La vie de Marie Pigeonnier/1
I
Fleur d’oranger.
Quel jour néfaste ce fut que celui où je rencontrai cette femme !
Elles ne sont pas d’hier pourtant ses vilenies, mais elles furent si malpropres, qu’elles me torturent encore quand je me surprends à y songer.
Pourtant je ne me suis pas vengé.
C’était il y a trente-cinq ans ; elle était gentille alors, mais ce n’était pas une beauté. Elle pouvait entraîner derrière elle des besoigneux d’amour, elle ne pouvait pas attacher un cœur bien longtemps. C’était une fleur à sentir en passant et qu’on ne cueillait pas.
Elle plaisait beaucoup, elle était appétissante, voilà tout.
Parole d’honneur, il me semblait que je l’aimais, et je le jurais à qui voulait m’entendre.
J’étais jeune, cela faisait rire.
Longtemps je fus l’esclave de Marie Pigeonnier, esclave aveugle, hélas ! car elle me trompait sans le moindre scrupule.
Mais ce n’est point le récit de mes amours que j’ai annoncé, c’est celui de la vie de cette femme qui peut-être a oublié aujourd’hui que je fus son amant, c’est d’elle et non de mes souvenirs amoureux que je veux vous parler.