Leçons sur l’intégration et la recherche des fonctions primitives (seconde édition)/Chapitre IX

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CHAPITRE IX.

LA RECHERCHE DES FONCTIONS PRIMITIVES.
L’EXISTENCE DES DÉRIVÉES.



I. — La recherche des fonctions primitives.

Soit une fonction ayant une dérivée , nous savons que est mesurable, car c’est une fonction de première classe (p. 99). Supposons que soit bornée, alors est aussi borné, quels que soient et . Et puisque est la limite pour de on peut écrire, d’après un théorème énoncé à la page 125,

,

car est une fonction continue.

Donc les fonctions d’une variable intégrales indéfinies d’une dérivée sont ses fonctions primitives. Nous avons résolu le problème fondamental du calcul intégral pour les fonctions bornées. De plus, nous avons un procédé régulier de calcul permettant de reconnaître si une fonction bornée est ou non une dérivée[1].

Pour aller plus loin, démontrons que les nombres dérivés d’une fonction continue sont mesurables et même mesurables B. Considérons pour cela une suite de fonctions , , …, et les fonctions , égales, pour chaque valeur de , à la plus grande et à la plus petite des limites des , limites prises pour constant et croissant indéfiniment ; ce sont les enveloppes d’indétermination de la limite des . Voici comment on peut obtenir l’enveloppe supérieure  ; est la fonction qui, pour chaque valeur de , est égale à la plus grande des fonctions , , …,  ; est la limite de la suite croissante , , , … ; se définit à partir de , , …, comme à partir de , , … ; est la limite de la suite décroissante , , …. Si les sont des fonctions continues, il en est de même des , les sont donc au plus de première classe et au plus de seconde classe. Un raisonnement analogue s’applique à . Si l’on suppose seulement que si les sont mesurables, on voit que et le sont aussi et cela ne suppose pas que les , que et soient partout finies.

La définition des enveloppes d’indétermination aurait pu être donnée pour une fonction , où est un paramètre remplaçant l’indice de la fonction . L’un des nombres dérivés de est l’une des enveloppes d’indétermination de , quand on fait tendre vers zéro, par valeurs de signe déterminé. Mais étant continue en pour , on peut, comme nous allons le voir, remplacer, pour la recherche de ces enveloppes, l’infinité non dénombrable des valeurs de par une suite de valeurs de tendant vers zéro et convenablement choisies. Les nombres dérivés sont donc, lorsqu’ils sont finis, au plus de seconde classe et en tout cas mesurables B[2].

Mais il faut prouver que l’on peut, comme il a été annoncé, remplacer la considération de la valeur continue par celle d’une suite de valeurs de . S’il s’agit des nombres dérivés à droite, c’est-à-dire des valeurs positives de , nous prendrons une suite contenant les nombres , , , , … et, de plus, contenant entre et des nombres divisant cet intervalle en assez de parties égales pour que, lorsque varie dans une de ces parties, l’oscillation de reste inférieure à , restant constant et ayant n’importe quelle valeur. Il est bien clair que cette suite donne, pour plus grande et plus petite limite de , les deux nombres dérivés à droite de . Les nombres dérivés sont donc mesurables et l’on peut espérer que, dans des cas étendus, l’intégration des fonctions sommables nous permettra de trouver une fonction connaissant l’un de ses nombres dérivés.

Au Chapitre V, nous avons démontré qu’une fonction continue ayant son nombre dérivé supérieur à droite, par exemple, constamment nul, était constante en calculant de façon approchée l’accroissement subi par cette fonction, à l’aide de la considération d’une chaîne d’intervalles. C’est le même procédé de calcul que nous allons appliquer à une fonction continue dont nous supposerons connu le nombre dérivé supérieur à droite dans un intervalle .

À partir de , nous allons couvrir d’une chaîne d’intervalles satisfaisant aux conditions qui vont être indiquées[3] :

1o Chaque intervalle a une longueur au plus égale à un nombre positif que l’on fera par la suite tendre vers zéro. Alors si l’on prend les sommes et , formées respectivement des accroissements positifs et négatifs, fournies par la chaîne, on sait que, lorsque tend vers zéro, et tendent respectivement vers les variations totales positive et négative, et , et cela uniformément à un certain égard, comme il a été dit page 53.

Nous allons nous proposer seulement le calcul de . On sait qu’on obtient une valeur approchée de en faisant la somme des accroissements positifs de donnés par les intervalles de la chaîne. Or, l’intervalle donne un accroissement égal à , et ce nombre est une valeur approchée de . Il convient de préciser cette approximation ; pour cela nous partagerons en les ensembles

,

relatifs aux diverses valeurs de entières, positives, négatives et nulle, étant un nombre positif, très petit, et en les ensembles

, ;

Puis nous poserons la condition :

2o Si est l’origine d’un intervalle de la chaîne, on aura

étant un nombre positif arbitrairement grand.

Les intervalles de la chaîne ayant pour origine des points de , des points des à indice positif et certains points de sont seuls à considérer dans le calcul de .

Les intervalles ayant pour origines des points de ont une contribution de la forme , étant au moins égal à et étant la longueur totale des intervalles issus des points de . Ceux qui ont pour origines des points de , , ont une contribution égale à leur longueur totale multipliée par un nombre compris entre et  ; en d’autres termes, cette contribution est à près au plus. Ce résultat est vrai aussi pour les intervalles ayant pour origines des points de , car la contribution de ces intervalles dans la valeur approchée de est au plus . Donc on peut prendre pour valeur approchée de

,

puisqu’on ne s’écarte de la valeur donnée par la chaîne que de au plus, soit au plus .

Il faut maintenant pouvoir évaluer les et  ; pour cela, nous supposons que l’on ait enfermé chacun des ensembles que nous avons considérés dans un ensemble d’intervalles ; nous aurons ainsi les ensembles , , formés chacun d’intervalles non empiétants. Chacun d’eux surpasse en mesure l’ensemble de même indice d’une quantité , , que nous pourrons choisir aussi petite que nous le voudrons.

Supposons donc que les séries et soient convergentes et aient des sommes arbitrairement petites et . Et posons la condition :

3o Chaque intervalle de la chaîne est enfermé tout entier dans l’ensemble qui enferme l’ensemble auquel appartient son origine.

Alors est au plus égale à et au moins égale au plus grand des deux nombres : 0 ou  ; pour on a des limites analogues. De là se déduisent des limites inférieure et supérieure pour  ; la limite inférieure est

,

les termes positifs étant seuls conservés dans .

Cette somme ne contient donc qu’un nombre fini de termes, nombre variable avec . Ces termes sont inférieurs à ceux de

,

mais tendent respectivement vers ceux-ci pour tendant vers zéro.

Or on peut faire tendre vers zéro, d’où la limite

 ;

puis on peut prendre arbitrairement petit, arbitrairement grand, donc on a, l’intégrale ayant une valeur finie ou infinie,

,

quel que soit . ne sera donc fini que pour

et

finie. Concluons en nous rappelant que l’on aurait pu prendre pour l’un quelconque des quatre nombres dérivés, et qu’il y a pour une inégalité analogue à celle trouvée pour .

Une fonction continue et à variation bornée a ses nombres dérivés finis presque partout[4] ; ses nombres dérivés sont sommables dans l’ensemble des points où ils sont finis ; ses trois variations totales , , vérifient les relations

.

étant l’un quelconque des quatre nombres dérivés ; les points où est infini étant exclus des ensembles ou intervalles d’intégration.

Supposons maintenant le nombre dérivé supérieur à droite sommable sur l’ensemble et supposons l’ensemble de mesure nulle ; formons la limite supérieure de

.

Le premier terme est inférieur à  ; pour et tendant vers zéro, il tend donc vers .

Puisque est nulle, le second terme se réduit au produit d’un nombre arbitrairement grand par un nombre arbitrairement petit, il ne nous apprend donc rien.

Enfermons dans un ensemble d’intervalles non empiétants, supposons les choisis enfermés dans . Alors, si désigne la somme des variations positives de dans les intervalles , le second terme est au plus . Si donc on désigne par l’une quelconque des limites de quand on fait varier de façon que tende vers zéro, on aura

,

les points de étant exclus de l’intervalle d’intégration.

Soit un ensemble formé d’un nombre fini des intervalles choisis de façon que, lorsqu’on fait tendre vers zéro, tende, comme , vers . Soit le complémentaire de par rapport à  ; est formé d’un nombre fini d’intervalles, on peut donc appliquer une formule précédente et écrire

d’où, en ajoutant aux deux membres,

.

Et comme, quand tend vers zéro, tend vers zéro, donc aussi la dernière intégrale du second membre, tandis que tend vers , on a

.

En rapprochant les deux inégalités de sens inverses obtenues, on conclut finalement

.

Donc , qui désigne l’une quelconque des limites de , a une valeur déterminée ; nous pouvons énoncer ce résultat comme il suit :

Si est l’un des nombres dérivés d’une fonction continue , pour que soit à variation bornée il faut et il suffit que soit sommable dans l’ensemble des points où il est fini et positif, que l’ensemble des points ou est infini positif soit de mesure nulle et qu’il puisse être enfermé dans des intervalles fournissant une somme de variations totales positives qui soit bornée.

tend alors vers une limite finie et déterminée, quand on fait varier de façon que sa mesure tende vers zéro ; cette limite est la différence entre la variation totale positive de dans l’intervalle considéré et l’intégrale de dans l’ensemble des points où il est positif.

On a, bien entendu, un énoncé analogue en changeant positif en négatif, en , en , qu’exprime l’égalité

.

De et , par addition et soustraction, nous déduisons la variation totale et l’accroissement de dans . L’ensemble des points où est infini, est de mesure nulle. Tout ensemble d’intervalles non empiétants enfermant , et dont la mesure tend vers zéro, peut donc servir simultanément au calcul de , de que l’on peut noter en conséquence ,  ; la limite de la somme des variations totales dans les intervalles de sera  ; parce que, dans un intervalle , . Mais, dans , on a, pour l’accroissement ,

 ;

donc on a pour la somme des accroissements de dans les intervalles de ,

,

d’où, pour , par un passage à la limite,

.

Ainsi, si est l’un des nombres dérivés d’une fonction continue et à variation bornée dans un intervalle , ses trois variations et son accroissement dans sont donnés par les formules

, , , sont les limites, finies et bien déterminées, vers lesquelles tendent les sommes des diverses variations totales et des accroissements de dans des intervalles , non empiétants et enfermant l’ensemble des points où est infinie, quand on fait varier le système d’intervalles, de façon que tende vers zéro.

Laissons pour un instant cet énoncé général et attachons-nous au cas où n’existe pas[5] ; les nombres , , , , sont alors nuls. Si nous appliquons alors le théorème précédent à l’intervalle , nous avons :

La condition nécessaire et suffisante pour que le nombre dérivé partout fini, d’une fonction continue soit sommable, est que soit à variation bornée.

La fonction primitive de est alors l’intégrale indéfinie, fonction d’une variable, de .

Nous pouvons donc dire que nous savons résoudre les problèmes A′, B′, C′ (p. 78), et par suite les problèmes A, B, C, pour toutes les fonctions sommables.

Il y a un autre cas dans lequel , , , sont tous nuls, c’est celui où est absolument continue ; car alors tend vers zéro avec . Donc : une fonction absolument continue est l’intégrale indéfinie de chacun de ses quatre nombres dérivés[6], sa variation totale est l’intégrale indéfinie de la valeur absolue de l’un quelconque de ses nombres dérivés.

Maintenant que nous avons cet énoncé à notre disposition, nous pouvons remplacer certains résultats antérieurs par de simples conditions suffisantes d’absolue continuité :

Une fonction continue , qui a son nombre dérivé partout fini et sommable dans , y est absolument continue.

Une fonction continue et à variation bornée , qui a son nombre dérivé partout fini dans , y est absolument continue.

Revenons au cas général dans lequel existe et où les nombres , , , ne sont pas nécessairement nuls.

Alors, si l’on considère un ensemble d’intervalles non empiétants, on a, en appelant la partie de située dans

 ;

mais est au plus égale à et l’intégrale du second membre tend vers zéro avec . Donc, quand tend vers zéro, la plus grande des limites de est et cette plus grande limite est atteinte quand on prend enfermant . En d’autres termes : est l’ensemble des singularités de la fonction représentant la variation totale positive de à . La fonction des singularités de la fonction est

.

On a de même, avec des notations dont le sens est clair,

 ;

d’où

formules qui font connaître les fonctions des singularités de , , , . Quant à l’ensemble des singularités, c’est pour , pour , c’est pour , , , .

On a en particulier

,,
,,

ces nombres ne sont donc tous nuls que dans le cas, déjà examiné, où est absolument continue[7].

Nous avons décomposé précédemment (p. 163) une fonction continue à variation bornée en sa fonction des singularités et un noyau absolument continu, soit le noyau de  ; nous venons de prouver que l’on a

.

et des formules analogues pour les noyaux de , , .


II. — La dérivation des fonctions à variation bornée.

Nous allons tenir compte maintenant de ce que chacun de nos résultats a quatre interprétations suivant que, par , on a désigné le nombre dérivé supérieur à droite de , ou le nombre dérivé inférieur à droite, etc.

Nous avons d’abord vu que jouait un rôle tout spécial que nous venons de préciser en montrant que est l’ensemble des singularités de quand n’est pas absolument continue. Il y a quatre ensembles , soit leur partie commune ; est l’ensemble des points en lesquels a une dérivée égale à , or la partie commune à plusieurs ensembles des singularités, s’ils sont mesurables B, est aussi un ensemble des singularités (p. 169), donc est l’ensemble des singularités de .

Ainsi, dans tout ce qui précède, on peut remplacer , , respectivement par les ensembles , , , formés par les points en lesquels a une dérivée déterminée en grandeur et signe égale respectivement à , à , à ou à . Ces trois ensembles , , sont les ensembles des singularités respectivement de , , , lorsque ces fonctions ne sont pas absolument continues.

En particulier, signalons qu’une fonction continue à variation bornée, qui n’a en aucun point une dérivée bien déterminée en grandeur et signe qui soit égale à ou à , est absolument continue.

Nous avons vu ensuite que le noyau de était donné par la formule

,

donc l’intégrale du second membre est la même pour chacun des quatre nombres dérivés ; ainsi (p. 160) ces quatre nombres dérivés sont égaux, exception faite tout au plus des points d’un ensemble de mesure nulle. Une fonction continue[8] à variation bornée , a une dérivée presque partout et le noyau de est donné par la formule

.

Appliquons ce résultat à qui est son propre noyau :

 ;

et sont donc égales presque partout comme ayant la même intégrale indéfinie, et par suite la dérivée de est presque partout nulle. En d’autres termes : la dérivée de la fonction des singularités d’une fonction continue[8] à variation bornée est presque partout nulle. La réciproque est vraie ; d’une façon plus précise : une fonction continue[8] à variation bornée et dont la dérivée est presque partout nulle, est sa propre fonction des singularités. En effet, d’après la formule qui précède, son noyau est identiquement nul.

Les trois théorèmes précédents peuvent, comme il a été indiqué en note, être étendus à toutes les fonctions à variation bornée continues ou discontinues[9]. Pour cela, il suffira d’utiliser la formule de la page 163,

,

et de démontrer qu’une fonction des sauts a une dérivée nulle presque partout.

À chaque point de discontinuité de la fonction considérée, attachons deux fonctions  ; la première égale à

pour

et nulle ailleurs ; la seconde égale à

pour

et nulle ailleurs. est la somme de la série . La variation totale de est, pour l’intervalle , la somme de la série  ; série qui est majorée par la série de constantes .

Modifions chaque fonction à gauche de son point de discontinuité , dans un intervalle , pour avoir une fonction partout continue égale à en dehors de , et linéaire dans .

La fonction , étant définie par une série de fonctions continues, majorée par la série de constantes est continue ; elle est de plus non décroissante.

Soit l’ensemble des points n’appartenant à aucun des intervalles  ; dans on a

 ;

dans le complémentaire de , on a

,

puisque chaque fonction est supérieure à la fonction correspondante dans l’intervalle où elles différent.

Les fonctions et étant non décroissantes et continues ont simultanément des dérivées presque partout. En un point où toutes ces dérivées existent, on a, quel que soit l’entier positif ,

,

étant une fonction non décroissante, donc

,

étant positif ou nul. D’où, d’après les théorèmes des pages 179 et 128,

et, puisque n’est jamais négatif, est presque partout nul. Mais, aux points de , toutes les dérivées sont nulles ; donc presque partout dans , on a

.

Or, d’après les relations signalées plus haut,

aux points de , aux points de  ; en tout point de la fonction a des nombres dérivés à droite au plus égaux à ceux de , donc presque partout dans la variation totale , et a fortiori , a une dérivée à droite et qui est égale à zéro. Mais la mesure de est au plus la somme que nous pouvons rendre arbitrairement petite. Donc admet presque partout zéro comme dérivée à droite. Une conclusion analogue s’applique évidemment aux dérivées à gauche ; le théorème est démontré.

Nous sommes maintenant en mesure de répondre à des questions antérieurement posées et de justifier certaines affirmations. Nous avons déjà, page 143, fait allusion à la propriété suivante : pour qu’une fonction d’une variable soit l’intégrale indéfinie d’une fonction inconnue , il faut et il suffit que soit absolument continue[10]. La légitimation de cet énoncé est maintenant immédiate ; nous avons vu, en effet, que toute intégrale indéfinie est absolument continue, page 158, puis, page 183, que toute fonction absolument continue est une intégrale indéfinie.

De là résulte de suite que : pour qu’une fonction d’ensemble ou d’intervalle soit l’intégrale indéfinie d’une fonction inconnue , il faut et il suffit qu’elle soit complètement additive et absolument continue ; d’après ce que nous savons sur le passage d’une telle fonction à une fonction absolument continue d’une variable et sur le passage inverse.

Page 160, nous avons formulé ce problème : trouver une fonction connaissant son intégrale indéfinie. Prenons cette intégrale indéfinie sous la forme d’une fonction d’une variable  ; est absolument continue, donc a une dérivée presque partout et est l’intégrale indéfinie de cette dérivée ; mais deux fonctions qui ont même intégrale indéfinie sont égales presque partout, donc la fonction dont l’intégration a donné est presque partout égale à . En d’autres termes : une intégrale indéfinie admet presque partout pour dérivée la fonction intégrée.

Si l’intégrale indéfinie est donnée comme fonction d’ensemble ou d’intervalle, le problème n’en est pas moins résolu. Examinons ce que devient alors l’opération de dérivation. Que soit positif ou négatif, le rapport est égal au quotient de la valeur de la fonction considérée , pour l’intervalle d’extrémités et , par la mesure de cet intervalle

.

C’est donc par la considération de tels rapports qu’on obtiendra la dérivée ; avec la dérivée ordinaire, nous serions conduits à utiliser les deux familles d’intervalles , ayant le point étudié pour extrémité ou origine. Mais il est mieux de remarquer que la dérivée peut tout aussi bien se définir à l’aide des intervalles , car on a

ce qui montre que la valeur de du premier membre est comprise entre celles qui figurent au second membre. Nous sommes ainsi conduits à dire : pour dériver en un point la fonction d’intervalles , nous cherchons la limite du rapport quand tend vers zéro, désignant un intervalle variable contenant [11].

Cette définition ne laisse rien à désirer pour une fonction d’intervalle, mais pour une fonction d’ensemble on voudrait pouvoir prendre la limite de quand tend vers zéro et que tout l’ensemble tend vers  ; c’est-à-dire que est contenu dans un intervalle contenant et dont la mesure tend vers zéro. Si n’était assujetti qu’à ces conditions, on pourrait le prendre, en particulier, réduit au point et à un intervalle ne contenant pas  ; il faudrait donc que la dérivée apparaisse comme la limite de

,

quand et tendent vers zéro, même par valeurs de même signe. D’après le théorème de la moyenne, le second membre est compris entre les valeurs extrêmes prises dans par la fonction dont est l’intégrale indéfinie. Soit d’ailleurs un point voisin de et en lequel existe, on pourra alors trouver tel que soit positif et aussi petit que l’on veut et que soit aussi voisin de qu’on le voudra. Donc le procédé que nous examinons ne réussira, avec tous les intervalles ou tous les ensembles , que si est continue en dans l’ensemble des points où elle existe. D’ailleurs, dans ce cas, la fonction dont est l’intégrale indéfinie pourra être supposée continue en — puisqu’elle n’est assujettie qu’à la condition d’être presque partout égale à — et par suite le procédé de définition de la dérivée à l’aide de tous les ensembles dont tous les points tendent vers , peut bien alors être utilisé[12].

Hors ce cas banal, il faut donc particulariser la famille des ensembles employés, et de façon à diminuer l’influence des points en lesquels diffère beaucoup de . Pour cela, ayant été arbitrairement choisi positif, soit l’ensemble des points

,

soit la fonction égale à aux points de et nulle ailleurs, soit enfin . Un ensemble de mesure nulle de points étant excepté, les intégrales indéfinies et ont des dérivées, au sens ordinaire du mot, respectivement égales aux fonctions et . Alors, si le point non exceptionnel appartient à , on a

,
 ;

désignant le plus petit intervalle contenant à la fois et . Le premier rapport du second membre tend vers la dérivée de en , laquelle est nulle par hypothèse. Donc nous n’aurons plus à nous occuper que de l’influence de , c’est-à-dire des points de , si le rapport n’augmente pas indéfiniment. D’où la définition : Nous appellerons dérivée en d’une fonction d’ensemble la limite, si elle existe, du rapport pour des ensembles appartenant à une famille régulière. On entend par là qu’un entier positif ayant été arbitrairement choisi, on ne considérera un ensemble que si, étant le plus petit intervalle contenant et , on a

,

et que l’on fera varier de façon que tende vers zéro.

Nous venons de voir qu’avec ce choix d’ensemble les deux rapports incrémentiels , avaient les mêmes limites presque partout. Étudions le second. Soit l’ensemble des points communs à et et soit  ; on a

.

Le premier facteur du dernier membre est compris entre et  ; quant au second, il s’écrit encore . Or, si désigne la fonction nulle dans et égale à un en dehors de , on a

.

En dehors d’un ensemble exceptionnel de mesure nulle, toutes les intégrales indéfinies ont des dérivées égales aux  ; si donc a été pris en dehors aussi de ce nouvel ensemble exceptionnel, le dernier membre des relations précédentes tend vers zéro ; donc, le rapport incrémentiel a toutes ses limites comprises entre et , c’est-à-dire différentes de au plus de . Mais, comme est arbitrairement petit, si l’on prend en dehors de la somme des ensembles exceptionnels attachés aux valeurs , , , , … c’est-à-dire en dehors d’un ensemble de mesure nulle, la dérivée de la fonction d’ensemble sera . Donc une intégrale indéfinie fonction d’ensemble a presque partout pour dérivée la fonction intégrée.

Nous avons donc le même énoncé pour les trois espèces d’intégrale indéfinie ; mais il faut bien remarquer que, sous sa dernière forme, il exprime une propriété bien plus précise que sous les deux premières formes qui étaient équivalentes. Si l’intégrale indéfinie a une dérivée au point , en a une aussi et ces deux dérivées sont égales ; mais la réciproque n’a pas lieu.

Il y a donc lieu de traduire en un énoncé relatif à le résultat que nous venons d’obtenir ; des développements relatifs au calcul de connaissant résultent de suite cet énoncé : étant une fonction absolument continue dans et un point de , on enferme dans un intervalle et l’on choisit, dans , des intervalles non empiétants tels que l’on ait

,

étant un nombre positif fixe. Alors, presque partout on a

.

On peut donner à cet énoncé la forme suivante : étant une fonction sommable, la fonction admet une dérivée nulle pour , pourvu que ne soit pas pris dans un certain ensemble exceptionnel de mesure nulle.

Montrons, en effet, qu’il y a identité entre cet ensemble exceptionnel et celui des points en lesquels la fonction d’ensemble intégrale indéfinie de n’admet pas une dérivée égale à .

Supposons, en effet, que soit point de ce dernier ensemble , c’est-à-dire que l’on puisse trouver des ensembles dont tous les points se rapprochent indéfiniment de , qui appartiennent à une famille régulière de paramètre et pour lesquels on ait

,

étant un nombre fixe non nul.

On a donc, a fortiori,

,

et, par suite, si est le plus petit intervalle contenant ,

ce qui montre que est point de .

Inversement, supposons point de , alors on peut trouver une suite d’intervalles , enfermant chacun et de longueurs décroissantes et tendant vers zéro, tels que pour chacun d’eux on ait

,

étant un certain nombre positif.

Partageons les points de en deux ensembles et dans lesquels la différence est respectivement positive et non positive et ne conservons qu’une suite partielle des de façon que

,

tendent vers deux limites déterminées et , et que l’on ait

ou ,

suivant que est positif ou nul, et

ou

suivant que est positif ou nul.

Remarquons, au reste, que est au moins égal à , donc que et ne sont jamais nuls à la fois, et que

,

donc que l’un au moins des deux ensembles et appartient à la famille régulière d’ensemble de paramètre .

Si est régulier et , en prenant , on a

.

Si ces deux conditions ne sont pas réalisées à la fois et si est régulier et , on prend ,

.

Si est irrégulier, , et si , est alors régulier ; nous prendrons et nous aurons

Enfin, il ne reste plus que le cas où étant régulier et irrégulier,  ; avec , on a alors

.

Si donc est plus petit à la fois que et , on a toujours

.

La suite de ces ensembles , qui appartiennent à la famille régulière pour , permet de constater que appartient à [13].

Au cours des raisonnements précédents, nous avons rencontré une notion qu’il importe d’expliciter. Soit un ensemble mesurable , le rapport , de la mesure de la partie de située dans un intervalle à la mesure de cet intervalle, est appelé la densité moyenne de dans . Si la densité moyenne de dans les intervalles contenant un point , tend vers une limite déterminée quand tend vers zéro, cette limite est dite la densité en  ; n’a pas besoin d’être un point de pour que cette définition s’applique[14].

Soit la fonction mesurable égale à un aux points de et nulle ailleurs, la densité moyenne de dans est le rapport incrémentiel , donc le théorème sur la dérivation de donne : la densité d’un ensemble mesurable est presque partout égale à un aux points de , presque partout égale à zéro en dehors de .

On peut regarder cette propriété comme le fondement géométrique des théorèmes sur la dérivation des intégrales définies et l’on peut, pour établir ces théorèmes, suivre une marche exactement inverse de celle suivie ici, c’est-à-dire prouver en premier lieu le théorème sur la densité[15]. Nous nous contenterons de déduire de ce théorème une proposition intéressante concernant une fonction mesurable quelconque , que nous allons obtenir en reprenant les notations utilisées pour étudier la dérivation des fonctions d’ensemble (p. 190).

Sauf aux points d’un ensemble exceptionnel de mesure nulle, les différents ensembles ont une densité égale à un ou à zéro, suivant qu’il s’agit de la densité en un point de ou non ; on peut supposer cet ensemble exceptionnel choisi de manière à convenir pour les valeurs 1, 1/2, 1/3, …, données à . ayant été choisi en dehors de cet ensemble exceptionnel, soit l’indice de celui des correspondant à , qui contient  ; alors, en , pour chacune des valeurs indiquées de , a une densité égale à un, les autres ont une densité nulle.

Choisissons un intervalle de centre et assez petit pour que, dans tout intervalle contenu dans et contenant , la densité moyenne de soit supérieure à , étant un nombre, compris entre zéro et un, arbitrairement choisi. Soit la limite inférieure de cette densité moyenne dans les intervalles considérés.

Choisissons un nombre inférieur à la fois à et à , et soit un intervalle de milieu de longueur inférieure à et tel que, dans tout intervalle contenu dans et contenant , la densité moyenne de soit supérieure à . On appellera alors

,

la limite inférieure de cette densité moyenne et, à partir de et , comme tout à l’heure à partir de et , on définira, par l’intermédiaire de un nombre et un intervalle . Et ainsi de suite.

Soit l’ensemble formé par la partie de extérieure à et contenue dans , de la partie de extérieure à et contenue dans , …. Il est clair que est continue en sur  ; nous allons constater que est de densité un au point .

Pour cela, raisonnons sur un ensemble qui serait constitué dans par et qui, dans , serait tel que, dans tout intervalle contenu dans et contenant , sa densité moyenne surpasse . On pourrait, par exemple, prendre identique à dans .

Les intervalles contenus dans et contenant sont, ou bien contenus dans , et alors nous connaissons pour eux la limite inférieure de leur densité moyenne, ou non contenus dans . Soit un tel intervalle, sa partie située dans . Dans , avait une mesure au moins égale à  ; mais tout peut faire partie de et, dans , a une mesure supérieure à  ; finalement, dans , a une mesure supérieure à

,

donc une densité moyenne supérieure à

.

Or, soit l’ensemble identique à dans , soit l’ensemble identique à à l’extérieur de , et identique à dans . Il est clair maintenant que les densités moyennes de , , …, sont toutes supérieures à dans les intervalles contenant , contenus dans et contenant  ; que les densités moyennes de , , …, sont toutes supérieures à dans les intervalles contenant , contenus dans et contenant , ….

Donc, la densité moyenne de est au moins égale à , , …, respectivement dans les diverses espèces d’intervalles considérés ; la densité de au point est donc égale à un et celle du complémentaire de est par suite nulle, car la somme des densités moyennes, dans un même intervalle, de deux ensembles complémentaires est bien évidemment égale à un. Ainsi :

Une fonction mesurable est continue en chaque point pourvu qu’on néglige les points d’un ensemble de densité nulle en [16], exception faite toutefois des points appartenant à un ensemble exceptionnel de mesure nulle.

De là résulte en particulier que les dérivées des fonctions à variation bornée, dont l’existence a été démontrée, sont presque partout continues aux ensembles de densité nulle près. Chacun pourra étudier les rapports entre cette continuité et la possibilité de dériver les fonctions d’ensemble intégrales indéfinies ; sans nous y arrêter, nous allons traiter rapidement de la rectification des courbes, ce qui va nous ramener aux procédés du début de ce paragraphe.


III. — La rectification des courbes.

Soit une courbe donnée par les fonctions continues , , définies dans un certain intervalle . En appliquant au radical qui représente la longueur d’une corde de cette courbe, l’inégalité

,

nous avons conclu, au Chapitre IV, que la courbe est rectifiable si, et seulement si, , , sont à variation bornée ; et que, lorsque cette condition est réalisée, l’arc donné par les valeurs de d’un intervalle a une longueur comprise entre la variation totale de dans [ou , ou ], et la somme .

Si est la longueur de l’arc depuis jusqu’à quelconque, on peut écrire cela :

.

Appliquons cette double inégalité à tous les intervalles d’un ensemble d’intervalles non empiétants, et ajoutons ; nous obtenons un résultat que l’on peut noter

.

Faisons maintenant varier de façon que tende vers zéro, nous voyons que : est absolument continue si, et seulement si , , le sont. L’ensemble des singularités de est la somme des ensembles des singularités de , , .

Nous pouvons donc prendre l’ensemble des valeurs de , , , n’ont pas, toutes quatre, des dérivées finies et déterminées comme un ensemble de singularités.

Ceci étant, enfermons dans un ensemble d’intervalles non empiétants ; puis, étant arbitrairement choisi positif, enfermons dans un ensemble d’intervalles non empiétants l’ensemble des points en lesquels on a

 ;

et couvrons , à partir de , à l’aide d’une chaîne d’intervalles choisis parmi les suivants :

a. À un point de attachons l’intervalle d’origine et dont l’extrémité coïncide avec l’extrémité de celui des intervalles constituant qui contient  ;

b. À un point de attachons un intervalle d’origine , contenu dans celui des intervalles constituant qui contient , et tel que la longueur de la corde fournie par cet intervalle diffère de

de moins de .

Servons-nous de cette chaîne, ou plutôt du polygone inscrit correspondant, pour calculer une valeur approchée de . La contribution des intervalles de l’espèce a est au plus  ; d’ailleurs, elle sera aussi voisine qu’on le voudra de cette valeur si l’on modifie la construction de la chaîne comme il suit : on opérera comme il a été indiqué seulement à l’extérieur des premiers intervalles, , , …, constituant et l’on subdivisera , …, en intervalles partiels extrêmement petits. Moyennant cette modification nous pourrons donc supposer, en choisissant convenablement les , que la contribution des intervalles de l’espèce a diffère aussi peu qu’on le veut de la limite inférieure de , quand on fait tendre vers zéro, c’est-à-dire de la valeur que prend pour la fonction des singularités de .

D’autre part, la contribution des intervalles de l’espèce b est comprise entre

et,

désignant la partie de non couverte par et les autres . Mais nous avons vu que, moyennant un choix convenable de , de et des , tous pris suffisamment petits, les deux sommes précédentes diffèrent aussi peu qu’on le veut de

,

étant l’ensemble des points de qui n’appartiennent pas à . Avant de conclure remarquons que si nous avions formé à l’aide des points où l’un des nombres , , aurait été infini de signe bien déterminé, et des points où , , auraient été tous trois finis et déterminés, cela n’aurait changé ni la limite inférieure de , ni l’intégrale , donc :

Si l’on désigne par l’ensemble des valeurs de pour lesquelles , , sont finies et déterminées, et par l’ensemble des valeurs de pour lesquelles l’une au moins des dérivées , , a une valeur infinie de signe déterminé, la longueur de la courbe rectifiable , , est égale à

 ;

étant la limite inférieure de la somme des longueurs d’arcs de la courbe contenant tous les points de cette courbe donnés par les valeurs de [17].

Si l’on corrige de sa fonction des singularités, on a une fonction absolument continue

,

qui a presque partout pour dérivée  ; mais a presque partout une dérivée nulle. Donc, on a presque partout

,

pour toute courbe rectifiable.

Exprimons les coordonnées des points de la courbe en fonction du paramètre  ; cette formule devient

 ;

elle a lieu presque partout ; l’expression presque partout étant relative maintenant à la mesure par rapport à la variable . Partout où elle a lieu , , existent et ne sont pas toutes trois nulles, donc : si l’on excepte les points d’une courbe rectifiable, donnés par un ensemble de mesure nulle de valeurs de l’arc , en tout point de la courbe existe une tangente déterminée, et l’on a

.
  1. Comparez avec la page 89.
  2. Cette distinction est nécessaire car nous n’avons appliqué la classification de M. Baire qu’aux fonctions partout finies. Mais on peut étendre cette classification à toutes les fonctions.
  3. Pour satisfaire aux exigences logiques, indiquées en note page 67, il conviendrait d’ailleurs, ce qui serait facile, de préciser ces conditions pour que la construction de la chaîne ne comporte plus aucun choix ; nous ne nous y arrêterons pas.

    La condition 1o est en réalité inutile ; les conditions 2o et 3o suffisent.

    On pourra remarquer que ce qui suit ne suppose à aucun moment que soit le nombre dérivé supérieur à droite de , mais seulement que est mesurable et compris en tout point entre les deux nombres dérivés à droite de  ; . De nos considérations résulte alors que est déterminée par , quand est sommable. C’est la réponse à une question posée par M. Denjoy.

  4. Nous conviendrons de dire qu’une propriété a lieu presque partout dans un intervalle , ou sur un ensemble , si les points de ou de en lesquels elle n’a pas lieu ou bien n’existent pas, ou bien forment un ensemble de mesure nulle.

    Cette locution, introduite dans la première édition de ce Livre, a été généralement adoptée. Si l’on se rappelle que M. Denjoy n’a pas trouvé suffisamment précise et qu’il a rejeté l’expression : le point est point de l’ensemble , on ne s’étonnera pas qu’il ait jugé inadmissible la locution presque partout qui, à son avis, a deux sens : l’un qualitatif ou descriptif, l’autre quantitatif ou métrique. Je pense qu’il faut entendre par là qu’on aurait pu convenir de donner à presque partout la signification suivante : exception faite des points formant un ensemble partout non dense. Certes ; mais M. Denjoy dit qu’une propriété a lieu sur une épaisseur pleine quand je dis qu’elle a lieu presque partout. Épaisseur pleine n’aurait-elle pas pu recevoir une autre signification que celle qu’il a plu à M. Denjoy de lui donner ?

    Presque partout serait inadmissible si, dans la langue usuelle, cette expression avait un sens précis, mais cela n’est pas ; de sorte que le lecteur, en présence de l’énoncé précédent par exemple, ne peut lui donner aucun sens précis sans se reporter à la définition posée pour presque partout. Aucune erreur n’est donc possible.

    Obliger le lecteur à se reporter à une définition a son inconvénient. Je l’accorderais volontiers à n’importe qui, sauf à M. Denjoy qui a utilisé dans ses Mémoires un nombre formidable de mots nouveaux. Et ce n’est pas diminuer l’inconvénient que de modifier, fût-ce même pour le perfectionner, un vocabulaire dont l’usage commence à se répandre.

  5. C’est pour éviter des redites que l’ordre du texte a été adopté, mais il convient de remarquer combien les considérations précédentes se simplifient quand on se borne au cas d’un nombre dérivé toujours fini ; on notera en particulier que, alors, la notion de fonction d’ensemble n’y intervient plus.

    L’ordre historique est inverse de celui du texte ; les théorèmes relatifs au cas toujours fini figuraient dans la première édition de ce livre ; l’idée d’évaluer la différence comme limite de est due à M. de la Vallée Poussin, qui a obtenu le théorème général, tout d’abord pour les fonctions monotones (Cours d’Analyse infinitésimale, 2e édition, t. I, p. 269).

    On remarquera que l’idée de M. de la Vallée Poussin contient déjà en puissance les notions de fonction et d’ensemble des singularités. Ces notions et toutes celles relatives aux fonctions d’ensemble ont été examinées dans mon Mémoire : Sur l’intégration des fonctions discontinues (Ann. sc. de l’Éc. Norm., 1910).
  6. Il est bien entendu que, pour la conception de cette intégrale indéfinie, on néglige l’ensemble de mesure nulle, formé par les points en lesquels le nombre dérivé considéré est infini. Ou, ce qui revient au même, on prend l’intégrale de la fonction nulle aux points de , égale à ailleurs.
  7. Pour non absolument continue, un des nombres , , peut être nul, mais un seulement.
  8. a, b et c On va voir dans un instant que le mot « continue » peut être supprimé.
  9. La dérivation des fonctions discontinues a été étudiée pour la première fois par M. et Mme W. H. Young (Quaterly Journal, 1910 et Proceedings of the London math. Soc., 1910).
  10. Dans la première édition de ce livre, j’avais signalé cet énoncé, en note de la page 128, de façon tout à fait incidente et sans démonstration. M. Vitali a retrouvé ce théorème et en a publié la première démonstration (Acc. Reale delle Sc. di Torino, 1904-1905). C’est à l’occasion de ce théorème que M. Vitali a introduit, pour les fonctions d’une variable, la dénomination de fonction absolument continue et qu’il a montré la simplicité et la clarté que prend toute la théorie quand on met cette notion à sa base.
  11. On comparera cette définition, qui n’est que la traduction de la définition de la dérivée ordinaire, avec celle donnée par M. Volterra pour la dérivée d’une fonction de ligne (Leçons sur les équations intégrales et les équations intégro-différentielles, p. 12). La définition du texte peut évidemment être appliquée à des fonctions d’ensemble de points d’un plan, de l’espace,  etc. Si on l’applique à un ensemble de points du plan, la parenté avec la définition de M. Volterra apparaît mieux.
  12. En somme, il faut et il suffit que soit continue en quand on néglige les ensembles de mesure nulle [p. 142, en note].
  13. On trouvera dans un Mémoire relatif aux séries de Fourier, que j’ai publié dans les Math. Annalen (Bd LXI, 1905), une autre démonstration de ce théorème, d’où l’on pourrait déduire la proposition relative à la dérivabilité des fonctions d’ensemble qui sont des intégrales indéfinies d’une manière toute différente de celle qui nous a servi ici.
  14. J’ai introduit ces dénominations, qui s’imposent presque, étant donnés les sens physiques des mêmes expressions, dans le Mémoire cité des Math. Annalen. M. Denjoy remplace le mot densité par épaisseur ; il est choqué par des phrases telles que celle-ci : « Un ensemble partout non dense peut avoir presque partout une densité égale à un ». Il est certain qu’une telle phrase semble un calembour ; mais des deux mots dense et densité, c’est le premier qui est mal choisi, car il éveille, me semble-t-il, une idée de mesure, une idée quantitative.

    Quoi qu’il en soit, le lecteur qui m’aura suivi jusqu’ici ne se laissera pas troubler par ces questions de mots puisqu’il aura consenti à s’occuper de la recherche de la définition de l’intégrale définie — ce qui peut paraître ridicule, — et de la définition de l’intégrale qui reste indéfinie même après qu’on l’a définie — ce qui est un peu humiliant.

  15. Voir, par exemple, mon Mémoire des Ann. Sc. de l’Éc. Norm., 1910.
  16. L’ensemble négligé, de densité nulle en , varie avec le point  ; c’est l’ensemble du texte.
  17. La démonstration montre que l’on peut remplacer dans cet énoncé les mots « la limite inférieure de la somme des longueurs d’arcs » par « la limite inférieure de la limite de la somme des longueurs des cordes d’arcs ».