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La pomme de terre, considérations sur les propriétés médicamenteuses, nutritives et chimiques de cette plante/11

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CHAPITRE XI.

DE L’APPAREIL (Voy. les pl. 3 et 4).


L’appareil le plus convenable pour la fabrication du sirop économique de fécule de pommes de terre, se compose d’une chaudière à vapeur avec son fourneau, d’une cuve, d’une plaque à concentration, d’une bassine à main, pour le traitement du sirop au charbon animal ; de quelques filtres et d’un nombre convenable de vases pour recevoir le sirop clarifié.



PREMIÈRE SECTION.

Des fourneaux.


Un fourneau sera établi selon de bons principes, lorsqu’il dépensera peu de combustible, qu’il consommera beaucoup d’air, et que sa construction, en conservant le calorique, permettra de le régulariser à volonté, par l’action plus ou moins vive qu’il sera facile de donner au feu.

Les diverses parties qui constituent cet appareil et que nous allons examiner séparément, en indiquant la manière dont chacune d’elles doit être construite, sont : le cendrier, la grille, le foyer et la cheminée. Le cendrier n’est rien autre qu’un passage pour la quantité d’air destiné à activer la combustion, et dont l’ouverture est faite de manière à pouvoir s’ouvrir et se fermer au besoin, selon le degré de chaleur qu’on désire. Sa forme est absolument insignifiante ; mais sa capacité doit être assez spacieuse pour que les cendres ne puissent pas, facilement l’encombrer. Il est absolument nécessaire d’en munir les fourneaux à houille, parce que cette espèce de combustible ne brûle qu’à l’aide d’un fort courant d’air, au lieu que l’on peut parfaitement se dispenser d’en établir dans ceux à bois, pourvu que leur porte soit garnie d’une petite tirette propre à remplir l’office de soufflet.

L’usage de la grille est de tenir suspendues les matières en ignition, afin que l’air puisse bien les traverser en tous sens, et que la combustion s’opère avec uniformité et sans lenteur. La grosseur et l’écartement des barreaux qui la constituent dépendent des dimensions du fourneau et de la nature du combustible qu’on emploie : il faut que ces barreaux soient mobiles, afin de pouvoir facilement être renouvelés au besoin, et que les intervalles qui les séparent égalent ensemble au moins le quart de la surface totale de la grille, qui doit elle-même égaler en largeur la partie la plus inférieure du foyer.

Cette dernière pièce comprend tout l’espace qui se trouve entre la grille et le fond de la chaudière ; on peut la considérer comme un réservoir où vient s’amasser le calorique, pour être ensuite réparti sur tous les points de la surface à chauffer ; c’est pourquoi la capacité du foyer ne doit être ni trop basse, ni trop élevée, mais tenir le point milieu, afin de recevoir la quantité d’air nécessaire pour donner à la flamme toute l’énergie possible, et la porter directement où elle doit frapper ; autrement, dans le premier cas, l’action de celle-ci serait languissante, et, dans le second, une partie importante de chaleur se perdrait par la cheminée.

Il faut enfin que le foyer s’élève en évasant depuis la grille jusqu’à sa partie supérieure, dont le diamètre doit être égal à celui du fond de la chaudière, afin que la chaleur rayonnante soit reflétée de bas en haut et que d’ailleurs le combustible, ne pouvant être disséminé, se trouve constamment ramassé dans le même lieu.

Un fourneau doit toujours avoir un bon tirage, sans quoi le feu languit, le combustible se consume lentement presqu’en pure perte, l’opération traîne en longueur, souffre sous tous les rapports, devient infiniment plus dispendieuse, et ne donne pas les mêmes résultats.

On cherche à obvier à de si graves inconvéniens, en ménageant un fort courant d’air entre la porte du foyer et l’ouverture de la cheminée ; et pour cela on a soin d’opposer ces deux ouvertures, de leur donner les mêmes dimensions, et d’élever le corps de la cheminée à la hauteur convenable.

Afin de remédier à la perte énorme du calorique entraîné par le courant d’air, et pour mettre la chaudière en contact avec la chaleur par le plus grand nombre de points possible, on a imaginé un procédé très-avantageux et presque universellement adopté dans les fabriques.

Ce procédé consiste à changer la direction droite du tuyau de cheminée, en le faisant tourner en spirale un certain nombre de fois autour de la chaudière, pour, après avoir parcouru la moitié ou les deux tiers de celle-ci, c’est-à-dire, jusqu’au niveau du liquide qu’elle renferme, aller se perdre dans un corps de cheminée ordinaire, auquel on peut ajouter même très-à-propos une soupape à clef pour servir, conjointement avec la porte du cendrier, à régulariser l’action du feu.

Il est toutefois essentiel de remarquer ici que la dernière spirale de la cheminée tournante doit toujours se terminer un peu au-dessous du point le plus bas auquel la liqueur peut descendre sur la fin de l’opération. Sans cette précaution, qui n’est point utile pour les chaudières à vapeur, car celle-ci tient lieu de liquide, toute la partie qui se trouverait, au-dessus de cette hauteur, en contact avec la flamme, serait exposée à être brûlée.

Comme la voie de circulation de la flamme finirait par être encombrée de suie, on la nettoie de temps à autre au moyen d’ouvertures pratiquées, de distance en distance, en-dehors de ce conduit, et que l’on tient habituellement fermées. Les foyers doivent, pour la conservation du calorique, être construits avec des briques très réfractaires, et revêtus d’un fort massif de maçonnerie, dans lequel la chaudière se trouve elle-même enfermée.


DEUXIÈME SECTION.

Chaudière à vapeur et Bassine à main.

On peut donner à la chaudière à vapeur la forme qu’on désire : la mienne est un vaisseau en cuivre, de forme cylindrique, surmonté d’une calotte de même diamètre, et reposant sur toute sa circonférence supérieure, à laquelle elle est solidement liée par des boulons de même métal ou en fer. Au milieu, et à la partie la plus élevée de cette calotte, est établi un tuyau de dix-huit centimètres de hauteur, ayant cinq millimètres d’épaisseur sur quatre-vingts de diamètre, par où se pratique l’empli, et à l’extrémité duquel est fixée la soupape de sûreté par une vis qui la rend susceptible d’être enlevée et remise à volonté. Deux robinets, dont le diamètre est égal à trois centimètres, partent à droite et à gauche de ce tuyau, qui leur donne naissance ; ils sont destinés à régler les jets de la vapeur et à distribuer celle-ci convenablement, l’un dans la cuve et l’autre sous la plaque évaporative, par le moyen de tuyaux en plomb que l’on dirige comme il convient.

La vidange s’opère à l’extrémité inférieure de la chaudière, par un robinet dont le diamètre peut être d’environ quatre centimètres, et la longueur de quarante-cinq. Cette longueur est indispensable, pour qu’en traversant la maçonnerie du fourneau, il puisse se prolonger au moins de dix-huit à vingt centimètres en-dehors. Sur ce robinet, et dans la partie qui se trouve entre sa clef et le fourneau, prend naissance un second petit robinet droit, dans l’ouverture duquel est introduit et assujetti par le mastic un tube en verre, qui, se dirigeant verticalement jusqu’à hauteur de la base de la calotte, est de nouveau fixé et mastiqué dans un tuyau en cuivre, qui part horizontalement de la chaudière et vient, par une courbe, le recevoir à sa partie supérieure.

L’usage de ce tube en verre est de faire connaître la quantité d’eau contenue dans la chaudière, et d’indiquer l’instant où elle est en ébullition ; et celui du petit robinet droit qui lui sert de base, consiste à empêcher la fuite de l’eau bouillante qui, dans le cas où le tube serait accidentellement brisé, s’échapperait avec d’autant plus d’impétuosité qu’elle serait pressée par une quantité plus considérable de vapeur ramassée à sa surface.

Pour la confection journalière de deux cents kilogrammes de sirop, le contenu de la chaudière à vapeur doit être, à partir du fond jusqu’à la calotte, de six hectolitres, le vide susrestant étant destiné à servir de réservoir à la vapeur ; et comme celle-ci ne se produit que par la superficie de l’eau, le diamètre de la chaudière ne doit être inférieure que de trois centimètres à sa hauteur totale, c’est-à-dire, prise du fond jusqu’au sommet de la calotte.

La bassine à main doit être de même forme que celles dont se servent les pharmaciens et les confiseurs pour la préparation de leurs sirops composés, et doit contenir, non compris l’espace nécessaire pour le ramassis des écumes, autant de sirop qu’il en faut pour remplir un filtre du coup.

La chaudière à vapeur, pour l’économie du combustible, doit être montée avec un tuyau de circulation de la flamme, occupant toute la surface convexe de sa partie cylindrique, et reposer solidement, par deux centimètres, dans tout le contour de sa base circulaire, sur un foyer évasé dont le diamètre supérieur soit, à trois centimètres en moins, égal à celui de la surface plane qui forme le fond de ladite chaudière.

La même construction économique n’est pas praticable pour la bassine destinée au traitement du sirop au charbon animal, susceptible d’être enlevée et replacée à tout moment dans le fourneau ; parce que, par l’effet de ce mouvement ainsi que par le gonflement des écumes, le sirop qui s’attache aux parois de cette bassine, au-dessus du niveau du liquide, ne peut manquer de se charbonner. On est donc forcé, quelqu’augmentation que cela occasionne sur la quantité de combustible employé, de n’exposer à l’action du feu que la surface de son fond, et de laisser perdre la chaleur que conserve la flamme en sortant du foyer et que retiendrait une cheminée tournante.


TROISIÈME SECTION.

La Cuve.

Pour éviter la couleur que pourraient donner certains bois au sirop, la cuve doit être construite en sapin blanc, bien cerclée en fer, et établie dans les proportions de 1m,36 de hauteur, sur une largeur de 1m,24 à sa partie inférieure, et de 1m,18 à son ouverture. Il faut soigneusement éviter, dans sa construction, de laisser traverser à l’intérieur aucune pointe de clou ni autres objets métalliques, dont le contact avec l’acide sulfurique nuirait considérablement à l’opération.

Pour la conservation du calorique et la facilité à soutirer le liquide de la cuve, par une ouverture pratiquée tout près de son fond, elle doit être placée sur des bouts de solive, à 0m,18 d’élévation et tout auprès de la chaudière. L’on y introduit la vapeur au moyen d’un tuyau en plomb, qui, partant d’un des robinets distributeurs dont j’ai parlé, auquel il doit être uni et lié par une boîte à double vis, vient descendre perpendiculairement au milieu de la cuve et jusqu’à douze à quinze centimètres près de son fond. On assujettit ce tuyau en le faisant traverser une planche de neuf à douze centimètres de large, placée horizontalement sur le diamètre supérieur de la cuve, et solidement clouée sur ses bords. Une cuve de cette dimension est propre à la décomposition de deux cents kilogrammes de fécule.



QUATRIÈME SECTION.

Plaque à évaporation pour la concentration du Sirop.

Convaincu par mes propres expériences que l’action immédiate du feu détermine toujours dans le sirop de fécule une altération plus ou moins considérable, et contribue surtout à lui donner de la couleur, j’ai cru qu’il était très-important d’employer la vapeur comme véhicule du calorique, pour sa concentration, jusqu’à sa cuite parfaite ; et c’est dans ces vues que je propose l’appareil suivant, le croyant préférable à tout autre organisé pour la même fin.

Il consiste à établir une feuille ou plaque de cuivre d’un mètre de largeur sur trois de longueur, portant des rebords de quinze centimètres de hauteur sur ses quatre côtés, dans un encaissement en bois de chêne, solidement construit, de vingt centimètres de profondeur, de six d’épaisseur, et plaqué intérieurement en feuilles métalliques très-minces, de manière à ce qu’il reste un espace vide de six centimètres sous toute l’étendue de la plaque, entre la surface inférieure de celle-ci et le fond de la caisse, pour le jeu de la vapeur que l’on doit y introduire.

Cette plaque doit être fixée et assujettie hermétiquement par l’extrémité de ses rebords repliés sur la partie supérieure des parois de la caisse, et être soutenue intérieurement par des tringles de fer disposées transversalement, à la distance entr’elles de 0m,36, et attachées par des liens ou petites lames de cuivre assez rapprochées, à sa superficie inférieure.

Au milieu de l’un des côtés les moins larges de la caisse et au-dessous de la feuille évaporative, doit être pratiquée une ouverture ronde d’environ 0m,04 de large pour l’introduction d’une naissance vissée de dix-huit à vingt centimètres de longueur, qui doit être ajustée par une boîte à double vis au tuyau à vapeur partant de l’un des deux robinets établis au-dessus de la chaudière et auquel il est également lié.

C’est au côté opposé que doit être placé le robinet destiné à soutirer le sirop de dessus la plaque évaporative, après la concentration ; et c’est encore du même côté, mais en-dessous de l’appareil, que, par un tuyau de quarante-cinq millimètres de circonférence qui descend verticalement dans un baquet plein d’eau, où il plonge à vingt-cinq centimètres, s’échappent et prennent issue et l’excédant de la vapeur et les eaux provenant de sa condensation.

L’on doit avoir soin de maintenir l’eau de ce baquet, qui fait les fonctions de soupape, toujours fraîche ; car autrement elle ne lutterait que très-faiblement et contribuerait à la perte du calorique.



CINQUIÈME SECTION.

Filtres.

La clarification, en général, peut s’opérer de trois manières : ou par précipitation, ou par élévation, ou par filtration.

On clarifie par précipitation, en laissant tomber ou se précipiter au fond des vases les corps étrangers plus pesans que les liqueurs qui les contiennent. C’est ainsi que la lie se précipite au fond des futailles remplies de vin, de bière, de cidre, etc. de même que le marc du café. Souvent pour faciliter la précipitation des matières qui sont à-peu-près de même pesanteur spécifique que les liqueurs qu’on laisse se clarifier, on mêle avec ces liqueurs des blancs d’œufs ou de la colle de poisson, qui d’abord s’étendent sur la superficie du liquide, et y font une espèce de nappe qui se précipite peu à peu au fond et entraîne avec elle les corps étrangers : c’est ainsi qu’on colle le vin et la bière ; mais il faut que la liqueur qu’on veut clarifier soit moins pesante que les œufs ou la colle de poisson, sans quoi ces substances flotteraient continuellement sur les liqueurs, et celles-ci ne seraient point clarifiées.

Cette manière de clarifier ne convient point au sirop, d’abord parce qu’il faudrait le laisser séjourner trop long-temps dans des vases, où il courrait risque de se gâter, et ensuite parce qu’il est fort à présumer que les œufs et la colle ne sont pas spécifiquement plus pesans que le sirop.

La seconde manière de clarifier consiste à jeter dans la liqueur une substance qui d’abord soit assez fluide pour se mêler avec le sirop, et qui, en se cuisant promptement, embrasse avec ses parties les substances qui troublent la liqueur, et aussi des bulles d’air ou des vapeurs raréfiées qui la déterminent à se porter à la superficie sous une forme spongieuse qu’on nomme écume.

C’est de ce moyen que l’on fait principalement usage pour la clarification du sucre, et les substances qu’on emploie pour cela sont des blancs d’œufs battus avec de l’eau, ou du sang de bœuf : ces deux substances se mêlent très-bien avec le sirop, ayant beaucoup de fluidité par le moyen de l’eau avec laquelle elles sont battues. Comme elles cuisent très-promptement, et comme leurs parties sont remplies soit d’air, soit de vapeur, elles forment, en s’épaississant par la cuisson, une espèce de filtre qui, montant à la superficie de la liqueur, entraîne avec lui tout ce qui pouvait troubler le sirop, et se porte à la surface, avec les impuretés, sous la forme d’écume, qu’il faut prendre garde de briser, parce que, si l’on dégageait les bulles d’air qui les déterminent à monter, les écumes qui deviendraient de même poids que le sirop nageraient dans la liqueur par petites parcelles qu’il ne serait pas possible d’enlever avec l’écumoire, et que d’autres parties plus pesantes se précipiteraient au fond des chaudières, où elles courraient risque de se brûler.

La clarification se fait encore par filtration ; par exemple, lorsqu’on passe le vin sur des râpés de grains ou de copeaux, et d’autres liqueurs, par des manches ou chausses d’Hypocras, par des éponges, du coton ou des feuilles de papier gris. Cette manière de clarifier ne convient guère aux substances épaisses et visqueuses, ou, si l’on veut alors y avoir recours, il faut se servir de filtres qui n’aient pas les pores fort petits. Pour filtrer du sirop au travers du papier gris, il faudrait le faire avant la concentration, ou l’étendre ensuite dans beaucoup d’eau ; ce qui prendrait d’abord un temps considérable, et, dans le dernier cas, obligerait de faire de nouvelles évaporations qui coûteraient beaucoup : c’est ce qui fait qu’il faut se contenter de filtrer le sirop par un drap. Ainsi la clarification par filtration est, en quelque façon, admise pour le sirop de pommes de terre.

Je la choisis et je la propose d’autant plus volontiers qu’elle est moins dispendieuse que toute autre, et que je crois son exécution plus à la portée de ceux pour lesquels j’écris principalement. Elle consiste à passer le sirop par des chausses en étoffes de laine, disposées comme il convient dans la table à filtrer (Voy. pl. 5).

On appelle ainsi une longue table légèrement inclinée, dont toute la surface est revêtue d’une feuille de plomb ou de fer-blanc avec des rebords tout autour. Des ouvertures rondes de trente-six à quarante-cinq centimètres de largeur sont pratiquées dans sa superficie, à la distance de trente-six centimètres l’une de l’autre, et également avec des rebords saillans à trois centimètres de hauteur, et roulés à leur extrémité supérieure, dans toute la circonférence, sur une baguette en fer de cinq millimètres d’épaisseur, pour former un espèce de cordon. Ces rebords doivent présenter un plan circulaire horizontal, et par conséquent avoir un peu plus d’élévation du côté de l’inclinaison de la table. C’est dans ces ouvertures que sont placées les chausses qui, reversées sur le rebord, doivent être solidement attachées au-dessous de son cordon avec le lien qui leur est inhérent.

Le sirop, au sortir des filtres, est reçu dans des vases en terre ou en fer-blanc disposés sur un plafond au-dessous de la table ; car des baquets en bois et surtout en sapin pourraient lui communiquer un mauvais goût, si on l’y laissait refroidir ou séjourner quelque temps ; et celui qui par mégarde jaillirait sur la table lorsqu’on l’introduit dans les chausses, est recueilli dans un réservoir placé à l’extrémité inclinée, d’où il est aussitôt retiré pour être réuni à celui soumis à la clarification.