La duchesse de Bourgogne et l’Alliance savoyarde sous Louis XIV/05

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La duchesse de Bourgogne et l’Alliance savoyarde sous Louis XIV
Revue des Deux Mondes4e période, tome 158 (p. 811-833).
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LA DUCHESSE DE BOURGOGNE
ET
L'ALLIANCE SAVOYARDE SOUS LOUIS XIV

V
LES PRÉLIMINAIRES DE LA DÉFECTION[1]


I

Nous n’avons voulu interrompre par aucune réflexion le cours des négociations que nous avons racontées. Avant d’en continuer le récit, il nous est cependant impossible de ne pas faire remarquer combien les travaux entrepris depuis vingt ans par des historiens ayant travaillé sur documens et conclu sur pièces justifient Louis XIV d’une grande partie des accusations que la légende a accumulées contre lui à propos de la Succession d’Espagne[2].

Un des principaux auteurs de cette légende est celui que, par une convention singulière, on appelle volontiers notre historien national, bien qu’une bonne moitié de son histoire ait été consacrée par lui à déshonorer la France dans son passé. C’est Michelet que nous voulons dire. Lorsque, après avoir achevé la lecture des ouvrages dont je viens de parler, ou feuilleté soi-même les documens contemporains, on reprend l’Histoire de Michelet, on ne peut s’empêcher de sourire aux explications à la fois grossières et enfantines qu’il trouve à d’aussi graves événemens. La conduite de Louis XIV dans les affaires de la Succession d’Espagne s’explique, suivant lui, par des causes multiples, les unes d’ordre général, les autres de nature intime[3]. Les causes d’ordre général, c’est d’abord l’avidité de la famille royale, « toute cette famille, de cupidité ignorante et de sotte gloire, qui mordit à la pomme d’or, » c’est ensuite les caresses exigeantes des enfans du Roi, « serf de la chair, de son instinct de bestialité paternelle. » Les causes intimes, c’est la jeunesse de la duchesse de Bourgogne et la vieillesse de Mme de Maintenon. Par sa jeunesse, la duchesse de Bourgogne avait séduit le Roi. « Purement savoyarde, dans cette affaire déjà elle entrevit pour sa sœur le plus grand mariage du monde, celui du roi d’Espagne. » Par le mot en apparence léger, en réalité profond, que nous avons rapporté : « Le Roi serait bien sot s’il refusait la couronne d’Espagne pour son petit-fils, » elle détermina l’acceptation. Il y avait bien cependant une chance pour que le Roi « repoussât le démon tentateur qui venait pour perdre son âme et mettre à ses pieds les royaumes de la terre. » C’était l’heure de l’épouse qui était opposée à l’acceptation. Elle essaya bien (Michelet est là-dessus admirablement renseigné : sans doute il y était), mais « l’épouse âgée, bien froide désormais, de peu d’ascendant sur les sens, pouvait-elle ce qu’à peine eût osé une jeune maîtresse ?… L’aveuglement sauvage du plaisir de la génération reste non moins sauvage dans l’amour furieux des pères pour leurs petits. Ils diraient : Périsse le monde, et Louis XIV accepta. »

Telles sont les pauvretés dont on encourage la jeunesse française à se nourrir en couvrant leur inventeur d’éloges dont l’hyperbole n’a d’égale que l’absence de sincérité, quand ce ne sont pas de purs littérateurs mais des auteurs graves, des professeurs qui s’en rendent coupables. On sait, en effet, de quel poids pèse aujourd’hui toute une partie de l’œuvre de Michelet dans la balance de ceux qui demandent à l’historien autre chose que le don de la vie, la métaphore brillante, la phrase ailée, et qui font quelque cas, nous ne dirons même pas de l’impartialité, si rare à trouver, mais de la vérité et de la conscience.

La chose devient plus grave quand ces mêmes accusations se retrouvent, sans métaphores ni phrase ailée, dans des ouvrages compacts qui s’abritent sous l’autorité de noms justement respectés. C’est ainsi que dans un volume de 981 pages intitulé Louis XIV et qui fait partie d’une Histoire générale, fort en honneur, croyons-nous, dans les lycées et les collèges, on peut lire cette phrase[4] : « Pour désarmer l’Europe, au moment de l’ouverture imminente de la Succession, Louis XIV abandonne la Lorraine. » Or il n’y a presque pas une dépêche citée dans les ouvrages dont nous avons parlé où l’on ne voie apparaître la préoccupation constante de Louis XIV d’annexer la Lorraine à la France par la voie diplomatique, sans effusion de sang. Les lecteurs de notre dernier article peuvent en particulier se rappeler que, dans les projets de remaniement de l’Italie, s’il demandait pour son fils tantôt le Milanais et tantôt les Deux-Siciles ce n’était pas pour l’orgueilleux plaisir de faire monter sur le trône un membre de sa famille (comme devait faire plus tard Napoléon), mais pour qu’il en descendît au contraire, en échangeant ces possessions lointaines contre cette Lorraine voisine qu’un historien moderne, volontairement mal instruit, lui reproche d’avoir abandonnée. Mais il fallait pouvoir terminer le chapitre par cette phrase : « Il compte par-là rendre plus facile l’avènement de sa postérité au trône d’Espagne. Dans son monstrueux et naïf orgueil, il confond la grandeur de la France avec la gloire de sa famille… Ce fut un grand malheur pour la France que Louis XIV ait pris pour modèle Charles-Quint, plutôt que Richelieu. »

Le danger d’écrire ainsi l’histoire du passé sous l’empire des préoccupations du présent, c’est de pousser ceux auxquels (ils ne s’en défendent point) ces préoccupations ne sont pas étrangères à rechercher aussi dans l’histoire des argumens en faveur des causes qui leur sont chères. Quelques-uns de ceux-là ne peuvent s’empêcher de se demander si du système politique qui confondait « la grandeur de la France avec la gloire d’une famille, » la France a eu après tout tant à se plaindre. Le paradoxe leur paraîtrait assez difficile à soutenir alors que ce système a poussé le patrimoine de la famille en question depuis le petit noyau de l’Ile-de-France jusqu’à la barrière naturelle des Pyrénées, d’un côté, et, de l’autre, jusqu’à celle du Rhin, qu’une série d’erreurs et de malheurs nous ont fait perdre.

Certains événemens dont ces derniers mois ont été témoins achèvent même de les convaincre de la supériorité du vieux système en précisant dans leur esprit la comparaison d’une façon presque douloureuse.il leur est impossible de ne pas se rappeler qu’à la fin du siècle dernier, l’Europe assistait à la lutte d’une grande nation, concurrente sur mer de la France, avec une de ses colonies, révoltée contre des exigences financières excessives. D’un côté était le bon droit : de l’autre la force. La France ne se vit point contrainte à une neutralité sans gloire. Elle prit parti pour le bon droit. Ses vaisseaux osèrent tenir tête à ceux de l’Angleterre ; ils figurèrent avec honneur dans plus d’un combat, et, quand intervint le traité qui mit fin à cette guerre, la France eut à la fois la double et légitime satisfaction d’avoir fait triompher la cause de la liberté et affaibli une rivale séculaire. Nous ignorons comment se terminera la lutte épique entreprise à l’extrémité de l’Afrique, dont le dénouement menace de marquer d’une tache indélébile la dernière année du XIXe siècle. Mais il nous surprendrait que les partisans les plus déterminés des formes modernes du gouvernement démocratique se flattent de voir la France jouer dans le règlement final de cette guerre tragique le rôle prépondérant qu’elle a joué en 1783 au traité de Versailles.

Enfin nous ne pouvons nous retenir d’ajouter qu’au commencement du siècle, durant une période de réconciliation trop courte, cette famille dont, en effet, la grandeur s’est confondue pendant si longtemps avec celle de la France, a su la conduire en quinze ans de Waterloo à Alger. Mais nous ne voulons point rappeler en quels termes le ministre de la Marine de Charles X répondait aux représentations de l’ambassadeur d’Angleterre. Pour ceux qui voudraient, comme nous, voir la France aussi forte et respectée sous le régime moderne qu’elle l’était sous le régime ancien, la comparaison deviendrait trop pénible.

II


À qui étudie au contraire, avec le sincère désir d’appréhender la vérité, la longue, on pourrait presque dire l’interminable série des négociations poursuivies depuis 1663 jusqu’en 1715, il est un sentiment qui s’impose : c’est celui d’une véritable admiration pour cette puissante machine si forte dans sa structure, si infatigable dans son action, si vigilante et si prévoyante dans ses desseins, qu’était la diplomatie de Louis XIV. Quand on feuillette au ministère des Affaires étrangères ces innombrables Dépêches contenues dans les volumes de la Correspondance et ces Mémoires et documens où sont traitées tant de questions, les unes secondaires, les autres capitales et encore actuelles, lorsqu’on constate la solidité de ces Mémoires, la précision de ces Dépêches, la rapidité des demandes et des réponses, lorsqu’on réfléchit qu’une grande partie des Mémoires et toutes les dépêches passaient sous les yeux de Louis XIV, que les corrections ou les ratures qu’on relève sur les minutes ont été souvent inspirées par lui, et qu’à ce labeur incessant il a, pendant cinquante-deux ans, consacré chaque jour plusieurs heures, sans que ni entraînemens de jeunesse, ni douleurs privées, ni fêtes de cour, ni désastres publics, l’aient jamais détourné de tenir conseil tous les jours, on ne saurait méconnaître que ce roi fut vraiment grand non par le génie, non peut-être par le caractère, encore moins par la vertu, mais par la seule qualité qu’on ait toujours le droit d’exiger de ceux qui invoquent le droit héréditaire : la conscience professionnelle.

Est-ce à dire que dans sa diplomatie Louis XIV n’ait jamais commis de fautes ? Bien au contraire. Nature étrange et complexe, malgré l’unité apparente dont sa majesté soutenue entretenait l’illusion, Louis XIV renfermait en lui de singuliers contrastes. Sa vie privée offre un mélange de prodigieux égoïsme et de sensibilité vraie, de hauteur et de bonhomie, de dureté et de faiblesse. De même sa politique a connu des alternatives de mesure et d’emportement, de prévoyance et d’aveuglement. Après une longue série de négociations sagement combinées, conduites avec prudence, poursuivies avec persévérance, où il sait tout ménager, tout concilier, tout prévoir, une bouffée d’orgueil lui monte à la tête, et sa hauteur ou son intempérance lui font perdre les fruits d’une longue patience. Ainsi fit-il au lendemain de la paix de Nimègue, l’apogée du règne, quand, ne sachant pas se contenter de l’agrandissement considérable que ce traité valait à la France, il commit la double faute de blesser les puissances protestantes par la révocation de l’édit de Nantes, et d’inquiéter l’Europe par des prétentions affichées à la domination universelle en même temps que par des appétits croissans. Nous l’avons vu, en particulier, fouler aux pieds la Savoie en prétendant l’asservir, la jeter ainsi dans les bras de l’Empire et faire de Victor-Amédée le nœud de la ligue d’Augsbourg. Mais nous l’avons vu aussi, au bout de quelques années, reconnaissant l’erreur, s’appliquer avec une patience inlassable à dénouer le nœud, conduire à lui seul, sans autre secours que celui du médiocre Croissy, une négociation difficile avec un ennemi de mauvaise foi, et pousser la modération non seulement jusqu’à ne pas profiter de ses victoires, mais jusqu’à rendre au vaincu des conquêtes anciennes, s’exposant ainsi au blâme aveugle des plus sages esprits.

Mêmes alternatives dans toutes les affaires de la Succession d’Espagne. Depuis 1668 jusqu’à 1700, il ne cesse de préparer le partage de la monarchie espagnole par une série de négociations auxquelles il emploie successivement tous ses ministres depuis Lyonne jusqu’à Torcy, mais qu’il dirige lui-même, et par lesquelles il poursuit toujours le même but : assurer l’agrandissement de la France et ménager la paix de l’Europe. Et si en même temps il ne décourage pas absolument les efforts que d’Harcourt poursuivait à Madrid pour faire attribuer à la France la totalité de l’héritage, s’il l’assiste non seulement de ses conseils mais de ses instructions, l’apparente contradiction de sa politique peut s’expliquer par cette double considération : d’abord que rien n’était moins assuré que le succès des négociations poursuivies par lui pour arriver à un partage équitable et qu’il devait prévoir l’échec de ces négociations ; ensuite que, le roi d’Espagne devant assurément faire attribution testamentaire de son vaste empire à quelqu’un des héritiers qui se le disputaient à l’avance, cette attribution n’empêchait pas un partage pacifique et n’aurait fait que rendre meilleure la situation du co-partageant auquel la totalité aurait été attribuée.

Quant à l’acceptation du testament de Charles II par Louis XIV, les meilleurs esprits semblent aujourd’hui d’accord pour reconnaître que non seulement ce ne fut pas une faute, mais que c’était une nécessité. Il ne faut pas oublier, en effet, que d’une part le dernier traité de partage, n’ayant pas été accepté par l’empereur Léopold, un des co-partageans éventuels, pouvait être considéré comme caduc, et que d’autre part, au refus du duc d’Anjou, le testament de Charles II désignait l’archiduc Charles qui assurément n’aurait pas refusé. Que diraient nos historiens modernes si Louis XIV, en souffrant le rétablissement de la monarchie de Charles-Quint, avait laissé détruire l’œuvre de Richelieu ? La guerre était donc inévitable, et dans le conseil où les raisons soit de refuser, soit d’accepter, furent mises en balance, ceux qui penchaient pour l’acceptation avaient raison de dire que mieux valait faire la guerre pour le tout que pour la partie. Mais ici commence, de la part de Louis XIV, une nouvelle série de fautes. De nouveau les fumées de l’orgueil lui montent au cerveau et obscurcissent son jugement. Après avoir accepté le testament, il fallait rassurer l’Europe contre la crainte de la domination française. Il l’inquiète en faisant enregistrer par le Parlement des lettres patentes qui réservent les droits de Philippe V à la couronne de France. Il fallait isoler l’Empire en mettant les Pays-Bas et l’Angleterre hors du conflit. Il semble menacer les Pays-Bas en faisant occuper par ses propres troupes les places frontières où les troupes espagnoles tenaient garnison. Il soulève le sentiment national de l’Angleterre, dont le parlement vient de refuser à son souverain, frémissant de rage, les moyens financiers de prendre part au conflit, en reconnaissant après la mort de Jacques II le prince de Galles comme roi.

Enfin, comme si ce n’était pas assez de cette faute capitale, sur laquelle nous aurons à revenir et qui avait au moins l’excuse d’une certaine générosité, il n’a nul égard pour son faible allié, Victor-Amédée, qui est, lui aussi, frémissant de rage d’avoir vu lui échapper le Milanais. Il oublie les promesses répétées d’avoir à cœur les avantages particuliers du père de sa petite-fille. Il ne ménage ni les intérêts ni l’amour-propre de celui qui demeure toujours le portier de l’Italie, et, par une suite de maladresses ou de mauvais procédés, il l’accule ainsi à une trahison à laquelle Victor-Amédée n’était que trop naturellement porté, et dont les effets ne sont guère moins funestes que celle de 1690, car elle oblige la France à défendre tout à la fois sa frontière des Alpes et sa frontière du Nord. Cette faute de Louis XIV est peu connue. Ce petit coin du grand tableau est demeuré obscur. Nous avons entrepris d’y porter la lumière malgré la difficulté de percer les ténèbres dont Victor-Amédée aimait à s’entourer. Nous sommes assurés du moins de n’être guidé par aucun autre esprit que l’impartiale recherche de la vérité.


III

« Mon frère et neveu, je suis si persuadé de votre attachement à mes intérêts que je ne puis douter que vous n’appreniez avec plaisir par le sieur Phelypeaux, mon ambassadeur auprès de vous, la résolution que j’ay prise d’accepter pour mon petit-fils le duc d’Anjou la succession de toute la monarchie d’Espagne où sa naissance, les dispositions du feu Roy Catholique et la voix des peuples l’apellent unanimement. Il se prépare à partir pour aller prendre possession de ce royaume, et, comme je suis persuadé qu’il se conformera toujours à mes sentimens, qu’il est informé de ceux que j’ay pour vous, je puis, en vous assurant de mon amitié, vous répondre aussy de la sienne et regarder l’union qui sera désormais entre ma couronne et celle d’Espagne comme le présage certain de la tranquillité du reste de l’Europe[5]. »

Ainsi écrivait, le 17 novembre 1700, Louis XIV à Victor-Amédée, et, en adressant cette lettre à Phelypeaux, il le chargeait de la commenter. « Vous ajouterez que je suis persuadé qu’il doit voir avec plaisir la bonne intelligence entre ma couronne et celle d’Espagne establie sur un fondement aussy solide ; que cet événement le délivre à jamais de l’embarras où ses pères ont souvent esté du party qu’ils prendroient entre la France et l’Espagne, et, vraisemblablement, il sera bien aise de voir une monarchie où le testament du feu roy d’Espagne pourroit peut-estre appeler ses descendans exemptée de toute séparation et les Estats qui en dépendent conservés dans la même main où ils sont depuis longtemps[6]. »

Ce n’était pas ainsi que Victor-Amédée aurait souhaité être tiré de l’embarras de prendre parti entre la France et l’Espagne, et la pensée des droits éventuels que conservaient ses héritiers n’était pas pour le consoler de voir demeurer intacte une monarchie au démembrement de laquelle il avait souhaité si vivement prendre part. Peut-être n’était-ce même pas faire preuve d’habileté que d’user ainsi de raillerie avec un prince dont le ressentiment était au contraire à ménager. La première bouffée d’orgueil passée, il semble, au reste, que Louis XIV, souvent plus hautain dans ses lettres que dans son accueil, ait eu le sentiment de cette nécessité. Dans les premiers jours de décembre, il donnait audience au président de la Tour, l’ambassadeur de Savoie auprès des États Généraux, qui se trouvait de passage à Paris. Cet habile conseiller, qui connaissait bien son maître et lui avait déjà fait parvenir d’utiles avis, se préoccupa immédiatement de trouver quelques compensations au mécompte que celui-ci avait dû éprouver. Sachant que Victor-Amédée n’était pas insensible aux avantages pécuniaires, il se rappela fort à propos que des sommes assez importantes étaient dues depuis longtemps par l’Espagne à la Savoie en paiement de la dot de l’infante Catherine, fille de Philippe II. Il profita donc de cette audience et des assurances que Louis XIV lui renouvela « qu’il ne perdroit aucune occasion de procurer les avantages du duc de Savoie comme il l’auroit fait si le traité de partage avoit pu s’exécuter, » pour soulever la question de cette dot impayée. « Le Roi, écrivait-il à Victor-Amédée, répondit en souriant que les Espagnols sont assez méchans payeurs, mais qu’il ne laisseroit pas, à la première ouverture, d’interposer ses offices pour la satisfaction de Votre Altesse Royale[7]. »

La même pensée d’adoucir la mauvaise humeur de Victor-Amédée paraît avoir préoccupé Torcy, cet habile ministre des dernières années de Louis XIV, que l’histoire met moins haut qu’un de Lyonne ou un Louvois pour n’avoir point eu la bonne fortune de conduire les affaires de la France à l’époque brillante, mais qui, pour la dignité et la souplesse dont il fit preuve dans la période des revers, n’en mérite pas moins l’estime. Ayant été à la veille de signer avec Vernon un traité par lequel Louis XIV aurait abandonné partie de la succession, il ne devait pas se retrouver sans embarras en présence du négociateur de Victor-Amédée, alors que son maître avait gardé le tout. Aussi, dès les premiers jours, paraît-il avoir cherché de son côté une compensation, et, ne connaissant pas aussi bien Victor-Amédée que le président de la Tour, il s’adressait moins à ses intérêts qu’à son amour-propre et à son cœur. Per modo di conversazione, écrivait Vernon, il parla d’un mariage possible de la princesse Marie-Louise de Piémont, alors âgée de douze ans, avec le nouveau roi d’Espagne. Quelques jours après, il revenait sur ce sujet et demandait même l’envoi d’un portrait. Mais Vernon, incertain des intentions de son maître, accueillait l’ouverture avec réserve. Il écrivait cependant à Victor-Amédée qu’il avait le moyen « de cultiver cette idée auprès de Mme de Maintenon[8], » et demandait des instructions. Ces instructions ne lui arrivaient pas, et la négociation, que nous verrons reprendre, tombait pour l’instant. Sur ce point comme sur tous les autres, Vernon, en effet, se renfermait dans un silence qu’à Versailles on commençait à trouver inquiétant. Les nouvelles que Phelypeaux envoyait de Turin n’étaient pas faites pour rassurer. Tantôt Victor-Amédée s’exprimait « avec véhémence, » n’admettant pas que le Roi pût se rétracter des engagemens pris avec lui. « Quoy ! s’écriait-il, voilà la suitte de tout ce que j’avois espéré de ses bontés et de l’honneur que j’ay de lui appartenir de si près et de celuy dont je me flattois de le servir. Oh ! j’aurois bien dû m’y attendre. » Tantôt il avait, lui aussi, recours à l’ironie et disait à Phelypeaux : « Rien ne peut estre au-dessus des marques que le Roy donne d’estre un bon père en cette occasion puisque, pour cela, il en coûte à la France et la Lorraine et la Savoye et le comté de Nice, » et il ajoutait, avec une prévision singulièrement juste de l’avenir : « Plusieurs, à la place de Sa Majesté, auroient pris un autre party. Pour moy, je n’y aurois pas manqué, estant certain que le jeune roy qui va en Espagne doit estre et sera dans un an aussy bon Espagnol que ceux qui ont régné avant luy. » Phelypeaux transmettait fidèlement ces paroles, tantôt ironiques et tantôt menaçantes, et en même temps il informait que Victor-Amédée venait d’envoyer un courrier extraordinaire à Vienne[9].

Cependant les événemens marchaient. Si Guillaume III, contraint et forcé par son parlement, si les États Généraux de Hollande, avec plus ou moins de bonne grâce, avaient reconnu le roi d’Espagne, il n’en était pas de même de l’empereur Léopold, qui revendiquait, au contraire, pour son fils l’archiduc Charles, éventuellement désigné par le testament de Charles II, l’entière succession d’Espagne. Il se préparait ouvertement à envahir le Milanais. Or, par le Tyrol, pays d’Empire, les passages des Alpes qui conduisaient en Italie lui étaient ouverts. Au contraire, les passages qui donnaient accès à la France étaient fermés à Louis XIV, puisqu’ils étaient la propriété du duc de Savoie. Celui-ci voudrait-il les ouvrir ? C’était pour la France une question capitale qui aurait dû conduire à traiter la Savoie avec plus de ménagemens. Il devenait en tout cas indispensable d’être fixé sur les intentions de celui qui détenait ces passages. Louis XIV chargea Phelypeaux de tâter Victor-Amédée. Victor-Amédée répondait d’abord qu’il s’estimait heureux que « ses estats pussent être bons à quelque chose, qu’il souhaitoit même que sa personne et ses troupes le fussent, » « mais, ajoutait Phelypeaux, il se flatte que vous ne l’obligerez à rien d’opposé à son caractère et ses intérêts, ny à l’honneur qu’il a de vous appartenir[10]. »

C’étaient là des assurances trop vagues pour qu’il fût possible d’aventurer les troupes du Roi à travers les défilés des Alpes, en plein hiver, sans que rien fût convenu ni quant à leurs étapes, ni quant à leur nourriture. Pour s’éclaircir des dispositions véritables du duc de Savoie, Louis XIV jugea nécessaire d’envoyer en Italie notre vieille connaissance Tessé. A la vérité, le voyage de Tessé avait un double but. Il devait aller jusqu’à Milan pour s’entendre avec le prince de Vaudémont, gouverneur du Milanais pour le compte du roi d’Espagne, sur le chiffre des troupes qu’il était nécessaire d’envoyer à son aide, troupes dont Tessé devait avoir le commandement provisoire. Il devait s’entendre également avec Vaudémont sur le plan de campagne que le prince lui-même, généralissime des deux armées d’Espagne et de France, comptait opposer à l’invasion imminente de l’armée impériale commandée par le prince Eugène. Mais il devait en même temps profiter de son passage à Turin pour entrer en relations avec Victor-Amédée et l’entretenir de la question des passages[11]. C’est au cours de cette mission, à la fois militaire et diplomatique, que Tessé prit occasion d’adresser à la duchesse de Bourgogne, dont il était l’écuyer et se plaisait à se dire le domestique, ces lettres d’un tour si spirituel, pleines d’anecdotes gaillardes et de conseils intimes, que le comte de Rambuteau a rendu le service de découvrir et de publier[12]. Mais, en même temps, il adressait au Roi, à Torcy, à Chamillard, nouvellement promu au Ministère de la Guerre en remplacement de Barbezieux, des dépêches d’un tour non moins vif où il dénonçait le duc de Savoie, ses hésitations et sa duplicité. Pour obtenir de cet allié peu sûr quelque assurance positive, Louis XIV avait compté sur la bienveillance qu’autrefois il avait témoignée à Tessé. Mais il n’avait pas compté sur l’humeur changeante de Victor-Amédée, à en croire du moins Phelypeaux que l’envoi de cet ambassadeur extraordinaire paraît, il est vrai, avoir un peu dépité. « M. le duc de Savoye, écrivait-il, n’est en rien prévenu pour M. de Tessé qui paroît cependant persuadé du contraire. Ce n’est point à moi de le désabuser[13]. En tout cas, Tessé n’était en rien prévenu pour le duc de Savoie, car il le chargeait de toutes ses forces dans ses dépêches. Dans les premières, il se borne cependant à le traiter de prince incompréhensible, à qualifier de verbiage ses protestations d’attachement, et s’en prend seulement « à ce cruel tempérament d’indécision qui lui fait remettre au lendemain ce qui pourrait se traiter le jour même[14]. » Mais, après avoir vainement essayé de persuader à Victor-Amédée d’apporter dans « ses relations avec les Roys de France et d’Espagne une certaine grâce extérieure qui devroit toujours accompagner les actions quand on les fait et qu’on veut les faire, » il finit peu à peu par s’échauffer contre lui. Il lui reproche ce qu’il y a de bizarre, d’ambigu, d’indécis et de volonté mauvaise ou intéressée dans sa conduite… « Un théatin profès, qui doit être l’assemblage de toute la patience possible, s’impatienteroit[15]. » Bientôt il accuse et lui et celui qu’il appelle « son long comte de Vernon » d’intelligences avec l’Empire. Il dénonce les conférences que Vernon aurait à Paris avec Zinzendorff dans des églises ou dans d’autres lieux, et les fréquens courriers que, de son côté, Victor-Amédée envoie à Vienne. Bref, il surexcite, non sans raison, les défiances de Louis XIV, et, ne parvenant à rien conclure avec Victor-Amédée, auprès duquel il voit son crédit épuisé, il retourne auprès du prince de Vaudémont, laissant à Phelypeaux la suite d’une négociation où celui-ci devait rencontrer plus d’une difficulté.

Victor-Amédée ne pouvait, en effet, se consoler d’avoir vu lui échapper le Milanais, et il ne perdait aucune occasion d’exhaler son amertume. Phelypeaux, en ambassadeur fidèle, rendait compte à Louis XIV des sentimens de celui auprès de qui il était accrédité. « M. le duc de Savoye, écrivait-il, est plein d’honneur, de fierté, de hauteur, d’ambition. Tous ces sentimens se trouvoient remplis dans l’acquisition du Milanois sur laquelle il avoit compté comme sur Turin. Rien n’approche de la douleur qu’il a ressentie quand tout cela a disparu, sans que de l’entière succession d’Espagne il lui soit rien resté que l’honneur de faire son compliment et l’idée de marier sa fille[16]. »

Comme compensation à cette douleur, Victor-Amédée, qui sentait le besoin qu’on avait de lui, aurait bien voulu qu’on lui assurât, suivant l’expression qu’il avait toujours à la bouche, quelque avantage. Tantôt il revenait sur le paiement de la dot de l’infante Catherine[17] ; tantôt, le Roi ne pouvant forcer ces Espagnols, mauvais payeurs, à s’exécuter, il soulevait, sous une autre forme, la question du Montferrat, et demandait que les droits héréditaires que le duc de Lorraine prétendait de son côté sur cette province lui fussent cédés, sauf à Louis XIV à trouver un dédommagement pour le duc de Lorraine. Louis XIV refusait et Victor-Amédée, piqué de voir échouer toutes ses demandes, se réfugiait dans une abstention hostile. Comme Phelypeaux le pressait de donner réponse formelle sur le passage des troupes : « Le Roi, répondait-il, est le maistre de faire quand il luy plaira passer des troupes par mes estats. Il est si puissant qu’il n’a pas besoin pour cela de mon consentement. » Et, comme Phelypeaux insistait pour que certaines dispositions fussent prises en vue de la nourriture de deux régimens de cavalerie prêts à franchir la frontière, Victor-Amédée répondait « qu’il n’étoit pas le fermier de ses sujets pour traiter de leurs denrées avec un commissaire[18]. »

À ce refus déguisé Louis XIV répondait par une dépêche irritée. Il ne reconnaissait pas à Victor-Amédée, qui avait promis le passage aux troupes françaises, le droit de se rétracter ainsi sans aucun sujet, et, après avoir traité la conduite de Victor-Amédée d’irrégulière, il mandait à Phelypeaux de s’en expliquer nettement avec lui. Phelypeaux s’acquittait de ses instructions sans ménagemens[19]. Il demandait pour les troupes du Roi le passage sans conditions, « après quoi, disait-il à Victor-Amédée, Votre Altesse Royale pourra, autant que le permet la différence des affaires présentes, entrer avec Sa Majesté dans des nouvelles liaisons conformes au traité d’action fait en 1696. » Mais, en même temps qu’il lui offrait ainsi un traité d’alliance, Phelypeaux avait la maladresse d’emprunter à la dépêche de Louis XIV le mot d’irrégulière pour qualifier la conduite du duc de Savoie. Cette expression blessait profondément son interlocuteur, qui n’essayait pas de dissimuler son irritation. Victor-Amédée répondit « en effet, avec véhémence, que l’expression irrégulière lui paraissoit trop forte et au-delà de ce qu’un homme comme luy devoit attendre… qu’il pouvoit juger par ce commencement de ce qu’il auroit à essuyer dans la suite, qu’il pensoit estre plus qu’un sujet, et homme auquel ne convenoit point les termes de conduite irrégulière et extravagante. » Il terminait la conversation en demandant quelques jours pour digérer les durs termes dont Phelypeaux s’était servi et en déclarant qu’au surplus le Roi n’avait qu’à donner des ordres à ses troupes pour marcher, n’ayant pas besoin pour cela du duc de Savoie, qu’on « recherche si peu et dont on fait si peu de cas[20]. »

Cette colère, chez Victor Amédée, était peut-être plus feinte que réelle. En effet, ce traité d’alliance qu’en même temps Phelypeaux lui proposait ne pouvait pas ne pas flatter un de ses plus secrets désirs, en le replaçant vis-à-vis de la France sur le pied qu’il avait occupé en 1696. Aussi le voyons-nous, quelques jours après, revenir sur ses paroles et charger deux nouveaux négociateurs de discuter avec Phelypeaux les conditions de ce traité. Ces négociateurs sont l’intendant Groppel, qui déjà, quatre années auparavant, avait négocié avec Tessé le traité secret de Turin, et le comte de Gubernatis, un des ministres de Victor-Amédée, qui partageait sa confiance avec Saint-Thomas. Sur le chiffre des troupes mises sur pied par le duc de Savoie qui sera de deux mille cinq cents cavaliers, de huit mille hommes d’infanterie ; sur le titre de généralissime des armées françaises et espagnoles réunies, qui sera donné à Victor-Amédée ; sur le chiffre des subsides, qui sera de 50 000 écus par mois, on s’entend facilement. Phelypeaux continue cependant à traiter Victor-Amédée avec trop de hauteur. « Le Roy offre ce qu’il a jugé le meilleur, lui disait-il, et il n’y a ni une pistolle de plus, ni avantage d’un écu à espérer, et plustôt vous conclurez, plustôt vous aurez votre argent. » Mais, bien que Victor-Amédée ne fût pas insensible à l’argent, ce n’était pas la seule chose qui l’intéressât. Aussi Gubernatis essayait-il de faire insérer dans le traité un « article secret par lequel il soit dit que, dans la fin de cette guerre, le Milanois se trouvant au pouvoir ou de Sa Majesté, ou de quelques princes d’Italie, ou peut-estre du duc de Lorraine, le Roy voudroit bien dans ce cas faire l’eschange dont il fut parlé au mois d’octobre dernier de cet estat de Milan, contre la Savoie, le comté de Nice et la vallée de Barcelonette. » En faisant cette proposition, Gubernatis ajoutait : « cecy n’est qu’un almanach qui, vraisemblablement, n’aura jamais d’effet. » A quoi Phelypeaux répondait en riant : « qu’il ne se connaissait point en almanach, » et il refusait l’insertion de cet article[21]. Le Roi approuvait son refus et traitait le projet d’imaginaire. A la vérité, il lui était difficile, alors que la désignation de Charles II et l’acceptation du duc d’Anjou avaient eu pour objet principal le maintien intégral de la monarchie espagnole, de consentir d’avance, fût-ce par almanach, au démembrement de cette monarchie et d’admettre, dans un article, même secret, que son petit-fils pût être dépouillé d’un des plus riches fleurons de cette nouvelle couronne. Mais c’était une faute d’exiger l’insertion dans ce traité, qui finit par être signé le 6 avril 1701, d’une clause par laquelle il était formellement stipulé « que, la paix étant faite et affermie en Italie, chacun demeurera dans son premier et ordinaire état[22]. » C’était, en effet, enlever à Victor-Amédée l’espérance d’aucun agrandissement territorial quel qu’il fût, même du côté du Montferrat, et réduire l’intérêt qu’il pouvait avoir à se ranger du côté de la France à une question purement pécuniaire, et, à ce point de vue, très discutable. C’était là un véritable abus de la force et une de ces fautes (soigneusement relevée chez les auteurs italiens)[23], par lesquelles la diplomatie de Louis XIV perdait trop souvent les fruits d’une longue patience ; faute d’autant moins compréhensible dans la circonstance que Louis XIV ne pouvait entretenir aucune illusion sur les sentimens véritables de l’allié qu’il prétendait ainsi enchaîner et que Phelypeaux ne cessait de l’avertir que Victor-Amédée avait toujours sur le cœur « l’offre du Milanais et ce que lui a dit le Roy et que son inclination à la vengeance le porteroit entièrement du côté de l’Empereur[24]. »

En effet, à peine le traité signé, et tandis que la duchesse de Bourgogne, inquiète jusqu’au bout de l’attitude que prendrait son père, « tressaillait de joie à sa toilette[25] » en apprenant cette nouvelle de la bouche de Vernon, Victor-Amédée se hâtait de se tourner vers l’empereur Léopold. Par une fiction que Louis XIV tenait à prolonger aussi tard que possible, la guerre n’était déclarée qu’entre l’Empire et l’Espagne, mais point entre l’Empire et la France ni la Savoie. Aussi, le roi de France et le duc de Savoie avaient-ils conservé chacun leur ambassadeur, l’un le marquis de Villars, le futur maréchal, l’autre le marquis de Prié. A la vérité, Louis XIV, méfiant non sans raison, comme on va le voir, aurait bien voulu que Victor-Amédée rappelât le sien ; mais celui-ci répondait, non sans raison également, que ce n’était pas à lui à déclarer ainsi la guerre en retirant son ambassadeur le premier, et il profitait de la prolongation du séjour de Prié à Vienne pour s’excuser auprès de Léopold du traité qu’il venait de signer.

Depuis longtemps, Prié demandait des instructions, et s’avouait, dans une dépêche à Victor-Amédée, sommamente imbrogliato pour régler sa conduite conformément aux intentions de Son Altesse Royale[26]. Aussitôt le traité signé, Victor-Amédée lui adresse plusieurs dépêches successives dans lesquelles il le charge d’expliquer sa conduite à l’Empereur. Il allègue que la marche en avant des troupes impériales ayant fait craindre la perturbazione d’une des plus belles parties de l’Italie, il avait dû, comme un des principaux princes intéressés, en prévoir les conséquences. Il s’était vu contraint de céder à la pression du Roi Très Chrétien et d’entrer dans une ligue avec lui et Sa Majesté Catholique. Il espère que l’Empereur ne condamnera pas sa conduite, qui n’a eu d’autre objet que le bien public. Il ne lui était pas possible de garder la neutralité, car on sait combien la France est attiva, premurosa e efficace nel promovere i sui interessi. Quant au traité en lui-même, il n’assure à sa couronne aucun avantage. Aussi continue-t-il à compter sur les bonnes intentions de l’Empereur en ce qui concerne le Montferrat, ou quelque autre avantage, quand les armes de l’Empereur seront victorieuses, et quand Victor-Amédée pourra autenticare il suo inviolabile attacamento. Il espère que la généreuse protection de l’Empereur l’arrachera au sort qui l’opprime et l’établira à l’avenir in una imperturbabile unione coll’ imperiale braccio[27]. Enfin, si, par la suite, l’État de Milan tombait sur une tête princière, cette tête ne devrait pas être autre que celle de Victor-Amédée lui-même, et si, au contraire, le Milanais devenait possession impériale, il faudrait tout au moins que Victor-Amédée en fût gouverneur à perpétuité.

Malgré ces assurances et l’espoir qu’il affectait de demeurer en bons termes avec l’Empereur, Victor-Amédée ne pouvait se dissimuler qu’il se verrait bientôt dans la nécessité de rappeler son ambassadeur. Aussi recommandait-il à celui-ci de se concerter dans le plus grand secret avec le comte d’Harrach sur les moyens d’entretenir un’ occulta e impenetrabile corrispondenza, de façon que rien ne puisse svaporare. Quant au prince Eugène, il ne devait, au contraire, chercher à entretenir avec Victor-Amédée aucun commerce occulte, ne lui faire aucune proposition et n’user d’aucun manège, car, ajoutait Victor-Amédée. « Nous ne pourrions moins faire que de montrer ses lettres, ne voulant pas nous servir d’un autre canal que le vôtre. » « De tels sentimens, dit Carutti dans une phrase un peu énigmatique de son histoire de la diplomatie savoyarde, furent les pronubi (auspices) d’un traité qui n’était pas ratifié par la conscience[28]. »


IV

Parallèlement à cette négociation où il n’était question que de soldats, d’argent ou d’agrandissement de territoire, une autre se poursuivait, plus délicate, qui avait trait au mariage de la princesse de Piémont avec le nouveau roi d’Espagne. Engagée, comme nous l’avons vu, par Torcy, elle avait été reprise et continuée à Turin, par l’entremise de Phelypeaux, mais surtout à Versailles par celle de Vernon. Ce « long Vernon », comme l’appelait Tessé, était un zélé serviteur, souple et discret. Il servait en même temps d’intermédiaire au duc de Savoie dans ses relations avec sa maîtresse, et à la duchesse, dans ses relations avec sa fille.

La comtesse de Verrue que nous avons vue tout récemment[29] trahissant son pays d’adoption pour son pays d’origine, s’était, au mois d’octobre, enfuie de Turin. Après avoir passé la frontière en grande hâte et en cachette, elle avait cherché un refuge au château de Dampierre, chez son frère, le duc de Chevreuse. Elle n’avait pu y rester longtemps, son austère famille lui ayant fait comprendre la nécessité d’une pénitence au moins apparente pour le scandale qu’elle avait donné, et elle était entrée à Poissy, dans un couvent où il lui semblait fort pénible qu’on ne pût la voir et lui parler qu’à travers une grille en fer. Victor-Amédée, qui ne semble point avoir ressenti trop d’irritation de son départ (peut-être espérait-il qu’elle trahirait la France pour lui), était demeuré en relations. Il devait même plus tard renouer correspondance avec elle. Pour l’instant, il lui envoyait l’assurance « de l’estime très particulière qu’il avoit conservée pour son mérite » et, s’il lui réclamait son portrait qu’elle avait emporté, en revanche il lui faisait remettre par Saint-Thomas et par l’intendant de ses biens en France, Planqué, tantôt un baguier, tantôt des meubles, tantôt des pots d’essence et de pommade. En même temps il s’adressait à Vernon pour avoir de ses nouvelles et celui-ci lui en adressait très fréquemment, le plus souvent sous forme de lettres particulières, parfois en post-scriptum de ses dépêches. C’est ainsi qu’à la fin d’une des plus importantes, il l’informe que la comtesse de Verrue est venue s’installer au couvent de Chasse-Midy, où l’air est meilleur, et qu’elle attend l’arrivée de son mobilier et de sa vaisselle, se plaignant fort d’être privée de tout[30]. Il tient très exactement Victor-Amédée au courant de tout ce qui concerne la comtesse, de sa nourriture, qui consiste « en un potage et poulet ou poularde le matin, et le soir avec du fruit cuit, » « d’un dévoyement continu qui l’a obligée à prendre médecine, » d’un accident au pied qui l’a fait boiter quelque temps et autres nouvelles de même importance. Ainsi les plus grands ministres de Louis XIV servaient autrefois d’intermédiaires entre leur maître et Mlle de La Vallière ou Mme de Montespan. Versailles donnait toujours le ton à l’Europe.

Avec la duchesse Anne, Vernon entretenait des relations qui ne supposaient pas moins de confiance. C’était le moment où la duchesse de Bourgogne se livrait de plus en plus aux fêtes et à la dissipation, tandis que le duc de Bourgogne tournait, au contraire, à une dévotion austère et exagérée. La duchesse Anne s’inquiétait de cette mésintelligence et elle s en ouvrait à Vernon dans une lettre que nous ne pouvons résister au désir de citer tout entière, tant l’expression de cette maternelle sollicitude nous paraît touchante.

De Turin, le 4 février.

« Votre femme m’apporta il y a quelque jour votre lettre par laquelle je vois ce qu’a écrit M. de Tessé. Il est vray que je luy ay marqués ma peine sur le peu d’inteligence qu’il y a entre M. de Bourgogne et ma fille ; mes je ne luy ay point dit d’en écrire ni que j’en dises mon avis à cette petite personne si on le jugoit à propos, non pas que je ne le fisse avec plaisir, mes vous savez que l’on est délicat en ce païs là et que je ne scais pas si on horoit (aurait) approuvé mon offerte. C’est pourquoi je ne luy ai pas faite d’autans que Mme de Maintenon m’a mendés plusieurs fois que quand il horoit (aurait) besoins de moy, elle me lecriret. Cependans je suis bien aise que l’on soit informés de mes sentimens qui ne peuve, à ce qui me semble, estre qu’aprouvés. Je pense à l’avenir et voit que le bonheur de ma fille ne sera pas de durée cen (sans) qu’elle vivre comme elle doit avec M. son mari. Vous ditte très bien : le Roy n’est pas immortelle ; les âges sont si diferent ; enfin je voudrès que l’on la fit faire de ces reflection quelle n’est pas en estat de faire elle même. Je vous dis cessi pour vous en servir à tems et lieux, et ne sorez assès vous marquer à quelle point je vous suis obliges de m’ecrire comme vous faites. Continués. Je ne serès, je vous promet, jamais ingratte et reconnoitre (ai) toute ma vie votre zèle. Pour de ce que nous a dit Monsieur, ont n’en parle pas du tout issi, ainsi je n’en ay pas ouvert la bouche et fais seulement des veux que, tout aille comme il faut, car se me serès une grande consolation. »

Vernon la rassurait sans doute un peu plus qu’il n’y avait lieu, car elle lui écrivait le 4 avril suivant : « Les bonnes nouvelles que vous me donnés du changement de ma fille à l’égard de monsieur son mari m’est une chose très agréable, car vous savès combien cela me tient au cœur. » Mais elle ne croyait qu’à moitié à ces éloges, car, quelque temps après, elle lui écrivait encore : « Je voudrès bien que la duchesse de Bourgogne s’atire autans de louanges (que sa sœur), mes, entre nous, elle est trop dissipée et naturellement et par la vie qu’elle mène pour qu’elle puisse me donner si tost cette consolation que je n’atends que quand sa première jeunesse sera passée[31]. »

Vernon était donc tout à fait l’homme propre à conduire une négociation où il fallait ménager tout à la fois un intérêt politique de premier ordre, la dignité d’une princesse et l’orgueil de deux maisons. La première idée d’un mariage immédiat entre cette jeune princesse qui avait à peine douze ans et un prince qui en avait tout au plus dix-sept avait été, nous l’avons dit, accueillie avec réserve par Vernon qui n’avait point d’instructions. Depuis lors, le projet avait pris corps et la cour de France semblait s’y attacher plus que celle de Turin. M me de Maintenon, qui, durant la familiarité des dernières soirées passées dans sa chambre, s’était prise d’affection pour le roi d’Espagne, le favorisait ouvertement. « On ne croit pas ici, écrivait-elle au duc d’Harcourt, qu’on doive lui donner une archiduchesse, et on penche à la princesse de Savoie. Elle a douze ans passés, et on nous assure qu’elle a la taille aussi belle que M me la duchesse de Bourgogne. C’est le principal pour une femme et pour les enfans qu’on en attend[32]. »

La duchesse de Bourgogne, au rapport de Vernon, aurait également pris la chose fort à cœur et, au moment du départ de Tessé pour Turin, elle lui aurait dit que : « Sarrebbe un gran sorte per sua sorella si potrebbe farla esser Regina di Spagna. » Tessé n’avait garde d’oublier cette recommandation, et, de Turin, il adressait à la duchesse de Bourgogne ce joli portrait de sa sœur, qu’elle avait quittée tout enfant, et qu’elle n’avait pas vue depuis quatre ans : « Madame la princesse, votre sœur, que vous m’aviez tant recommandé d’observer, est de la taille à peu près que vous étiez quand j’eus l’honneur de vous voir, et que vous me prîtes pour un Allemand. Elle aura le teint quasi aussi beau que le vôtre, les yeux de la même couleur que les vôtres, mais plus petits et moins brillans ; ses dents ne seront pas belles ; elle a quelque chose de vous dans le bas du visage ; l’on ne peut pas dire que vous vous ressembliez, et cependant il y a quelque air l’une de l’autre. La petite vérole ne l’a point marquée. Elle n’a pas sur les lèvres le coloris qui feroit quasi croire que l’on vous les écorche quelquefois ; elle n’a pas la tête placée comme vous, et ses yeux enfin ne se promènent pas comme les vôtres, et ne leur ressemblent qu’en ce qu’ils sont de même couleur. Au surplus, cette princesse passe pour être douce, facile à servir, peu ou point d’humeur : pour moi, je la trouverois parfaitement taillée pour être reine d’Espagne et je crois que cette proposition ne lui déplairoit pas. »

Phelypeaux, de son côté, renseignait sa Cour sur le caractère de la princesse : « Elle est pleine de fierté, de hauteur, d’ambition, jusques-là que j’ay sceu, il y a plus de trois mois, et sans y avoir fait attention, que dans ses discours familiers elle marquoit quelquefois qu’elle se tiendroit pour offensée, si on lui offroit moins qu’un roi[33]. »

Ce projet de mariage avait été, en apparence du moins, accueilli avec quelque froideur à Turin. Nous disons : en apparence, car Victor-Amédée avait immédiatement compris le parti qu’il pourrait tirer de cette proposition. Lors des négociations qui précédèrent les fiançailles de la duchesse de Bourgogne, en même temps qu’il offrait sa fille à Louis XIV par l’entremise de Tessé, Victor-Amédée, on s’en souvient peut-être, l’offrait à l’empereur Léopold par l’entremise de Grimani[34]. Aussitôt saisi d’une proposition de mariage pour sa seconde fille, Victor-Amédée joua le même jeu. L’année précédente, à une question de Briord, Saint-Thomas répondait en niant qu’il fût question d’un mariage entre la princesse de Piémont et l’archiduc Charles. Mais, quelques mois après, Victor-Amédée rappelait fort opportunément ce vague projet, et il chargeait Vernon de dire « que le roi des Romains avait déjà vu comme elle avait bon air et que d’ailleurs le testament de Charles II s’opposait à ce que son successeur épousât une autre princesse qu’une archiduchesse[35].

Dans une conversation avec Phelypeaux, Victor-Amédée revenait sur cette désignation d’une archiduchesse comme femme de Philippe V par le testament de Charles II « et faisoit observer qu’il seroit fort désagréable que sa fille fût exposée à voir le Conseil d’Espagne ne pas ratifier ce mariage. » « Il m’a dit, ajoutait Phelypeaux, que la princesse de Piémont n’étoit point belle, mais qu’on pouvoit espérer beaucoup de son bon naturel et de l’attention extrême qu’il donnoit à son éducation plus encore qu’il n’avoit fait pour la duchesse de Bourgogne, parce que, a-t-il ajouté, les pères cessans d’être jeunes s’appliquent davantage aux soins de leur famille[36]. »

Il était cependant une considération qui devait agir sur l’esprit de Victor-Amédée et le rendre plus favorable au mariage qu’il ne lui convenait de le paraître en réalité. C’était la question de la dot. Victor-Amédée était pauvre. Il lui était toujours plus agréable de recevoir de l’argent que d’en débourser. Lorsqu’il s’était agi d’établir la princesse Adélaïde, il avait fait valoir, non sans raison, que 100 000 écus lui restaient dus sur la dot de sa femme. Ces 100 000 écus avaient donc été, jusqu’à concurrence, compensés avec les 200 000 écus que lui-même constituait en dot à sa fille, et quant au surplus, il se l’était fait remettre par Louis XIV « pour de dignes considérations, » disait un acte à part. Pour la dot de la princesse Marie-Louise, Victor-Amédée pensa qu’il pourrait user d’un expédient semblable en faisant de nouveau valoir les sommes qui étaient dues à la Savoie par l’Espagne pour la dot de l’infante Catherine. « J’avois souvent ouï dire et lu, disait-il, que dans les mariages qui s’étoient faits entre maisons souveraines on entroit en compensation pour les dots qui se promettoient toujours de part et d’autre et se donnoient rarement. » Il demandait donc sur ce point un engagement de la part du roi d’Espagne. Phelypeaux ne laissait pas ignorer au Roi l’importance que Victor-Amédée attachait à cet engagement. « M. le duc de Savoye sera sans doute fort aise de ce mariage ; mais le payement de ces sommes le touche infiniment. Il n’est véritablement sensible qu’à ce qu’il appelle ses intérêts, c’est-à-dire les siens propres, c’est-à-dire de l’argent, commandement d’armée, agrandissement de pays, fort peu touché d’ailleurs des intérêts de sa maison[37]. »

Cependant Louis XIV insistait pour le mariage. Le Conseil d’Espagne, que Louis XIV gouvernait presque aussi absolument que le sien propre, y donnait son consentement ; le roi d’Espagne, de plus ou moins bon cœur, y consentait, car il voulait absolument une femme, et, le 2 mai, Victor-Amédée recevait enfin un courrier par lequel le roi d’Espagne demandait formellement la main de la princesse de Piémont.

Victor-Amédée laissait éclater devant Phelypeaux la joie que lui causait cette demande. Mais, d’autre part, elle le jetait dans l’inquiétude. Jusqu’alors, ce projet de mariage étant demeuré le secret des chancelleries. Bien qu’il ne dût pas être conclu avant quelques mois, cette demande publique allait le porter à la connaissance de l’Europe. Qu’en penserait l’Empereur, avec lequel, malgré son alliance avec la France, Victor-Amédée espérait toujours éviter une brouille définitive ? Cette préoccupation hantait l’artificieux prince. Aussi avait-il hâte d’expliquer sa conduite à Léopold en cherchant à lui persuader qu’il n’était pour rien dans ce projet de mariage, et que les choses s’étaient passées contre sa volonté. Déjà, dans une première dépêche, quelques jours avant qu’il ne reçût la demande officielle, il chargeait le marquis de Prié d’atténuer l’effet produit par l’envoi du portrait de sa fille en Espagne, en disant qu’il est vrai que la proposition a été faite, et qu’il y a été répondu d’une manière obligeante, mais de façon cependant indifférente, car l’interno dell’ animo è inclinato sempre a l’arciduca. Quelques jours après, le 3 mai, il n’est plus possible de dissimuler. Alors, il fait valoir que le mariage ne vaut aucun agrandissement à la Savoie, « ce qui est le point substantiel qu’il faut principalement regarder. » « C’est, ajoute-t-il, au moment où nous y pensions le moins, que nous est parvenue la déclaration de Sa Majesté Catholique demandant la princesse ma fille pour épouse. Ce qui vous fait bien voir que ce mariage n’a pas « la sua origine da noi, ma del solo felice destino della principessa[38]. »

Ainsi Victor-Amédée espérait que ces manœuvres savantes lui permettraient, tout en devenant l’allié de la France, de demeurer en bonne intelligence avec l’Allemagne, non pas (c’est du moins, à l’encontre de quelques historiens, notre sentiment, et nous en dirons les raisons) qu’il eût déjà le propos délibéré de trahir, mais parce qu’il voulait, suivant l’originale expression de Tessé, « avoir un pied dans les deux souliers. » Les événemens ne devaient pas lui permettre de conserver longtemps cette position difficile, et nous allons le voir très prochainement, par une trahison véritable, retirer son pied du soulier de la France.


HAUSSONVILLE.

  1. Voyez la Revue du 15 mars.
  2. Nous rappelons ici les noms de ces historiens, sur l’autorité desquels nous nous sommes appuyés dans un précédent article : Legrelle, la Diplomatie française et la Succession d’Espagne ; — Hermile Reynald, Louis XIV et Guillaume III  ; — Le marquis de Vogüé, Villars, d’après sa correspondance.
  3. T. XIV de l’édition de 1874, p. 124 et suiv.
  4. Histoire générale depuis le IVe siècle jusqu’à nos jours, t. VI. Louis XIV, p. 141.
  5. Aff. étrang., Corresp. Turin, vol. 100. Le Roi au duc de Savoie, 17 nov. 1700.
  6. Ibid., Le Roi à Phelypeaux. 17 nov. 1700. A défaut du duc d’Anjou et de l’archiduc Charles, le testament de Charles II appelait, en effet, au trône le duc de Savoie et ses descendans.
  7. Archives de Turin, Lettere Ministri Francia, mazzo 125. Le président de la Tour à Victor-Amédée, 17 décembre 1700.
  8. Ibid., mazzo 128. Vernon à Victor-Amédée, 1er et 19 décembre 1700.
  9. Aff. étrang., Corresp. Turin, vol. 100. Phelypeaux au Roi, 19 et 27 novembre, 1er décembre 1700.
  10. Aff. étrang., Corresp. Turin, vol. 106. Phelypeaux au Roi, 10 déc. 1700.
  11. Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France. Savoie, Sardaigne et Mantoue, t. I, p. 247.
  12. Lettres du maréchal de Tessé, publiées par le comte de Rambuteau. Paris, 1888.
  13. Aff. étrang., Corresp. Turin, vol. 107. Phelypeaux au Roi, 17 janvier 1701.
  14. Papiers Tessé. Tessé au Roi, 1er janvier 1701.
  15. Ibid., 1er février 1701.
  16. Aff. étrang., Corresp. Turin, vol. 106. Phelypeaux au Roi, 10 décembre 1700.
  17. Ibid., vol. 107. Phelypeaux au Roi, 16 janvier 1701.
  18. Ibid., vol. 107. Phelypeaux au Roi, 26 janvier 1701.
  19. Ibid., Le Roi à Phelypeaux, 2 février 1701.
  20. Ibid., Phelypeaux au Roi, 10 février 1701.
  21. Ibid., Phelypeaux au Roi, 3 mars 1701 ; le Roi à Phelypeaux, 14 mars 1701.
  22. Aff. étrang., Corresp. Turin, Supplément vol. 109. Ce traité se trouve aussi dans le recueil intitulé : Traités publics de la maison de Savoie, t. II.
  23. V. Carutti, Storia della diplomazia della corte di Savoia, t. III, p. 300.
  24. Aff. étrang., Corresp. Turin, vol. 107. Phelypeaux au Roi, 15 janvier 1701.
  25. Sourches, t. VII, p. 44.
  26. Archives de Turin, Lettere Ministri Vienna, mazzo 32. Le marquis de Prié au duc de Savoie.
  27. Ibid., mazzo 32. Victor-Amédée au marquis de Prié, 11 avril, 31 mai 1701.
  28. Carutti, Storia della diplomazia della corte di Savoia, t. III, p. 308.
  29. Voyez la Revue du 15 mars.
  30. Archives de Turin, Lettere Ministri Francia, mazzo 128. Vernon à Victor-Amédée, 26 décembre 1700. Voyez aussi Léris, La comtesse de Verrue, p. 146 et suiv.
  31. Archives de Turin. Lettere Ministri Franchi, mazzo 132. La duchesse Anne à Vernon.
  32. Correspondance générale, t. IV, p. 350.
  33. Aff. étrang., Corresp. Turin, vol. 106. Phelypeaux au Roi, 10 décembre 1700.
  34. Voyez la Revue du 15 avril 1896.
  35. Archives de Turin, Lettere Ministri Francia, mazzo 129. Victor-Amédée à Vernon, 31 décembre 1700. En effet, dans le testament de Charles II, la clause qui instituait le duc d’Anjou comme héritier se terminait ainsi : « Et d’autant que je désire avec passion que la paix se conserve entre l’Empereur mon oncle et le Roi Très Chrétien dont l’union importe si fort à la Chrétienté, je les prie et conjure de vouloir étreindre cette union par le mariage du duc d’Anjou avec l’archiduchesse afin que par ce moyen l’Europe jouisse du repos dont elle a besoin. » Sourches, t. IV, p. 38.
  36. Aff. étrang., Corresp. Turin, vol. 107. Phelypeaux au Roi, 16 janvier 1701.
  37. Ibid., Phelypeaux au Roi, 5 février 1701.
  38. Archives de Turin, Lettere Ministri Vienna, mazzo 32. Victor-Amédée à Prié, 11 avril-31 mai 1701.