Leçons sur l’intégration et la recherche des fonctions primitives (première édition)/Chapitre III

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CHAPITRE III.

DÉFINITION GÉOMÉTRIQUE DE L’INTÉGRALE.



I. — La mesure des ensembles.

Dans le premier Chapitre, la définition de l’intégrale a été rattachée à celle de certaines aires ; nous allons rechercher si, par une voie géométrique analogue, on peut arriver à la définition générale de Riemann. Nous verrons que cela est possible, de sorte que l’intégrale de Riemann apparaît comme la généralisation naturelle de l’intégrale de Cauchy, que l’on se place au point de vue analytique ou géométrique[1].

Je vais d’abord attacher aux ensembles des nombres qui seront les analogues des longueurs, aires, volumes, attachés aux segments, aux domaines plans ou aux domaines de l’espace. C’est à M. Cantor que l’on doit la première définition de ces nombres ; je vais adopter la méthode d’exposition de M. Jordan qui a simplifié et complété la définition donnée par M. Cantor[2].

Soit un ensemble borné[3] de nombres ou, si l’on veut, de points sur une droite. Soit l’un des intervalles contenant . Divisons en un nombre fini d’intervalles partiels. Soit le maximum de la longueur de ces intervalles. Je désigne par la somme des longueurs des intervalles partiels qui contiennent des points de et par la somme des longueurs de ceux dont tous les points font partie de [4]. Jordan démontre que et tendent vers deux limites parfaitement déterminées quand tend vers zéro. Pour nous, l’existence de ces limites est évidente, car et sont des valeurs approchées des intégrales par excès et par défaut de la fonction égale à 1 pour les points de , nulle pour les autres points[5].

La limite de s’appelle l’étendue extérieure de ,  ; celle de est l’étendue intérieure, .

Quand ces deux étendues seront égales, nous dirons que l’ensemble est mesurable J, c’est-à-dire par le procédé de M. Jordan, et d’étendue[6]

 ;

dans ce cas, la fonction attachée à est intégrable au sens de Riemann et son intégrale dans est .

Interprétons la condition d’intégrabilité de . Les points de discontinuité de sont les points de qui sont limites de points ne faisant pas partie de , et les points limites de qui ne font pas partie de . Ces points sont appelés, par Jordan, les points frontières de  ; leur ensemble est la frontière de . Donc, pour qu’un ensemble soit mesurable J, il faut et il suffit que sa frontière forme un groupe intégrable.

Cette condition peut se transformer si l’on remarque que, par définition, pour un groupe intégrable, tend vers zéro. De sorte qu’un groupe intégrable est un ensemble d’étendue extérieure nulle ou, si l’on veut, un ensemble mesurable J et d’étendue nulle.

La méthode précédente ne pourrait être appliquée aux ensembles formés des points d’un espace à plusieurs dimensions que si nous avions étudié au préalable les intégrales multiples par défaut et par excès. Une telle étude ne présente pas de difficultés, mais il est plus simple d’employer la méthode de M. Jordan qui est, en somme, la démonstration de l’existence de ces intégrales dans le cas particulier de la fonction .

Considérons dans le plan un ensemble de points borné, c’est-à-dire tel que l’ensemble des coordonnées des points de soit borné. Un tel ensemble est tout entier contenu dans un carré convenablement choisi, d’aire . Divisons le plan en petits carrés dont le maximum de la diagonale est . Soient la somme des aires de ceux des carrés qui contiennent des points de et la somme des aires de ceux dont tous les points appartiennent à . et sont plus petites que . Il faut montrer qu’elles tendent vers des limites déterminées quand tend vers zéro ; pour cela, considérons d’abord une suite de divisions , auxquelles correspondent les nombres , et telles que les correspondants tendent vers zéro ; et soit une suite de divisions auxquelles correspondent les nombres et , et telles que les nombres correspondants tendent vers zéro.

Comparons et . Les carrés de sont de deux espèces : les carrés qui contiennent à leur intérieur des points des côtés des carrés de , les autres sont les carrés . Les points des carrés forment un ensemble qui est contenu dans l’ensemble des points distants de moins de de l’un au moins des points des côtés des carrés de .

Si dans , il n’y avait qu’un seul carré de périmètre , cet ensemble serait décomposable en domaines dont la somme des aires, au sens élémentaire du mot, serait pour  ; plus généralement, si dans la somme des périmètres des carrés est , l’ensemble correspondant sera divisible en domaines dont la somme des aires est au plus . Ce nombre est aussi le maximum de la contribution dans des carrés .

Quant aux carrés , ils donnent évidemment une contribution au plus égale à . Donc, on a

,

et cela suffit[7] pour démontrer que et tendent vers une même limite .

Le nombre , dont l’existence vient d’être démontrée, est l’étendue extérieure de ,  ; mais il s’agit ici d’une étendue superficielle. Cette distinction est importante à noter, car tout ensemble de points en ligne droite a une étendue superficielle extérieure nulle et peut avoir une étendue linéaire extérieure quelconque.

On démontrerait de même que et tendent vers une même limite . On peut aussi remarquer que, si à la division et à l’ensemble des points du carré d’aire , qui n’appartiennent pas à , on associe deux nombres et , analogues à et , on a

et l’existence, qui vient d’être prouvée, de la limite de montre l’existence de la limite de . Cette limite est l’étendue superficielle intérieure de , .

Comme pour les ensembles linéaires, on dira qu’un ensemble est mesurable J et d’étendue , si les deux étendues extérieure et intérieure sont égales.

Si nous remarquons que les carrés qui servent dans sans servir dans sont ceux que l’on devrait considérer pour avoir l’étendue extérieure de la frontière de , on voit que la frontière de a pour étendue extérieure  ; de là se déduit la condition nécessaire et suffisante pour qu’un ensemble soit mesurable J.

J’ai déjà employé le mot domaine, il est utile ici de préciser ce qu’il faut entendre par là.

Une courbe est l’ensemble des formules

,, ;

, , sont des fonctions continues définies dans un intervalle fini . Les points de la courbe sont ceux que l’on obtient en donnant à une valeur déterminée quelconque ; les points qui ne correspondent qu’à une valeur de sont dits simples, les autres multiples. Si les deux points correspondant à et sont identiques, la courbe est dite fermée ; si le point , ne correspond à aucune autre valeur de , ce point n’est pas considéré comme multiple.

Si l’on remplace par une fonction toujours croissante ou toujours décroissante de , on obtient une nouvelle courbe qu’on ne considère pas comme différente de la première ; mais deux courbes, auxquelles correspondent le même ensemble de points, peuvent être différentes ; c’est le cas des deux courbes, définies dans , par , , , et par , , .

Dans le cas d’une courbe fermée, on peut faire la transformation et considérer les fonctions de obtenues comme périodiques et de période 1. Alors, pour définir la courbe, il suffira de se les donner dans un intervalle quelconque d’étendue 1 et non plus nécessairement dans (0, 1) ; enfin l’on pourra, dans cet intervalle, remplacer par une fonction toujours croissante ou toujours décroissante de . Toutes les courbes ainsi obtenues sont regardées comme identiques.

M. Jordan a démontré rigoureusement, dans la deuxième édition de son Cours d’Analyse, qu’une courbe fermée sans point multiple sépare le plan en deux régions[8] ; nous admettrons ce résultat.

Les points de la région intérieure constituent ce que l’on appelle le domaine limité par la courbe. Relativement aux points de cette courbe, on peut faire deux conventions, les considérer comme points du domaine ou non, cela a en général peu d’importance.

La frontière d’un domaine est constituée par la courbe fermée qui sert à le définir.

Lorsque les deux étendues extérieure et intérieure d’un domaine sont égales, le domaine est dit quarrable et son étendue superficielle est appelée son aire[9].

Pour qu’un domaine soit quarrable, il faut que sa courbe frontière soit d’étendue extérieure nulle ; une telle courbe est dite une courbe quarrable. Un carré est évidemment quarrable.

De la définition des domaines quarrables, il résulte que rien n’aurait été changé si l’on avait supposé que la division (p. 39) était une division en domaines quarrables de diamètres inférieurs à .

Voici maintenant des exemples des diverses circonstances qu’on vient d’envisager.

Les groupes intégrables nous fournissent un premier exemple d’ensembles mesurables J linéairement. En particulier, l’ensemble (p. 26) est d’étendue extérieure nulle. Il en sera de même, a fortiori, de tout ensemble formé à l’aide des points de  ; tous ces ensembles sont donc mesurables J et d’étendue nulle. Comme a la puissance du continu, il est possible d’établir une correspondance biunivoque entre les points de et ceux d’un intervalle, de sorte qu’à tout ensemble de points de cet intervalle correspond un ensemble de points de  ; donc l’ensemble des ensembles mesurables J a une puissance au moins égale à celle de l’ensemble des ensembles de points et, comme il ne peut évidemment avoir une puissance supérieure, il a exactement cette puissance[10].

Un autre exemple d’ensemble mesurable J linéairement nous est fourni par un nombre fini d’intervalles. Si d’un tel ensemble on retire un groupe intégrable, il reste un ensemble mesurable J, l’étendue n’a pas varié.

On verra facilement que l’ensemble mesurable J le plus général ne diffère d’un ensemble mesurable J, formé par une infinité dénombrable d’intervalles, que par l’addition d’un certain groupe intégrable , et par la soustraction d’un autre groupe intégrable [11].

Il est facile aussi de citer des ensembles mesurables J superficiellement. Tout ensemble borné , se projetant sur l’axe des suivant l’ensemble , de manière qu’à chaque point de ne corresponde qu’un point de , est un ensemble mesurable J de mesure superficielle nulle. Les ensembles de mesure superficielle extérieure nulle jouent, dans la théorie des intégrales doubles, au sens de Riemann, le même rôle que les groupes intégrables sur une droite ; on peut les appeler les groupes intégrables du plan.

Un carré est un ensemble mesurable J superficiellement. À partir de carrés et de groupes intégrables dans le plan, on construit tout ensemble mesurable J du plan comme on l’a fait dans le cas de la droite.

Les groupes intégrables du plan peuvent être assez différents des groupes intégrables de la droite. est, comme , un ensemble discret ; c’est-à-dire qu’on ne peut passer par un chemin continu d’un point à un autre de cet ensemble qu’en passant par des points qui ne sont pas de l’ensemble. Mais un groupe intégrable dans le plan peut être un ensemble continu, c’est-à-dire un ensemble tel que deux quelconques de ses points puissent être joints par une courbe ne passant que par des points de l’ensemble ; nous savons en effet qu’un segment, un polygone, une circonférence, une ellipse sont d’étendue superficielle extérieure nulle.

Les courbes qui sont des groupes intégrables sont celles que nous avons appelées quarrables.

Pour avoir un ensemble non mesurable J, il suffit de prendre un ensemble partout dense qui ne contienne aucun intervalle, s’il s’agit d’un ensemble sur la droite ; qui ne contienne aucun domaine, s’il s’agit d’un ensemble dans le plan ; pour un tel ensemble, en effet, l’étendue intérieure est nulle, l’étendue extérieure ne l’est pas. L’ensemble des points dont les coordonnées (ou la coordonnée) sont rationnelles n’est donc pas mesurable J.

P. du Bois-Reymond a remarqué qu’un ensemble peut être partout non dense sans être mesurable J. Prenons une suite de fractions, , telles que le produit infini soit convergent et différent de zéro ; on prendra, par exemple, . Divisons l’intervalle en trois parties, celle du milieu étant de longueur , les deux extrêmes étant égales. Barrons les points intérieurs à l’intervalle du milieu et opérons sur les deux intervalles restants comme sur , étant remplacé par , et ainsi de suite. Soit l’ensemble des points restant après toutes ces opérations. Si l’on se sert des divisions successives qui ont donné pour calculer l’étendue extérieure de , on voit que cette étendue est , donc qu’elle est différente de zéro. Or l’étendue intérieure est nulle, puisque est partout non dense, n’est pas mesurable J[12].

Une construction tout à fait analogue peut être faite dans le cas du plan ; on pourra, par exemple, diviser un rectangle, par deux séries de trois parallèles à ses côtés, en neuf rectangles et barrer les points intérieurs à celui du milieu, qu’on choisira de manière que son aire soit fois celle du rectangle primitif. Puis on opérera sur chacun des huit rectangles restants en remplaçant par .

Parmi les ensembles non mesurables J dans le plan se trouvent des courbes non quarrables, c’est-à-dire dont l’étendue extérieure n’est pas nulle ; mais toute courbe non quarrable n’est pas nécessairement non mesurable J.

M. Peano a construit le premier une courbe qui passe par tous les points d’un carré ; M. Hilbert a ensuite indiqué une méthode géométrique simple permettant de construire de telles courbes ; toutes ces courbes sont non quarrables[13].

Pour avoir une courbe passant par tous les points du carré , , définie en fonction d’un paramètre variant de 0 à 1, je pose

quand

.

où les sont égaux à 0 ou 2. Alors fait partie de l’ensemble de la page 26.

Soit une valeur de non contenue dans , alors elle fait partie de l’un des intervalles qui ont été enlevés dans la construction de  ; soit cet intervalle. Aux points et de correspondent les valeurs  ;  ; alors on pose, pour tout l’intervalle  :

,

Dans la courbe se réduit donc à un segment.

Notre courbe est complètement définie ; mais, pour parler de courbe, il faut démontrer que et sont des fonctions continues de dans (0, 1). Il suffit évidemment pour cela de le démontrer seulement pour les fonctions et de définies sur . Et cela résulte du fait que, si (appartenant à ) est assez voisin de (appartenant aussi à ), les premiers chiffres de , écrits dans le système de base 3, sont les mêmes que pour , c’est-à-dire que les premiers chiffres de et d’une part, de et de d’autre part, sont les mêmes quand on écrit ces coordonnées dans le système de base 2.

Notre courbe remplit bien tout le carré, elle passe même plusieurs fois par certains points. On démontre facilement qu’il n’en peut pas être autrement[14].

Ce qui vient d’être fait dans le cas d’une et de deux dimensions peut évidemment être répété dans le cas d’un nombre quelconque de dimensions.

En particulier, dans le cas de trois dimensions, on définira le volume d’un domaine. Cela exigerait, au préalable, la définition précise d’une surface fermée et, pour la définition des domaines, des études analogues à celles de Jordan sur les courbes fermées.


II. — Définition de l’intégrale.

Soit une fonction continue positive, définie dans un intervalle positif , et le domaine que nous lui avons attaché (fig. 1, p. 2). Cherchons si ce domaine est quarrable. Pour cela, divisons en intervalles partiels . Le plus grand rectangle, de base et dont tous les points font partie du domaine , a pour hauteur la limite inférieure de dans . Le plus petit rectangle, de base et qui contient tous les points du domaine qui se projettent sur , a pour hauteur la limite supérieure de dans .

De ceci résulte que les deux sommes

,

tendent, quand le maximum des tend vers zéro, vers des limites déterminées qui sont les étendues intérieure et extérieure du domaine. Or tend vers zéro, car les fonctions continues sont à oscillation moyenne nulle ; le domaine est donc quarrable.

Si nous employons la méthode du début, si nous appelons intégrale définie de dans l’aire de , nous retrouvons l’intégrale de Cauchy. Il n’y a, entre cette définition et celle de Cauchy, que des différences de forme.

Dans le cas où n’est pas toujours positive, la courbe rencontre l’axe des un nombre fini ou infini de fois et l’on a deux espèces de domaines, les uns au-dessus de , les autres au-dessous. Chacun de ces domaines est quarrable d’après ce qui précède.

La somme des aires de ceux qui sont au-dessus de , diminuée de la somme des aires de ceux qui sont au-dessous, est, par définition, l’intégrale de [15].

Considérons maintenant une fonction quelconque, définie dans l’intervalle positif . Soit l’ensemble des points dont les deux coordonnées sont liées par la seule condition que ne soit pas extérieur à l’intervalle positif ou négatif . En d’autres termes, on a

et.

L’axe des partage cet ensemble en deux autres : les points situés au-dessus de forment , ceux qui sont au-dessous forment . Quant aux points situés sur , on les mettra indifféremment dans ou , cela importe peu dans la suite, car ils forment un groupe intégrable du plan.

Par analogie avec la définition précédente, il est naturel d’appeler intégrale de la différence

,

lorsque et sont mesurables J.

Lorsqu’un ensemble n’est pas mesurable J, son étendue peut être considérée comme un nombre indéterminé dont les deux limites d’indétermination sont les étendues intérieure et extérieure de l’ensemble ; cela conduit, pour , aux deux limites d’indétermination

,.

Nous allons calculer ces deux limites d’indétermination et pour cela supposons d’abord que n’est jamais négative, c’est-à-dire que ne contient aucun point. Le calcul des étendues intérieure et extérieure de (ou ) se fait comme dans le cas où est continue, c’est-à-dire que ces étendues sont les limites des deux nombres et . Les étendues sont donc les intégrales par défaut et par excès de .

Pour étudier le cas général posons , où est égale à quand est positive ou nulle, et est nulle quand est négative. On a alors, évidemment,

,,
,,

donc

,,

Il est, en général, impossible de remplacer des sommes d’intégrales par excès ou par défaut par les intégrales par excès ou par défaut de la somme (p. 34), parce que le maximum d’une somme est, en général, plus petit que la somme des maxima des termes de la somme, tandis que le minimum est, généralement, plus grand que la somme des minima. Mais ici, dans tout intervalle, le maximum (ou le minimum) de est bien la somme des maxima (ou des minima) de et de . On peut donc écrire

,.

Nous retrouvons ainsi les intégrales de M. Darboux et nous avons leur signification géométrique.

Remarquons que est mesurable J quand et le sont et que, inversement, si est mesurable J, et le sont aussi. Ainsi, notre définition géométrique de l’intégrale s’applique lorsque est mesurable J ; mais, dans ce cas, et dans ce cas seulement, et sont égaux, c’est-à-dire que les intégrales et sont égales, donc :

Pour qu’une fonction bornée soit intégrable au sens de Riemann, il faut et il suffit que soit mesurable J superficiellement ; dans ce cas, l’on a

.

La définition géométrique de l’intégrale est entièrement équivalente à la définition analytique donnée par Riemann.

  1. Dans ce qui suit, je suppose définie la longueur (euclidienne) d’un segment et l’aire (euclidienne) d’un polygone.

    Pour éviter toute difficulté, il est commode de considérer un point comme un ensemble de trois nombres , ,  ; un déplacement comme un changement de coordonnées dont les coefficients sont assujettis aux conditions connues. Alors, par définition, la distance des deux points , est

    .

    La fonction ainsi définie est, à un multiplicateur constant près, la seule fonction de deux points qui reste invariable dans les déplacements et telle que l’on ait

    ,

    lorsque est sur le segment . C’est de là que vient l’importance du nombre longueur.

    L’aire d’un polygone est définie par les théorèmes de la Géométrie élémentaire ; l’importance de ce nombre se justifie comme celle de la longueur. (Voir la Géométrie élémentaire de M. Hadamard, note D, ou encore la Géométrie de MM. Gérard et Niewenglowski.)

  2. Dans le cas d’un ensemble de points dans l’espace, la définition qu’emploie M. Cantor (Acta mathematica, t. IV) peut être énoncée ainsi : De chaque point d’un ensemble comme centre traçons une sphère de rayon  ; l’ensemble des points intérieurs à ces sphères forme un ou plusieurs domaines dont on a le volume (au sens ordinaire du mot) par une intégrale triple. Soit ce volume ; la limite de , quand tend vers zéro, est le volume de .

    Cette définition est équivalente à celle de l’étendue extérieure donnée par Jordan (t. I de la 2e édition de son Cours d’Analyse).

    Minkowski s’est servi du nombre . Dans le cas où est formé de points d’une courbe, Minkowski considère le rapport  ; s’il a une limite, c’est ce que Minkowski appelle la longueur de la courbe. L’aire d’une surface se définit par le rapport .

    On voit que le nombre peut rendre des services dans la théorie des ensembles. Ce qui précède semble montrer qu’il peut être employé de différentes manières suivant le nombre de dimensions de  ; d’ailleurs, M. Cantor indiquait dans son Mémoire que la notion de volume lui servait dans la définition du nombre des dimensions d’un ensemble continu. Dans beaucoup de questions, il semble qu’une telle définition serait fort utile, malheureusement M. Cantor n’a pas publié ses recherches sur ce sujet.

  3. C’est-à-dire dont tous les nombres sont compris entre deux limites finies.
  4. On peut donner deux sens aux deux expressions « un intervalle contient des points » et « tous les points d’un intervalle » comme au mot « enfermé » (voir note 1, p. 26). Il est indifférent d’adopter l’un ou l’autre.
  5. M. de la Vallée-Poussin définit les étendues extérieure et intérieure à l’aide de .
  6. C’est à dessein que le mot étendue est employé ici ; le mot mesure, que l’on emploie souvent comme synonyme d’étendue, sera défini plus loin.
  7. Comparez avec le raisonnement de la page 23.
  8. Voir aussi le Traité d’Analyse de M. de la Vallée-Poussin.
  9. D’ailleurs, quelques auteurs emploient toujours, à la place des mots étendue linéaire et étendue superficielle, les mots longueur et aire.
  10. Il est fait usage ici d’un théorème très important sur la comparaison des puissances dont on trouvera dans la Note I des Leçons sur la théorie des fonctions de M. Borel une démonstration due à M. Bernstein. Ce théorème est souvent utile ; on peut l’énoncer ainsi :

    Si un ensemble contient un ensemble et est contenu dans un ensemble , et ayant même puissance, , , ont même puissance.

  11. Si par points d’un intervalle on entend les points intérieurs à cet intervalle, la considération de est même inutile.
  12. Si l’on avait , on aurait l’ensemble qui est mesurable J, parce que est nul.
  13. Peano, Sur une courbe qui remplit toute une aire (Math. Ann., Bd XXXVI). — Hilbert, Ueber die stetige Abbildung einer Linie auf ein Flächenstück (Math. Ann., Bd XXXVIII).
  14. On trouvera, au Chapitre VII (§ V), un exemple de l’emploi qu’on peut faire dans certains raisonnements de la courbe de Peano et des courbes analogues.

    La courbe de Peano est mesurable J et d’étendue non nulle, elle ne peut servir à limiter un domaine. Il existe des courbes sans point multiple et non quarrables ; ces courbes ne sont pas mesurables J, elles peuvent servir à limiter des domaines non quarrables. Voir W.-F. Osgood, A Jordan curve of positive area (Trans. of the Amer. Mat. Soc., 1903) ou H. Lebesgue, Sur le problème des aires (Bull. de la Soc. math. de France, 1903).

  15. Les deux sommes ou séries qui figurent dans cette définition existent bien, puisque l’ensemble de tous les domaines peut être enfermé dans une circonférence de rayon fini.