Le Beau Danube jaune/Chapitre 3

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Société Jules Verne (p. 31-39).

iii

UNE COMMISSION INTERNATIONALE

Cette Commission internationale comprenait autant de membres que l’on compte d’États délimités ou traversés par le Danube de l’Occident à l’Orient.

Voici quelle en était la composition :

Pour l’Autriche, M. Zwiedinek.
Pour la Hongrie, M. Hanish.
Pour le duché de Bade, M. Roth.
Pour le Wurtemberg, M. Zerlang.
Pour la Bavière, M. Uhlemann.
Pour la Serbie, M. Ouroch.
Pour la Valachie, M. Kassilick.
Pour la Moldavie, M. Titcha.
Pour la Bessarabie, M. Choczim.
Pour la Bulgarie, M. Joannice.

C’était à Vienne, la capitale du Royaume d’Austro-Hongrie, que venait de se réunir cette Commission à la date du 6 avril du présent mois. Une des grandes salles du Palais des Douanes avait été mise à sa disposition, et, ce jour-là, elle dut procéder à l’élection de son président et de son secrétaire.

C’est sur ce terrain que la première lutte s’engagea, lutte des plus vives, puisque la question de nationalité était en jeu. Rien ne prouvait même que ces commissaires parviendraient à s’entendre, bien que cela fût facile entre Allemands, Autrichiens, Serbes, Valaques, Bulgares, Moldaves, familiarisés avec les divers idiomes en usage dans cette partie de l’Europe jusqu’aux rives de la Mer Noire.

Mais il ne mène à rien de discuter ou de se disputer dans la même langue. Encore faut-il que l’accord s’établisse entre les idées.

Or, précisément, dans cette séance, et sans que les petits États voulussent se reconnaître inférieurs aux grands, un violent débat allait les mettre tous aux prises à propos de l’élection du président et du secrétaire. En cette circonstance, Bade, la Serbie, le Wurtemberg, la Moldavie, la Bulgarie, la Bessarabie émettaient leurs prétentions que ne pouvaient accepter ni la Bavière, ni la Hongrie, ni l’Autriche. Et, cependant, les sympathies ou antipathies de race n’avaient que faire dans la question soumise à ces commissaires. Chacun avait été désigné par le gouvernement de son pays, et représentait un empereur, un roi, un grand-duc, un voïvode, un hospodar. En réalité, tous devaient avoir des droits égaux, ils entendaient les faire valoir, et précisément en ce qui concernait la nomination du président de la Commission internationale.

Or, il arriva en cette occasion ce qui arrive le plus souvent lorsque chacun s’entête à ne rien céder de ses prétentions. Assurément, des divers États qui comptaient des représentants dans la Commission, le plus important par son rang en Europe, par sa population, par son histoire, c’était le Royaume d’Autriche-Hongrie, et on comptait que la présidence serait dévolue soit à M. Zwiedinek, soit à M. Hanish.

Il n’en fut rien, et à qui revint le plus grand nombre de voix ?… À M. Roth, le représentant du duché de Bade.

Il fallut bien en passer par là, et, lorsque M. Roth eut pris place au bureau, la nomination du secrétaire, M. Choczim de la Bessarabie, ne présenta plus aucun intérêt.

La discussion commença donc, et, au contraire de ce que l’on pouvait craindre après les débats relatifs à la présidence, elle n’allait donner lieu à aucun incident de quelque gravité.

Voici d’ailleurs ce dont il s’agissait, et dans quel but avait été réunie au Palais des Douanes de Vienne cette Commission internationale.

Depuis quelque temps, les divers États traversés par le Danube avaient la pensée, justifiée d’ailleurs, que la contrebande se faisait sur une large échelle entre les sources et les embouchures du fleuve. Il semblait qu’il existât une association de fraudeurs, parfaitement organisée, qui fonctionnait à l’extrême préjudice des intéressés, et les pertes du fisc montaient déjà à un chiffre considérable.

Les marchandises passées frauduleusement étaient de haut prix, des étoffes de grand luxe, des vins de grands crus, des objets manufacturés de grande valeur, et aussi des produits d’alimentation, conserves et autres, ainsi soustraits aux droits de douane.

D’où venaient ces marchandises, où étaient-elles apportées ? les plus sérieuses recherches n’avaient pu le faire découvrir, et jamais agent de police ou de douane n’avait pu trouver la piste des fraudeurs.

Il n’était pas d’ailleurs probable que la contrebande s’effectuât par terre, et tout donnait à penser qu’elle prenait la voie du fleuve.

Et, cependant, la navigation était surveillée avec soin pour ne pas dire avec une sévérité extrême qui provoquait de toutes parts les plus vives récriminations. La batellerie du Danube était l’objet de vexations quotidiennes, bateaux arrêtés, bateaux retenus, bateaux visités, bateaux déchargés même, lorsqu’ils donnaient prise à une suspicion particulière, ennuis de toutes sortes, et enfin dommages importants causés au commerce et à l’industrie des transports.

Or, en dépit des investigations, de l’intervention constante des divers agents, rien n’avait été découvert. Ce qui paraissait certain, c’est que ces diverses marchandises, sans avoir acquitté aucun droit, arrivaient aux embouchures du fleuve où les attendaient des navires sous vapeur, qui les débarquaient sur divers points du littoral de la Mer Noire, d’où on les expédiait vers l’intérieur.

Il ne semblait pas non plus qu’il y eût doute sur ceci : c’est que cette fraude se faisait depuis plusieurs années déjà, et on était fondé à se demander si elle n’avait pas servi au transport des munitions et des armes, lorsque quelque guerre éclatait dans les provinces riveraines de la Mer Noire.

Quoi qu’il en soit, les gouvernements ignoraient jusqu’alors sur quelles bases était fondée cette association de fraudeurs, quel matériel elle employait, si les associés étaient nombreux, s’ils étaient uniquement recrutés parmi les nationaux de l’Europe Centrale. Aucun de ces malfaiteurs n’avait pu être pris en flagrant délit. Aussi, la douane et la police, reconnaissant leur impuissance, demandaient-elles qu’une surveillance plus sévère que jamais, surveillance de jour et de nuit, fût établie sur tout le parcours du Danube.

C’est donc en vue de prendre des mesures plus efficaces, plus rigoureuses qu’avait été nommée cette Commission internationale, et, pour la première fois, elle venait d’être appelée à délibérer sur ces graves et difficiles questions.

Le président Roth, lorsqu’il eut pris place au bureau, fit un historique de la situation : il dit tout ce qui avait été tenté jusqu’alors sans résultat. Les renseignements recueillis de part et d’autre, il les communiqua à ses collègues. À son avis, les divers États avaient été fraudés dans une proportion énorme. Où s’étaient accumulés les bénéfices des fraudeurs, à quel usage ils avaient été employés, on l’ignorait. La conclusion était que cet état de choses ne pouvait durer plus longtemps, et tous les intéressés comptaient que la Commission internationale saurait y apporter remède dans un bref délai.

Une question fut alors posée au président par un des membres, M. Kassilick, représentant de la Valachie.

« Je désirerais savoir, et je pense que mes collègues partageront mon désir, si, depuis que la contrebande s’exerce sur le haut comme sur le bas cours du Danube, les soupçons se sont plus particulièrement portés sur quelqu’un.

— Je puis répondre affirmativement, réplique le président Roth.

— Sur le chef de l’association ?…

— On a tout lieu de le croire.

— Et ce chef, quel serait-il ?…

— Un certain Latzko, dont le nom aurait été prononcé quelquefois…

— Et sa nationalité ?…

— On ne sait au juste, mais il serait possible qu’il fût d’origine serbe ! »

Cette déclaration ne parut pas être du goût du représentant de la Serbie, M. Ouroch, et il crut devoir formuler quelques réserves.

M. Roth s’empressa de lui répondre que cette assertion ne reposait que sur des données assez incertaines et qu’en tout cas, ce chef se nommât-il Latzko, et ce Latzko fût-il Serbe, cela ne saurait en aucune façon porter atteinte à l’honneur d’un pays qui compte parmi ses chefs dynastiques des Étienne, des Brancovitch, des Czerin et des Obrenovitch !

M. Ouroch se montra satisfait, comme l’eussent été en pareille occurrence les représentants Allemands, Autrichiens, Hongrois, Valaques et autres, pour lesquels le président Roth n’aurait eu qu’à modifier les noms dans sa réponse.

Ainsi donc, les soupçons des diverses polices se portaient sur un certain Latzko, mais uniquement parce que ce nom avait été révélé dans une certaine lettre surprise à la poste de Pest. Mais, quant à celui qui le portait, assez avisé, assez adroit pour échapper à toutes les recherches, on ne le connaissait même pas, on ne l’avait jamais vu. Était-il le chef de l’association qu’il dirigeait de l’une des villes quelconques de l’intérieur ou des rives du Danube ?… Opérait-il par lui-même sur tout le parcours du fleuve ?… Personne ne le savait. Il était à supposer d’ailleurs, que, si ce nom de Latzko était véritablement le sien, il agissait sous un autre nom, et celui-là, la police internationale l’ignorait absolument.

Les membres de la Commission savaient tous à quoi s’en tenir à ce sujet. Dans la question qui leur était soumise, il y avait une petite part de connu, et une grande part d’inconnu.

Le connu, c’était que des marchandises, d’importante valeur, passaient en fraude jusqu’au bassin de la Mer Noire.

L’inconnu, c’était l’organisation de cette vaste entreprise de contrebande, par quels moyens elle s’effectuait et sous quel chef, à quel personnel commandait ce chef que l’on soupçonnait être un certain Latzko, d’origine serbe.

Ce fut à ce moment de la discussion que le Moldave Titcha proposa d’offrir une forte somme à quiconque mettrait la main sur ce Latzko, et le livrerait à la police.

« Jusqu’ici, fit-il observer, les récompenses promises ont été faibles, trop faibles, et il convient de les élever pour tenter même l’un des fraudeurs de la bande ! »

C’était admettre qu’il pouvait se rencontrer un traître qui ne résisterait point à l’appât de la prime, à la condition qu’elle valût la peine de trahir, et, en vérité, peut-être n’était-ce pas mal raisonner de la part de ce Moldave.

« Quel prix est offert ? demanda le Bavarois Uhlemann.

— Cinq cents florins, répondit le secrétaire Choczim.

— Et cinq cents florins, lorsqu’il s’agit d’opérations de contrebande qui donnent des bénéfices cent fois supérieurs, reprit le Moldave, ce n’est pas suffisant… ».

Toute la Commission parut être de cet avis, et, sur la proposition du président Roth, la prime fut portée à deux mille florins.

« Et, déclara le Wurtembergeois Zerlang, il serait bon qu’une récompense honorifique fût ajoutée à cette récompense…

— À la condition toutefois qu’elle ne soit pas gagnée par un des hommes de la bande, » fit justement observer le Bulgare Joannice.

Cela allait de soi.

Le président dit alors que si cette association de malfaiteurs obéissait à un chef, ce Latzko ou tout autre, la police internationale, chargée de poursuivre les fraudeurs, devait en avoir un. Il importait qu’il pût centraliser les opérations de surveillance, qu’il eût la haute main sur tout le personnel, que chacun des agents pût, nuit et jour, se mettre en communication avec lui, — un chef enfin qui, ayant tout pouvoir, assumerait toute responsabilité.

« Jusqu’ici, déclara-t-il, la police et la douane n’ont pu marcher avec ensemble, n’étant pas dirigées par la même tête… Des bras agissaient en divers sens, non un cerveau unique qui aurait dû simultaniser leurs mouvements… De là, des fautes commises, des erreurs regrettables, des contre-ordres fâcheux qu’il importait d’éviter à l’avenir. »

Tous approuvèrent la déclaration du président. La Commission désignerait un chef, auquel serait attribué toute autorité sur les autres agents. Et, elle ne se séparerait pas sans avoir fixé son choix, ce qui allait peut-être provoquer des discussions analogues à celles qui avaient précédé la nomination du président Roth.

Mais, avant de parler des candidats dont la Commission aurait à discuter les titres, celui-ci voulut donner communication d’une note qu’il avait reçue du directeur des douanes à Vienne.

Cette note disait en substance que l’administration avait tout lieu de croire à une nouvelle opération de contrebande qui se préparait depuis quelque temps… Dans les provinces riveraines du haut Danube, il s’était produit un important mouvement de marchandises, surtout en objets manufacturés. Vainement avait-on essayé de suivre ce mouvement… Il s’était effectué avec la plus grande circonspection, et les traces des fraudeurs avaient été définitivement perdues. En outre, l’apparition de plusieurs navires suspects avait été signalée aux diverses embouchures du fleuve. Ils semblaient vouloir communiquer avec la terre, et, après une attente plus ou moins longue, ils prenaient le large, les uns se dirigeant vers les rivages moscovites, les autres vers les rivages ottomans. Accostés par certains bâtiments de guerre, ils avaient montré leurs papiers en règle, et bien que l’on pût les soupçonner dans une certaine mesure, il avait fallu les laisser libres de continuer leur route.

La note ajoutait que la surveillance devait être exercée plus sévère que jamais sur le cours entier du Danube. Tout donnait à penser que la nouvelle opération de contrebande était déjà en voie, et la Commission internationale avait à prendre les mesures les plus rigoureuses pour en finir avec ces fraudeurs.

En somme, le président Roth et ses collègues étaient bien décidés à employer tous les moyens possibles pour enrayer cette désastreuse contrebande, à en découvrir le chef et les agents, à détruire jusqu’au dernier cette association de malfaiteurs.

Il restait à organiser ces mesures de manière à les rendre efficaces, en les concentrant dans une seule main. Que la douane d’un côté, la police de l’autre, dussent agir de concert, cela n’était pas à discuter, et d’ailleurs les efforts de ces deux administrations s’exerçaient déjà en commun. Les embarcations de la douane surveillaient le Danube, n’épargnant pas les visites aux bateaux qui descendaient son cours. En ce qui concerne les rives, entre les villes et les villages situés au long du fleuve, c’étaient les escouades de police qui y multipliaient jour et nuit leurs rondes.

Mais, enfin, ces moyens n’avaient point abouti, peut-être par manque d’unité de direction entre des agents de nationalités diverses, et c’est à cet état de choses, que la Commission entendait remédier.

Le président ouvrit donc la discussion sur le choix d’un chef auquel elle délèguerait ses pouvoirs et qui aurait autorité sur tout le personnel fourni par les États riverains du Danube.

La discussion ne laissa pas d’être longue. Autriche, Hongrie, Bulgarie, Wurtemberg et autres mettaient en avant leurs préférés, appartenant aux polices de leur pays. Chacun les défendait avec une inlassable ardeur. Jamais on eût cru que l’Europe Centrale eût compté un tel stock de policiers d’une telle valeur. Il se produisait là, en somme, ce qui s’était produit pour l’élection du président, où, de guerre lasse, d’ailleurs, la Commission avait fini par nommer le représentant du moins important des États.

Cette fois, il y eut lieu de procéder autrement, et si le président Roth avait été élu à mains levées, il fut nécessaire de recourir au bulletin de vote pour la nomination du chef de police.

Au total, les candidats qui semblaient avoir le plus de chances étaient ceux de la Hongrie, de la Bavière et de Moldavie, trois policiers dont, en plusieurs circonstances, on avait pu apprécier le mérite, mérite très sensiblement égal, en somme. Aussi, après discussion, les noms des autres candidats écartés, la Commission décida-t-elle de soumettre ces trois agents au scrutin secret. Il suffirait que dès le premier tour la majorité relative fût obtenue, soit cinq voix sur neuf, personne n’ayant le droit de s’abstenir.

Sur l’invitation du président, chacun écrivit sur un bulletin le nom de son candidat, et ces bulletins furent déposés dans un chapeau. En vérité, à cette époque de votes incessants, ne peut-on se demander si le chapeau n’est pas plutôt destiné à servir d’urne électorale qu’à servir de couvre-chef ?…

« Tout le monde a voté ?… » demanda le président.

Oui, et les neufs bulletins furent extraits du chapeau.

Le président procéda alors au dépouillement dont les chiffres étaient inscrits sur le procès-verbal de séance par le secrétaire Choczim.

Sept voix se réunirent sur un nom de nationalité hongroise.

Ce fut celui de Karl Dragoch, chef de la police à Pest, et sur lequel, après discussion, l’accord s’était fait en grande majorité.

Le nom de Karl Dragoch fut donc accueilli avec satisfaction, et même le Valaque Kassilick et le Moldave Titcha, qui n’avaient point voté pour lui, déclarèrent qu’ils s’y ralliaient volontiers.

C’était, on peut le dire, l’unanimité dans le scrutin.

Du reste, ce choix était amplement justifié par les précédents de Karl Dragoch[1] et les services qu’il avait rendus en maintes circonstances où il agissait comme chef de la police hongroise.

Karl Dragoch, alors âgé de quarante-cinq ans, demeurait à Pest. C’était un homme de complexion plutôt moyenne, assez maigre, doué de plus de force morale que de force physique, de bonne santé cependant, et très résistant aux fatigues professionnelles de son état, ainsi qu’il l’avait prouvé au cours de sa carrière, très brave en outre devant les dangers de toutes sortes qu’elle entraînait. S’il demeurait à Pest, c’est que les bureaux de son administration étaient établis dans cette ville. Mais, le plus souvent, il était en campagne, occupé à quelque mission difficile ou délicate. Au surplus, en sa qualité de célibataire, il n’avait pas les soucis de famille, et rien ne venait entraver la liberté de ses mouvements. Il passait pour un agent aussi intelligent que zélé, très sûr, très actif, avec le flair spécial qui convient à ce métier.

On ne s’étonnera donc pas que le choix des commissaires se fût porté sur lui, après que son compatriote Hanish eut fait connaître son mérite et vanté ses qualités.

« Mes chers collègues, dit alors le président Roth, nos suffrages ne pouvaient se réunir sur un nom plus recommandable, et la Commission n’aura point à se reprocher d’avoir choisi Karl Dragoch pour chef du personnel qui doit opérer dans cette grave affaire. »

Il fut décidé que Karl Dragoch, qui se trouvait en ce moment à Pest, serait mandé à Vienne en toute hâte, avant que la Commission ne vînt à se séparer, afin de prendre contact avec ses membres. Cette affaire de contrebande, il devait la connaître déjà. On le mettrait au courant de ce qu’il pouvait ignorer encore. Il donnerait son avis sur la manière d’opérer, et se mettrait aussitôt en campagne.

Il allait de soi que le secret serait absolument gardé sur le choix que venait de faire la Commission. Le public devait ignorer que Karl Dragoch eût la direction de cette affaire. Il importait, en effet, que l’association des fraudeurs n’eût pas l’éveil, et ne pût se défier du chef de la police.

Le jour même, une dépêche fut expédiée à Pest, à l’administration centrale, invitant Karl Dragoch à se rendre sans retard dans la capitale autrichienne. Il y avait donc lieu de compter que, le lendemain, dès la première heure, Karl Dragoch se présenterait à l’hôtel des Douanes où la Commission tiendrait sa dernière séance.

Avant de se séparer, le président et ses collègues décidèrent de se réunir dès que les circonstances l’exigeraient, soit à Vienne, soit dans toute autre ville des États intéressés. En même temps, en chacun de ces États, les commissaires suivraient les diverses péripéties de la campagne entreprise ; ils resteraient en contact avec les agents, et toutes les communications devraient être adressées à M. Roth, au bureau central, dans la capitale. Mais, il était convenu que Karl Dragoch conserverait toute sa liberté d’action et ne serait jamais entravé en n’importe quelle circonstance.

La réunion prit fin alors, et il y avait tout lieu d’espérer, grâce aux nouvelles mesures, que la police mettrait enfin la main sur ce Latzko, l’insaisissable chef de cette non moins insaisissable association de fraudeurs.


  1. Subsiste ici le premier nom de Karl Dragoch, « Dragonof », dont la correction est parfois oubliée dans ce chapitre (NDLR)