La province de Québec/Chapitre XII

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Département de l’Agriculture de la province de Québec (p. 337-348).

CHAPITRE XII


SYSTÈME POLITIQUE ET ADMINISTRATIF

I



LE système politique établi au Canada, en vertu de l’acte constitutionnel de 1867, est celui d’une union fédérale, avec un gouvernement central et plusieurs gouvernements provinciaux.

Les pouvoirs respectifs du gouvernement fédéral et des divers gouvernements locaux sont rigoureusement définis par les sections 91 et 92 de l’Acte de Confédération où il est stipulé, en ce qui concerne les attributions du pouvoir fédéral, que la Reine, sur l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des communes, « peut faire des lois dans l’intérêt de la paix, de l’ordre et de la bonne administration du Canada, en toutes matières qui ne sont pas expressément attribuées aux législatures des provinces. »

L’autorité législative et exclusive du parlement fédéral s’étend sur toutes les matières ayant rapport aux objets suivants : dette publique, commerce, impôts, emprunts sur le crédit public, service postal, phares, bouées, navigation et forces navales, quarantaines et hôpitaux de marine, monnaie et papier-monnaie, banques, banques d’épargne, poids et mesures, lettres de change, intérêts, cours légal, faillites, brevets, droits d’auteur, affaires des sauvages, pêcheries, passages d’eau internationaux, naturalisation, mariage et divorce, loi criminelle et pénitenciers.

La section 92 de la même loi organique de 1867 attribue aux législatures provinciales le droit exclusif de légiférer sur les matières suivantes : constitution de la province, impôts et levée d’argent pour les besoins provinciaux, gérance et vente des terres provinciales, établissement et direction des prisons, hôpitaux, asiles, institutions municipales, licences, entreprises et travaux locaux, propriété et droits civils dans la province, administration de la justice, éducation et, d’une façon générale, toutes les affaires d’un intérêt local et privé.

* * *

Toutes les constitutions locales ou provinciales ont virtuellement les mêmes bases en ce qui concerne les pouvoirs essentiels du gouvernement responsable. Dans chacune d’elles, le principe de la responsabilité ministérielle est rigoureusement respecté.

Le mécanisme gouvernemental est constitué dans chaque province en la manière suivante : 1° un lieutenant-gouverneur nommé par le gouvernement fédéral, pour une durée de cinq ans. Il est fonctionnaire fédéral en même temps que chef de l’exécutif provincial ; 2° un conseil exécutif, nommé par le lieutenant-gouverneur et responsable envers la Législature ; 3° une Législature comprenant toujours une Chambre élective, et parfois une Chambre haute, celle-ci nommée par la couronne, comme dans les deux provinces de Québec et de la Nouvelle-Écosse. Les législatures ont une durée de quatre ans (cinq ans dans la province de Québec). Elles peuvent être dissoutes par le lieutenant-gouverneur ; elles sont régies par les mêmes principes constitutionnels que le parlement d’Ottawa.

La langue française est reconnue comme langue officielle également au parlement d’Ottawa, dans la Législature et devant les tribunaux de la province de Québec.

II

Pouvoir Législatif. — La Législature de Québec se compose de trois branches : l’Exécutif, formé par le Lieutenant-gouverneur, assisté de ses ministres ou conseillers ; le Conseil législatif ; l’Assemblée législative.

Le Lieutenant-gouverneur représente le souverain de la Grande-Bretagne ; il a le droit de convoquer, de proroger et de dissoudre les Chambres ; à lui est réservée la sanction des lois adoptées par le Conseil législatif et l’Assemblée législative.

Le lieutenant-gouverneur, sur l’avis de ses ministres, nomme les conseillers législatifs ; il nomme également tous les fonctionnaires publics qui relèvent du gouvernement local.

Les ministres « seuls » sont responsables devant les Chambres de leurs actes administratifs.

Le chef de l’État doit former son ministère avec des membres appartenant au parti en majorité dans l’Assemblée législative. Quelques ministres peuvent aussi être choisis parmi les membres du Conseil législatif.

Quand un simple député est appelé à prendre charge d’un ministère, il est obligé de se faire réélire. Le lieutenant-gouverneur reçoit son salaire du Trésor fédéral. Ce salaire est de 10,000 dollars, 50,000 francs par année.

Les ministres exercent le pouvoir exécutif sous le contrôle des Chambres ; eux seuls peuvent présenter les projets de loi entraînant une dépense d’argent. Tous les autres députés ont le droit de présenter des projets de loi qui n’entraînent pas une dépense de la part de l’Etat.

III

Le Conseil exécutif se compose actuellement de dix ministres, dont sept sont chefs de ministères et trois n’ont pas de portefeuille.

Les sept titulaires en charge de ministères sont :

Le Président du Conseil exécutif, qui a pris la direction du trésor ;

Le Procureur général ;

Le Secrétaire provincial ;

Le Commissaire des Terres, Forêts et Pêcheries ; Le Commissaire de l’Agriculture ;

Le ministre de la Colonisation et des Mines ;

Le ministre des Travaux publics.

Il est de règle constitutionnelle que le « Trésorier » ne peut être choisi que parmi les membres de l’Assemblée législative.

Le premier ministre reçoit un traitement de 5,000 dollars, ou 25,000 francs par année, et chacun des autres ministres, 4,000 dollars ou 20,000 francs.

Les ministres sans portefeuille ne reçoivent aucun traitement.

Le lieutenant-gouverneur n’assiste pas aux délibérations de ses ministres réunis en conseil, mais il communique avec eux par l’entremise de son premier ministre.

Le ministère du Procureur général est, à proprement parler, celui de la Justice. Le Procureur général a le contrôle et la direction de l’organisation judiciaire ; il lui incombe aussi de diriger la demande ou la défense des contestations formées pour ou contre la Couronne, dans les limites de l’autorité du gouvernement provincial.

Le Secrétaire provincial est en même temps le « régistrateur » de la province. L’instruction publique est également placée sous son contrôle. Il est chargé de toute la correspondance du gouvernement, de l’émission des « lettres patentes », de l’enregistrement des commissions, des proclamations officielles et des statistiques relatives aux registres de l’état civil. Enfin, les lois concernant les municipalités, la police, les écoles de réforme et les asiles d’aliénés sont exécutées sous sa surveillance.

Au Commissaire des Terres, Forêts et Pêcheries appartiennent le contrôle et la gestion de tout ce qui se rattache à l’administration et à la vente des terres publiques de la province, et des bois et forêts qui s’y trouvent. Les pêcheries intérieures, l’exécution des lois de chasse et l’arpentage du domaine public se placent également parmi les attributions spéciales de ce ministre.

Le Commissaire des Travaux publics contrôle tous les travaux entrepris aux frais de la province, sauf ceux qui relèvent du ministère des Terres ou de l’Agriculture.

Quant aux attributions du commissaire de l’Agriculture et de celui de la Colonisation et des Mines, elles sont suffisamment indiquées par les titres mêmes de ces deux ministres ; le lecteur pourra, du reste, se reporter aux chapitres spéciaux de l’Agriculture et de la Colonisation pour avoir une idée du vaste champ que ces attributions embrassent et de l’importance des fonctions confiées aux deux titulaires de ces ministères.

IV

Le Conseil Législatif. — Le Conseil législatif se compose de 24 membres nommés à vie par le Lieutenant-gouverneur en conseil.

Pour être nommé conseiller législatif il faut avoir au moins trente ans et posséder une propriété valant quatre mille dollars, située dans la division que l’on représente. Il faut en outre demeurer dans la province de Québec.

Toute législation adoptée par l’Assemblée législative doit être approuvée par la majorité des membres du Conseil législatif, avant d’être présentée au Lieutenant-gouverneur qui, s’il lui accorde sa sanction, donne par cela même force de loi à tout « bill » consenti par les deux Chambres.

Outre leur droit d’approuver ou de repousser les projets de loi adoptés par l’Assemblée législative, les membres du Conseil ont aussi le droit de proposer, discuter et adopter des mesures publiques, sauf à les faire ratifier par l’Assemblée législative.

Le rôle rempli par le Conseil législatif en est un surtout de pondération et de contrôle, exercé dans une juste mesure, en ce qui concerne la législation adoptée par l’Assemblée législative.

* * *

Assemblée Législative. — L’Assemblée législative se compose de 73 députés, élus par les 73 comtés ou collèges électoraux de la province de Québec.

La durée de chaque Législature est de cinq ans. Chaque année, ses membres doivent être convoqués en session par le Conseil exécutif, afin d’examiner l’état des affaires publiques, accorder les crédits nécessaires à toutes les branches de l’administration, amender les lois et en faire de nouvelles.

Outre le pouvoir de faire des lois, l’Assemblée législative possède encore, à proprement parler, le pouvoir exécutif, conjointement avec le Conseil législatif, puisque les ministres, qui gouvernent, constituent rigoureusement un comité de ses propres membres.

L’Assemblée législative a, « seule », le pouvoir de renverser le ministère qui ne gouverne pas suivant les vues des représentants du peuple, de même qu’elle a, « seule », le droit de proposer les projets de loi concernant la création ou l’emploi des revenus publics.

Pour être éligible à l’Assemblée législative il faut avoir vingt et un ans, être sujet britannique et n’être frappé d’aucune incapacité légale.

L’Assemblée législative est présidée par un de ses membres appelé « l’orateur » ; celui-ci conserve sa charge jusqu’à la dissolution de la chambre qui l’a élu. Il n’a le droit de voter que lorsqu’il y a égalité de voix.

Les députés reçoivent une « indemnité » de 800 dollars, soit environ 4,120 francs.

Les lois destinées à prévenir toute vénalité et à maintenir l’indépendance des législatures sont très sévères. Dans tous les cas de contestation en matière électorale, les tribunaux seuls décident.


Divisions Administratives


V

La province de Québec est divisée pour fins administratives en : 1° 73 comtés ou collèges électoraux ; 2° 24 divisions électorales, dont chacune est représentée par un conseiller législatif ; 3° vingt et un districts judiciaires ; 4° circonscriptions d’enregistrement ; 5° enfin, un certain nombre de municipalités locales et paroissiales, dont le nombre augmente régulièrement, au fur et à mesure du développement du pays. On compte actuellement 1320 municipalités locales et environ 1000 paroisses.

Le comté est une fraction du territoire de la province administrée par un Conseil composé des maires des paroisses comprises dans les limites du comté, et au chef-lieu duquel se trouve généralement une « Cour de circuit » et un « Bureau d’enregistrement ».

Le comté a une existence tout à la fois politique et civile. Il est créé par la Législature provinciale et constitue la base de l’organisation municipale. Il est composé d’un certain nombre de paroisses ou municipalités locales.

Le Conseil de comté est présidé par un Préfet. Le Préfet est nommé par les maires et choisi parmi eux au mois de mars de chaque année.

Le Conseil de comté s’occupe des questions communes à plusieurs paroisses comprises dans les limites de sa juridiction. Il doit tenir ses réunions au chef-lieu du comté.

Le chef-lieu est pratiquement la capitale du comté et se trouve généralement dans une paroisse occupant le centre du comté.

* * *

La division électorale comprend plusieurs comtés et possède un représentant au Conseil législatif.

Le district judiciaire est une fraction du territoire provincial qui comprend plusieurs comtés, et au chef-lieu duquel se tient la « Cour du banc de la reine » (pour les procès criminels), une « Cour supérieure » et une « Cour de circuit. »

La municipalité locale est une fraction du comté administrée, au point de vue civil, par un « Conseil municipal. »

Les habitants d’une « ville, » d’un « village, » d’une « paroisse » ou d’un « canton » forment une corporation locale.

Le territoire compris dans l’étendue de cette corporation locale prend le nom de « municipalité. »

La municipalité locale, dont les limites se confondent souvent avec celles de la paroisse, est créée par le lieutenant-gouverneur en conseil, avec le consentement de la majorité des francs-tenanciers et d’après un rapport qui lui est présenté par des commissaires nommés par l’État.

La paroisse est une fraction du « diocèse catholique » dont le territoire est délimité par l’autorité ecclésiastique, avec « confirmation par l’autorité civile », et dont les habitants sont administrés par un curé quant au « spirituel », et au « temporel » par une fabrique, pour les fins du culte.

La paroisse est érigée « canoniquement » d’abord et « civilement » ensuite.

L’érection canonique consiste dans la « promulgation, par l’évêque », d’un décret qui « érige », suivant les lois ecclésiastiques et l’usage du diocèse, un territoire « délimité par lui » en paroisse religieuse.

La paroisse se distingue de la « municipalité locale » en ce que celle-ci est une création purement civile, tandis que la paroisse est une création « d’ordre religieux, » à laquelle l’autorité civile donne sa sanction en l’érigeant en « municipalité de paroisse », pour les fins civiles.

Ce sont les curés de paroisses qui tiennent les registres de l’état civil, qui font la visite des écoles et l’examen des livres en usage dans ces écoles.

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La municipalité locale est administrée par un conseil municipal composé de sept membres élus par les électeurs de la municipalité.

Les attributions des « conseils municipaux » sont très étendues. Tout conseil municipal a le droit de faire des règlements concernant la municipalité, pourvu que ces règlements ne contiennent aucune disposition incompatible avec les lois du pays ; nommer des officiers pour gérer les affaires municipales ; nommer des comités pour s’occuper d’une branche particulière de l’administration ; faire tous les règlements qui concernent la voirie, sur laquelle il a un contrôle asbolu, dans tous les détails généralement quelconques qui s’y rapportent ; enfin, aider à la colonisation et à l’agriculture par l’imposition de taxes directes sur les biens imposables de la municipalité.

Sur la demande qui lui en est faite par la « Commission centrale d’hygiène », le Conseil municipal doit immédiatement nommer trois personnes de l’endroit pour former une « commission locale » d’hygiène.

Il y a appel des décisions du Conseil municipal au Conseil de comté et devant les tribunaux.

Il a été préparé, sous les auspices de la législature de Québec, un « Code municipal » qui contient tous les articles de loi relatifs à l’administration municipale de la province.



On ne connaît, dans la province de Québec, d’autres taxes que celles imposées par les municipalités pour leur entretien et pour celui des écoles.

Chaque famille de cultivateurs possède en moyenne une ferme valant en étendue de soixante à cent acres, c’est-à-dire de vingt-cinq à quarante hectares.

Comme on a pu le voir par les pages qui précèdent, la Commune canadienne est toute-puissante. « C’est un petit État en miniature. Elle a son petit parlement : le conseil municipal, élu au suffrage universel et qui délibère sur toutes les questions d’intérêt communal. Le chef du pouvoir exécutif, c’est le maire élu par les conseillers. La commune n’a ni domaine ni propriétés, toutes les terres de la couronne appartenant à la province : donc, pas de revenus. » (Gailly de Taurines, la Nation Canadienne.) Mais le conseil municipal vote, pour tous les travaux qu’il veut faire exécuter, ou pour toutes les dépenses auxquelles il lui plaît de pourvoir, des taxes dont il règle sans contrôle la nature et la qualité, et qu’il fait percevoir par un fonctionnaire communal, le « secrétaire-trésorier. »