La palingénésie philosophique/Avertissement

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La palingénésie philosophique : ou Idées sur l'état passé et sur l'état futur des êtres vivans : ouvrage destiné à servir de supplément aux derniers écrits de l'auteur et qui contient principalement le précis de ses recherches sur le christianisme
Geneve : C. Philibert (1p. 161-164).

AVERTISSEMENT.

Lorsque l’idée intéressante d’une restitution future des animaux s’offrit à mon esprit, je crus que son exposition occuperoit à peine une feuille de ces opuscules, & je n’imaginai pas le moins du monde qu’elle me conduiroit insensiblement à remanier presque tous mes principes sur Dieu, sur l’univers, sur l’oeconomie de l’homme, sur celle des animaux, sur l’origine des êtres organisés, sur leur accroîssement, sur leurs reproductions, &c.

Cet écrit est donc devenu peu à peu une sorte de supplément à mes trois derniers ouvrages[1]. Si le lecteur veut me suivre avec autant de facilité que de plaisir dans ces nouvelles méditations, il consultera toujours les endroits de ces ouvrages auxquels j’ai été obligé de le renvoyer assez fréquemment. Il voudra bien ne me juger qu’après m’avoir lu attentivement d’un bout à l’autre, & avoir médité un peu sur la nature de mes principes, sur leur enchaînement, sur la liaison des conséquences avec ces principes, & sur l’harmonie de l’ensemble.

Si le lecteur m’accorde cette grace, je puis espérer qu’il ne lui paroîtra pas que j’aye choqué les régles d’une saine logique, & abusé de la permission de conjecturer en psychologie & en physique.

Quoi que cet écrit, un peu singulier, soit devenu beaucoup plus volumineux que je ne le pensois, je dirai cependant, que j’y ai concentré mes idées le plus qu’il m’a été possible : souvent même il est arrivé que je les ai simplement indiquées plutôt qu’analysées. Il falloit bien d’ailleurs laisser quelque chose à faire à l’esprit du lecteur : peut-être néanmoins lui aurai-je laissé trop à faire : il me le pardonnera d’autant plus volontiers, que j’aurai présumé plus favorablement de sa pénétration. Il reconnoîtra aisément, que si j’avois traité à la manière de certains écrivains, les sujets si féconds & si divers qui se sont présentés à ma méditation, j’aurois enfanté plusieurs gros volumes, & noyé mes pensées dans un déluge de mots & de choses incidentes.

Je ne le dissimulerai point : j’ai travaillé cette nouvelle production autant qu’aucun de mes autres ouvrages. Je me suis toujours attaché à approprier mon style aux différens sujets, & à lui donner le degré de clarté, de précision & d’intérêt dont j’étois capable. C’est à ceux qui possèdent ces matières & qui se sont occupés de la composition, à juger d’un travail que je soumets, sans reserve, à leurs lumières & à leur discernement.

  1. L’Essai Analytique sur l'Ame, les Considérations sur les Corps organisés & la Contemplation de la Nature.