans le palatinat de Kalisz.

Mais ce n’était pas encore là cette haute fortune qui lui était promise par les prédictions égyptiennes ; Napoléon n’avait fait pour Zaionczek que ce qu’il avait fait pour cent autres, et un domaine n’était pas une vice-royauté.

Cependant, il faut le dire, un tel bonheur avait accompagné Zaionczek de 1798 à 1811, que ce privilégié de la mitraille, qui ne pouvait pas paraître au feu sans être blessé, n’avait pas reçu une égratignure depuis treize ans.

Il en résultait que, sans en rien dire à personne, Zaionczek avait la plus grande confiance dans son talisman et ne le quittait pas.

La guerre de Russie fut déclarée ; ou forma trois divisions polonaises : la première sous les ordres de Poniatowski, la seconde sous les ordres de Zaionczek, la troisième sous les ordres de Dombrowski.

Zaionczek assista aux combats de Witepsk, de Smolensk et de la Moscowa ; partout le même bonheur l’accompagna : les balles trouaient ses habits, la mitraille sifflait à ses oreilles, les boulets soulevaient la terre sous les pieds de ses chevaux, Zaionczek semblait invulnérable.

Puis vint la retraite.

Zaionczek assista à toutes les phases de cette retraite ; il est vrai que ses soldats, mieux habitués que les nôtres à cet hiver russe qui est presque leur hiver, soutinrent le froid, le dénuement et la faim mieux que nous. Zaionczek donna malgré ses soixante ans, car l’homme de Damanhour s’était fait vieillard au milieu de tous ces grands événemens ; Zaionczek, disons-nous, donna l’exemple de la force, du dévouement et du courage, et dépassa successivement Viazma, Smolmsk, Orcha, bravant la faim, le froid, la mitraille, les boulets de Kutusof et les lances des soldats de Platow, sans paraître souffrir de ce dénuement affreux qui décimait l’armée, sans avoir reçu une seule égratignure ; et le 25 novembre au soir il arriva sur les bords de la Bérésina.

Là, ses soldats, car au milieu de cette retraite terrible où personne n’avait plus de soldats, Zaionczek en avait encore ; là, ses soldats, disons-nous, s’emparèrent d’une maison du village de Studzianka. Zaionczek, qui depuis plus de trois semaines avait couché sur la neige enveloppé de son manteau, put enfin s’étendre sur une couche de paille et à l’abri d’un toit.

La nuit fut pleine d’anxiétés ; l’ennemi était campé sur la rive opposée, toute une division ennemie commandée par le général Tchaplitz était là, défendant ce passage ; l’emporter de vive force était chose à peu près impossible ; mais depuis le commencement de cette malheureuse campagne on avait fait tant de choses impossibles, que l’on comptait sur quelque miracle.

À cinq heures, le général Eblé était arrivé avec ses pontonniers et un caisson rempli de fers de roues dont il avait fait forger des crampons. Ce fourgon renfermait la seule et dernière ressource de l’armée ; il fallait bâtir un pont dans le lit fangeux de la Bérésina, dont la crue des eaux avait fait disparaître les gués, et qui charriait de gigantesques glaçons. Ce pont, c’était l’unique passage qui devait ramener l’empereur à l’empire, et le reste de l’armée à la France.

Un boulet de canon pouvait briser ce pont, et alors tout était perdu.

il y avait sur les hauteurs opposées trente pièces d’artillerie ou batterie.

Éblé et ses pontonniers descendirent dans le fleuve, ils avaient de l’eau jusqu’au col.

Ils travaillaient à la lueur des feux ennemis, et à une portée de fusil à peine des avant-postes russes.

Chaque coup de marteau devait retentir jusqu’au quartier général de Tchaplitz.

À minuit, Murat fit réveiller Zaionczek. Le roi de Naples et le général polonais causèrent dix minutes ensemble, puis Murat repartit au galop.

Napoléon attendait le jour dans une des maisons qui bordaient la rivière : il n’avait pas voulu se coucher. Murat entra chez lui et le trouva debout.

— Sire, lui dit-il, Votre Majesté a sans doute bien examiné la position de l’ennemi ?

— Oui, répondit l’empereur.

— Votre Majesté alors a reconnu qu’un passage sous le feu d’une division deux fois forte comme nous est impraticable ?

— À peu près.

— Et que décide Votre Majesté ?

— De passer.

— Nous y resterons jusqu’au dernier.

— C’est probable, mais nous n’avons pas le choix du chemin.

— Pour une armée, non ; mais pour cinq cents hommes, si.

— Que voulez-vous dire ?

— Que je viens de conférer avec Zaionczek.

— Après ?

— Eh bien ! Zaionczek répond de Votre Majesté, si Votre Majesté veut se fier à ses Polonais. Ils connaissent un gué praticable ; ils savent des chemins inconnus des Russes mêmes ; dans cinq jours, ils seront avec Votre Majesté à Wilna.

— Et l’armée ?

— Elle sera perdue, mais Votre Majesté sera sauvée.

— Ceci est une fuite et non pas une retraite, Murat. Je resterai avec l’armée qui est restée avec moi ; notre destinée sera commune. Je périrai avec elle ou elle se sauvera avec moi. Je vous pardonne cette proposition, Murat, c’est tout ce que je puis faire. Et l’empereur tourna le dos à son beau-frère.

Murat s’approcha de lui pour faire une dernière tentative.

— J’ai dit, reprit Napoléon en retournant la tête, et avec cet accent qui, chez lui, n’admettait pas de réplique.

Murat se retira.

Mais il oublia d’aller dire à Zaionczek que Napoléon refusait la proposition qu’il lui avait faite.

Jusqu’à trois heures du matin, Zaionczek veilla ; mais à cette heure, voyant qu’aucune nouvelle n’arrivait du quartier-général, il se rejeta sur sa couche de paille et se rendormit.

Au point du jour un aide de camp le réveilla en entrant précipitamment dans sa chambre.

Zaionczek se réveilla en sursaut, croyant que l’ennemi attaquait, et, selon son habitude, porta la main à son con pour s’assurer que son talisman y était toujours. Pendant la nuit, un des cordons qui le maintenaient s’était rompu.

Zaionczek appela son valet de chambre et lui ordonna de le recoudre.

Pendant ce temps, l’aide de camp lui racontait les causes de son entrée précipitée.

L’ennemi était en pleine retraite.

Tchaplitz avait été trompé par une fausse démonstration que l’empereur avait fait faire vers Oukaholda. Tchaplitz s’éloignait comme pour nous livrer passage.

C’était à ne pas y croire.

Aussi Zaionczek, sans songer davantage à son talisman, s’élança-t-il hors de la maison, et demanda-t-il son cheval pour aller reconnaître la rive du fleuve.

On lui amena son cheval, il sauta dessus et se dirigea vers l’endroit où se trouvait l’empereur. Au bout de dix minutes il le rejoignit.

Ce qu’avait dit l’aide de camp était vrai.

Les bivouacs ennemis étaient abandonnés ; les feux étaient éteints. On voyait la queue d’une longue colonne qui s’écoulait vers Borisof. Un seul régiment d’infanterie restait avec douze pièces de canon ; mais, les unes après les autres, ces pièces attelées quittaient leur position et se mettaient en retraite.

Une dernière, voyant un groupe important, fit feu en se retirant.

Le boulet porta en plein dans le groupe, et Zaionczek et son cheval roulèrent aux pieds de l’empereur.

On s’élança vers eux : le cheval était tué ; Zaionczek avait le genou brisé.

C’était la première fois qu’il était blessé depuis quatorze ans !

L’empereur fit appeler Larrey, ne voulant confier la vie de son vieux compagnon qu’à la main exercée de l’illustre chirurgien.

Là, comme à Rivoli, comme aux Pyramides, comme à Marengo, comme à Austerlitz, comme à Friedlaud, Larrey, toujours prêt, accourut.

Zaionczek et lui étaient de vieux amis.

Larrey examina la blessure et jugea l’amputation indispensable.

Larrey n’était pas l’homme des préparations ingénieuses, il allait droit au but ; sur le champ de bataille le chirurgien n’a pas le temps de faire des phrases : des mourans l’attendent pour ne pas mourir.

Il tendit la main à Zaionczek.

— Courage, mon vieux compagnon, lui dit-il, et nous allions vous débarrasser de cette jambe, qui, sans cela, pourrait bien se débarrasser de vous.

— Il n’y a pas moyen de me la conserver ? demanda le blessé.

— Regardez vous-même, et jugez.

— Le fait est qu’elle est en mauvais état.

— Mais nous allons faire la chose en ami ; pour tout ce monde c’est trois minutes, pour vous c’en sera deux.

Et Larrey commença à retourner les paremens de son uniforme.

— Un instant, un instant, dit Zaionczek en apercevant son valet de chambre qui accourait.

— Oh ! mon maître ! mon pauvre maître ! s’écria le domestique en pleurant.

— Mon talisman ! demanda Zaionczek.

— Ah ! pourquoi l’avez-vous quitté !

— Je suis de ton avis… j’ai eu le plus grand tort ; rends-le-moi.

— Allons, général, êtes-vous prêt ? dit Larrey.

— Un instant, un instant, mon cher ami.

Et Zaionczek remit le talisman à son cou, et se le fit nouer solidement par son valet de chambre.

— Maintenant, dit-il, je suis prêt ; faites.

On étendit un drap au-dessus du blessé, car il tombait une neige glacée et aiguë qui, en touchant sa peau, le faisait frissonner malgré lui ; quatre soldats soutinrent cette tente improvisée.

Larrey tint parole, malgré le froid, malgré la difficulté de la position ; l’opération dura à peine deux minutes.

Napoléon voulut que Zaionczek fût transporté sur un des premiers radeaux qui traversèrent le fleuve. Il arriva à l’autre bord sans accident.

Les Polonais se relayèrent pour le porter sur un brancard. L’opération avait été si admirablement faite, que le blessé échappa à tous les accidens à craindre en pareille circonstance. Pendant treize jours, quand tant de malheureux s’abandonnaient eux-mêmes, les soldats de Zaionczek bravèrent la faim, le froid, la mitraille, plutôt que de l’abandonner. Le treizième jour enfin ils entrèrent avec lui à Wilna.

Là, la déroute devint telle qu’il n’y avait plus moyen de suivre l’armée. Le blessé ordonna lui-même à ses fidèles compagnons de l’abandonner ; ils le déposèrent dans une maison où à leur arrivée les Russes le trouvèrent.

À peine Alexandre apprit-il la haute capture qu’on avait faite, qu’il ordonna qu’on eût les plus grands égards pour le prisonnier. Zaionczek resta à Wilna jusqu’à son entier rétablissement.

Le traité de Paris fut signé : Alexandre donna aussitôt l’ordre de réorganiser l’armée polonaise, dont il confia le commandement au grand-duc Constantin.

Zaionczek y fut appelé comme général d’infanterie.

Un an après, la partie de la Pologne échue à la Russie fut érigée en royaume. Alexandre, qui rêvait la liberté de son vaste empire, voulut faire un essai en donnant une constitution à la Pologne ; et, pour achever de se populariser près de ses nouveaux sujets, il nomma Zaionczek son lieutenant général.

Onze ans après, le 28 juillet 1826, Zaionczek mourut vice-roi, quand Constantin, frère de l’empereur, n’était que général en chef de l’armée.

L’illustre vieillard avait, au milieu des honneurs et des dignités, atteint l’âge de soixante-quatorze ans.

Ainsi s’accomplit la dernière prédiction du petit Homme Rouge.

Le talisman préservateur, légué par Zaionczek à sa fille, est soigneusement conservé dans la famille, avec la tradition dont il perpétuera le souvenir.