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Le Bhâgavata Purâna/Livre I/Chapitre 12

La bibliothèque libre.
Traduction par Eugène Burnouf.
Imprimerie royale (tome 1p. 57-60).
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CHAPITRE XII.

NAISSANCE DE PARÎKCHIT.


ÇÂUNAKA dit :

1. L’enfant qu’Uttarâ portait dans son sein, et que le javelot ardent nommé Brahmaçiras ; lancé par Açvatthâman, avait détruit, fut rendu à la vie par le souverain Seigneur.

2. Maintenant, quelles furent la naissance et les actions de cet enfant, qui devint un héros magnanime et célèbre par son intelligence ? Comment sa mort arriva-t-elle, et comment quitta-t-il ce monde pour l’autre ?

3. Voilà ce que nous désirons entendre, pourvu que tu consentes à nous le raconter ; apprends-nous, car nous avons la foi, ces faits dont tu dois la connaissance à Çuka.

SÛTA dit :

4. Dharmarâdja (Yudhichṭhira) occupait le trône, exauçant, comme un père, les vœux de ses sujets ; le culte qu’il adressait aux pieds de Krĭchṇa l’avait affranchi de tous les désirs.

5. Le bonheur, les sacrifices, des peuples nombreux, des frères, la possession d’une épouse, l’empire de la terre, la souveraineté du Djambudvîpa, une gloire répandue dans les trois mondes,

6. Toutes ces jouissances dignes des désirs d’un Sura ne causaient pas plus de satisfaction au roi dont le cœur était tout entier à Mukunda, que n’en donne, à un homme affamé, la vue de choses dont il ne peut se nourrir.

7. L’héroïque enfant, ô fils de Bhrĭgu, au moment où, dans le sein de sa mère, il était consumé par l’ardeur du javelot [de Brahmâ], vit une forme humaine.

8. De la hauteur d’un pouce, pure, ornée d’un brillant diadème d’or, d’une beauté ravissante, de couleur noire, et dont les vêtements ressemblaient à l’éclair ;

9. Atchyuta enfin, qui, avec ses quatre bras longs et beaux, avec des pendants d’oreilles d’un or bruni au feu, des yeux rouges comme le sang, et la massue à la main, décrivait un cercle autour de lui, faisant sans cesse tourner sa massue étincelante comme le feu.

10. Il vit cette forme qui détruisait, en le touchant de sa massue, le javelot [de Brahmâ], comme le soleil fond la neige, et il réfléchit [en disant :] Quel est donc cet être ?

11. Après avoir dissipé le javelot sous les yeux de l’enfant qui avait atteint dix mois, Bhagavat, dont l’âme est infinie qui garde la justice, le souverain Seigneur, Hari, disparut en cet endroit.

12. Alors, à un instant dont l’influence lui promettait l’avenir de toutes les vertus, et où se rencontraient des planètes favorables, naquit cet enfant, l’espoir de la race de Pâṇḍu, égal en gloire à Pâṇḍu lui-même.

15. Le roi [Yudhîchṭhira], la joie dans le cœur, ayant fait proclamer cet heureux jour, se fit prédire la destinée de l’enfant par Dhâumya, Krĭpa, et par d’autres Brahmanes.

14. Habile dans les choses saintes, au moment sacré de la naissance, il offrit en présent aux Brahmanes de l’or, des vaches, de la terre, des villages, des éléphants, de bons chevaux et d’excellents aliments.

15. Les Brâhmanes satisfaits dirent au roi, qui se tenait incliné devant eux avec respect : Héros de la race des Pâuravas !

16. Au moment où le Destin irrésistible avait mis un terme à cette succession toujours pure des fils de Kuru, cet enfant vous a été donné par Vichṇu, dont le pouvoir est immense, comme un gage de sa faveur.

17. C’est pourquoi il sera célèbre dans le monde sous le nom de Vichṇurâta (donné par Vichṇu), et il deviendra, n’en doutez pas, un prince illustre et entièrement dévoué à Bhagavat.

18. Yudhichṭhira dit : Sages Brahmanes ! sa gloire égalera-t-elle la renommée de vertu de ses ancêtres, des magnanimes Râdjarchis de sa race que célèbrent les poésies sacrées ?

19. Les Brâhmanes dirent : Il protégera ses peuples, ô prince, comme Ikchvâku, fils de Manu ; il aimera les Brâhmanes, et sera fidèle à sa parole comme Râma, fils de Daçaratha.

20. Il sera libéral, et accordera un refuge [à ceux qui l’imploreront] comme Çivi, souverain d’Uçînara ; comme le fils de Duchyanta, il étendra au loin la gloire de ses parents occupés au sacrifice.

21. Il sera, comme les deux Ardjunas (Kârtavîrya et Ardjuna), le plus habile des archers ; il sera irrésistible comme le feu, aussi difficile à traverser que l’océan,

22. Courageux comme le roi des animaux, vénérable comme l’Himavat, patient comme la terre, indulgent comme le sont un père et une mère,

23. Semblable au grand ancêtre (Brahmâ) par l’égalité de son âme, au Dieu de la montagne (Çiva) par sa bienveillance ; il sera le refuge de tous les êtres, comme le Dieu (Vichṇu), qui est l’asile de Ramâ (Lakchmî).

24. Il égalera Krĭchṇa par la grandeur que donne la réunion de toutes les bonnes qualités ; il sera généreux comme Rantidêva, juste comme Yayâti ;

25. Il égalera Bali en constance ; comme Prahrâda, son attachement à Krĭchṇa sera vertueux ; il célébrera plusieurs fois l’Açvamêdha, et honorera les vieillards.

26. Il donnera le jour à des Rĭchis de rois, punira ceux qui s’écarteront du droit chemin, et par l’accomplissement de la justice, empêchera Kali de régner sur la terre.

27. Ayant reconnu que la mort doit lui arriver par la morsure d’un serpent envoyé par le fils d’un Brahmane, affranchi de tous les liens, il se rendra au séjour de Hari.

28. Après avoir appris du solitaire, fils de Vyâsa, la vraie nature de l’âme, objet de ses désirs, il abandonnera son corps auprès du Gange, et ira certainement, ô roi, dans un asile d’où toute crainte est bannie.

SÛTA dit :

29. Telles furent les prédictions que firent au roi les Brâhmanes habiles à lire dans l’avenir des destinées d’un enfant ; et comblés d’honneurs, ils regagnèrent tous leurs ermitages.

30. C’est cet enfant qui fut ensuite connu sur la terre sous le nom de Parîkchit, parce que, dans ce monde, au milieu des hommes, il était capable de discerner par la méditation l’Être qu’il avait vu autrefois, [n’étant encore que dans le sein de sa mère.]

31. Le fils des rois croissait rapidement de jour en jour, comblé des soins de ses parents, comme croît la lune pendant la période où se remplit sa face brillante.

32. Dès son enfance il était déjà naturellement juste, dévoué à Krĭchṇa, soigneux de plaire à tous, intelligent et fermement attaché à Bhagavat.

33. Cependant, voulant célébrer le sacrifice du cheval pour se laver du crime d’avoir tué ses parents, Yudhichṭhira réfléchit que les impôts et les amendes étaient les uniques sources de son revenu.

34. Ses frères devinant sa pensée, lui apportèrent, par les conseils d’Atchyuta, de grandes richesses qui avaient été abandonnées dans la région du nord.

35. Muni dès lors de tout ce qui lui était nécessaire, Yudhichṭhira, au comble de ses vœux, offrit, pour calmer ses remords, trois Açvamêdhas au Seigneur du sacrifice, Hari.

36. Bhagavat, invoqué par le roi, après lui avoir fait célébrer le sacrifice avec les Brâhmanes, resta auprès de lui pendant quelques mois pour faire plaisir à ses amis.

37. Puis ayant pris congé du roi, de Krĭchṇa et de ses parents, il regagna la ville de Dvâravatî (Dvârakâ) avec Ardjuna, et entouré des Yadus.


FIN DU DOUZIÈME CHAPITRE, AYANT POUR TITRE :
NAISSANCE DE PARIKCHIT,
DE L’ÉPISODE DE PARIKCHIT, DANS LE PREMIER LIVRE DU GRAND PURAṆA,
LE BIENHEUREUX BHÂGAVATA,
RECUEIL INSPIRÉ PAR BRAHMÂ ET COMPOSÉ PAR VYÂSA.