Leçons sur l’intégration et la recherche des fonctions primitives (première édition)/Chapitre IV

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CHAPITRE IV.

LES FONCTIONS À VARIATION BORNÉE.



I. — Les fonctions à variation bornée.

La notion de mesure linéaire est une généralisation de la notion de longueur d’un segment, une autre généralisation conduit à la définition de la longueur d’un arc de courbe. En étudiant les questions relatives à la rectification des courbes, nous aurons l’occasion d’appliquer quelques-uns des résultats que nous avons obtenus sur l’intégrale ; nous verrons, en même temps, l’importance d’une classe de fonctions définies par M. Jordan : les fonctions à variation bornée.

Soit une fonction bornée[1] définie dans un intervalle positif fini . Partageons à l’aide des points

 ;

la somme

est ce que l’on appelle la variation de pour le système de points , , …, . Si, quel que soit le système des points de division, est bornée, la fonction est dite à variation totale finie ou, simplement, à variation bornée. La variation totale finie ou infinie est, par définition, la plus grande limite de , quand le maximum de la longueur des intervalles partiels employés tend vers zéro. Il est à remarquer que si, entre les points de division choisis, on intercale de nouveaux points, on augmente ou, du moins, on ne le diminue pas ; en intercalant ainsi indéfiniment de nouveaux points, de manière que tende vers zéro, on a une suite de nombres tendant vers une limite, finie ou non, qui est au moins égale au nombre dont on est parti. On peut donc dire que la variation totale de est la limite supérieure de l’ensemble des nombres [2].

On voit aussi très simplement que, dans les définitions précédentes, on peut remplacer par

,

est l’oscillation de dans , les extrémités comprises.

À cause de cette propriété, quelques auteurs appellent les fonctions qui nous occupent fonctions à oscillation totale finie ; l’oscillation totale étant la limite supérieure des .

Une fonction à variation bornée est intégrable ; elle est, en effet, à oscillation moyenne nulle, puisque cette oscillation est la limite, quand tend vers zéro, de

,

étant l’oscillation totale de .

L’intégrabilité résulte aussi de cette proposition évidente : les points en lesquels une fonction à variation bornée a une oscillation supérieure à () sont en nombre fini et, par suite, forment bien un groupe intégrable.

Choisissons des nombres , , …, qui tendent vers zéro en décroissant. Les points en lesquels l’oscillation est supérieure à sans être supérieure à sont en nombre fini, de sorte qu’une fonction à variation bornée a au plus une infinité dénombrable de points de discontinuité.

La réciproque n’est pas vraie ; il existe même des fonctions continues à variation non bornée.

L’oscillation d’une somme étant, dans un intervalle quelconque, au plus égale à la somme des oscillations de et dans cet intervalle, l’oscillation totale de est, au plus, la somme des oscillations totales de et . Donc la somme de deux fonctions à variation bornée est une fonction à variation bornée.

Des raisonnements analogues permettraient de démontrer que les opérations effectuées aux pages 30, sur des fonctions intégrables, donnent des fonctions à variation bornée quand elles sont effectuées sur des fonctions à variation bornée.

Mais il n’est pas vrai qu’une série uniformément convergente de fonctions à variation bornée donne nécessairement une fonction à variation bornée. La propriété qui remplace celle-là est la suivante :

La limite vers laquelle tend (uniformément ou non) une suite de fonctions à variations totales au plus égales à est une fonction dont la variation totale est au plus égale à .

En effet, prenons une division de l’intervalle ; la variation correspondante pour les termes de la suite tend vers la variation relative à la fonction limite et à la division employée ; donc, cette variation est au plus égale à et il en est de même de la variation totale de la fonction limite.

Ce qui précède nous permettrait de citer des fonctions à variation totale bornée. Une fonction croissante est, en effet, une fonction à variation totale finie et égale à  ; de même, une fonction décroissante est à variation bornée. Par suite, la différence de deux fonctions croissantes est une fonction à variation bornée. Nous allons démontrer maintenant la réciproque : toute fonction à variation bornée est la différence de deux fonctions jamais décroissantes.

Reprenons la variation

,

et soit la somme de celles des quantités qui sont positives et la somme de celles qui sont négatifs. On a évidemment

,,

d’où

,,

est la variation positive pour la division choisie, la variation négative. Les deux dernières égalités montrent que les limites supérieures , , , de , , , que l’on appelle variation totale, variation totale positive, variation totale négative, sont liées par les mêmes relations que , , .

Ceci posé, soient , , les trois variations totales dans , (), on a

.

Mais et ne peuvent pas décroître quand croît, donc le théorème annoncé est démontré.

On a, de plus,

Une fonction à variation bornée peut être mise d’une infinité de manières sous la forme d’une différence de deux fonctions croissantes. Si l’on ajoute à et une même fonction non décroissante, on obtient deux fonctions non décroissantes et telles que l’on ait

.

On voit facilement que les fonctions non décroissantes et les plus générales satisfaisant à cette égalité sont celles qui viennent d’être construites.

Pour calculer la variation totale d’une fonction discontinue comme limite d’une suite de variations , il faut choisir d’une manière très particulière les points de division ; par exemple, pour une fonction qui est partout nulle, sauf à l’origine, il faut que l’origine soit un point de division. Pour les fonctions continues, on a cette propriété : la variation d’une fonction continue, relative à une division quelconque, tend uniformément vers la variation totale de cette fonction quand le maximum de la longueur des intervalles employés tend vers zéro.

Soient, en effet, deux suites de divisions  ; pour lesquelles les tendent vers zéro, et soit la valeur de pour . Le maximum de l’oscillation de dans un intervalle d’étendue est un nombre qui tend vers zéro avec . Comparons les variations , relatives à et .

Les intervalles de étant toujours partagés en deux classes, soient ceux qui ne contiennent aucun des points de division de . Considérons tous ceux des qui sont entre et , ils couvrent un intervalle dont l’origine est entre et et dont l’extrémité est entre et . Les valeurs de pour cette origine et cette extrémité diffèrent de au plus des nombres , . La contribution dans des intervalles considérés est donc au moins

,

et la contribution de tous les dans est au moins égale à

,

si les points de division de sont en nombre . On a, à plus forte raison,

,

et l’une quelconque des limites des est au moins égale à l’une quelconque des limites des . Mais on peut permuter et , donc les et les tendent vers une même limite bien déterminée.

Voici une conséquence immédiate de cette propriété : les trois variations totales d’une fonction continue à variation bornée sont des fonctions continues. Il suffit de le démontrer pour puisque et s’expriment immédiatement à l’aide de et de .

Pour calculer , j’emploie une division  ; la variation correspondant à cette division est égale à celle correspondant à plus , est donc au plus égale à

 ;

et, puisque tend vers zéro quand on fait tendre vers zéro le maximum des , est au plus égale à . Mais est une fonction croissante, donc on a

,

la fonction est continue à gauche.

Étudions la variation totale de entre et , () ; cette variation totale est évidemment égale à

.

Considérée comme fonction de , elle est continue à gauche de  ; donc, en tant que fonction de , elle est continue à droite de . La fonction est donc continue.

La seconde partie de cette démonstration suppose essentiellement que la fonction est à variation bornée. Si devenait brusquement infinie pour , et nous verrons que cela est possible, le symbole n’aurait aucun sens pour .

Puisque et sont des fonctions continues, toute fonction continue à variation bornée est la différence de deux fonctions continues non décroissantes.

La variation , pour la division , a été définie seulement dans le cas où ne contient qu’un nombre fini d’intervalles ; pour la suite, il est utile d’étudier un cas où comprend une infinité d’intervalles. C’est le cas où les points de division de forment un ensemble fermé réductible  ; alors nous appellerons variation , pour cette division, la somme de la série , étendue à tous les intervalles contigus[3] à .

Nous allons comparer l’ensemble des variations qui viennent d’être définies à l’ensemble des variations antérieurement définies.

L’ensemble des contient l’ensemble des , donc la limite supérieure de l’ensemble des est au moins égale à la limite supérieure de l’ensemble des . Il suffira de démontrer que est toujours inférieure à la variation totale pour qu’il soit prouvé que la limite supérieure des est la variation totale .

Soit un intervalle contigu à . Soient et deux points situés dans  ; la contribution de dans est au plus égale à celle qu’elle fournit dans , puisque ne contient qu’un nombre fini de points dans . Faisons tendre les points et vers et , la proposition reste vraie et l’on trouve que fournit dans une contribution au moins égale à celle qu’il donne dans .

On prouvera de même que la proposition est vraie dans un intervalle contigu à , ou  ; mais l’un des dérivés de étant nul dans , la proposition est vraie pour .

Ainsi les peuvent remplacer les .

Lorsqu’il s’agit d’une fonction continue, le nombre , comme le nombre , tend uniformément vers la variation totale, quand le maximum de la longueur des intervalles contigus à tend vers zéro.

La série étant convergente, la série , étendue à tous les intervalles contigus à , est absolument convergente. On peut donc parler de la somme de ses termes positifs et de la somme de ses termes négatifs, ces deux sommes peuvent servir à définir et quand .

Il est important de remarquer qu’on ne peut pas remplacer l’ensemble réductible par un ensemble non dense quelconque sans que certaines des propriétés précédentes cessent d’être vraies. Soit, en effet, la fonction définie par

,

quand

,

où les sont égaux à 0 ou à 2. appartient alors à l’ensemble . On vérifie immédiatement que, pour les deux extrémités d’un intervalle contigu à , prend la même valeur ; nous assujettissons à rester constante dans un tel intervalle. est maintenant partout définie ; c’est une fonction non décroissante et, cependant, on trouvera zéro pour , si, parmi les points de division employés, se trouvent les points de .

Je terminerai en donnant quelques exemples des diverses particularités qui ont été signalées.

La fonction est égale à pour , donc, si l’on emploie ces valeurs de pour calculer dans l’intervalle , on trouve

,

et la fonction est à variation non bornée bien qu’elle soit continue. Pour une fonction continue nulle pour négatif, égale à

pour positif, la variation totale de −1 à saute brusquement de 0 à quand dépasse la valeur 0. La fonction a une infinité de maxima et de minima, mais cette condition ne suffit pas pour qu’une fonction soit à variation non bornée. La fonction admet un maximum ou un minimum, et un seul, dans chaque intervalle  ; si l’on remarque que la valeur absolue de ce maximum ou de ce minimum est au plus on voit que la fonction est à variation totale finie au plus égale à . Les deux fonctions précédentes n’ont une infinité de maxima et de minima que dans le voisinage de l’origine ; si l’on veut qu’il en soit ainsi autour de tout point, il faut appliquer le principe de condensation des singularités. Il est nécessaire d’employer ce principe d’une façon assez particulière parce que la limite vers laquelle tendent uniformément des fonctions à variation bornée peut être à variation non bornée et parce que les maxima et minima ne se conservent pas dans l’addition. Considérons les deux fonctions, définies dans (−1, +1),

, ;

l’une et l’autre s’annulent pour −1 et +1, la première est à variation totale infinie, la seconde à variation totale bornée. désignera l’une ou l’autre de ces deux fonctions.

a une infinité de maxima et de minima qui se présentent quand appartient à un certain ensemble .

est une fonction continue qui s’annule aux points de et qui, dans l’intervalle de deux points consécutifs de , est égale à

.

a même variation totale que parce que, dans , la variation totale de est .

La fonction a, dans chaque intervalle , une infinité de maxima et de minima ; en effet, si , elle est à variation non bornée dans et si , a une dérivée bornée dans , tandis que la dérivée de prend toutes les valeurs positives et négatives. Soit l’ensemble des valeurs de pour lesquelles est maximum ou minimum.

En opérant, à partir de , comme à partir de , on formera , d’où et [4].

En continuant ainsi, on définit les différents termes de la série

,

qui est uniformément convergente, car est inférieure à 1.

La fonction continue a des maxima et des minima dans tout intervalle. Dans un intervalle quelconque , en effet, pourvu que soit assez grand, il y a plus de deux points de . Supposons qu’il y ait les trois points consécutifs , , de , étant égale à pour ces trois points, aura un maximum ou un minimum, au moins, entre et , suivant que correspond à un maximum ou à un minimum.

De là résulte aussi que la variation totale de est au moins égale à celle de , donc est à variation non bornée dans tout intervalle si . Au contraire si , la variation totale de étant finie et inférieure à , est à variation bornée dans tout intervalle (voir p. 51).

Occupons-nous maintenant des fonctions discontinues à variation bornée.

Voici une propriété des points singuliers, qu’il était facile d’ailleurs de mettre directement en évidence, et qui résulte immédiatement de la construction de la fonction à variation bornée la plus générale à partir de deux fonctions croissantes : tous les points de discontinuité d’une fonction à variation bornée sont de première espèce.

Soit un point de discontinuité ; la quantité

est le saut de la fonction à gauche de  ;

est le saut à droite de , enfin

est le saut au point .

Ceci posé, considérons la fonction des sauts de

,

où chacune des séries contient tous les qui satisfont à l’inégalité placée au-dessous du signe correspondant. On verra aisément que ces deux séries sont absolument convergentes et que, si l’on pose

,

est une fonction continue à variation bornée ; la variation totale de étant la somme de celles de et de .

La fonction discontinue la plus générale qui soit à variation bornée s’obtient donc, soit en faisant la différence de deux fonctions discontinues croissantes, soit en ajoutant à une fonction continue à variation bornée la fonction des sauts . Cette seconde méthode montre qu’on peut construire des fonctions à variation bornée en choisissant à volonté l’ensemble dénombrable des points de discontinuité, et même les sauts de droite et de gauche et , pourvu que les séries , soient absolument convergentes.

Par exemple, l’ensemble des points de discontinuité pourra être l’ensemble des nombres rationnels, les sauts étant, quand s’écrit sous forme irréductible,

,.


II. — Les courbes rectifiables.

Soit une courbe définie dans

,,.

Considérons un polygone inscrit dans cette courbe et dont les sommets, dans l’ordre où ils se rencontrent sur , correspondent à des valeurs croissantes de [5], . On peut considérer comme une courbe définie dans à l’aide de fonctions égales à pour les valeurs de .

Ceci posé, soient deux suites de polygones inscrits dans , et , choisis tels que le maximum des différences tende vers zéro avec d’une part, avec d’autre part. La longueur d’un polygone étant la somme des longueurs de ses côtés, nous allons comparer la longueur de à celle de .

Supposons que deux sommets consécutifs de correspondent à et . Les points de , , qui correspondent à ces valeurs de tendent, quand augmente indéfiniment, vers  ; la plus petite des limites, pour infini, de la longueur de l’arc est donc au moins égale à la longueur du côté . Mais ceci est vrai pour chaque côté, et la plus petite limite des est au moins égale à . Par suite les longueurs et tendent vers la même limite quand et augmentent indéfiniment, et elles sont toujours inférieures à leur limite.

Lorsque le maximum de la longueur des côtés d’un polygone inscrit dans une courbe tend vers zéro, la longueur de ce polygone tend vers la limite supérieure des longueurs des polygones inscrits dans la courbe. C’est cette limite que l’on appelle la longueur de la courbe.

Une courbe est dite rectifiable si elle est de longueur finie. L’étude des courbes rectifiables a été entreprise par Ludwig Scheeffer[6], puis continuée par Jordan[7] à qui l’on doit le résultat suivant :

Pour qu’une courbe soit rectifiable, il faut et il suffit que les fonctions qui la définissent soient à variation bornée.

En effet, un côté quelconque d’un polygone inscrit dans la courbe est de longueur au moins égale à chacune des projections de ce côté sur les axes, et de longueur au plus égale à . Mais la somme des projections est la variation de la fonction pour les valeurs de correspondant aux sommets[8]. La longueur du polygone est donc supérieure à , et et inférieure à  ; la propriété est démontrée.

De plus la longueur de l’arc de à () d’une courbe rectifiable est une fonction continue non décroissante de , puisque l’accroissement de cet arc, dans un intervalle quelconque, est compris entre les accroissements de et .

Pour calculer la longueur d’une courbe, on pourra se servir de polygones ayant une infinité de sommets correspondant à des valeurs de formant un ensemble réductible ; car le raisonnement du début s’applique à ces polygones.

Une courbe rectifiable plane est quarrable, car si on la divise en morceaux de longueur égale à , chacun d’eux peut être enfermé dans une circonférence de rayon , et la sommet des aires de ces cercles tend vers zéro avec .

Supposons que aient des dérivées intégrables ; alors sont aussi intégrables, car on peut écrire

,,

et si l’on élève au carré ou si l’on prend la racine carrée arithmétique d’une fonction intégrable, on ne cesse pas d’avoir des fonctions intégrables.

Si , sont les limites inférieures et supérieures de dans un intervalle , les sommes telles que , étendues à une division quelconque de en intervalles partiels, tendent vers zéro quand les intervalles employés tendent vers zéro.

La corde a une longueur qui vérifie les inégalités

.

Donc un polygone inscrit a une longueur comprise entre les sommes , correspondantes. Si l’on fait tendre vers zéro, les longueurs des côtés du polygone et tendent vers une même limite, car l’on a

La limite de et est la longueur de la courbe. Mais, puisque l’intégrale , qui existe d’après nos hypothèses, est toujours comprise entre et , nous pouvons conclure que, si existent et sont intégrables, la longueur de l’arc est

.

Le raisonnement précédent montre aussi que si existe sans être intégrable, et nous verrons que cela est possible, la longueur de la courbe est comprise entre les intégrales par défaut et par excès de .

Nous obtiendrons la généralisation de cette proposition, ainsi qu’un résultat relatif au cas où est une dérivée, à l’aide des considérations qui suivent.

On suppose que existent ; alors, du point , quel qu’il soit, comme origine, on peut tracer une corde dont la longueur diffère de , de la quantité  ; et nous pouvons même assujettir à être inférieur à une certaine quantité donnée à l’avance .

La courbe étant définie dans , du point comme origine, nous pouvons tracer une corde remplissant les conditions indiquées ; elle correspond à . De nous pouvons tracer une nouvelle corde qui correspond à et ainsi de suite. Si après un nombre fini d’opérations on arrive en , la construction est ainsi achevée. Sinon les ont un point limite à partir duquel, comme origine, on peut tracer une corde , puis de on trace et ainsi de suite. Si l’on n’atteint pas , on se rapproche d’un point limite , à partir duquel on opère de même qu’à partir de .

On a ainsi des intervalles dont les origines ont pour indices les différents nombres finis et transfinis . Il faut démontrer qu’on arrivera en avant d’avoir épuisé la suite des nombres transfinis, c’est-à-dire à l’aide d’une infinité dénombrable d’intervalles . Cela est tout à fait évident, car il n’y a pas plus de intervalles de longueur supérieure à , et tous les intervalles, étant supérieurs en longueur à l’un des nombres , forment un ensemble fini ou dénombrable.

L’ensemble des valeurs est réductible, puisqu’il est fermé et dénombrable ; donc on peut se servir des cordes tracées pour évaluer la longueur de la courbe. La somme des longueurs de ces cordes diffère de la somme

,

au plus de

.

Si nous faisons tendre simultanément et vers zéro, tend vers zéro, la somme des longueurs des cordes tend vers la longueur de la courbe, tend donc vers . Mais, d’après la forme de , on peut écrire, si est bornée,

.

Supposons maintenant que , bornée ou non, soit la dérivée d’une fonction . Si nous avons choisi chaque intervalle de manière qu’il satisfasse, non seulement aux conditions précédemment indiquées, mais encore, ce qui est possible, à l’inégalité

,

tend vers l’accroissement de dans quand et tendent simultanément vers zéro. On a donc

.

La longueur de l’arc est l’accroissement de la fonction .

J’appelle l’attention sur la construction employée dans la démonstration précédente.

Je suppose qu’un procédé, permettant de construire un ou plusieurs intervalles ayant pour origine un point quelconque , ait été indiqué. Je dirai qu’un intervalle a été couvert, à partir de , par une chaîne d’intervalles choisis parmi les intervalles définis par le procédé donné, lorsqu’on aura construit par ce procédé un intervalle d’origine , puis un intervalle d’origine , etc., puis, si cela est nécessaire, un intervalle dont l’origine est la limite de , et ainsi de suite. Il a été démontré qu’on arrive ainsi nécessairement à atteindre au bout d’un nombre fini ou d’une infinité dénombrable d’opérations, de sorte que la chaîne construite couvrira bien tout [9].

  1. Il est d’ailleurs évident qu’une fonction non bornée ne peut satisfaire aux définitions qui suivent.
  2. Et non plus la limite supérieure d’indétermination de la limite des nombres .
  3. Un intervalle est dit contigu à un ensemble s’il ne contient pas de points de et si ses extrémités font partie de ou de . La dénomination d’intervalle contigu est due à M. R. Baire.
  4. Pour être tout à fait rigoureux, il faudrait démontrer que la somme des longueurs des intervalles contigus à , intervalles qui jouent le rôle des , est égale à 2 comme la somme des différences . Cela est presque évident et résulte, si l’on veut, de ce que est d’étendue extérieure nulle.
  5. Quand nous parlerons d’un polygone inscrit dans une courbe, nous supposerons toujours cette dernière condition remplie.
  6. Allgemeine Untersuchungen über Rectification der Curven (Acta mathematica, t. V).
  7. Cours d’Analyse, t. I, 2e édition. Scheeffer et Jordan ont aussi examiné le cas où ne sont pas continues.
  8. La courbe , qui sert dans ce raisonnement, est dite la projection sur de la courbe donnée ; la projection sur est .
  9. Lorsque le procédé donné fait correspondre plusieurs intervalles à une même origine , il faut choisir entre tous ces intervalles celui qu’on appellera . Ce choix peut être fait arbitrairement si la nécessité de choisir ne se présente qu’un nombre fini de fois. Si elle se présente un nombre infini de fois, pour éviter les difficultés qui surgissent de l’emploi des mots « choisir une infinité de fois », il vaut mieux supprimer le choix en indiquant suivant quelle loi on déterminera parmi tous les intervalles possibles. Dans la démonstration précédente, on pourra assujettir chaque intervalle à être le plus grand qui satisfasse aux conditions imposées ; il y a bien d’ailleurs, dans l’ensemble de ces intervalles, un intervalle plus grand que tous les autres.