Leçons sur l’intégration et la recherche des fonctions primitives (seconde édition)/Chapitre I

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CHAPITRE I.

L’INTÉGRALE AVANT RIEMANN.



I. — L’intégration des fonctions continues.

L’intégration a été définie tout d’abord comme l’opération inverse de la dérivation ; c’est l’opération permettant de résoudre le problème des fonctions primitives :

Trouver les fonctions qui admettent pour dérivée une fonction donnée .

On sait que, si ce problème est possible, il l’est d’une infinité de manières, et que toutes les fonctions primitives d’une même fonction ne diffèrent que par une constante additive. Ce qu’on se propose, c’est de trouver l’une quelconque des fonctions .

À l’époque où le problème des fonctions primitives fut posé sous la forme que j’indique, c’est-à-dire à l’époque de Newton et de Leibnitz, le mot fonction avait un sens assez mal défini. On appelait ainsi, le plus souvent, une quantité liée à la variable par une équation où intervenait un certain nombre des symboles d’opérations que l’on avait l’habitude de considérer. Les principales de ces opérations étaient : les opérations arithmétiques (addition, soustraction, multiplication, division, extraction de racines), les opérations trigonométriques (avec les signes sin, cos, tang, arc sin, arc cos, arc tang), les opérations logarithmiques et exponentielles (avec les signes log, ).

Pour un grand nombre de fonctions exprimées de cette manière on avait pu exprimer les fonctions primitives de la même manière, de sorte qu’il apparaissait comme certain que toute fonction admet une fonction primitive. D’ailleurs on pouvait répondre à qui doutait de cette proposition.

Soit (fig. 1) la courbe , représentant la fonction Fig. 1.
Figure 1 : Calcul de l’intégrale par la méthode des rectangles.
donnée  ; les axes sont rectangulaires. Supposons, pour simplifier, positive ; soient , deux parallèles à l’axe des , d’abscisses et . Ces deux parallèles, l’arc de , le segment de , limitent un domaine d’aire . En évaluant l’accroissement de cette aire, on voit que est la dérivée de [1].

Remarquons que dans les considérations précédentes le mot fonction a déjà reçu une extension considérable. La relation entre et est en effet une relation géométrique et non plus une relation algébrique-trigonométrique-logarithimique. De telles relations étaient encore considérées comme définissant des fonctions ; seulement, on distinguait soigneusement entre les figures géométriques définies à l’aide de lois exprimables par des égalités géométriques et les figures qui n’étaient pas définies ainsi. Les courbes de la première espèce ou courbes géométriques définissaient des fonctions  ; les courbes de la seconde espèce ou courbes arbitraires ne définissaient pas de vraies fonctions. Lorsqu’on employait le mot fonction pour ces deux espèces de correspondances entre et , on distinguait les premières en les appelant fonctions continues[2].

Il y avait aussi une catégorie intermédiaire de fonctions, celles qui étaient représentées à l’aide de plusieurs arcs de courbes géométriques ; on les considérait plus volontiers comme formées de parties de fonctions.

Les fonctions continues étaient les vraies fonctions. On donnait ainsi au mot fonction un sens assez restreint parce qu’on croyait que toute fonction continue, définie géométriquement ou non, était représentable par une expression analytique, de la nature de celles dont il a été parlé précédemment, et qu’on croyait cela impossible pour les fonctions non continues.

Mais Fourier montra que les séries trigonométriques, qui pouvaient être employées dans des cas étendus à la représentation des fonctions continues, pouvaient servir aussi à la représentation de fonctions non continues formées de parties de fonctions. En particulier, une fonction nulle de 0 à π, égale à 1 de π à 2π, admet un développement trigonométrique convergent. Le seul critère permettant de distinguer les vraies fonctions des fausses disparaissait. Il fallait, ou bien étendre le sens du mot fonction, ou bien restreindre la catégorie des expressions algébriques, trigonométriques, exponentielles qui pouvaient servir à définir des fonctions.

Cauchy remarqua que les difficultés qui résultent des recherches de Fourier se présentent même lorsqu’on ne se sert que d’expressions très simples, c’est-à-dire que, suivant le procédé employé pour donner une fonction, elle apparaît comme continue ou non. Cauchy cite, comme exemple, la fonction égale à pour positif, à pour négatif. Cette fonction n’est pas continue, elle est formée de parties des deux fonctions continues et  ; elle apparaît au contraire comme continue quand on la note .

Pour conserver aux mots fonction continue leur sens primitif, il aurait donc fallu ne considérer que des expressions analytiques très particulières[3] ; Cauchy préféra modifier considérablement les définitions.

Pour Cauchy est fonction de quand, à chacun des états de grandeur de , correspond un état de grandeur parfaitement déterminé de .

Cette définition paraît la même que celle donnée plus tard par Riemann, mais en réalité les correspondances que Cauchy considère sont encore celles qu’on peut établir à l’aide d’expressions analytiques, car, après avoir défini les fonctions, Cauchy ajoute : les fonctions sont dites explicites si l’équation qui lie à est résolue en , et implicites si cela n’a pas lieu. Le fait que les correspondances sont établies à l’aide d’expressions analytiques n’intervient jamais dans les raisonnements de Cauchy, de sorte que les propriétés obtenues par Cauchy s’appliquent immédiatement ainsi que leurs démonstrations aux fonctions satisfaisant à la définition de Riemann[4].

Pour Cauchy, une fonction est continue pour la valeur si, quel que soit le nombre positif , on peut trouver un nombre tel que l’inégalité entraîne

 ;

la fonction est continue dans si la correspondance entre et peut être choisie indépendamment du nombre , quelconque dans .

On reconnaît là les définitions aujourd’hui classiques.

Pour démontrer l’existence des fonctions primitives des fonctions continues, il suffit de reprendre la démonstration géométrique indiquée précédemment. Dans cette démonstration on a fait appel à la notion d’aire. Cette notion, déjà assez délicate lorsqu’il s’agit de domaines limités par des courbes géométriques simples comme le cercle ou l’ellipse, le devient plus encore lorsqu’il s’agit des domaines intervenant dans la démonstration qui nous occupe.

Les courbes qui limitent ces domaines ne sont plus nécessairement des courbes géométriques, elles peuvent être formées de parties de courbes géométriques () ; on sait donc qu’elles peuvent être compliquées sans savoir où s’arrête cette complication. Aussi Cauchy crut devoir préciser ce que l’on doit entendre par le nombre de la démonstration précédente ; il lui suffit pour cela de reprendre les opérations qui servaient ordinairement à calculer des valeurs approchées de considérée comme aire et de démontrer que ces calculs conduisaient à un nombre limite[5]. On a ainsi la démonstration maintenant classique de l’existence des fonctions primitives.

Soit l’intervalle que nous considérons. Divisons en intervalles partiels à l’aide des nombres croissants

 ;

et formons la somme

,

est un nombre quelconque compris entre et . On démontre que tend vers un nombre déterminé quand le maximum de tend vers zéro d’une manière quelconque.

Le nombre ainsi obtenu s’appelle l’intégrale définie de la fonction dans l’intervalle . Depuis Fourier, on le représente par la notation .

Ce symbole n’a jusqu’à présent de sens que dans les intervalles positifs ,  ; par définition, on pose

.

Il est évident que l’on a, quels que soient , , ,

.

Remarquons encore que si et sont les limites supérieure et inférieure de dans , est comprise entre et . La fonction continue prenant toutes les valeurs entre et , y compris les valeurs et , on peut écrire

,

étant compris entre et [6] ; c’est le théorème des accroissements finis.

Le nombre étant maintenant défini d’une manière précise, on démontre l’existence de la fonction primitive de sans difficulté. En effet, on a

,

égalité qui démontre que la fonction est continue et a pour dérivée .

La fonction qui figure dans la démonstration précédente ou plus exactement la fonction

,

dans laquelle et sont des constantes quelconques et une valeur de prise dans l’intervalle où est définie, s’appelle l’intégrale indéfinie de la fonction et se note . On voit que l’intégrale indéfinie d’une fonction est la fonction la plus générale telle que l’on ait, quels que soient et dans l’intervalle où est définie,

(1) .

On voit aussi que, pour les fonctions continues, il y a identité entre les intégrales indéfinies et les fonctions primitives[7].


II. — L’intégration des fonctions discontinues.

Dans ce qui précède, l’intégrale définie apparaît comme un élément permettant de calculer la fonction primitive ; dans la pratique, les fonctions primitives servent, au contraire, au calcul des intégrales définies. Ces intégrales définies, qui sont des limites de sommes dont le nombre des termes augmente indéfiniment tandis que la valeur absolue de ces termes tend vers zéro, se rencontrent dans un grand nombre de questions d’Analyse, de Géométrie et de Mécanique[8]. Pour le calcul de certaines de ces limites de sommes, par exemple pour la définition et le calcul de l’aire comprise entre une courbe et son asymptote, l’intégration des fonctions continues ne suffisait plus ; on a été ainsi conduit à s’occuper de l’intégration des fonctions qui sont infinies en certains points ou au voisinage de certains points. D’autre part, pour certaines applications des intégrales définies, par exemple pour le calcul des coefficients de la série trigonométrique représentant une fonction donnée, il semblait y avoir avantage à définir l’intégrale d’une fonction qui, tout en restant finie, est discontinue en certains points. Aussi, dès l’introduction de la notion d’intégrale définie, a-t-on étendu cette notion à certaines fonctions discontinues.

On a été conduit à la définition qui sera donnée plus loin en posant en principe l’identité, constatée dans le cas des fonctions continues, de l’intégrale indéfinie et de la fonction primitive. Considérons la fonction qui, pour , est égale à . Les seules fonctions continues qui admettent, sauf pour , une dérivée égale à sont données par la formule  ; on a dit que était l’intégrale indéfinie de , et convenu que la formule (1) donnerait l’intégrale définie de dans un intervalle quelconque .

Soit encore la fonction (considérée par Fourier) égale à −1 pour négatif, à +1 pour positif[9]. Les seules fonctions continues qui admettent pour dérivée, sauf pour la valeur singulière , sont les fonctions (considérées par Cauchy)  ; si l’on considère ces fonctions comme des intégrales indéfinies, on en déduit, par la formule (1), la valeur de l’intégrale définie de dans tout intervalle[10].

Cauchy énonce d’une manière très précise la définition dont on vient de voir deux applications. Pour lui, si une fonction est continue dans un intervalle , sauf en un point , au voisinage duquel est bornée ou non[11], on peut définir l’intégrale de dans si les deux intégrales

et

tendent vers des limites déterminées quand positif tend vers zéro ; alors on a par définition

[12].

Si dans il existe plusieurs points de discontinuité, on partage en assez d’intervalles partiels pour que, dans chacun d’eux, il n’existe plus qu’un seul point singulier ; on applique à chaque intervalle la définition précédente, si cela est possible ; on fait ensuite la somme des nombres ainsi obtenus.

C’est à ces définitions que se rattachent les critères connus relatifs à l’existence des intégrales des fonctions infinies autour d’un point.

Pour des recherches relatives à la théorie des fonctions et en particulier pour l’étude des séries trigonométriques, Lejeune-Dirichlet a étendu la notion d’intégrale. Les recherches de Lejeune-Dirichlet, qu’il avait annoncées lui-même, n’ont jamais été publiées ; mais, d’après Lipschitz, on peut les résumer comme il suit.

Soit une fonction définie dans un intervalle fini , dans lequel il faut l’intégrer ; soit l’ensemble des points de discontinuité de . Si ne contient qu’un nombre fini de points, nous appliquons les définitions de Cauchy.

D’après Lipschitz, le cas qu’étudie Dirichlet est celui où le dérivé de ne contient qu’un nombre fini de points[13], comme cela se présente, par exemple, pour la fonction , où ne contient que .

Les points de divisent alors en un nombre fini d’intervalles partiels, soit l’un d’eux. Dans , il n’y a qu’un nombre fini de points de . Si, dans cet intervalle, les définitions de Cauchy ne s’appliquent pas, on dira que la fonction n’a pas d’intégrale dans . Si au contraire elles s’appliquent, on considère l’intégrale et l’on fait tendre simultanément et vers zéro suivant des lois quelconques. Si l’on n’obtient pas une limite déterminée, f(x) n’a pas d’intégrale dans  ; si au contraire on a une limite déterminée, on pose

.

L’intégrale dans est, par définition, la somme des intégrales dans les intervalles .

On voit que la définition de Dirichlet repose sur les mêmes principes que celle de Cauchy ; la définition générale qui découle de ces principes peut s’énoncer ainsi :

Une fonction a une intégrale dans un intervalle fini s’il existe dans une fonction continue , et une seule à une constante additive près, telle que l’on ait

(1) .

dans tout intervalle où est continue. est l’intégrale indéfinie de et l’on pose

.

Pour que cette définition s’applique, il faut d’abord qu’il existe une fonction continue vérifiant la formule (1). Ceci revient, dans les deux cas traités par Cauchy et Dirichlet, à supposer l’existence des limites qui ont servi dans la définition. Nous supposerons cette condition remplie et nous allons chercher comment doivent être distribués les points singuliers de pour que cette fonction ait une intégrale. Au point de vue qui nous occupe, les points singuliers de sont ceux qui ne sont intérieurs à aucun intervalle dans lequel est continue ; ce sont donc les points de et ceux de , ces points forment un ensemble que nous désignerons par . Tout point limite de points de , par sa définition même, est aussi point de  ; contient donc tous ses points limites. C’est un des ensembles que Jordan appelait parfaits et M. Borel relativement parfaits ; nous appellerons un tel ensemble un ensemble fermé, conformément à un usage maintenant universel.

Pour que la formule (1) définisse entièrement , il faut que, dans tout intervalle, il en existe un autre où est continue. L’ensemble doit donc être tel que, dans tout intervalle, s’en trouve un autre qui ne contienne pas de points de  ; c’est ce que l’on exprime en disant que doit être non dense dans tout intervalle[14].

Cette propriété de n’est nullement suffisante ; pour énoncer la propriété nécessaire et suffisante que doit vérifier , il faut avoir recours aux propriétés des ensembles dérivés.

L’ensemble fermé a des dérivés successifs , , …, , … ; on sait que, si l’un des dérivés est nul, est dit réductible, c’est un ensemble dénombrable ; sinon l’un des dérivés est parfait, et tous ses dérivés ont la puissance du continu[15].

Ce sont ces propriétés qui vont nous servir. Supposons qu’il existe une fonction satisfaisant à l’égalité (1) dans tous les intervalles où est continue et recherchons si est bien déterminée ; lorsqu’il en sera ainsi, l’égalité (1) servira de définition à l’intégrale.

Nous nous appuierons sur cette remarque évidente : si l’intégrale , qui figure au premier membre de (1), a un sens dans tous les intervalles qui ne contiennent aucun des points , , …, , en nombre fini, les différentes fonctions continues satisfaisant toujours à l’égalité (1) ne peuvent différer que par une constante.

Si ne contient qu’un nombre fini de points, est donc bien déterminée, d’où la définition de Cauchy.

Le premier membre de (1) a maintenant un sens dans tout intervalle ne contenant pas de points de  ; donc, si n’a qu’un nombre fini de points, est bien déterminée, d’où la définition de Dirichlet-Lipschitz.

On passe de là au cas où soit , soit , …, soit ne contient qu’un nombre fini de points.

Dans tout intervalle où n’a pas de points, est donc bien déterminée[16] et, par suite, le premier membre de (1) a un sens dans un tel intervalle ; de là on conclut que est bien déterminée quand n’a qu’un nombre fini de points. On passe ensuite au cas où soit , soit ,… n’a qu’un nombre fini de points ; puis au cas où c’est qui jouit de cette propriété, et ainsi de suite.

Nous voyons ainsi que, si est réductible, est bien déterminée, de sorte que notre définition s’applique ; il existe alors une intégrale que l’on obtient par l’application répétée de la méthode de Cauchy-Dirichlet.

Pour avoir des exemples de fonctions auxquelles s’applique cette méthode, il suffit de prendre un ensemble réductible , de ranger ses points en suite simplement infinie, , , …, et de former la série

[17].

Supposons maintenant que l’ensemble des points singuliers de ne soit pas réductible. Nous allons voir que, s’il existe une fonction satisfaisant à la condition (1) dans tout intervalle où est continue, il en existe une infinité.

Soit celui des dérivés de qui est parfait ; s’obtient en enlevant de l’intervalle considéré les points intérieurs à des intervalles , , …, qui forment une suite dénombrable si est non dense dans tout intervalle, ce qui est le seul cas qui nous intéresse[18].

Définissons une fonction par la condition d’être nulle pour , égale à 1 pour . En tous les points de , . En tous les points de , , si est entre et  ; et , si est entre et . D’une façon générale, ayant attribué à , dans , , …, , les valeurs , , …, , on attribue à , dans , la valeur , et étant les indices de ceux des deux intervalles , , …, qui comprennent .

Tout point de est limite de points de certains intervalles  ; il est facile de voir que si des points de , , … tendent vers , , , … tendent vers une limite déterminée ; on prend cette limite pour valeur de . est ainsi partout déterminée, c’est une fonction continue non constante dans et, cependant, constante dans tout intervalle ne contenant pas de points de . De sorte que, s’il existe une fonction , satisfaisant à l’égalité (1) dans tout intervalle où il n’y a pas de points de , satisfait aussi à cette condition.

Maintenant, si l’on remarque que les ensembles qui, à la page 11, ont été désignés par et sont réductibles en même temps[19], on voit que, pour que la définition adoptée s’applique, il faut et il suffit que l’ensemble des points de discontinuité de la fonction à intégrer soit réductible et qu’il existe une fonction continue vérifiant (1) dans les intervalles où est continue.

  1. Pour la démonstration et pour le cas où n’est pas toujours positive, voir les traités classiques de calcul différentiel et intégral.
  2. Cette continuité est connue sous le nom de continuité eulérienne.
  3. C’est ce qu’avait fait Méray qui donnait au mot fonction un sens très voisin de celui qu’on donnait autrefois aux mots fonction continue. Méray définit les fonctions par les séries de Taylor et le prolongement analytique ; lorsqu’on adopte les définitions de Méray, l’existence des fonctions primitives résulte immédiatement des propriétés des séries entières.

    Mais, si l’on applique les définitions de Méray aux fonctions de la variable complexe, on se trouve conduit nécessairement, comme me l’a fait remarquer M. Borel, à considérer des fonctions discontinues d’une variable réelle. Par exemple, lorsqu’une série de Taylor est convergente sur son cercle de convergence, ses valeurs, sur ce cercle, peuvent définir deux fonctions réelles discontinues de l’argument.

  4. Je ne veux pas dire par là que la définition de Cauchy est moins générale que celle de Riemann mais seulement que, s’il existait des fonctions satisfaisant à la définition de Riemann sans satisfaire à celle de Cauchy, elles ne seraient pas exclues des raisonnements.
  5. Très souvent, en mathématiques, on prend, ainsi que le fait ici Cauchy, le procédé de calcul d’un nombre comme définition même de ce nombre. D’ailleurs certains Mathématiciens n’admettent pas d’autres définitions d’un nombre que celles qui permettent son calcul.

    On remarquera l’intérêt de la si simple transformation effectuée par Cauchy : elle réduit le nombre des notions premières à partir desquelles nous raisonnons. On dit souvent que Descartes a ramené la géométrie à l’algèbre ; cela n’aurait pas été exact, si Cauchy, par sa définition de l’intégrale, n’avait pas donné une construction logique de notions jusque-là déduites de l’intuition géométrique : aires, volumes, etc.

    Il y a là un progrès dont l’importance philosophique est extrême ; mais, comme le travail de Cauchy n’apporte aucun enrichissement pour la notion d’intégrale, son intérêt mathématique est minime ; aussi Cauchy ne l’a-t-il donné que comme un simple exposé pédagogique.

  6. Cette démonstration n’exclut pas les égalités , . Dans certains cas il est bon de prouver qu’on peut choisir différent de et  ; la démonstration est immédiate.

    Le théorème considéré est le théorème des accroissements finis pour la fonction

     ;
    il fournit, en effet, une expression de l’accroissement subie par quand on passe de à .

  7. Cela ne serait plus vrai si l’on n’introduisait pas la constante dans la définition de l’intégrale indéfinie.
  8. L’application la plus simple de la notion d’intégrale est la quadrature des domaines plans. À cause de cette application, on a fait souvent remonter la notion d’intégrale définie à Archimède et à la quadrature de la parabole. Il est vrai que beaucoup de quadratures ont été effectuées avant l’introduction du Calcul intégral, mais les géomètres n’attachaient en général aucune importance particulière aux domaines bien spéciaux dont il faut calculer les aires pour avoir des intégrales définies. L’importance de ces domaines n’est nettement apparue qu’après l’introduction de la notion de dérivée.
  9. Cette fonction, non définie pour , admet, comme on sait, un développement trigonométrique ; on peut aussi la noter .
  10. Il est bon d’ajouter que les intégrales définies, que l’on peut ainsi attacher aux deux espèces de fonctions discontinues que l’on vient de considérer, permettent d’exprimer les coefficients du développement trigonométrique des fonctions à l’aide des formules d’Euler et de Fourier qui servent dans le cas des fonctions continues.
  11. Cauchy ne se préoccupe pas de la valeur de la fonction pour . D’ailleurs, pour lui, si tend vers une valeur déterminée quand tend vers , cette valeur limite est  ; si ne tend pas vers une limite unique, est l’une quelconque des valeurs comprises entre la plus petite et la plus grande des limites de . Dans quelques Mémoires, P. Du Bois Reymond a repris ces conventions.
  12. Cauchy s’occupe aussi du cas où le second membre de cette égalité aurait un sens, sans que les deux intégrales qui y figurent aient des limites. Dans ce cas, il appelle ce second membre la valeur principale de l’intégrale .
  13. Pour la définition des ensembles dérivés et pour les propriétés des ensembles réductibles, voir la Note placée à la fin du Volume. Dans la traduction qu’il a donnée récemment du Mémoire de Lipschitz (Acta mat., t. 36), M. Montel fait observer que Lipschitz admet explicitement seulement que le dérivé est non dense (voir plus loin) et qu’il croit cependant pouvoir en conclure qu’il ne contient qu’un nombre fini de points. Cette erreur rend encore plus incertaine la signification qu’il convient de donner au texte de Lipschitz.
  14. P. Du Bois Reymond, auquel est due la distinction des deux classes remarquables d’ensembles, que nous appelons ensembles denses dans tout intervalle d’une part et ensembles non denses dans tout intervalle d’autre part, appelle les premiers systèmes pantachiques ou pantachies et les seconds systèmes apantachiques ou apantachies. C’est aussi Du Bois Reymond qui a donné le procédé général de formation des ensembles fermés et des apantachies, procédé qui consiste à enlever d’un intervalle des intervalles en nombre fini ou dénombrable convenablement choisis. Au sujet des ensembles fermés et des ensembles non denses, voir Borel, Leçons sur la théorie des fonctions, Chap. III.
  15. Voir la Note placée à la fin du Volume.
  16. Car, dans un tel intervalle, l’un des n’a qu’un nombre fini de points.
  17. D’après les propriétés des séries uniformément convergentes, a tous les points de pour points de discontinuité. On verra facilement que la série précédente est intégrable terme à terme.

    Pour des exemples d’ensembles réductibles, voir la Note à la fin du Volume.

  18. Car si est dense dans un intervalle, est certainement indéterminée.
  19. Il faut bien remarquer que peut être dénombrable sans que le soit, est alors un ensemble dénombrable non réductible ; c’est le cas de l’ensemble des nombres rationnels.