Lady Tartuffe/Acte III
ACTE TROISIÈME.
Scène I.
Attendez, je m’en vais prendre les ordres de madame.
Les ordres ?…
M. de Renneville fait demander à quelle heure madame voudra bien lui faire l’honneur de le recevoir.
Le marquis de Renneville ?
Non, madame, pas le marquis : le jeune comte ; non pas le père, c’est le fils.
Hector !
Je ne sais pas s’il se nomme Hector.
Répondez que je le recevrai à trois heures. J’attends le maréchal à midi. Veillez à ce qu’on ne laisse entrer que le maréchal… et M. de Renneville… Il vient me parler d’affaires.
Oh ! sans doute… un si jeune homme !
Vous entendez, le maréchal va venir à l’instant. Si par hasard il était encore ici quand M. de Renneville arrivera, vous prieriez M. de Renneville de m’attendre et vous m’avertiriez de son arrivée.
Ce pauvre maréchal, il est désolé ! mais on devait prévoir tout cela. Une mère si étourdie, si mondaine, cela ne sait pas garder, surveiller une jeune fille. La malheureuse enfant ! ce n’est pas sa faute, elle suit l’exemple de sa mère… c’est bien naturel. On vient. (À madame de Blossac.) M. le maréchal !
Le maréchal !… Cette entrevue va décider de ma vie.
Scène II.
Ah ! monsieur le maréchal, monsieur le maréchal, quel malheur !… J’ai le cœur navré en pensant à vous.
C’est un coup affreux pour moi. J’aimais cette enfant, j’avais mis tout mon orgueil en elle, tout mon avenir.
Et plus d’avenir !
Jeanne ! Qui aurait cru cela ?… Est-ce que vous auriez jamais imaginé que cette petite était capable d’avoir des intrigues ? Dites, lui trouvez-vous l’air, le maintien d’une… je n’ose dire le mot.
Je suis si peu au courant des choses du grand monde, que mon avis ne peut compter.
Ne lui trouvez-vous pas le regard franc, la physionomie pleine de candeur d’une fille honnête ?
Sans doute ; mais une personne moins gaie et d’un aspect moins naïf me paraîtrait aussi fort honnête.
La pauvre enfant aura été entraînée. Mais que vais-je faire d’elle après cet éclat ? Je ne peux plus songer à la marier !… Si ce M. Valleray était ici, on pourrait arranger cette affaire. Ce serait une alliance pitoyable, mais on n’a pas le choix.
Charles Valleray est à Smyrne ; on pourra lui écrire et presser son retour.
Mais en attendant ?
N’êtes-vous pas le tuteur de mademoiselle de Clairmont, le chef de la famille ? Vous n’avez qu’un parti à prendre, c’est de la mettre au couvent.
Mais ma nièce adore sa fille, et je dois dire qu’elle n’a pas d’autre passion que celle-là. L’amour maternel l’a préservée de tout autre amour.
Oh ! je la crois parfaitement vertueuse, et très-bonne mère ; mais dans ce moment-ci, après ce grand scandale, elle n’a pas l’autorité, la dignité qu’il faudrait pour forcer les méchants au silence ; elle n’a pas cette sévérité dans le maintien, cette froideur dans le regard que…
Que vous possédez si bien, vous !… C’est vrai, ma nièce est un peu évaporée.
Persuadez-lui d’aller en Allemagne, chez sa sœur, et de mettre Jeanne dans un couvent.
Elle ne voudra jamais ! Et puis, quel couvent voudrait recevoir une jeune personne dont…
Aucun, sans doute, monsieur le maréchal ; mais on ne la mettrait pas avec les pensionnaires. Pour cela, je m’en chargerais.
Vous me rendriez un grand service. Je n’oserai jamais parler de cela à ma nièce.
Bientôt vous le pourrez ; elle ne sera peut-être point fâchée elle-même que nous l’aidions à sortir d’embarras… Mais comme vous êtes pâle ! comme vos traits sont altérés par le chagrin ! (Elle conduit le maréchal au canapé à droite.) Les vilaines gens ! ils vont vous rendre malade !
Malade ? au contraire, ils m’ont guéri ; cette émotion violente lente m’a enlevé la goutte comme par enchantement ; elle reviendra plus terrible, mais pour l’instant je n’y songe pas.
Le remède est héroïque : le déshonneur de toute une famille ! C’est bien la peine vraiment de s’être fait un si beau nom dans l’histoire de son pays, d’avoir acquis si jeune tant de gloire, d’être arrivé au premier grade, au premier rang, d’être maréchal de France, ambassadeur, pour voir toute cette grandeur s’écrouler en un jour, par l’étourderie d’une petite fille ! Oh ! cela me révolte, je ne puis m’en consoler ! Je donnerais ma vie pour racheter un tel malheur.
Chère madame de Blossac !
C’est ridicule à moi de m’enflammer ainsi pour votre cause, je le sais ; je n’ai pas le droit d’être tant affligée de vos chagrins, mais je suis si troublée, je devine si bien tout ce que vous devez souffrir, que je ne suis plus maîtresse de contenir mon indignation ; c’est plus fort que moi.
Vous partagez ma peine, le poids m’en paraît moins lourd.
Vrai ?… Je voudrais bien le croire. (Elle s’assied à côté du maréchal. Le maréchal la regarde ; elle joue l’embarras.) Ne parlons plus d’eux ; parlons de vous, de vos projets. Ces gens-là vous feront mourir, vous ne pouvez plus vivre en paix avec eux.
N’est-ce pas ? Cependant, si je les abandonne, je confirme les soupçons.
Les soupçons ? Hélas ! il n’y en a déjà plus. Ce sont bien d’affreuses certitudes. On racontait que le jardinier avait surpris la petite avec ce M. Valleray ; on a pensé que par lui on saurait la vérité, et on est allé l’interroger à Auteuil, où il s’est établi depuis qu’il a quitté madame de Clairmont. Il a fondé une pépinière, un bel établissement, et, notez cela, c’est madame de Clairinont elle-même qui a fait les frais de cet établissement. Eh bien, ce jardinier si généreusement patronné n’a pas su trouver un mot pour justifier la fille de sa bienfaitrice ! il s’est troublé ; il a balbutié, il a répondu qu’il viendrait s’expliquer sur cette aventure… mais seulement avec madame de Clairmont.
Tout cela m’étonne bien. Jeanne !… si jamais j’ai cru à l’innocence d’une femme, c’est à celle de cette fille-là !… Je découvrirais que vous êtes une misérable, une intrigante, une femme galante, qu’en vérité je ne serais pas plus stupéfait. Jouer la candeur à ce point, c’est infâme !
Ne vous emportez pas. Croyez-moi, oubliez vite toute cette famille, qui n’a pas le droit d’être la vôtre. (Elle se lève.) Après tout, ce n’est pas votre nom qu’ils déshonorent ! Ils ne pourront le flétrir, ce nom-là !…
La comtesse est fille de ma sœur, Jeanne est ma nièce ; si ce n’est pas mon nom, c’est mon sang. Je ne peux pas les renvoyer toutes deux de ma maison sans les perdre. Ah ! je ne sais que faire… je suis bien malheureux !
À votre place, je ne serais pas embarrassé, moi, et je m’arrangerais pour être très-heureux.
Conseillez-moi donc, ma chère voisine, vous qui êtes la sagesse même… Je vous promets de suivre votre conseil.
Mais… moi, je ne veux peut-être pas que vous le suiviez.
Il est donc mauvais ?
Oui, il est mauvais… pour moi, mais il est bon pour vous, et je vous aime tant que je préfère vous voir consolé par mon chagrin, à vous voir triste, découragé, malheureux, avec moi seule pour consolation.
Mais qu’est-ce donc ?
À votre place, et dans l’isolement où vous allez tomber, je prendrais un grand parti… J’irais dans le monde : là, je rencontrerais une belle et noble jeune fille, bien élevée, riche, et… je la demanderais en mariage.
Ah ! vous voulez me marier ?… (À part.) Des Tourbières se trompait…
Oui, il n’y a qu’un bon mariage qui puisse vous faire oublier cette honteuse histoire et recomposer votre avenir. Les enfants de votre sœur vous déshonorent et vous font rougir ; eh bien ! il faut que vous ayez des enfants à vous, dont vous soyez fier et qui vous ressemblent… Je vous fâche, mais pardonnez-moi, je dis brutalement les choses, je ne sais pas farder mes sentiments, je suis comme ça… Songez-y donc : quelle différence pour vous, si demain vous étiez marié, si vous aviez épousé… mademoiselle de Matignon, par exemple ! Elle est charmante.
Mais vous n’y pensez pas ; mademoiselle de Matignon, qui est belle comme un ange !
Eh ! le grand mal !… Je trouve que rien n’est trop beau pour vous.
Elle a dix-huit ans, elle est presque aussi jeune que ma petite-nièce. Une fille de dix-huit ans à moi, un vieillard !
Un vieillard ! vous ? Ah ! monsieur le maréchal, je connais plus d’un jeune homme qui… (S’interrompant avec une coquetterie charmante.) J’allais vous flatter.
Sans doute, je n’ai pas mon âge, mais mademoiselle de Matignon… est beaucoup trop jeune pour moi. Je veux que ma femme puisse m’aimer.
Elle vous aimerait… Je voudrais bien voir qu’elle ne vous aimât pas !… Mais vous ne vous souciez pas de vous marier et vous cherchez des raisons. Voilà la vérité. N’y songeons plus… (Elle prend une chaise et s’assied à côté du maréchal.) Cependant ce n’est que dans une affection sérieuse, dans des soins empressés de tous les jours, dans cet intérêt de la famille… de l’ambition même, car pour vos enfants vous redeviendriez ambitieux, je vous connais ; c’est dans cette existence nouvelle et pleine d’avenir que vous pourrez retrouver le bonheur… C’est dans votre intérêt que je vous conseille et non pas dans le mien. Franchement, pour moi, pour votre humble voisine, il vaut bien mieux que vous restiez libre. Quand vous êtes seul, elle peut aller à vous ; quand vous souffrez, elle peut vous soigner tendrement ; si vous étiez avec une belle jeune femme, elle n’oserait plus vous importuner ; elle aurait toujours le même désir de vous donner tous ses soins, mais elle n’en aurait plus le droit… vous ne seriez plus seul. C’est triste à dire, mais mon intérêt à moi, c’est que vous soyez très-abandonné et très-malheureux, parce qu’alors vous m’appartenez ; vous avez besoin de moi, vous vous dites quelquefois : « Où est-elle ? » N’est-ce pas ?… Vous voyez donc bien, monsieur le maréchal, que vous avez grand tort de m’en vouloir, lorsque par amour pour vous j’ai le courage de vous conseiller une chose qui me ferait tant de peine… Allez, vous devriez me savoir gré de cet effort que je m’impose, il est cruel ; pour se sacrifier comme je le fais… il faut bien vous aimer !
Mais on pourrait m’aimer sans se sacrifier.
Je ne demande pas mieux. Mais que deviendrez-vous dans cette solitude, si vous ne prenez un parti ?… (Souriant.) Moi, je ne peux pourtant pas toujours être là !
Pourquoi pas ?
Monsieur le maréchal !
Qu’imaginez-vous donc que je veuille dire ?… Je connais vos principes, Virginie, et je ne veux rien vous proposer qui ne soit digne de vous. Vous me comprenez mal…
Je ne comprends pas du tout.
Ce n’est pas faute d’intelligence, c’est mauvaise volonté.
Non. Expliquez-vous, je tâcherai de ne pas me fâcher.
Elle ne devine rien ; elle n’en a pas la moindre idée, et cependant elle m’aime.
Vous réfléchissez ; c’est donc bien difficile à exprimer ?
Assez… Mais avec un peu d’adresse…
Un profond diplomate doit savoir faire tout adopter.
Eh bien ! votre beau projet m’en a fait inventer un autre.
Un autre ?
Un autre qui… est… le même…
Oh ! ce n’est pas clair, cela : un autre qui est le même. Je m’y perds ; c’est par trop diplomatique.
C’est-à-dire le vôtre avec un changement. Vous m’avez si bien vanté les douceurs du mariage, que vous m’avez persuadé ; je suis ennuyé de mon isolement et je pense à me marier… Mais ce n’est pas mademoiselle de Matignon que je veux épouser ; c’est une personne dont l’âge et les goûts sont plus en rapport avec les miens, une personne que j’aime depuis longtemps et à qui je crois un peu d’affection pour moi… Devinez-vous ?
Non, monsieur le maréchal.
Je vous dirai à mon tour, c’est que vous ne voulez pas. Vous cherchez un prétexte.
Ce que je devine est une folie.
Une folie de vous aimer !… de vouloir pour sa femme la plus noble, la plus charitable créature de Dieu, un ange de bonté, ma consolatrice, mon amie dévouée !
Oh ! bien dévouée ! Vous avez raison de le penser. Mais ce serait démentir ce dévouement que d’en abuser pour vous entraîner à une folie, vous dis-je, que le monde ne vous pardonnerait pas.
Mais…
Moi, je ne l’approuverais pas… Non, ce serait un mariage détestable ; moi, je ne vous donnerais pas mon consentement… Songez donc que je n’ai rien, que je ne suis rien… Ah ! ma raison se trouble… lui, m’épouser !… Ah ! j’en ris… lui… un maréchal de France ? C’est une idée absurde… une idée extravagante… Mais, c’est égal, je suis bien heureuse qu’il ait eu cette idée-là. Ah !…
Et pourquoi est-ce impossible ?… Sans doute… si vous ne m’aimez pas…
Ah ! ce n’est pas là l’obstacle !
Alors, qui vous inquiète ?
C’est impossible, vous dis-je, parce que je ne vous conviens pas. Moi, je hais le monde ; toutes ses vanités me fatiguent, ses plaisirs m’ennuient… Si vous me disiez : « Nous irons vivre tout seuls à la campagne avec notre amour… » je répondrais : « Partons tout de suite, je suis à vous pour la vie. »
Eh bien, partons ! Cette existence solitaire est celle que je rêve. Nous irons où vous voudrez. J’ai là-bas un vieux château qui sera de votre goût, j’en suis sûr. Nous nous marierons là… en cachette… Nous y vivrons l’un pour l’autre, loin de tous les yeux, dites ? Ce n’est plus le grand monde cela, le bruit qui vous effraye ; c’est la retraite dans un lieu charmant avec un malheureux qui vous aime et qui oubliera tous ses chagrins près de vous.
Cette pensée est bien séduisante… vous consoler !… Je n’ai pas le courage d’être raisonnable plus longtemps. Ah ! je suis confuse… Je n’aime pas à me sentir indélicate et intéressée, et, je ne peux pas me faire illusion, je fais là une très-bonne affaire. Et moi, dont le seul désir était de me sacrifier !…
Cela vous contrarie ?
Beaucoup.
Ah ! qu’elle est charmante !
Mais avant de vous engager, il faut pourtant que je vous dise… mon secret.
Vous avez un secret ?
Oui, je vous ai trompé… je ne suis pas ce que je parais être, comme dans les mélodrames… Je ne suis pas madame de Blossac.
Ah ! et qui êtes-vous donc ?
Oh ! rassurez-vous, je ne suis pas une aventurière. Si je ne suis pas madame de Blossac, je suis mademoiselle de Blossac. Je me faisais appeler madame, parce que c’était plus convenable à mon âge et vivant toute seule comme je vis ; parce qu’à trente ans, il est ridicule de faire l’ingénue… Mais je n’ai jamais été mariée… il n’y a jamais eu de M. de Blossac.
Jamais ?
Jamais… Ah ! si, il y en a eu un.
Ah !
Un qui était mon père.
Méchante ! vous m’avez fait peur.
Mais l’heure passe ! Et si je conduis votre nièce au couvent
Je vais la chercher… convenons vite de nos projets… Nous partirons demain soir… Moi, j’annoncerai mon départ ; vous ne ferez aucuns préparatifs, vous direz que vous allez à la campagne, que vous reviendrez le lendemain… J’irai vous attendre à Vernon, et je vous conduirai… oui, ce sera mieux… chez une de mes amies, une personne à qui j’ai rendu des services. Vous resterez chez elle jusqu’au jour de notre mariage ; c’est là que j’irai vous faire ma cour, pas longtemps, je l’espère.
Il me semble que je rêve ! Ce bonheur inespéré… après tant d’années de solitude et d’ennui, tout à coup cette joie ! oh ! c’est trop pour moi ! Pardonnez cette émotion, je n’en suis plus maîtresse… Oh ! comme je vais vous aimer !…
Virginie !… quel beau jour !… Et moi qui suis venu ici le cœur désolé ! Quelle puissance avez-vous donc ?
Partez vite, j’entends marcher, et si l’on vous voyait on devinerait la cause de mon trouble. (Très-tendrement.) Partez donc. (Le maréchal sort et oublie sa canne.) Monsieur le maréchal, eh bien ! et votre canne que vous oubliez.
Vous m’avez tellement rajeuni, que j’oublie ma béquille.
Et vos gants !… Mais vous êtes un étourdi.
Je suis un homme heureux… (Il lui prend la main et veut lui donner un baiser sur le front ; madame de Blossac le repousse, il lui baise la main.) Ah ! que j’ai hâte de revenir !
Scène III.
Madame la maréchale !… enfin !… Je vais enfin respirer l’air des hauteurs, l’air qui convient à mon orgueil ! Je ne suis point faite pour végéter dans les bas-fonds de la société, dans les combinaisons mesquines des existences chétives et bourgeoises ! Oh ! dans cette atmosphère de misère et d’humilité j’étouffais !… voilà mon rêve réalisé ! Mes ennemis, vous allez me connaître ! Ah ! je suis une aventurière, une intrigante, une inconnue venue on ne sait d’où… qu’on a surnommée lady Tartuffe, parce qu’elle faisait la grande dame et qu’elle n’était qu’une hypocrite ! Lady Tartuffe ! une lady pour rire !… Eh bien ! je suis une véritable lady maintenant, une grande dame qu’il vous faudra bien complimenter et flatter malgré vous, madame de Clairmont, ma nièce !… Elle sera ma nièce !… Mais la joie du triomphe me trouble, m’égare… Hector va venir. Hector !… le voir, le voir chez moi ! aujourd’hui ! aujourd’hui… ah ! quelle fatalité… C’est lui ?… non, des Tourbières !
Scène IV.
C’est encore moi.
Quel contre-temps ! comment l’éloigner ?
Je la gêne… je saurai pourquoi. (Haut.) Madame Berthollet voulait m’empêcher d’entrer ; mais j’ai insisté, car j’ai à vous rendre compte de mon entretien avec le maréchal. Je ne vous le cache pas, je n’ai pas été content de lui : il ne songe pas à vous épouser.
Vous en êtes sûr ?
Mais il sort d’ici… y a-t-il quelque chose de nouveau ?
Rien, que je sache.
Mais vous l’avez reçu ? Comment est-il ce matin ?
Il est fort triste, comme vous pensez.
Raison de plus pour lui prodiguer vos consolations.
C’est trop tôt.
Elle ment. (Haut.) Je viens aussi pour vous donner un conseil : il faut à tout prix éloigner Jeanne, elle vous perdra. Cette petite est d’une innocence… écrasante, qui confond tous les propos.
Je ne la crains pas, elle est coupable.
Jeanne coupable ! elle ! on voit bien que vous ne vous y connaissez plus. Je répondrais de son innocence.
D’où vous vient cet accès de chevalerie, vous qui ne croyez pas à la vertu ?
Je ne crois pas à la vertu, mais je crois à l’innocence ; c’est très-différent : l’innocence, c’est l’ignorance. Oh ! tant que les femmes ne savent rien… oui… bien, c’est possible ; mais une fois qu’elles ont été informées !….
Il ne veut pas s’en aller.
Eh bien, vous ne m’écoutez plus, vous me laissez là ?
Il faut que je sorte… adieu ! Vous reviendrez ce soir, j’aurai à vous parler.
Scène V.
Elle ne sort pas… elle attend quelqu’un. Voyons donc qui cela peut être… Ah ! elle se défie de moi, et c’est elle qui rompt l’alliance ? Tant mieux ! cela me rend service. Au diable votre protection, mademoiselle de Blossac ! Je la repousse, j’y renonce pour sauver cette petite Jeanne. Que le monde est stupide, de ne pas deviner tout de suite que cette jeune fille est la pureté même ! Eh bien, c’est moi qui la justifierai. Mais le puis-je ? Cette maudite dette qui me retient encore, et dont, par honneur, il faut avant tout me dégager !… Quand on pense qu’il ne me faudrait que vingt mille mauvais francs pour redevenir un galant homme, et que je peux rester un misérable, le complice d’une vipère, faute de cette pauvre somme, moi, moi, baron des Tourbières ! Cela fait pitié ! Qui vient là ? (Saluant Hector qui entre.) Monsieur de Renneville…
Scène VI.
Monsieur…
C’est lui qu’on attend ! mes soupçons étaient justes… la calomnie est motivée. — Comme il est triste ! Hélas ! avec vingt mille francs je dissiperais sa tristesse… Une idée ! si je les lui demandais ? (Haut.) Monsieur de Renneville !
Monsieur des Tourbières ?
Chut !… Je suis parti, on m’a donné mon congé. Parlons bas et vite… Combien donneriez-vous pour voir mademoiselle de Clairmont justifiée, là, bien justifiée ?
Tout ce que je possède !
C’est une manière de parler. Je n’aime pas les manières de parler.
Vous ne la croyez donc pas coupable ?
Pas si bête !
Mon cher des Tourbières !
Combien donneriez-vous pour faire d’un vaurien un honnête homme, d’un méchant un bon, un bien bon…, d’un adversaire dangereux un allié sauveur ?
Je donnerais tout ce que le vaurien me demanderait.
Alors prêtez-moi vingt mille francs qui me sont absolument nécessaires… je vous dirai pourquoi… et Jeanne est sauvée !
La vérité pour vingt mille francs, c’est pour rien. Ah ! mon ami… vous la savez donc ?
Pas encore ; mais je vous aiderai à la découvrir. Il y a là dedans du vrai et du faux. Moi, je vais tâcher de savoir le faux ; vous, tâchez de savoir le vrai.
Elle sait tout ?
Oui, mais elle ne dira rien. Voyez Léonard.
Je suis décidé à employer tous les moyens pour la faire parler.
Elle vous permettra d’employer tous les moyens, mais elle ne parlera pas. Vous n’apprendrez rien par elle ; fiez-vous à moi… Je vais courir toute la nuit, je vais à Blois. Ce soir, chez vous, à cinq heures.
Hôtel Wagram. Vous aurez vos vingt mille francs.
Et je redeviendrai galant homme ! Aujourd’hui, à cinq heures trente-trois minutes du soir, éclipse du mauvais sujet… éclipse totale ! Ô vertu ! tu vaux de l’or ! — La voici !… je me sauve.
Scène VII.
Tâchons de mentir comme elle… courage !
Scène VIII.
Veuillez m’excuser, madame, si je viens vous importuner…
Je vous attendais, monsieur de Renneville. (À part.) Je me croyais plus forte…
Comme elle est troublée !
Cet amour me perdra.
Peut-être avez-vous été surprise de ma demande ?
Non. Votre démarche n’a rien qui m’étonne… Vous avez vu votre père, il vous a dit que le récit de cette triste aventure avait été fait par moi… chez moi, et vous venez savoir pourquoi je l’ai racontée… Monsieur de Renneville, je vais vous l’apprendre. (Avec une émotion fiévreuse.) J’ai dénoncé mademoiselle de Clairmont parce que je ne veux pas que vous l’épousiez, et je ne veux pas que vous l’épousiez parce que je vous aime et que l’idée de ce mariage me fait mourir ! Oui, voilà quatre ans que je vous aime ; c’est ma folie, et il faut que cette folie soit bien grande pour m’entraîner à démentir ainsi en un jour tous les efforts de ma vie ; voilà quatre ans que je souffre, et je ne veux pas qu’une petite fille qui ne vous connaît pas, qui ne vous aime que par obéissance, m’enlève en riant cet amour qu’elle n’a pas su acheter comme moi par ses larmes, et vienne sans droits me ravir mes droits, car les souffrances sont les droits suprêmes, et souffrir ce que j’ai souffert, c’est mériter !
Eh quoi ! madame… ces quelques mois passés ensemble à Redcastle…
Oh ! vous ne pouviez me deviner.
Comment pouvais-je espérer… un tel… bonheur ? car vraiment je ne sais pourquoi vous m’apprenez cela d’un air si terrible ; vous dites : Je vous aime, comme on dirait : Je vous déteste ; comme si j’allais me fâcher. Non, non, je ne vous en veux pas de m’aimer, je vous pardonne d’avoir souffert si longtemps pour votre humble esclave, et, je vous le déclare, cette fatale nouvelle que vous me donnez pour m’épouvanter me rend très-heureux.
Oh ! je le crois, mais, non pas comme vous le déclarez… Elle m’aime, dites-vous, et pour empêcher mon mariage elle a calomnié Jeanne ; donc, Jeanne est innocente… et c’est cela qui vous rend très-heureux… Vous l’aimez donc bien ?
Moi !… je l’épouse… mon père a imaginé ce mariage. Mademoiselle de Clairmont est charmante, et je m’intéressais à elle comme à une personne aimable et distinguée. Rien de plus ; mais maintenant que j’apprends que c’est par vous qu’elle est compromise… à cause de moi, vous comprenez qu’elle doit m’intéresser encore davantage, et que l’honneur me commande de faire tout ce qui dépendra de moi pour la justifier. Madame de Blossac, je compte sur vous pour m’aider dans cette tâche généreuse ; vous avez fait le mal, réparez-le.
Je le voudrais, mais comment faire ?… L’histoire est malheureusement vraie…
Vraie ! c’est impossible.
Quelle pâleur ! Il l’adore.
Et comment la savez-vous, cette histoire-là ?
Voilà ce que je ne puis vous dire aujourd’hui. Cette histoire est le secret d’une autre femme, et je l’avais oublié ; mais à cette nouvelle inattendue, jetée tout à coup dans la conversation : « Jeanne se marie, elle épouse M. de Renneville, » ah ! je me suis tout rappelé ; ce souvenir m’est revenu comme une inspiration ; tous les détails de cette nuit romanesque complètement effacés se sont réveillés dans ma mémoire, et emportée par la fureur d’une jalousie folle, j’ai tout révélé.
Si l’aventure est vraie, je ne saurais vous en vouloir, et je fais des vœux pour que Jeanne épouse ce M. Valleray. Est-il marié ?
Je n’en sais rien.
Madame de Clairmont peut arranger cela. Il ne sera pas toujours à Smyrne.
Est-ce qu’il est à Smyrne ?
Certes, sans cela !… (Se calmant.) on l’aurait fait s’expliquer. Son père était préfet à Blois, et madame de Clairmont habitait la maison de la mère de son mari.
De la vieille marquise de Clairmont.
Mais elle était morte, la vieille marquise, à cette époque.
Depuis quelques mois.
Vous la connaissiez ?
Non.
Comment savez-vous si bien qu’elle était morte ?
Oh ! vous êtes étrange !
Quelle rue habitait-elle à Blois ?
Je ne sais pas.
Vous êtes allée à Blois ?
Non. (À part.) Il veut y aller. (Haut.) Avez-vous fini votre interrogatoire ? Vous feriez un excellent juge d’instruction.
C’est que je voudrais bien justifier cette petite, pour n’avoir plus ce remords sur le cœur, et puis pour penser à autre chose.
Eh bien, pour vous secourir, je verrai ce soir cette autre femme qui se trouve mêlée à cette affaire, et tout ce qu’elle me permettra de vous apprendre, je vous le redirai. Êtes-vous content ?
Vous n’êtes pas si méchante que vous croyez, et le motif de cette cruauté est si flatteur… Quand voulez-vous me permettre de revenir pour chercher ces nouveaux renseignements ?
Comme vous dites cela !
C’est que je commence à croire que ce n’est plus qu’un prétexte. Voulez-vous que je revienne demain ?
Non… je ne veux pas que vous reveniez.
Et pourquoi ?
Parce que, si je vous recevais deux fois, je serais perdue. Non, je veux qu’on ne voie ici que des hommes graves, que des vieillards.
Ah ! c’est un régime. Il est sévère.
Non, c’est un système, et il est bon. Je lui dois ma réputation.
Le fait est qu’elle est très-bien établie… On a voulu hasarder quelques doutes, mais on a été repoussé avec indignation.
Que voulez-vous ? le monde est fait ainsi, il demande à être trompé. Si j’étais simplement honnête, il me calomnierait… je suis hypocrite, il le devine, et il me respecte lui-même avec hypocrisie ; nous nous comprenons, lui et moi. Ah ! je le connais… une vertu discrète, véritable, le rendrait jaloux ; s’il admet celle que l’on étale à ses yeux, c’est que son instinct lui dit qu’elle est fausse et qu’elle n’a pas le droit de l’humilier. Sa vénération imméritée est encore une hypocrisie, car ce n’est pas la vertu qu’il aime, c’est la comédie de la vertu ; ce n’est pas une admiration réelle qui convient à son envie, non, non : ce que veut le monde, c’est la comédie de l’admiration pour la comédie de la vertu.
Quelle profondeur ! vous m’épouvantez ! Et, dites-moi, d’où vient que vous dédaignez de la jouer pour moi, cette comédie que vous jouez si bien pour le monde ?
Pourquoi ?… parce que je ne peux pas la jouer pour vous. Je ne sais quel empire vous avez sur moi, mais près de vous j’éprouve le désir, le besoin de la sincérité ; votre présence seule décompose tous mes plans de ruses. Est-ce votre loyauté qui commande à la mienne ? est-ce ma bonne nature, faussée par le monde, que vous faites revivre ? ou bien est-ce l’amour, l’amour qui me métamorphose ? je l’ignore. Ce qu’il y a de certain, c’est que je trouve un charme inexprimable à parler pour la première fois avec franchise ; mon masque est tombé, et je sens avec délices l’air pur et frais sur mon visage. Ma voix, délivrée de sa contrainte, a des accents de naïveté qui me ravissent ; mes regards se relèvent avec orgueil pour exprimer bravement ma pensée ; je plane au-dessus du mensonge, je nage en pleine vérité. Ah ! monsieur de Renneville, quel beau sentiment que l’amour !
Vous m’aimez, et vous ne voulez pas me voir !
Ici, non… mais ailleurs.
C’est mieux.
Hector, pas de fatuité ! ne gâtez pas la seule émotion heureuse de ma vie. C’est avec l’homme que j’aime, que j’appelle, que je rêve depuis tant d’années, que je veux être sincèrement vertueuse ; je serai réellement pour lui ce que je feins d’être pour les autres. Avec vous, Hector, avec vous je serai noble, franche, honnête, digne… ce sera ma volupté.
Quelle étrange femme ! (Haut.) Eh bien ! quand me permettrez-vous de vous voir et…
Je dois partir demain soir.
Alors, demain… et…
Demain, à deux heures, je dois aller chez la duchesse de Cleveland, à l’hôtel Wagram.
J’y demeure aussi. Mon appartement est une dépendance du sien.
Je me tromperai de porte… attendez-moi.
Vous, chez moi… Et si l’on vous reconnaît ?
Qui oserait me reconnaître ?
Mais si on vous arrête ? si un hasard malheureux prouve…
Et si cela me plaît, à moi, de risquer en un moment ma réputation pour vous ; si ce grand péril a pour moi de l’attrait, cet attrait de l’abîme qui séduit toutes les ambitions et tous les amours ? Que penserez-vous de ma tendresse ? Que puis-je faire pour vous ? Quelle preuve de dévouement puis-je vous donner, puisque je ne veux pas être à vous ? Que puis-je imaginer ? Que puis-je offrir ? Je ne possède rien que ma réputation. Eh bien… je la risque… Hélas ! vous la protégerez mieux que moi ; car me compromettre, ce serait vous engager… et… vous ne m’aimez pas !
Il est vrai, j’ai contre vous des préventions sérieuses… je ne vous aime pas… mais…
Mais vous m’aimerez ?…
Vous le croyez ?
Je le sens. L’émotion que j’éprouve est trop violente pour n’être point sympathique. L’amour m’a bien changée, moi ; il vous changera. Il est plus fort que moi, il sera plus fort que vous…
J’en prendrai mon parti.
Mais on peut venir… adieu.
À demain. Vous me donnerez, vous me l’avez promis, tous les renseignements que vous aurez recueillis ?
Oui… à demain !
À demain.
Scène IX.
Que je l’aime !… Ah ! monsieur de Renneville, vous imaginez que c’est une chose toute simple que de recevoir chez vous madame de Blossac ! Vous ne comprenez pas que ce rendez-vous imprudent, fatal, où le noble rôle sera pour moi, deviendra le tourment de toute votre vie. Demain sera le premier jour de mon empire !… Chose étrange ! j’ai causé la mort d’un pauvre jeune homme qui m’aimait, par lâcheté, par la crainte de me compromettre… il me semble que je dois expier ce crime en me compromettant pour un homme que j’aime !… Oh ! que je l’aime !… (Le maréchal paraît au fond.) Le maréchal !
Scène X.
Me voici, me voici… Attends, mon enfant… Je vous amène Jeanne.
Mais sa mère ?…
Elle ne sait rien… mais elle peut courir après elle, il faut qu’elle soit au couvent dans une heure ; partons vite, sinon elle viendra nous la reprendre.
Je vous suis.
Comment ! vous n’êtes pas prête ? Mon oncle qui me disait que j’étais en retard !
Madame Berthollet !…
Je vais l’appeler et demander votre chapeau, votre mantelet. Ma cousine va être bien contente de me voir, je lui apprendrai mon mariage.
Scène XI.
Son mariage !… J’ai donné mes ordres pour mon départ ; demain, à quatre heures, je quitterai Paris. Et vous ?
Demain soir.
Hâtez-vous. Je crains que…
Oui, vous avez raison, et je vais…
Scène XII.
Ma fille ! où est-elle, monsieur le maréchal ? On m’a dit que Jeanne était auprès de vous, je ne la vois pas. Où est ma fille ?
Elle est ici, madame, rassurez-vous.
Sa place n’est pas ici ; je ne veux pas, moi, qu’elle reste ici… Mais je l’entends… c’est elle !…
Je vais la conduire au couvent.
Au couvent ? ma fille au couvent ?…
Monsieur le maréchal, tuteur de Jeanne, a pensé qu’après ce scandale il était prudent…
Le maréchal n’a rien pensé ; c’est vous qui lui avez mis cette idée en tête !
Ma nièce !
Et qui peut vous faire croire, madame, que cette idée vienne de moi ?
C’est que cette idée est infernale et qu’elle déshonore ma fille ! Cacher une jeune personne que l’on calomnie, c’est se rendre complice de ses calomniateurs, c’est la perdre !… Plus on la flétrit, plus il faut qu’elle prouve qu’elle n’a pas honte de se montrer. Demain… aujourd’hui j’ai trop pleuré… demain je mènerai Jeanne dans le monde… demain tous ces horribles mensonges tomberont à sa seule vue.
Je comprends tout ce que le cœur d’une mère, d’une mère passionnée, doit souffrir ; mais, prenez-y garde, madame, Votre zèle imprudent va compromettre tout, et à jamais. M. Charles Valleray sera de retour en France dans quelques mois, et sans doute un mariage…
Charles Valleray ! que parlez-vous de M. Charles Valleray ? Je ne le connais pas.
Mademoiselle votre fille le connaît.
Vous mentez ! ma fille n’a jamais vu cet homme.
Ma nièce, n’insultez pas une personne que j’aime et qui mérite tous vos respects.
L’injustice de cette pauvre mère ne peut me blesser, ses injures sont les cris de sa douleur, je les lui pardonne.
Loin de l’insulter, vous devriez la remercier de sa protection pour votre fille.
Ma fille, protégée par sa plus cruelle ennemie !
Son ennemie ?
Vous ne voyez donc rien ? Cette femme vous rend aveugle.
Cette femme est celle que j’ai choisie, qui doit porter mon nom, je vous ordonne de la respecter devant moi.
Il va l’épouser ! Ah ! tout s’explique !… Elle calomnie ma fille pour le séparer de nous et profiter de son isolement et de sa douleur… C’est très-bien joué, mademoiselle !… (Au maréchal.) Car vous saurez…
Je sais que mademoiselle de Blossac est digne de moi, je n’aurai jamais à rougir d’elle. Je voudrais pouvoir en dire autant de toutes les femmes de ma maison.
Ah ! vous m’accusez aussi, moi !… Il faut que je sois coupable, moi, pour que cette dame seule soit honnête. Mais je la démasquerai…
Occupez-vous de justifier votre fille, vous songerez ensuite à démasquer vos prétendues ennemies… S’il me restait un doute, je serais moins sévère ; mais Léonard….
Léonard, je l’attends ; il va venir ; je saurai de lui toute la vérité. Et malheur à celle qui a calomnié ma fille !
Des menaces ! quand vous devriez courber la tête, mère imprudente !
Monsieur le maréchal, je vous en supplie… vous êtes chez moi….
N’êtes-vous pas déjà de la famille ? Votre-bonté même me la fait paraître plus indigne. (À la comtesse.) Voulez-vous que je conduise Jeanne au couvent ?
Jamais ! Je ne veux pas me séparer de ma fille.
Eh bien ! emmenez-la, que je ne la voie plus. Je ne veux plus sentir dans ma maison ces parents ingrats que j’ai aimés, comblés de bontés, et qui me déshonorent et m’outragent.
Vous me chassez ?
Adieu !
Scène XIII.
Voilà madame Berthollet… Ah ! maman !
Viens, ma fille. Il faut rentrer.
Et le couvent, mon oncle ?
Nous n’irons pas aujourd’hui.
Et ma cousine ?… (Avec chagrin.) Qui est-ce qui lui apprendra mon mariage ?
Viens, ma fille.
Je n’ai plus que vous.