Le Capitan/LVI

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LVI. Le lendemain
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De cette journée du lendemain, dont nous avons à raconter les dramatiques péripéties, nous devons commencer par la fin et relater tout d’abord un incident qui se passa dans la soirée, à l’auberge de la Bonne-Encontre.

Cette journée, Capestang l’avait passée dehors, pour voir l’attitude de Paris. Le soir il était entré fatigué, assez sombre, et ruminant des pensées qu’il s’efforçait vainement d’écarter. Une sorte de pressentiment s’était affermi en lui : il lui avait semblé que ce jour où il sauvait en somme le roi et la royauté allait lui apporter quelque éclatante récompense sur le rayonnement de laquelle il avait vu se dessiner le profil fier et doux de Giselle. Notre aventurier, vers huit heures du soir, était rentré en son auberge, mal content de lui-même, du roi, de Condé, de Giselle, de tout, de tous, ce qui prouvait qu’il ne savait à qui s’en prendre de sa déconvenue.

Capestang, donc, se jeta tout habillé sur son lit et, la nuque sur les deux bras croisés en arrière, les yeux attentifs à suivre le travail d’une araignée qui tissait sa toile entre deux solives du plafond se plongea dans des réflexions plus ou moins nébuleuses. Cela dura une heure. C’était beaucoup pour lui. Au bout de cette heure, il sauta sur ses pieds.

"Bah ! fit-il rageusement, ce sera l’affaire d’un flacon de bon saumur. Cogolin ! Holà ! Cogolin ! Holà ! monsieur le drôle ! Il est neuf heures, et je n’ai pas encore soupé !"

Cogolin apparut, dressa la table sans mot dire, contre son ordinaire ; puis il s’en fut quérir le souper de son maître ; Capestang, impressionné par ce silence, se mit à manger en maugréant force jurons qui, quoi qu’il en eût, ne lui coûtaient pas un coup de dents.

"Ah çà ! s’écria-t-il, lorsqu’il eut terminé, que signifient ces airs de mélancolie ? Çà ! qu’on se mette à rire, faquin, ou c’est moi qui vais te faire pleurer."

Cogolin fit aussitôt entendre un éclat de rire semblable au grincement d’une girouette.

"Te tairas-tu, maraud ! fulmina Capestang.

— Mais monsieur le chevalier m’a ordonné de rire, bien que j’aie envie de pleurer. Alors, je ris."

Et, du bout des dents, Cogolin recommença à grincer ce qu’il appelait un éclat de rire.

"Voyons, tu me romps la tête avec ton rire, et tu me fends le cœur avec tes larmes. Pourquoi pleures-tu, Cogolin ? Dis-moi cela. Ta maîtresse t’aurait-elle trahi ? Tes cheveux menaceraient-ils de repousser ?

— Monsieur, je vous en prie, appelez-moi Laguigne ! Cogolin n’est plus ! Pour vous dire la vérité, j’avais espéré que vous ne souperiez pas ce soir !

— Et pourquoi aurais-je fait abstinence ? fit Capestang.

— Parce que cela eût sauvé notre dernier écu, monsieur !

— Diable ! Dis-tu vrai ?

— Vous avez hier vidé le fond de la bourse pour jouer cette pièce à laquelle je n’ai rien compris. Le souper que vous avez offert à la noble compagnie du sieur Turlupin a coûté onze pistoles à lui tout seul. Bref, vous êtes ruiné. Ah ! monsieur, il est temps de faire fortune !

— J’y vais songer, dit Capestang le plus naturellement du monde. J’y vais songer en dormant. Penses-y de ton côté."

Vingt minutes plus tard, Capestang dormait de tout son cœur. Mais si Capestang dormait avec conviction, il n’en était pas de même de Cogolin, qui, une fois rentré dans le cabinet qu’il occupait, vida sur un coin de la cheminée le fond de la fameuse bourse et se mit à rire silencieusement, mais, cette fois, tout de bon.

"Cinq pistoles ! murmura-t-il. Les cinq dernières !... Pauvres pistoles, j’ai eu du mal à vous sauver, mais enfin vous voici saines et sauves, intactes ! Vous êtes l’espoir de Cogolin et de M. le chevalier de Trémazenc de Capestang ; car, pistoles, mes mies, vous allez vous en aller tout droit chez le sorcier du Pont-au-Change. Et que va-t-il nous donner en échange ? Le moyen infaillible de gagner au jeu !"

On voit que Cogolin ne démordait pas de son idée ; il n’y a rien de plus entêté qu’un joueur. S’étant assuré, donc, que son maître dormait profondément, il serra les cinq précieuses pistoles au fond d’une de ses poches, se couvrit de son manteau, sortit de l’auberge sans donner l’éveil à personne, et, allongeant ses longues jambes, la bouche fendue par un large sourire de satisfaction, se dirigea rapidement vers la Cité. Le cœur tout battant, il entra alors sur le Pont-au-Change. Quelques instants plus tard, il s’arrêtait devant la porte du sorcier, c’est-à-dire de Lorenzo.


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Reprenant maintenant cette journée par son commencement, nous conduirons d’abord le lecteur à l’hôtel Concini. La grande porte est fermée, solidement barricadée. Dans la cour, soixante arquebusiers sont disposés en trois pelotons de vingt hommes chacun.

Le long du grand escalier, dans les antichambres, dans toutes les pièces qui conduisent jusqu’aux appartements du maréchal, les spadassins ordinaires sont disséminés par groupes de cinq ou six, sous le commandement général de Rinaldo aidé par Louvignac, le seul lieutenant qui lui reste : Pontraille et Bazorges étaient morts dans la nuit aux abords de l’hôtel de Condé ; Montreval et Chalabre avaient été tués à l’affaire du Panier-Fleuri, à Longjumeau.

Les valets eux-mêmes, dépouillant leurs somptueuses livrées pour revêtir de fortes casaques de cuir, ont été armés de pistolets et occupent différents postes stratégiques de défense.

Léonora Galigaï, dans cette immense chambre où nous avons déjà eu occasion d’entrer, est debout près d’une fenêtre, le rideau dans sa main crispée ; ses yeux sont vaguement fixés sur la rue déserte dont toutes les boutiques sont fermées ; mais cette solitude terrible de la rue, cette solitude qu’on voit aux jours de malheur ou de bataille, cette solitude, Léonora ne la voit pas : elle regarde en elle-même. Elle calcule, combine, suppute les chances de Guise. Si le duc réussit dans la tentative insensée que Paris lui impose, Concino est perdu...

Elle espère que Guise, en ce jour, peut être frappé d’une balle que l’émeute lui aura destinée, à elle ! Elle espère que Guise peut succomber tout à coup à quelque mal inconnu !

Oui, oui, Léonora espère en une intervention mystérieuse qui fera disparaître le duc fatal au bon moment ! Mais comment se produira cette intervention ?... Elle ne sait pas ! Oh ! si c’était vrai ! Si Guise disparaissait ! Ce serait le triomphe suprême pour Concino ! Elle a tout préparé. Deux cents gentilshommes achetés à prix d’or ou à force de promesses sont à elle. Dix officiers de la garde du Louvre lui obéissent. Quand elle voudra, elle soufflera sur Louis XIII, et cette faible lueur de royauté s’éteindra pour faire place à la royauté puissante de Concino. Et le regard de Léonora s’enflamme. Le rêve de Guise, c’est elle qui l’éteindra et en fera une réalité ! Le coup terrible que Guise va porter à la royauté, c’est elle qui en profitera.

Un long soupir soulève le sein de Léonora. Elle laisse tomber le rideau. Elle recule. Elle se retourne et demeure stupéfaite, un sourire aigu sur ses lèvres pâles ; quelqu’un est là ! un homme à genoux, qui, au moment où Léonora s’est retournée, s’est prosterné le front sur un tapis.

"Belphégor !" murmure Léonora.

Et ses yeux jettent un éclair. Enfin ! Enfin ! Elle va savoir ce qu’est devenue Giselle ! ce qu’est devenu Capestang ! Elle fait trois pas rapides vers le Nubien et ordonne :

"Relève-toi !"

Belphégor obéit. Léonora l’examine un instant. Le Nubien a maigri. Une sombre tristesse voile son regard de fauve. Lui aussi, une seconde, lève les yeux sur sa maîtresse, puis il baisse la tête, et, d’une voix étrangement calme :

"Maîtresse, dit-il, après ce que j’ai fait, je ne serais jamais revenu ; non par peur d’être condamné par vous : la mort serait la bienvenue ! Mais j’ai vu qu’on vous menace, qu’on veut vous tuer. Alors je suis entré par la porte secrète, je suis venu ici, et puisque je dois mourir, je veux que ce soit en vous défendant..."

Léonora, devant cette fidélité de chien dévoué, devant ce morne désespoir empreint sur le visage noir de Belphégor, n’a pas tressailli. Belphégor lui appartient : il est tout naturel qu’il veuille mourir pour elle. Seulement, elle s’approche encore du Nubien, lui met la main sur l’épaule et demande :

"Qu’as-tu fait de l’homme et de la jeune fille ?

— Je les ai délivrés", répond Belphégor.

Léonora, cette fois, éprouve comme une vague émotion. Cet aveu simple et terrible, alors qu’elle s’attendait à des mensonges, à des récits compliqués, la frappe d’un émoi superstitieux.

"Tu les as délivrés ! balbutia-t-elle. Et pourquoi ?

— Parce qu’une voix m’en a donné l’ordre ! répond Belphégor de ce même ton morne et indifférent.

— Une voix ! tressaille Léonora... Une voix ! reprend-elle dans sa pensée. Est-ce la voix qui inspire Lorenzo ? Est-ce la voix des volontés supérieures avec lesquelles j’ai essayé de ruser, moi, infime créature terrestre ? Une voix, Belphégor ! Quelle est cette voix qui t’a poussé à me désobéir, à me causer peut-être un préjudice mortel, toi qui voudrais sincèrement mourir pour moi ?

— Une voix, maîtresse ! C’est tout ce que je puis dire, quand même vous me feriez mettre à la torture, quand même vous me feriez attacher à la planche de fer..."

Une minute, Léonora demeure sombre et méditative. Elle est sûre que le Nubien n’a pas voulu la trahir, qu’il a été un instrument inconscient de la délivrance. Elle secoue la tête et murmure :

"Lorenzo ! Lorenzo ! Ta science est infaillible !..."

À ce moment, Belphégor reprit :

"Si je ne puis vous dire quelle voix m’a ordonné de les délivrer, je puis vous dire ce que sont devenus l’homme et la jeune fille qui devaient mourir..."

Léonora jette un cri terrible ; elle saisit Belphégor par les deux poignets et, pâle :

"Parle ! Et je te pardonne tout ! Et je t’enrichis !

— Je n’ai pas besoin de richesses, dit Belphégor en secouant la tête. Mais je suis content que vous me pardonniez. La voix m’a ordonné de les délivrer, mais non autre chose. Et puis... et puis, ajoute-t-il avec un sanglot, si en parlant je puis me venger d’avoir été cruellement bafoué... Non ! ne songeons plus à cela !... La jeune fille, maîtresse, vous la trouverez à l’auberge de la Pie-Voleuse, à Meudon."

À ce moment, il y eut un léger bruit à la porte. Mais ce bruit, Léonora ne l’entendit pas. Son âme était suspendue aux lèvres du Nubien. Belphégor avait entendu, lui ! Il tourne la tête, avec un regard d’inquiétude, vers la porte.

"Et l’homme ! râla Léonora. Le chevalier de Capestang !..."

Belphégor baisse la voix et répond :

"Il a quitté Paris, puis il est revenu ; je l’ai rencontré un jour rue des Lombards, et je l’ai suivi. Il habite rue de Vaugirard, à la Bonne-Encontre."

Léonora se couvre le visage de ses mains, comme si elle était éblouie. Lorsqu’elle laisse retomber ses bras, ce visage apparaît si flamboyant que Belphégor a peur et recule. Mais d’un puissant effort, Léonora Galigaï se calme.

"C’est bien, dit-elle froidement, ce n’est pas maintenant l’heure de chercher ensemble quelle fut cette voix et à quel ordre tu as obéi, du ciel ou de l’enfer. Te voici, c’est bien. Demain, nous parlerons du passé. Demain, tu me raconteras minute par minute ce qui s’est passé dans les souterrains de l’hôtel. Aujourd’hui, on veut me tuer, tu l’as dit..."

Le Nubien serre les poings et montre les dents.

"Oui, oui, je sais. Tu mourrais pour moi. Eh bien, Belphégor, arme-toi solidement d’un bon poignard. C’est une arme terrible dans ta main. Tu viendras m’attendre à la porte de monseigneur. Toute la journée, tu me suivras, tu seras à portée de ma voix, tu seras ma main armée, où que j’aille, où que je sois. Et si d’un signe ou d’un mot, je te désigne un homme, frappe sans hésiter."

Léonora, suivie de Belphégor, se dirige rapidement vers la porte qu’elle ouvre, et elle passe dans l’antichambre. Là elle s’arrête : un homme, un nain, à l’autre bout de l’antichambre, paraît occupé à regarder attentivement un tableau.

"Lorenzo !" murmure en tressaillant Léonora.

Et un soupçon rapide comme ces éclairs qui déchirent la nuit, zèbre son cerveau de ténèbres. Ce n’est pas que la présence de Lorenzo soit étonnante ! Souvent, bien souvent, il vient à l’hôtel d’Ancre. D’ailleurs, Lorenzo s’est retourné. Il a vu Léonora et il vient à elle, il s’incline :

"Madame, dit-il, j’ai pensé qu’en un pareil jour de malheur, mes faibles avis pourraient ne pas vous être inutiles, et je suis accouru."

Un instant, le nain lève la tête vers la maréchale. Et un tressaillement agite encore Léonora : jamais elle n’a vu Lorenzo aussi pâle !... Pourquoi cette pâleur ?

"Merci, mon bon Lorenzo, dit-elle. J’étais sûre de te voir aujourd’hui. Tu ne me quitteras pas. Je vais me rendre au Louvre où je prétends faire mon service près de la reine comme si rien ne nous menaçait. Tu y viendras avec moi."

Lorenzo réprime un mouvement de contrariété ; mais il s’incline et murmure :

"Toute la journée et les jours suivants, je suis tout à la disposition de Votre Seigneurie.

— Bien ! Ton dévouement te sera compté, Lorenzo !" dit Léonora en jetant un regard avide sur le nain ; mais le visage de Lorenzo a repris toute son impassibilité.

Alors Léonora se penche à l’oreille de Belphégor, qu’elle entraîne à quelques pas, et lui glisse cet ordre :

"Si le nain veut te quitter, ne fût-ce qu’un instant, poignarde-le !"

Et elle sort en disant :

"Attendez-moi tous deux à la porte du maréchal."


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Au bruit de sa porte qui s’ouvre, le maréchal d’Ancre a tressailli violemment et sursaute dans le fauteuil où il est assis, songeant que cette journée est peut-être la dernière de sa vie, que peut-être il va mourir ! Mourir... Et lui qui a peur de la mort, lui qui tremble, lui qui a passé les jours à parer les coups de poignard, lui dont les nuits sont hantées par le spectre de l’assassinat, eh bien, cette fois, il y a quelque chose qui lui paraît plus affreux que la mort ! C’est de mourir sans s’être vengé de Capestang ! Sans avoir revu Giselle !...

Ces deux passions - haine et amour - ont ravagé cet être. Il ne conçoit plus la vie sans cette Giselle dont le souvenir lui brûle le sang. Et quant au Capitan qui a fait l’un après l’autre avorter ses projets, ah ! comme il mourrait volontiers s’il avait la joie de tomber sur le cadavre de cet homme ! Telles sont les pensées que Concini roule dans son esprit au moment où entre Léonora.

"Quoi ! Qu’y a-t-il ! Qui est là ! hurle-t-il en se levant et en portant la main à son poignard. Ah ! reprend-il, rassuré, c’est vous, Léonora !


— Oui, mon Concino, dit-elle d’une voix de profonde tendresse, il n’y a rien à redouter. Allons, de quoi as-tu peur ? Ne suis-je pas là, moi !"

Concini, longuement, contemple d’un regard de haine, cette femme qui est pour lui le dévouement poussé jusqu’à sa logique la plus implacable. À cette attitude d’amour, de protestation, de fidélité, il répond par une attitude de mépris.

"Oui, tu es là, gronde Concini, comme le mauvais ange de ma vie ! Que viens-tu m’annoncer aujourd’hui ? Que viens-tu en un tel moment ? Toutes les fois qu’une catastrophe s’est abattue sur l’ambition de mon esprit ou l’ambition de mon cœur, j’ai vu tes ailes noires s’éployer sur moi, j’ai senti ton souffle glacé passer sur mon front, et toujours, en même temps que toi, le malheur entrait ici. Pourquoi viens-tu ? Pourquoi n’obéis-tu pas à nos conventions ? Il était entendu que nous ne devions plus nous voir qu’en public. Laisse-moi au moins souffrir à mon aise."

Il repoussa violemment le fauteuil et se mit à marcher à grands pas. Léonora, lucide jusque dans la torture, songeait :

"Il pense à Giselle ! Et il n’ose prononcer son nom !..."

Concini revint sur elle en faisant un effort pour se calmer :

"Que me voulez-vous ? fit-il d’un ton bref.

— Concino, répondit Léonora d’une voix admirable de calme et d’autorité, Concino, il faut aller au Louvre !"

Il haussa les épaules et ricana :

"Bon conseil ! Excellent ! Sublime ! Traverser cette fournaise ! Mais vous n’entendez donc pas le hurlement de l’émeute déchaînée contre moi !

— Non, Concino, ni contre toi, ni contre le roi, ni au fond contre personne. L’émeute est pour quelqu’un. Et ce quelqu’un, c’est le duc de Guise. Concino, Guise doit aller au Louvre imposer ses volontés au roi. Concino, il ne faut pas que Guise sorte vivant de ce Louvre, s’il a vraiment l’audace d’y entrer...

— Eh ! rugit Concini, il y viendra avec mille gentilshommes !

— Tu te trompes. La moitié au moins des gentilshommes sur lesquels il compte t’aidera à le tuer !"

Concini considéra Léonora avec stupeur.

"Ils sont à moi !" fit-elle simplement.

Un instant, l’admiration l’emporta en lui sur la haine. Mais secouant la tête, furieusement :

"Soit ! Admettons même que toute la noblesse soit pour nous aujourd’hui, quitte à nous massacrer demain. Que seront cinq cents ou mille gentilshommes aujourd’hui ? Ne vois-tu pas que c’est Paris tout entier qui va marcher au Louvre avec Guise ? Ne vois-tu pas que c’est trois cent mille Parisiens qu’il aurait fallu acheter ! Non, Léonora ! On n’achète pas la tempête ni le peuple déchaîné. Écoute ces grondements et tu verras que cela ressemble fort à une tempête qui passe dans le ciel !...

— C’est vrai, dit Léonora d’une voix qui fit frissonner Concini, mais si la foudre vient à jaillir de cette tempête, crois-moi, Concino, elle t’atteindra plus sûrement ici que là-bas. Au Louvre, Concino, au Louvre ! Tu n’as ici, pour t’abriter, que des murs et quelques arquebuses. Au Louvre, tu seras dans l’ombre du trône !"

Concini demeura rêveur un instant. Le dernier argument de Léonora triomphait de sa résistance.

"Eh bien ! dit-il sourdement, allons au Louvre ; je vais donner des ordres à Rinaldo pour nous préparer une escorte autour de notre carrosse."

Léonora dit non de la tête.

"Non ? fit Concini qui, une fois de plus, subissait l’ascendant de cet esprit mâle.

— Une escorte, si considérable qu’elle fût, serait dissipée comme une jonchée de feuilles au vent d’orage. Notre carrosse serait broyé. Nous irons à pied. Nous irons seuls. Rinaldo nous rejoindra ensuite là-bas avec une douzaine d’hommes sûrs pour parer à tout événement ; ne t’inquiète de rien, je l’ai prévu. Allons, Concino, du courage !... Courage, ajouta-t-elle d’une voix qui, malgré ses efforts, s’altéra soudain, courage et confiance en celle qui te donne sa vie heure par heure, jusqu’à son dernier battement de cœur..."

Et, saisissant Concino par la main, elle l’entraîna.


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Au Louvre, dès l’arrivée de M. le maréchal d’Ancre, il y eut un conseil auquel assistèrent la reine mère, l’évêque de Luçon, Vitry, capitaine des gardes, et Ornano. L’audacieuse visite du duc de Guise était annoncée pour midi. Il s’agissait de savoir ce qu’on répondrait, ce qu’on ferait. Vitry proposa d’empêcher le duc d’entrer dans le palais et de le repousser à main armée s’il persistait à obtenir une audience qui lui serait refusée. Concini proposa d’envoyer un ambassadeur à l’hôtel de Guise et de lui demander ses conditions pour une paix honorable. Ornano proposa de laisser entrer le duc et une fois qu’il serait dans le Louvre de lui faire ce qu’on avait fait au Balafré, son père, dans le château de Blois. Le vieux soldat exposa que la situation était identique et qu’il fallait donner la parole aux épées. Le jeune roi, un peu pâle, mais très ferme, écouta tous les avis sans approuver ni désapprouver.

"Et vous, monsieur l’évêque, que conseillez-vous ? dit-il.

— Sire, dit Richelieu de cet accent d’autorité que déjà il s’habituait à prendre, Votre Majesté ne peut sortir du Louvre : c’est là une abdication. Le jour des Barricades, Henri III eût dû rester dans le palais des rois. Un roi qui quitte son trône est un roi déchu."

Louis XIII, d’un mouvement nerveux de la tête, approuva. Puis il murmura :

"On me tuera peut-être. Mais c’est sur mon trône que les assassins devront venir me chercher.

— Nous ne pouvons pas non plus, continua Richelieu, empêcher M. de Guise d’entrer au Louvre. S’il a l’audace de se présenter dans les conditions que l’on dit et auxquelles je ne puis croire encore, il aura derrière lui cent mille Parisiens. Je connais ce peuple, sire ; d’un coup de griffe, il renversera les barrières du Louvre... et Guise entrera en vainqueur au lieu d’entrer en sujet, voilà tout. Nous ne pouvons pas non plus, comme le propose M. le maréchal d’Ancre, envoyer une ambassade à l’hôtel de Guise ; ce serait un aveu d’impuissance et de crainte. Votre Majesté tient l’étendard de la monarchie. Elle ne doit l’incliner devant une faction de rebelles promis à l’échafaud.

Saëtta[1] ! murmura Ornano, il va bien le frocard !"

Louis XIII avait redressé fièrement sa jeune tête, et, appuyant sa main fine sur la table :

"On tranchera cette main avant que je n’incline devant les Guise le fanion que je tiens de mon père !

— Sire, reprit Richelieu, Votre Majesté décidera. Moi, je laisserais entrer le duc, mais non pour le poignarder, ainsi que le demande M. d’Ornano. Le Balafré a été tué à Blois, c’est vrai ! Mais Jacques Clément a ramassé dans le sang l’épée qui a tué Guise et il s’en est fait un couteau pour tuer Henri III. Car le sang appelle le sang. Je laisserais donc entrer le fils du Balafré. J’écouterais l’exposé de ses demandes, et je lui répondrais que je vais réunir les États pour les examiner. Votre Majesté peut être certaine que l’annonce d’une pareille assemblée suffira pour calmer les bourgeois de Paris, qui sont aujourd’hui la principale force de M. de Guise. Quant à la noblesse..."

Richelieu compléta sa pensée par un geste tranchant comme la hache. Cette idée d’une réunion des États fit tressaillir de joie tous les assistants.

"Nous sommes sauvés !" s’écria Marie de Médicis en battant des mains.

Vitry, Ornano et même Concini déclarèrent que cette pensée de profonde politique sauvait en effet le roi et le trône. Louis XIII, d’un signe de tête très bref, approuva. La séance fut alors levée, et on attendit l’arrivée de Guise. Ornano et Vitry allèrent reprendre leur poste à la tête de leurs hommes.

Au moment où Richelieu avait achevé de parler, une tenture de la salle du conseil avait frémi - et une femme qui, placée derrière cette tenture, avait tout écouté, tout entendu, cette femme se recula, s’enfonça dans un couloir. Cette femme, c’était Léonora Galigaï. Et Léonora Galigaï grondait :

"Demain, ce prêtre sera le maître du royaume. Il est temps d’agir, oh ! il est temps !"

Quant au jeune roi, une fois cette décision prise, il passa dans une antichambre, mais se dirigeant vers une vaste salle d’où l’on avait vue sur la place du Louvre :

"Ah ! murmura-t-il, tous ces avis, ce sont des conseils de ministres, de soldats, de prêtres - mais pas un de ces hommes n’a trouvé la solution hardie qui convenait au roi. Pas un ne m’a dit : « Sire, vous êtes le maître ! Et M. de Guise est un rebelle ! Donnez-m’en l’ordre, et je saisis le Guise ! Je le jette à la Bastille où il attendra que le roi ordonne d’instruire son procès ! » Oh ! continua Louis XIII, il y avait dans le monde un homme assez aventureux, assez brave pour tenter un pareil coup d’audace... et je l’ai écarté de moi !"

Ses hallebardiers lui rendaient les honneurs en renversant vers le sol la pointe de leurs armes. Il porta à son chapeau le pommeau de sa cravache. À ce moment, il vit Luynes qui accourait et son visage s’illumina d’un sourire.

"Pends-toi ! fit-il en imitant l’accent gascon d’Henri IV. Pends-toi, brave Luynes. Nous avons tenu conseil, et tu n’y étais pas !

— C’est vrai, sire, mais j’y serai par la morbleu, quand tout à l’heure il faudra daguer la bête !

— Tu crois donc qu’il y aura bataille, mon brave Luynes ?

— Regardez, sire !"

Louis XIII, de son pas nonchalant, s’approcha d’une large fenêtre. Et ce qu’il vit le fit tressaillir. Il se redressa. Une flamme brilla dans ses yeux. D’un geste instinctif, il porta la main à son épée, et d’une voix ardente :

"Bataille, soit ! Ce sera ici ma bataille d’Arques, à moi !"

Une bouffée de pensées chevaleresques montait à son cerveau. Un grand frémissement l’agita. Il se retourna et d’un regard embrassa l’immense salle du trône où il venait d’entrer, solennelle, grandiose, évocatrice de gloire et de magnificence, avec ses grands portraits en pied, héroïque vision de chefs illustres dont les regards étincelaient au fond des lourds cadres d’or, les sièges dorés disposés pour recevoir la première gentilhommerie du monde, et, au fond de la salle, sous un dais de velours bleu parsemé de fleurs de lis, sur son estrade élevée de six marches, le trône d’or massif, le siège symbolique sur lequel, seul, il avait le droit de s’asseoir !...

Et, dans ce regard éperdu d’une seconde, il vit qu’il y avait dans la salle du trône deux cents gentilshommes haletants, la main à la garde de l’épée, il vit Luynes qui l’encourageait, il vit Concini, il vit ses gardes, ses officiers, il vit la reine Anne qui s’avançait radieuse de beauté, calme, grave, rayonnante en la fleur de sa jeunesse. Il vit les dames d’atours qui l’escortaient, tout cet ensemble prestigieux l’enfiévra, toute cette mise en scène fastueuse, guerrière, élégante et terrible déchaîna en lui l’orgueil du commandement. Il se sentit roi, et, d’une voix éclatante, cria :

"Monsieur, nous vaincrons, ou nous mourrons ici !

— Vive le roi ! - Vive le roi ! - Vive le roi !"

Une énorme acclamation montait, délirante, se déchaînait en tempête et répondait à la tempête qui grondait au-dehors, sur la place. Et vers cette place, Louis XIII, le petit roi, allait se retourner tout fier quand à ce moment, plus loin que ses gentilshommes et que ses officiers, plus loin que la reine et les dames d’honneur, plus loin que les gardes, dans un encadrement de porte, ses yeux tombèrent sur une figure livide qui dardait vers lui un regard mortel. Cette figure souriait. Et ce sourire fit passer sur l’échine du petit roi le frisson avant-coureur des épouvantes. Et tout bas, il murmura :

"Léonora Galigaï !..."

Et, tout à coup, l’horreur pénétra en lui violemment ; tandis qu’il considérait Léonora, une voix murmura :

"Celle qui a enivré votre cheval ! Celle qui a tenté de vous empoisonner ! Celle qui veut vous tuer avec l’aide de son mari Concini ! Prenez garde, sire ! prenez garde à cette femme ! Car il y a en elle plus de menace qu’il n’y en a dans toute cette foule énorme !... Sire, faites fouiller chez Léonora et vous aurez la preuve !..."

Le jeune roi se sentit devenir livide. Cette voix ! D’où venait-elle ! Cette voix qui jetait en lui le germe des terreurs que la mort seule apaise, semblait venir d’en bas ! À ses pieds ? Oui, à ses pieds ! Il regarda à ses pieds, et vit une sorte d’avorton, un nain qui se glissait, s’éloignait, et déjà disparaissait sans qu’il pût songer à autre chose qu’à cette parole effroyable :

"Léonora Galigaï ! Celle qui a tenté de vous tuer ! Qui veut vous tuer, avec l’aide de Concini !..."

Lorsque Louis XIII revint au sens de la situation, lorsqu’il voulut donner l’ordre de lui ramener ce nain, l’avorton n’était plus là ! La reine, les dames, les officiers, les gentilshommes, les gardes s’étaient rapprochés, l’entouraient, et la clameur de glorification battait des ailes aux quatre coins de l’immense salle du trône !

"Vive le roi ! Vive le roi ! Vive le roi !"

Ce qu’avait vu Louis XIII, ce que lui avait montré Luynes d’un grand geste, ce qui avait surexcité en lui les idées guerrières et éveillé l’instinct de domination qui est au cœur des rois ce que l’instinct de liberté est au cœur du peuple, c’était cette foule épaisse, profonde, qui se heurtait aux compagnies d’Ornano, ces bannières que le vent faisait claquer, ces vastes tourbillons d’où montait la voix furieuse de l’émeute, ces multitudes de visages pâles, ces éclairs de regards menaçants, ces milliers de poings tendus vers le Louvre. Et que disait l’énorme hurlement populaire ?

"Vive le libérateur du peuple ! - Vive Guise !"

Il était midi. Le duc de Guise allait sans doute apparaître. Il eût dû être là déjà, puisque midi était l’heure où il devait faire son entrée au Louvre. Ornano l’attendait dehors. Vitry l’attendait dans la cour. Le roi l’attendait dans la salle du trône. Le peuple l’attendait et l’appelait sur la place. Et peu à peu, les clameurs se faisaient plus violentes ; des mouvements lents de balancements en avant et en arrière, des flux et reflux se produisaient plus larges, plus menaçants. La colère se déchaînait, sans qu’on sût pourquoi...

"Messieurs, voici le moment de vaincre ou de mourir !"

Et dans ce moment même se produisit un de ces étranges phénomènes qui font que la foule demeure la plus mystérieuse, la plus incompréhensible des chimères. Soudain, sans qu’on sût comment et pourquoi, ce peuple qui s’élançait sur les compagnies se mit à reculer... On vit, dans cette multitude, des gens se parler, avec des gestes affolés. Des groupes se formèrent autour d’un homme qui expliquait on ne savait quoi, puis d’un autre et, en deux minutes, ils furent cent qui expliquaient quelque chose à des groupes.

Le roi assistait avec stupeur à ce bouleversement inouï. Il voyait la masse énorme se disloquer, puis les groupes eux-mêmes s’émiettaient... des gens jetaient avec fureur leur pertuisane ou leur arquebuse et s’en allaient. La place du Louvre se vidait ; cela dura une demi-heure. À ce moment, il n’y avait plus que deux ou trois cents hommes sur la place ; bientôt ils ne furent plus que cent... que cinquante... Les derniers s’en allèrent et, au loin, on n’entendit que les rumeurs éparses dans Paris s’apaisant peu à peu.

"Dieu a fait un miracle ! dit Richelieu en levant la main au ciel.

— Vive le roi !" rugirent les gentilshommes assemblés.

Étourdi, plein de défiances et de soupçons, Louis XIII rentra dans son cabinet. Vers quatre heures, un silence lugubre, plus effrayant peut-être que les hurlements du matin, pesait sur Paris. Et alors, dans le cabinet du roi, on eut l’explication de l’étrange phénomène. On sut pourquoi Paris renonçait à l’émeute : le duc de Guise avait disparu... le duc de Guise était introuvable... Paris se croyait trahi par son idole...

Dans le Louvre, dans le cabinet du roi, autour du roi, toute étiquette abolie devant l’inconcevable événement, les questions se multipliaient, mille questions fiévreuses, mille suppositions impossibles... Le jeune roi frémissait d’épouvante, lui qui n’avait pas tremblé le matin à l’heure de la bataille.

Sombre, il songeait que c’était une ruse de guerre, que Guise était là, peut-être dans un coin de ce Louvre, qui le guettait ! D’accord peut-être avec cette Léonora Galigaï qui avait voulu l’empoisonner !

Et comme son regard tombait sur Concini, il le vit qui parlait à voix basse à Léonora. Et il les vit si affreusement pâles tous deux qu’il eut cette foudroyante intuition que ces deux êtres savaient où était Guise ! qu’ils conspiraient avec lui ! Sa main trembla. Il eut un geste comme pour donner un ordre ; à ce moment, on annonça un cavalier venu de la Bastille avec un message urgent. Le cavalier plia le genou devant Louis XIII et lui tendit une lettre.

"De qui cette dépêche ? fit le roi d’une voix altérée.

— De M. le gouverneur, sire !"

Richelieu, Concini, Luynes, Ornano, Vitry, tous se rapprochèrent, tant ce message arrivant si étrangement et en un tel moment leur semblait à tous un message de malheur. Le roi se mit à lire.

Lorsqu’il eut lu, il devint très pâle. Il se leva. Il frappa ses deux mains l’une contre l’autre. Puis il se rassit. Il relut une deuxième fois. La lettre tremblait violemment dans ses mains. Il relut une troisième fois. Son visage, de pâle qu’il était, s’empourpra. Un ineffable étonnement, une sorte de prodigieuse stupeur emplit ses yeux. Puis ce visage n’exprima plus qu’une admiration sans bornes ; il baissa la tête, quelque chose comme une larme voila un instant ses yeux, et tout bas, pour lui seul, il murmura un nom que personne n’entendit.

"Sire ! Sire ! Au nom du ciel, que se passe-t-il ?

— Sire ! pardonnez à nos alarmes, mais cette dépêche qui trouble Votre Majesté...

— Sire ! Sire ! Quel effrayant événement vous dénonce La Neuville ?"

Louis XIII leva son regard sur ses conseillers. Ce regard flamboyait d’une sorte d’orgueil sublime.

"Messieurs, dit-il avec un accent qui vibra jusqu’au fond des cœurs, messieurs, malgré tous les usages et toutes les étiquettes, je vais vous lire cette lettre. Car cette lettre, messieurs, mérite d’être lue par un roi. Messieurs, écoutez ce que nous mande M. de La Neuville, gouverneur de la Bastille-Saint-Antoine !..."

Il se fit un silence empli de stupeur. Louis XIII se leva. Louis XIII se découvrit. Et Louis XIII, debout, le chapeau à la main, se mit à lire d’une voix haute et grave que des frissons faisaient parfois trembler... Voici ce que contenait la lettre de La Neuville :

 Sire,

Daigne Votre Majesté me pardonner la liberté grande que je prends. Selon vos ordres que m’a transmis M. de Trémazenc de Capestang, chevalier du Roi, le prisonnier doit être tenu au secret le plus absolu et nul ne doit savoir même qu’il est à la Bastille. Sans quoi, sire, je me fusse adressé tout simplement soit à M. le maréchal d’Ancre, soit à M. l’évêque de Luçon, pour savoir quelle attitude je dois garder vis-à-vis de M. le duc de Guise.

Votre Majesté voudra bien convenir, j’ose l’espérer, que M. le duc de Guise n’est pas un prisonnier ordinaire.

M. de Trémazenc de Capestang, qui, par ses ordres, a arrêté M. le duc cette nuit et me l’a aussitôt amené à la Bastille, n’a pu me donner aucun renseignement sur le traitement que je dois faire subir à son prisonnier - ou plutôt au vôtre, sire !

Dans ces conditions, Sire, j’ai l’honneur de prier humblement Votre Majesté de vouloir bien me faire savoir, crainte de quelque méprise de ma part, la manière dont elle entend et ordonne que M. le duc de Guise soit traité à la Bastille.

Votre Majesté me pardonnera-t-elle si j’ose profiter de cette missive pour la féliciter hautement de cet acte de hardiesse qui porte déjà ses fruits, puisque Paris, effrayé, renonce à sa rébellion ? Permettez-moi également, sire, d’exprimer toute mon admiration pour Votre Chevalier, M. de Trémazenc de Capestang, qui a eu assez d’audace pour exécuter cette arrestation, comparable à un fait de guerre de la plus haute importance.

Daigne le Roi agréer l’hommage du dévouement, avec lequel je suis, sire, de Votre Majesté, le très humble et obéissant sujet.

LOUIS-MARIE, BARON DE LA NEUVILLE,

gouverneur royal de la Bastille-Saint-Antoine.

Luynes, Richelieu, Concini, livides tous trois, se regardèrent comme s’ils eussent vu la main mystérieuse de la fatalité tracer devant leurs yeux hagards, en lettres flamboyantes, ce nom qui résonna dans leurs pensées avec un formidable retentissement :

"LE CAPITAN !..."

Notes :

  1. Invocation à la foudre. Juron corse. (Note de l'auteur)