La bourse ou la vie/08

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L. H. Huot (p. 22-23).


Double erreur


Premièrement. — Pour construire un chemin de fer de Québec au Lac St. Jean il ne faut pas tant d’argent qu’on le pense généralement.

Secondement, — Nous ne sommes pas aussi pauvres qu’on se plaît à le dire, et nous avons les moyens de construire ce chemin de fer.

Chateaubriand disait qu’il ne faut pas prendre un levier pour soulever une paille. Il se moquait ainsi des faiseurs d’embarras qui voient toujours des obstacles insurmontables à l’accomplissement des œuvres patriotiques les plus aisées.

Messieurs, je ne prétends pas que la construction du chemin de fer en question soit une paille à soulever. Non certes, c’est plutôt un lingot d’or, et j’admets que pour le soulever il faut avoir un levier d’argent.

Mais je soutiens que ce précieux levier n’est pas introuvable, et que l’entreprise proposée est bien loin d’être une impossibilité.

Quel sera le coût probable de l’entreprise ? Telle est la première question à résoudre. Or la réponse à cette question est toute faite dans un excellent travail que vous avez dû lire, et qui est dû à la plume de M. J. C. Langelier, l’un des rédacteurs du Canadien. Si vous ne l’avez pas lu, lisez-le, je vous en prie, et vous serez très-bien renseigné sur la question qui nous occupe.

Il y a deux espèces de voies ferrées, la voie large et la voie étroite. L’écrit de M. Langelier vous convaincra qu’il n’y a pas à hésiter entre les deux pour l’objet en contemplation, et que la voie étroite doit être adoptée, 1.o parce qu’elle est plus propre aux pays montagneux, 2.o parce qu’elle coûte près de moitié moins que l’autre.

Remarquez bien, messieurs, que l’expérience de la voie étroite n’est pas à faire : elle est toute faite et depuis longtemps. On l’a faite en France, en Angleterre, aux États-Unis et ailleurs, et partout les résultats ont été plus que satisfaisants.

Or, d’après les calculs de M. Langelier, qui sont basés sur les rapports authentiques de ce qui a été fait ailleurs, et dont vous pouvez facilement vérifier l’exactitude, le chemin de fer de Québec au Lac St. Jean bien établi et mis en opération avec tout le matériel roulant nécessaire, ne coûterait qu’un million huit cent sept mille cent trente-cinq, piastres.

Encore une fois, messieurs, ce chiffre est basé sur des calculs sûrs et doit être exact. Mais arrondissons la somme si vous le voulez ; élevons-la jusqu’à deux millions ; une augmentation de près de deux cent mille piastres doit suffire pour toutes les dépenses imprévues.