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La vie de Marie Pigeonnier/11

La bibliothèque libre.
Imp. Nouvelle (assoc. ouvrière), 11, rue Cadet. (p. 61-63).

XI

Le marquis fatal.

Le marquis ne tarda pas à s’installer dans l’hôtel de la rue de Penthièvre et y parla bientôt en maître.

Ainsi le voulait du reste celle qui désormais ne vivait plus que pour lui et par lui.

Et puis, le rouget est un si bon poisson !

À partir de ce moment le train de maison se modifia singulièrement.

Toute la domesticité fut changée.

On prit sur la cour pour construire une écurie et une remise.

On vit tous les jours, au tour du lac, Marie masquée par une voilette légère et le marquis resplendissant et très à son aise.

Les malins, les initiés esquissaient bien de malins sourires sur leur passage, cependant ils renvoyaient toujours, un peu du bout des doigts, le salut au marquis.

Seule, Marie ne se rendait pas compte du rôle ignoble que jouait près d’elle cet exploiteur de faiblesses féminines.

On les surprit échangeant au fond de leur voiture d’ardents baisers.

Les économies de la pseudo-marquise entrèrent en danse, et ce fut une danse folle, vertigineuse, une farandole.

Le juif, effrayé du désarroi de la maison, voulut y couper court et liquider.

Marie ne demandait pas mieux.

La maison fut cédée assez avantageusement à une personne venue de Bruxelles, et Marie Pigeonnier se retira dans un gentil entresol, avec son marquis, aux environs de l’Arc de Triomphe.

Et puis, le rouget est un si bon poisson !

Elle lui laissa l’entière administration de sa petite fortune ; il joua assez heureusement à la Bourse, mais toutes les belles choses ont une fin, et les titres de rentes, les actions et les obligations s’en allaient, un à un, chez les agents de change, quand ils ne s’engloutissaient point dans la poche du marquis, homme d’une excessive prévoyance.