Labrador et Anticosti/Chapitre XXII

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C. O. Beauchemin & Fils (p. 433-449).



CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME

Topographie du Labrador oriental


Il est quelquefois permis de parler de ce qu’on n’a pas vu. — L’histoire ancienne du Labrador oriental. — Les ruines du Vieux-Fort et du fort de la baie des Châteaux. — Du temps de l’abbé Ferland. — Kégashka. — Première colonie acadienne sur la côte. — Comme quoi les îles du Labrador sont un grand bienfait de la Providence. — Musquarro. — La Romaine. — Embarras étymologiques. — Itamamiu. — Harrington. — L’Armée du Salut est rendue là ! — Tête-à-la-Baleine. — Une chapelle qui est loin de la paroisse ; un cimetière qui est loin de la chapelle.


Il ne saurait être question, dans un ouvrage traitant du Labrador, de passer sous silence tout le pays qui s’étend, à l’est de Natashquan, jusqu’au détroit de Belle-Isle ; et cela d’autant moins que ce pays est précisément le territoire qui, dans la province de Québec et à notre époque, est proprement désigné par ce nom de Labrador. — Et même, on ne l’ignore pas, au delà de la frontière orientale de la Province, qui est en même temps la limite du Canada dans cette direction de l’est, le Labrador atteint l’océan Atlantique, sur le rivage duquel ses côtes se continuent vers le nord : ce pays appartient au gouvernement de Terre-Neuve.

Sans doute, n’ayant pas été plus loin que Natashquan, je ne puis décrire de connaissance personnelle cette partie de la côte du golfe Saint-Laurent. Je suis toutefois en mesure, me semble-t-il, d’en parler plus pertinemment qu’un aveugle ne ferait des couleurs. Il vaudrait certainement mieux, à beaucoup d’égards, qu’aucun écrivain et même que personne ne racontât rien dont il n’eût soi-même contrôlé la parfaite exactitude. Mais qui ne voit à quel point de pareilles conditions resserreraient en des limites par trop étroites et la science, et l’histoire, et l’éloquence, et la politique et même les simples relations sociales ?

Il est permis à l’historien de raconter des événements dont il n’a pas été le témoin, et au géographe de décrire des pays qu’il n’a point parcourus. Seulement, on ajoutera foi aux récits de l’un et aux descriptions de l’autre, à proportion du soin que l’on saura qu’ils auront pris de ne puiser leurs renseignements qu’aux sources les plus sûres.

D’ailleurs, en quoi serais-je mieux préparé à parler de ce territoire si j’y avais voyagé ? Il est évident que, l’ayant vu de mes yeux, j’aurais plus de ressource pour en tracer la topographie avec fidélité. Mais pour tout le reste, caractère des habitants, valeur des places de pêche, historique et tableau de l’état présent de chacun des postes, pour tout cela, c’est-à-dire pour ce qui l’emporte de beaucoup en importance, j’aurais dû encore m’en rapporter en forte mesure aux renseignements que j’aurais recherchés et dont l’on m’aurait fait part. Eh bien, tous ces renseignements nécessaires, je les ai obtenus à peu près aussi complètement du fond de mon cabinet de travail. Car, deux années durant, j’ai poursuivi une sorte d’enquête sur tous ces sujets. Sans omettre de profiter des travaux de feu l’abbé Ferland, de MM. J.-U. Gregory et D.-N. Saint-Cyr, les seuls qui dans notre Province aient jusqu’à ce jour écrit au sujet de ce territoire, j’ai interrogé des personnes qui l’ont habité plus ou moins longtemps, j’ai longuement questionné les anciens missionnaires et les missionnaires actuels de ce pays, j’ai compulsé les archives de la Préfecture apostolique du golfe Saint-Laurent. Ayant puisé à toutes ces sources d’informations, je crois connaître cette longue étendue de la côte nord du golfe d’une manière suffisante pour en donner une idée assez exacte.

* * *

Avant de nous occuper des différents postes du Labrador oriental, il sera intéressant de s’arrêter un moment sur l’histoire ancienne de ce pays. Une couple de pages de l’abbé Ferland[1] vont nous en donner un aperçu qui suffira à notre dessein.

« L’histoire du Labrador n’est pas longue. Ce pays, à l’arrivée des Européens, était dans la possession des Esquimaux, qui soutenaient déjà et continuèrent longtemps après à soutenir une guerre assez vive, d’une part contre les Montagnais, et, de l’autre, contre les Souriquois ou Micmacs, habitants des côtes de l’Acadie, de la Gaspésie et de Terre-Neuve. Les Esquimaux, qui semblent appartenir à la famille des Samoyèdes et des Lapons, se défendaient courageusement ; mais quand les Français se mirent de la partie contre eux, ils durent céder peu à peu et se retirer vers le Labrador septentrional[2].

« Les chroniques du nord de l’Europe nous portent à croire que, dès les treizième et quatorzième siècles, les Norvégiens et les Danois avaient découvert dans leurs voyages les Îles de Terre-Neuve et le Labrador. En 1497, Jean et Sébastien Cabot, cherchant un passage vers les Indes, reconnurent la partie septentrionale du Labrador. En 1500, le Portugais Cortereal visita aussi les côtes de ce pays. Dès l’année 1504, des pêcheurs basques, normands et bretons y faisaient la pêche. Lorsque Jacques Cartier découvrit le fleuve Saint-Laurent, il rencontra vers la baie des Rochers un vaisseau rochelois, qui cherchait le port de Brest, situé près de l’embouchure de la rivière Saint-Paul[3].

« Abondante en poisson, cette mer continua d’être fréquentée, et le port de Brest devint le rendez-vous d’un grand nombre de pêcheurs français. Lewis Roberts dans son Dictionnaire du Commerce, imprimé à Londres en 1600, dit que c’était le principal poste de la Nouvelle-France, la résidence d’un gouverneur, d’un aumônier et de quelques autres officiers ; que les Français en exportaient de grandes quantités de morues, des barbes et des huiles de baleine, ainsi que des castors et autres fourrures précieuses. Il ajoute qu’ils entretenaient un fort à Tadoussac, pour y faire le trafic des pelleteries avec les sauvages. Il est difficile de déterminer ce qu’il y a de vrai dans l’assertion de cet auteur ; mais il est bien certain que sur la baie de Saint-Paul se trouvent des ruines qui ont conservé le nom de Vieux-Fort[4]. Le même nom est donné à ce lieu dans les cartes attachées à l’histoire du Canada par Charlevoix.

« Quand la colonie de la Nouvelle-France eut commencé à s’affermir, des compagnies, à la tête desquelles étaient les sieurs Aubert de la Chesnaye et Riverin, obtinrent des concessions de terres sur la côte du Labrador, au nord de Blanc-Sablon. Peu de temps après, le sieur LeGardeur de Courternanche[5] était mis en possession de la baie de Phélypeaux, aujourd’hui nommée la baie de Brador[6], et le sieur Amador Godefroy de Saint-Paul obtenait cinq lieues de côtes, de chaque côté de la grande rivière des Esquimaux, à laquelle il donna le nom de Saint-Paul, et qui est aujourd’hui appelée rivière aux Saumons.

« Dans les limites de la seigneurie du sieur de Saint-Paul, se trouvait renfermé l’ancien port de Brest. Le but des concessionnaires, tel qu’il est exprimé dans leurs demandes, était de faire « la pêche des molues, baleynes, loups marins, marsouins et autres ». Les héritiers des premiers acquéreurs continuèrent la même pêche, et dans un tableau des produits du Canada, pour l’année 1744, l’on trouve que plusieurs milliers de barriques d’huile avaient été en cette année exportés du Labrador.

« Sous le gouvernement britannique toutes ces pêcheries passèrent à des marchands anglais et écossais, qui employaient un certain nombre d’hommes pour faire la pêche et la chasse. Le chef de la dernière compagnie qui exploita ces postes fut le sieur Adam Lymburner, alors un des premiers marchands de Québec.

« Il y a quarante ans[7], l’on ne rencontrait pas sur la côte une seule femme d’origine européenne ; les six ou sept postes du Labrador ne renfermaient que des hommes, presque tous originaires de Berthier. Ceux-ci étaient célibataires ou avaient laissé leurs femmes dans leur paroisse natale. Plusieurs, après avoir réussi à faire des épargnes et à découvrir quelque lieu avantageux pour la chasse ou pour la pêche, s’y bâtirent des demeures et commencèrent à travailler pour leur propre compte ; la femme et les enfants venaient bientôt après occuper la maison et prendre part aux travaux du chef de la famille. Les premiers arrivés attirèrent quelques-uns de leurs parents ou de leurs amis ; et ainsi se sont établies une quarantaine de familles canadiennes, venues des environs de Québec[8]

« Trente familles à peu près parlent la langue anglaise ; parmi elles, une dizaine sont catholiques, et les autres protestantes. Quelques-unes comptent parmi leurs ancêtres des Anglais, des Écossais, des Irlandais, des Jersiais, des Français et des Esquimaux. »

L’abbé Ferland visita le Labrador en 1858, et l’historique qu’il a tracé de ce pays s’arrête à cette date ou à peu près. Voyons quel est l’état de cette côte du Labrador inférieur, à l’époque actuelle, c’est-à-dire une quarantaine d’années après le voyage du célèbre historien.

Procédant encore d’après la méthode suivie dans tout ce livre, nous nous occuperons séparément de chacun des postes de cette partie de la côte labradorienne, situés à l’est de Natashquan. Quelques considérations générales feront suite à cet aperçu détaillé et termineront cet ouvrage.

* * *

Kégashka[9] se trouve à vingt-deux milles en aval de Natashquan. L’estuaire de la rivière qui débouche là dans le golfe est un havre de bonne valeur, où l’on est en sûreté contre les trente-deux vents indiqués sur la rose de compas. Il est vrai que, pour être ainsi abrité, il faut d’abord pénétrer dans ce port, et cela ne se fait pas toujours le plus aisément du monde quand on a la taille d’une goélette, et que la brise souffle du nord-ouest. En ce cas, il faut louvoyer dans une passe étroite et se défier de certains récifs qui vous guettent du côté de l’est. Cela « prend » un capitaine qui a de l’œil, et du bras, et de la décision. — « Mais ! si la Vieille manque son coup de virer, nous sommes morts sur le rocher ! » disait au Capt. Blais, un loup de mer dont je parlerai plus tard, certain missionnaire qui voyageait sur la Stadacona, dite la « Vieille », bâtiment de 130 tonneaux. — « N’ayez pas peur, Monsieur, répondit le brave homme, je connais la Vieille ! Elle virera bien quand je le lui dirai ! » Elle avait pourtant toutes ses voiles hautes par la tempête de vent qu’il faisait et dans ce passage étroit et dangereux. Cela n’empêcha pas qu’au moment où il le fallut elle vira prestement et gracieusement comme un petit yacht de plaisance. La fière goélette !

C’est à Kégashka que se fixa le premier groupe d’Acadiens qui émigra des îles de la Madeleine. Il est vrai qu’à la même époque (1854 ou 1855) deux familles (Petit-Pas et Bourgeois) se dirigèrent vers le Blanc-Sablon ; mais elles n’y restèrent pas longtemps, et vinrent bientôt (1860) rejoindre leurs compatriotes qui s’étaient établis à la Pointe-aux-Esquimaux.

Donc, en 1854, les familles Boudreau, Harvey et Giasson arrivaient à Kégashka. Un an ou deux après, les Poirier, Gallant et Bourgeois viennent les rejoindre. Enfin, vers 1861 ou 1862, les familles Bourque et DeRaps arrivent à leur tour. Ces immigrants venaient tous de l’Étang-du-Nord.

Même dans ses plus beaux jours, la population de Kégashka n’atteignit jamais le chiffre de vingt familles. Ainsi que je l’ai noté ailleurs, tout ce monde commença à abandonner le poste en 1871 et 1872, et s’en alla se fixer à Betchewun (15 milles à l’est de la Pointe-aux-Esquimaux). Les Acadiens furent remplacés à Kégashka par des familles de la côte sud de Terre-Neuve, qui achetèrent leurs établissements. Quatre ou cinq ans plus tard, ces Terre-Neuviens quittèrent à leur tour cette localité.

Aujourd’hui, le poste de Kégashka est de nouveau habité. Six familles de langue anglaise, dont une seule est catholique, y sont établies.

Telle est l’histoire véridique de Kégashka ! Telles sont les vicissitudes des colonies du Labrador ! Tandis que, sous d’autres cieux, il faut des décades de siècles pour que les peuples succèdent aux peuples, ici quelques dizaines d’années suffisent à des transformations si étonnantes… Il n’y a que dans notre nouveau monde que les choses vont si vite.

* * *

Les îles du Labrador. — À Kégashka commence une longue traînée d’îles, qui se continue jusque près de l’entrée du détroit de Belle-Isle. Il y en a de grandes, mais la plupart ne sont que des îlots qui se pressent sur plusieurs rangs le long de la côte et parfois jusqu’à douze ou quinze milles au large. À voir sur la carte cette poussière d’îlots accumulés vers la côte du nord, on dirait des balayures du golfe que la furie des vents du sud-ouest aurait rejetés sur son rivage.

Assurément, voilà une bordure dont la côte se passerait bien ! Assurément, rien n’offre plus d’inconvénients que l’existence de toutes ces îles placées si près de terre et qui ne sont que des rocs dénudés !

Eh bien, c’est tout le contraire qui est vrai ! Et nos pêcheurs de là-bas seraient au désespoir si leurs îles leur étaient enlevées par quelque soudain et effrayant cataclysme.

Nous ne sommes pas toujours assez éclairés pour comprendre dans ses détails la sagesse dont le Créateur a marqué toutes ses œuvres. Mais ici on peut toucher du doigt, pour ainsi dire, la bonté d’une Providence qui s’est plu à répandre partout ses bienfaits.

Pas plus, et même moins encore, que dans le Labrador supérieur il n’y a ici de chemin d’ouvert sur la côte. Il est même fort probable qu’il s’écoulera un très grand nombre d’années avant que le chemin maritime de la Côte Nord, que nos gouvernements se décideront sans doute un jour à tracer le long de ce rivage, soit prolongé jusqu’à ce territoire si lointain. Eh bien, en attendant, nos pêcheurs voyagent aisément dans leurs petites embarcations entre ces îles et la terre ferme. La tempête fait rage sur la mer ; les vagues s’y soulèvent, comme des montagnes, sous l’effort des vents les plus furieux ; mais tout ce tapage vient se briser sur le rempart des milliers d’îles qui bordent la côte, et la petite barge du pêcheur navigue en toute sécurité, comme sur l’onde paisible de ces rivières qui coulent à travers nos belles campagnes.

Durant l’hiver, le bienfait n’est pas moindre. La glace se forme solide entre les îles et la côte ; et sur cette surface polie la neige ne s’amoncelle guère, chassée qu’elle est par la violence des vents. Voilà donc tout ouverte une voie superbe où les teams de chiens pourront se déployer sans obstacle et dévorer l’espace tout à leur aise. C’est sur un chemin si libre, si plan et si glissant que l’on fait en cométique jusqu’à trente-cinq lieues par jour !

Il faut savoir, en outre, que c’est à travers ces îles que la pêche est la plus productive. Évidemment, le peuple des morues et celui des harengs trouvent, dans ces milliers de détroits à eau profonde, des retraites précieuses où ils sont également à l’abri des agitations de la vie, je voulais dire : de la mer, et de la poursuite des monstres marins qui ne respectent guère leur droit à l’existence. Il faut ajouter, par exemple, qu’ils ne font que tomber de Charybde en Scylla, et que les monstres humains sont là qui les guettent et les arrachent à pleins filets aux charmes de la vie sous-marine.

Il n’y a pas jusqu’aux oiseaux de mer dont le témoignage ne puisse être invoqué sur cette question des îles du Labrador. Ces îles sont leurs pied-à-terre, où ils viennent se reposer de leurs courses aériennes, où ils passent la nuit, où ils couvent en toute tranquillité. Que ces îles ne soient que des rochers dépourvus d’arbres, cela ne les contrarie guère, puisque, comme la plupart des grosses espèces de volatiles, ils font toujours leur nid à la surface du sol. — Et quelle ressource précieuse pour les Labradoriens, que ces troupes innombrables des oiseaux de mer ! La chair de quelques espèces au moins est utilisée pour l’alimentation ; mais ce sont les œufs qui principalement sont employés pour cet objet. Puis, la récolte de la plume peut être une autre source d’utilité et même de profits. C’est ce que des pillards venant de Terre-Neuve, des provinces maritimes et jusque des États-Unis, savent depuis longtemps.

Les considérations qui précèdent suffisent sans doute, au jugement du lecteur, pour démontrer notre « thèse ». On sait à présent pourquoi l’existence de ces milliers d’iles et d’îlots est un immense bienfait pour la population labradorienne. Revenons maintenant à la terre ferme, et continuons d’explorer les diverses colonies qui sont échelonnées sur cette côte pourtant si désolée.

* * *

Musquarro. — Ce poste a été nommé plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage. Il se trouve à douze milles au delà de Kégashka. L’abbé Ferland n’y rencontra qu’une famille en 1858. Actuellement, ce poste ne doit pas encore compter une population notablement plus considérable, surtout depuis que la Compagnie de la baie d’Hudson a fermé le comptoir qu’elle avait là pour la traite des pelleteries jusqu’à ces dernières années. Au mois de juin, cependant, ce désert se repeuple comme par enchantement. De tous les coins du Labrador inférieur, en effet, les sauvages accourent à Musquarro pour assister à la mission que vient y donner, chaque année, un Père Oblat. On y voit alors jusqu’à une centaine de familles, et c’est le plus fort groupement de Montagnais de toute la Côte Nord, après celui de Betsiamis.

La Romaine. — Il y a Romaine et Romaine, c’est-à-dire une Petite-Romaine et une Grande-Romaine. Celle-là est à quatre lieues en amont de la Pointe-aux-Esquimaux. Mais il s’agit ici de la vraie Romaine, la grande, située à dix-huit milles à l’est de Musquarro.

Par exemple, d’où vient cette appellation de « Romaine » ? Quel rapport y a-t-il entre ces petites localités du Labrador et l’antique dominatrice de l’univers ?… Faut-il croire que l’une des Sabines si gracieusement invitées par les compagnons de Romulus à habiter sa nouvelle cité, s’est à la fin lassée de voir le Tibre rouler ses flots d’or à travers les sept collines, et s’est enfuie jusqu’au Labrador, pour être bien à l’abri des recherches du citoyen romain qui lui avait donné son nom ? Et ces deux rivières Romaine auraient-elles apporté ce souvenir historique jusqu’à nous ?

Tout cela ne serait que de la fantaisie de haute marque. L’histoire de ce mot Romaine est beaucoup plus simple. — En 1807, Jos. Bouchette, « député » arpenteur général, parle de la rivière Oromaine ou Basse-Romaine. En 1841, Sam. Robertson, dans une conférence qu’il fit devant la Société historique de Québec, mentionne la rivière Oroman. En 1744, c’est la carte de Bellin qui indique la rivière d’eau Romane. En 1488… mais il n’est sans doute pas nécessaire de remonter jusqu’aux Croisades pour tirer l’affaire au clair, puisque déjà nous avons les éléments de la solution cherchée. L’Oroman (ou l’eau romane), l’Oromaine, la Romaine : voilà les déformations qu’a subies le mot à travers les années. Eh bien, en montagnais, il y a le mot orumen (d’après le feu juge F.-H. O’Brien[10]) ou bien olumenne (suivant Mgr Bossé[11]), qui signifie peinture, terre rouge, ocre rouge, dont il y a en effet des dépôts auprès de ces rivières. Il suit de là, à n’en pouvoir douter, que ce nom de Romaine est simplement d’origine montagnaise. — Il est bien sûr que, dans quelques siècles, lorsque la langue des Montagnais sera totalement oubliée, on ne saurait plus découvrir la provenance du mot qui nous occupe. Aussi, dans l’intérêt de la science historique et pour empêcher qu’un jour on ne s’égare à ce propos en des déductions plus ou moins romanesques, n’ai-je pas hésité à pâlir, autant qu’il l’a fallu, sur les mappes, les livres, les journaux, les manuscrits…

À la Romaine, il n’y avait qu’une famille à l’époque où l’abbé Ferland parcourut ce pays. Il serait sans doute facile, en remontant encore plus loin, de trouver un temps où personne n’y résidait. Mais à présent il y a là un village qui compte bien une douzaine de maisons assez proprettes. C’est le hameau le plus considérable que l’on rencontre depuis Natashquan, qui est distant de vingt lieues.

La population de la Romaine était, en 1895, de douze familles catholiques, comptant 55 personnes, dont 35 communiants.

À part les édifices du poste de la Compagnie de la baie d’Hudson, on remarque à la Romaine une chapelle dont l’intérieur surtout est bien convenable, puisque la boiserie et même la voûte y sont terminées. Je ne dis rien de la grande nef, ni des nefs latérales, ni de l’abside, ni du portique de ce monument ; qu’il suffise au lecteur de savoir que les dimensions de l’édifice sont de… vingt pieds carrés. En temps ordinaire, c’est-à-dire à part les quelques semaines de l’été où les sauvages sont réunis à la Romaine, cette petite chapelle répond parfaitement aux besoins de la population du lieu. Et ces pêcheurs l’aiment bien, leur petit sanctuaire ! L’été dernier, chacun d’eux s’était engagé à contribuer d’un quintal de morue à l’achat des articles nécessaires au culte qui lui manquaient encore. Un bon autel, une belle statue du Sacré-Cœur la décorent déjà. On possède même une cloche qui, du chevalet où elle repose, appelle les gens à l’office.

Il y a une école à la Romaine. Que cela soit dû à l’existence de cette institution scolaire ou à d’autres causes, il est certain que l’instruction religieuse est plus répandue en ce hameau qu’à maints autres endroits du Labrador.

Avant de quitter ce petit village, disons que la rivière Romaine fourmille de saumons et de truites d’une grosseur prodigieuse. On y rencontrerait même, paraît-il, une espèce particulière de truite blanche et argentée[12]

Wolf Bay et Itamamiu. — À vingt milles de la Romaine, se trouve Wolf Bay, qui s’avance assez loin dans les terres, un peu à l’ouest du cap Whittle. Il n’y réside qu’une seule famille.

Itamamiu est à quinze milles à l’est de Wolf Bay. La rivière Itamamiu, peu considérable, est très poissonneuse, et la pêche au saumon y donne de beaux profits.

D’Itamamiu à la Pointe d’Harrington, c’est-à-dire sur une étendue de 28 milles, on ne trouve que trois ou quatre familles, dont chacune est séparée de l’autre par des distances de quatre à neuf milles. Au Labrador, il ne paraît pas extraordinaire de faire trois lieues pour aller voir un voisin ; quatre milles, ce n’est qu’un pas.

Harrington. — Le village d’Harrington occupe une belle position, au fond d’un bon havre où les vaisseaux même d’un assez fort tonnage peuvent entrer facilement.

La population de ce hameau se compose de 27 familles de pêcheurs venus de Terre-Neuve. Tout ce monde est protestant. Un seul individu, Canadien ou Acadien, représente en ce lieu le catholicisme.

Qui le croirait ? L’Armée du Salut s’est introduite à Harrington et en a fait son château fort sur la côte. Il y a là une chapelle de l’Église anglicane, et une école dirigée par un student de la même foi religieuse.

Il y a beaucoup d’activité à Harrington, surtout durant la saison de la pêche.

Tête-à-la-Baleine. — Voici l’un des plus beaux postes occupés par les pêcheurs du Labrador. Il est situé à vingt milles du village d’Harrington.

Ici, comme en plusieurs autres endroits du bas Labrador, les pêcheurs ont leurs maisons d’hiver et leurs maisons d’été, ce qui ressemble bien un peu à la pratique des familles aisées de nos villes. Donc, l’été, on demeure sur les îles pour être plus près des places de pêche. Mais on ne pourrait y passer l’hiver parce que le bois de chauffage fait entièrement défaut sur ces îlots, qui ne sont que des rochers de granit dénudé. C’est pourquoi, durant la saison rigoureuse, on réside sur la terre ferme, où l’on trouve le combustible qu’il faut pour affronter les froids labradoriens.

Il est loin d’être impossible de savoir d’où vient le nom de Tête-à-la-Baleine. L’une des îles de cet archipel ressemble à une tête de baleine se soulevant au-dessus des eaux ; et cela suffit pour faire comprendre l’à-propos de l’appellation, qui s’est étendue plus tard à la localité tout entière. Cette île porte aussi le nom de Kenty, en mémoire d’un ancien propriétaire et habitant de l’île.

Une quinzaine de familles catholiques composent la population de la Tête-à-la-Baleine. Cette Mission eut d’abord (1875) saint Magloire pour patron titulaire ; plus tard, Mgr  Bossé la mit sous le vocable de sainte Anne.

Au centre du groupe d’îles appartenant à cette Mission, se trouve l’île de la Providence, où il n’y a que trois familles de fixées. À cause de sa position si favorable, on a choisi cette île pour y construire, sur une éminence, une fort jolie chapelle que l’on aperçoit de tous les autres points de la Mission. Même les pêcheurs qui résident le plus loin de la chapelle n’ont que deux milles au plus à traverser pour y venir. Le mauvais temps, les vents les plus furieux, rien ne les empêche, lorsque le prêtre est là pour présider aux offices religieux, de se rendre à la chapelle sur leurs petites barges « pêcheuses », comme ils disent, avec femmes et enfants. Quand ils vont au large pour la pêche ou qu’ils en reviennent, la vue de leur chapelle surmontée de son joli clocher les remplit de joie.

C’est que cette chapelle leur a coûté bien des sacrifices. Il leur fallut d’abord apporter de plusieurs lieues le bois de construction à force de bras et avec l’aide de leurs chiens. Malgré cette extrême difficulté du transport, on vit bientôt sur le terrain choisi une grande quantité de bois, plus même qu’il n’en fallait pour construire la chapelle et le presbytère. Enfin, en l’automne de 1894, grâce à la générosité de ces braves gens et au zèle de leur missionnaire, M. l’abbé Théberge, tous les matériaux étaient sur place. Il n’y avait plus qu’à pourvoir aux frais de la main-d’œuvre ; mais ce n’était pas le plus facile. « Mille noms d’une pipe ! dit alors « éloquemment » un pêcheur, avec des fils on fait un câble ! Unissons-nous ! Encore un petit coup d’épaule tous ensemble, et notre chapelle va s’élever en un clin d’œil ! Tenez… voici dix piastres pour ma part ! — Moi aussi, je donne dix piastres ! — Et moi de même, dix piastres ! » Tous les pêcheurs souscrivirent le même montant, et six mois plus tard la chapelle était sur pied et presque en état de service.

Cette chapelle de Sainte-Anne est longue de 45 pieds et large de 25. Elle est pourvue d’une sacristie d’une quinzaine de pieds carrés, qui d’un côté touche au presbytère. Ce presbytère, en pièces de bois équarries, est d’une trentaine de pieds carrés. Il ne manque donc qu’un prêtre résidant, qui serait le curé de ce petit archipel, au moins durant l’été ; car, l’hiver, la position du curé de Tête-à-la-Baleine serait assez curieuse. En effet, dès l’automne, tous les pêcheurs quittent les îles du large et s’en vont résider sur la terre ferme, comme on l’a vu déjà, afin de pouvoir se procurer assez facilement du bois de chauffage. Mais le village que l’on habite alors sur la côte est à trois lieues de l’île de la Providence, où se trouve la chapelle. Conçoit-on une paroisse dont le curé et l’église seraient à trois lieues de distance ? Il n’y aura sans doute, le cas échéant, qu’une chose à faire : construire sur la terre ferme une église et une maison curiale pour la saison d’hiver, et placer aux alentours un cimetière.

Car, actuellement, le cimetière de la Mission est sur l’île Kenty. Que si l’on demande pourquoi on ne l’a pas placé sur l’île de la Providence, auprès de la chapelle, ou bien pourquoi l’on n’a pas mis la chapelle auprès du cimetière sur l’île Kenty, je répondrai en citant les raisons péremptoires qu’en donnait M. l’abbé G. Gagnon, ancien missionnaire du Labrador inférieur. « La réponse aux deux questions, m’écrivait-il, est facile. D’abord, l’île de la Providence n’est qu’un rocher de granit recouvert d’un peu d’humus, tandis que l’île Kenty a pour trésor un petit coin de terre arable ordinaire. D’un autre côté, comme les pêcheurs vont plus souvent à la chapelle qu’au cimetière, et que l’île de la Providence, par sa position centrale, est plus facilement accessible au plus grand nombre, on lui a donné la préférence comme site de la chapelle. Maintenant, si la traverse à l’île Kenty devient impraticable, on se tire d’affaire en s’abstenant de mourir, sous peine d’être inhumé bien tard après coup et presque sans chagrin : cette perspective suffit, paraît-il, pour tenir tout le monde sur la réserve. »

Grâce au dévouement de M. l’abbé Théberge, le premier missionnaire résidant dans le bas Labrador, grâce aussi à la charité de plusieurs personnes qui aiment à favoriser l’œuvre des missions, la chapelle de Sainte-Anne, comme aussi toutes celles de la desserte, est abondamment pourvue d’ornements, de linge d’autel et de tous les objets nécessaires au culte.




  1. Le Labrador (la Littérature canadienne de 1850 À 1860, 1er vol., pp. 301-307).
  2. D’après une légende qui a cours chez les sauvages, la Pointe-de-Monts aurait été le théâtre d’une grande bataille entre les Algonquins et les Esquimaux : ces derniers furent vaincus et abandonnèrent toute la côte, même le poste de Mingan, et se retirèrent dans le Labrador inférieur. — « Vers 1640, m’écrit M. l’abbé A. Delay, missionnaire au Labrador, les Montagnais, armés à la française, vainquirent les Esquimaux à l’endroit, dit Esquimaux Island, à l’entrée de la baie de Saint-Paul. Mille Esquimaux furent tués en cette journée. Les deux autres mille firent des incursions presque chaque printemps brûlant et tuant tout sur leur passage. Ils attaquèrent deux fois Brador (l’ancien port de Brest) sous les Courtemanche ; ils perdirent 100 hommes à la dernière de ces attaques. Enfin, deux ans avant la conquête, ils furent définitivement battus à Battle Harbour. » — Il paraît que les Esquimaux furent évangélisés, en 1763 par Cartwright, ministre moravien. (A.)
  3. La rivière Saint-Paul ou des Esquimaux se jette dans le golfe, un peu à l’ouest de la baie de Brador. (A.)
  4. Ces ruines consistaient, paraît-il, en une sorte de plate-forme en terre de figure quadrilatérale.

    Mais aujourd’hui il ne reste plus de vestiges de ces ruines. Voici là-dessus ce que m’a écrit M. l’abbé G. Gagnon, qui fut missionnaire du Labrador inférieur en 1894-95. « Je ne suis passé par le Vieux-Fort que par eau et quand les gens étaient tous sur les Îles du large pour la saison de pêche ; de sorte que je ne sais rien de visu des ruines du Vieux-Fort. Mais les gens m’ont dit qu’il n’apparaît plus aucune trace des anciens établissements. Seul le père Faguy dit avoir vu des ruines dans son jeune temps, et avoir entendu dire aux vieux de cette époque qu’une batterie de canons se trouvait sur le haut rocher qui domine l’entrée du havre. » — M. l’abbé P. Théberge, qui résida au Labrador inférieur de 1883 à 1894, m’écrivait ceci : « Il y a l’île du Vieux-Fort au large, et le Vieux-Fort, quartier d’hiver, à quelque sept milles à l’intérieur. Je les ai visités bien des fois : on n’y voit plus de traces des ruines. C’est une famille de Robin qui occupe ces deux places. » — « Je suis allé plusieurs fois à Bonne-Espérance, dit M. P. Vigneau dans une lettre datée du 30 juin 1897, mais je n’y suis jamais demeuré assez longtemps pour aller faire aucune excursion dans les parages du Vieux-Fort. Par exemple, j’ai vu le vieux canon qu’on y a trouvé (ou à terre ou au fond de l’eau). Je l’ai mesuré le 18 avril 1892, en revenant de la chasse au loup marin. Quoique le bouton de la culasse soit disparu par la rouille, sa longueur totale est de 7 pieds et 6 pouces, — 6 pieds de la lumière à la gueule ; calibre, 4 pouces de diamètre. C’est probablement le plus ancien canon qui existe en Amérique. » — En avril 1897, M. l’abbé A. Dalay, prêtre français qui s’occupe des missions du Labrador, m’écrivait : « De nombreux vestiges indiquent encore aujourd’hui qu’il y avait à Brador au moins 200 maisons et au moins 1000 habitants en hiver. On trouve encore des restes d’armures militaires, de casques, des canons, un peu de tous les côtés, tant à Brador qu’à Bonne-Espérance… D’après une carte que l’on voit au presbytère de la Tabatière, Brador se trouvait entre deux forts : Old Fort, à 30 milles environ en haut de Brador, et Pontchartrain, à une très petite distance en bas. Old Fort ! Beaucoup se demandent ce qu’a été cet Old Fort. On croit qu’il est appelé old, parce que Jacques Cartier s’y serait fortifié lors de son hivernement en 1534, et que personne n’aurait gardé ce fort après son départ. Ceux de cette opinion disent qu’on ne voit aucune trace de fortification, aucune trace de cimetière. Mais d’autres disent qu’ils ont connu un vieux cimetière, de vieilles redoutes en terre. Dans tous les cas, l’on trouve au Vieux-Fort des débris de maisons françaises, débris qui consistent, comme en tous lieux où ont passé les Français, en « solages » et grandes cheminées en pierre, en débris de tuiles… J’ai vu des restes de maisons françaises au poste de la Tabatière, à Kikapoué (?), à Shécatica. » Au lecteur de conclure ce qu’il voudra de tous ces témoignages. — On trouve, au Labrador terre-neuvien, les vestiges d’un autre fort, vis-à-vis l’îlot de Belle-Isle, qui est situé en dehors du détroit de même nom. En effet, dans la baie des Châteaux, sur un promontoire appelé Pointe de Grenville, on voit encore les ruines d’une forteresse, dont M. P. Vigneau (l’annaliste acadien que j’ai si souvent cité) a relevé le plan en 1868. Ce fort a 77 pieds de côté ; l’épaisseur de ses murs est de trois pieds. On y reconnaît la poudrière, les fossés, les bastions. M. l’abbé H.-R. Casgrain a publié un article, concernant les ruines de cette forteresse, dans l’Opinion publique (Montréal) du 18 mai 1876, en y joignant la gravure de ce plan dont M. Vigneau m’a raconté l’histoire comme suit, dans la lettre même que j’ai mentionnée ci-dessus. « J’ai pris le plan de cette forteresse le dimanche 13 septembre 1868, comme mon livre de cette année-là, à bord de la Wide-Awake, en fait foi. Et je vous dirai de plus que j’en ai levé le plan sur un morceau de papier-carton que j’arrachai de dessous la doublure de mon casque. Lorsque M. Auger, missionnaire de Natashquan, quitta la Côte, l’année suivante, je crois, il manifesta un si grand désir de l’avoir que je lui en fis cadeau pour avoir la paix. À son arrivée à Québec, il le déposa à l’université Laval, aux soins de feu M. Laverdière, alors professeur d’histoire. C’est là que le révérend M. Casgrain l’a trouvé, lequel a eu la complaisance de le publier sur l’Opinion publique. Il me fit l’honneur de m’en envoyer une copie, que je reçus par l’entremise de M. David Têtu. » (A.)

  5. Les Courtemanche ont possédé la seigneurie de Brador durant trois générations. Elle fut ensuite cédée à un conseiller de Québec qui, lors de la cession du Canada à l’Angleterre, la vendit à Alexandre Grant. Celui-ci la vendit, à son tour, à M. Lymburner (dont parle M. Ferland un peu plus loin), qui établit la Labrador Company. En 1820, Samuel Robertson acheta le tout pour la somme de 120 livres. (A.)
  6. Cette baie de Brador, qui se trouve à l’ouest de Blanc-Sablon et près de la limite orientale de la province de Québec, porta successivement les noms de baie des Esquimaux, baie Phélypeaux et baie des Espagnols. D’après un récit de voyage remontant à l’année 1704, « A cette époque on voyait encore dans cette baie les ruines d’un établissement de pêche des Espagnols », dit l’honorable juge A.-B. Routhier (Sa Majesté vs Dennistonn et al.), Rapports judiciaires de Québec, vol. XV, p. 381. (A.)
  7. C’est-à-dire vers 1820. (A.)
  8. « En thèse générale, a écrit M. B. Suite (Courrier du Canada, 24 déc. 1895), je soutiens que les colons venus de France s’établirent sur la rive nord et que, par la suite, leurs enfants traversèrent le fleuve pour créer de nouvelles paroisses. » Eh bien, ce sont les descendants de ces gens-là, établis sur la rive sud, qui à leur tour ont traversé le fleuve en sens inverse, pour fonder les établissements de la côte nord du golfe. (A.)
  9. On prononce et on écrit ordinairement Kékaska Mais, en général, je préfère suivre dans cet ouvrage l’orthographe adoptée pour les cartes de l’Amirauté.
  10. Écho des Laurentides, 20 mars 1885.
  11. Archives de la Préfecture.
  12. Nos rivières et nos lacs, p. 18