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La Ville charnelle/le tombeau de Severino Ferrari

La bibliothèque libre.
E. Sansot & Cie (p. 185-187).

LE TOMBEAU
DE SEVERINO FERRARI

Horreur !… le couchant s’écroule
comme un trône ensanglanté !…
Le jour vient d’être égorgé.
Fuyons !… car le soleil roule
comme une tête coupée
sur la foule échevelée !…

Ce sont tes funérailles, ô grande âme sonore
et parfumante que la rafale de la mort
vient d’arracher à la tendresse
des colombes, des lis et des papillons d’or
accouplés sur la verte mollesse des prairies,
le long des fleuves passionnés qui se lamentent !…

Ce sont tes funérailles, ô grande âme sonore
que la rafale de la Mort vient d’arracher
à la coupe fleurie des vallées odorantes,
pleines jusqu’aux bords d’un généreux vin solaire !…
C’est pour toi que soudain le Couchant belliqueux
balaye et roule en pelote les bois sanglants,
comme un butin de guerre au soir de la bataille.

Ce sont tes funérailles, grande âme printanière
que les nuages rutilants de ce soir de Novembre
mènent pompeusement d’une allure indolente,
avec leurs étendards de lumière aveuglante,
semant dans la campagne le pollen idéal
et le parfum divinisant
de ton corps refleuri pour la joie des abeilles !…

Et te voilà couché sous les lances vermeilles
du soleil déclinant, à l’ombre des sapins
qui dressent leurs piliers de temple colossal…

Voilà que les nuées saignent dans le soir pâle
ainsi que des brebis immolées qui trépassent
sur l’autel somptueux des montagnes sublimes…

Et leurs blessures d’or ont inondé l’espace…