Le Chapelet rouge/Partie 3/Chapitre II

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Le Grand Écho du Nord (p. 60-65).


II


Depuis la scène affreuse du matin, Christiane Debrioux n’avait pas bougé de sa chambre. Elle y demeurait prostrée, essayant de comprendre une situation que le tumulte et la fièvre de son cerveau ne lui permettaient même pas de se représenter. Une idée confuse et lointaine essayait bien parfois de se dégager du chaos, mais aussitôt, elle s’échappait avant que Christiane eût pu la saisir ou l’apercevoir.

Alors, la jeune femme allait et venait dans sa chambre, avec des plaintes et des gestes de révolte, qui s’achevaient par de tels accablements qu’elle tombait évanouie sur un fauteuil. Sa nature, si calme jusque-là, et sa paisible existence de femme très raisonnable, en lui épargnant les grandes émotions, la privaient maintenant du soutien que donne l’habitude ou seulement la connaissance de la douleur. Toujours maîtresse d’elle-même dans la quiétude, elle ne l’était plus dans le bouleversement imprévu de sa vie. Pour la première fois, son visage pathétique, qui n’était que l’apparence de l’âme la plus sereine et la plus résignée, s’accordait à la réalité des doutes et des angoisses qui se déchaînaient sur elle comme sur un champ de bataille.

Boisgenêt et Vanol, qui, depuis la quasi-arrestation de Bernard Debrioux, n’avaient pas tardé à donner aux événements leur véritable signification, frappèrent à sa porte ainsi que Léonie. Elle les reçut, écouta distraitement leurs commentaires, mais ne répondit pas aux questions qu’ils lui faisaient, dans leur avidité de savoir. Ils s’en allèrent.

Avec Amélie cependant, qui venait lui demander ses ordres pour le déjeuner, elle reprit un peu de sang-froid. Peut-être Amélie pourrait-elle révéler quelque incident ignoré.

Aux interrogations anxieuses de Christiane, Amélie répondit comme elle devait le faire plus tard avec le juge, par des demi-confidences enveloppées de mystère, Christiane redoubla d’efforts, supplia, pleura. Ce fut en vain. Amélie pleine de pitié, et désireuse de la distraire, parla d’elle-même, du plaisir qu’elle éprouvait d’être courtisée et de sa faiblesse quand un homme voulait l’embrasser.

Christiane la renvoya, toucha à peine aux aliments qui lui furent apportés, s’assoupit pendant vingt ou trente minutes, et se réveilla plus tranquille.

Elle passa ainsi une heure, immobile sur une chaise longue, réfléchissant, évoquant sa vie des derniers jours et des dernières semaines, écoutant de nouveau les paroles prononcées, retrouvant les inflexions de voix, confrontant les uns aux autres les moindres incidents. La lueur apparue dès le matin persistait, s’amplifiait même, et donnait à certains faits plus de relief. Mais autour d’eux, que de brume encore !

— Quel supplice ! murmurait-elle avec désespoir… Comme je voudrais tout comprendre !

Elle alla vers la fenêtre, la vérité était-elle sous ses yeux, parmi ces paysages et parmi les êtres qui habitaient le château ? Le drame, qui avait éclaté soudain, ne s’était-il pas préparé dans l’ombre ? Elle vit des gens passer, Vanol et Léonie qui surveillaient l’installation de leurs bagages dans une camionnette, d’Orsacq et Boisgenêt qui s’entretenaient avec animation.

Elle regagna sa place, et, les paupières closes, fit encore un long effort de méditation. La même idée dominait son esprit. Mais elle sentait que, si la vérité palpitait en elle, elle ne l’atteindrait pas seule, sans l’aide de quelqu’un ou sans l’appui du hasard. C’est alors qu’elle avait sonné et fait demander un entretien à Jean d’Orsacq. La réponse fut immédiate. Le comte l’attendait dans son cabinet de travail.

Pourquoi, à l’instant d’aller à ce rendez-vous, se regarda-t-elle dans son miroir, et se mit-elle de la poudre sur les joues et du rouge aux lèvres ? Elle eut horreur de ce geste instinctif. Elle saisit un mouchoir et s’essuya le visage.

Le bureau du rez-de-chaussée ne servait au comte que pour recevoir les visites de ses fermiers ou de ses hommes d’affaires. Il était sommairement meublé et de dimensions restreintes. Une porte-fenêtre ouvrait sur la cour.

Dès l’entrée, Christiane eut une défaillance qu’elle dissimula, et dut s’asseoir pour ne pas vaciller. Jean d’Orsacq n’osa pas lui tendre la main, de peur d’être rebuté par cette femme dont il avait dénoncé le mari. Ils se turent assez longtemps. Puis, à voix basse, il lui dit :

— Je vous demande pardon.

— Oh ! fit-elle avec cette même intonation, hésitante et sourde… je n’ai pas à vous pardonner. Votre foyer détruit… ce crime… la mort affreuse de votre compagne… vous n’avez pas su ce que vous faisiez. Seulement…

— Seulement ?…

— À quoi bon cette vengeance inutile contre Bernard ? Qu’il y ait eu vol ou non, son déshonneur, le mien… est-ce cela qui peut changer quelque chose… à ce qui fut ? Le châtiment de Bernard ne redonnera pas la vie à celle qui n’est plus.

Il s’approcha un peu, et dit humblement :

« Si j’avais agi par vengeance, je ne vous demanderais pas pardon. Ma détresse excuserait tout. Mais un autre motif m’a fait perdre la tête et Bernard l’a bien discerné, lui. J’ai voulu l’avilir à vos yeux. Éloigné de vous par la disparition de ma femme, plus encore que je ne l’étais par votre volonté, je n’ai pas pu souffrir qu’il échappât au désastre, lui, et qu’il demeurât près de vous, heureux. »

Elle s’écria durement :

« Taisez-vous !… Je n’admets pas une allusion…

— À ce qui s’est passé entre nous ? Il ne s’est rien passé. Et, pour ce qui est de mon amour, qu’en reste-t-il… puisque je n’ai plus d’espoir ? »

Elle rougit de honte. Il lui semblait que d’Orsacq, malgré tout, l’interrogeait de ses yeux fixés sur elle et de sa voix indécise. Alors, le regardant âprement, scrutant le fond de cette âme qui lui demeurait obscure, elle articula :

« Soyez loyal. Pas un mot de mensonge ou de réticence. Bernard a-t-il volé ?

— Vous le savez bien, puisqu’il avoue.

— Il avoue le geste, mais il proclame son droit. S’il n’a fait que reprendre ce que vous lui aviez pris, comme il l’assure, il n’est plus coupable. Et c’est là ma question. Est-il coupable ?

— Absolument et sans conteste. Oui, j’ai commis la faute de le ruiner, volontairement et sans pitié, pour vous conquérir, car toute ma vie, depuis quelques mois, est dominée par mon amour. Mais mon acte, si odieux qu’il soit, ne repose sur rien qui ne soit juste, légalement juste, moralement juste.

— Vous me le jurez ?

— Je vous le jure. »

Elle plia sur elle-même. Il prononça :

« Vous me croyez, n’est-ce pas ?

— Oui… oui… »

Et, se redressant aussitôt, reprenant contact avec les yeux de Jean, elle lui dit :

« Soit, n’en parlons plus… Tout de même, c’est abominable à vous d’avoir parlé… L’affaire devait être réglée entre vous deux, entre nous trois… J’aurais forcé Bernard à vous rendre l’argent. Mais encore une fois, n’en parlons plus. Seulement, il y a l’autre chose, la plus terrible. Et c’est celle-là qui m’affole… Répondez sans crainte de me faire souffrir. Répondez avec toute votre souffrance à vous… avec votre haine contre celui qui a tué… Répondez. Est-ce Bernard ? »

Il réagit, de toute sa force.

« Non, non… il est impossible qu’il ait tué… Non… non… il n’avait pas de raison pour tuer… Bernard assassin pour de l’argent ? Comment admettre une telle supposition ?

— Votre femme a pu se défendre…

D’Orsacq se révolta.

— Non, Bernard n’a pas tué. Un homme comme lui ne tue pas. L’argent ? Voyons ! Bernard est jeune. Il aurait travaillé…

— Malheureusement, il y a des preuves.

— Des preuves qui ne peuvent pas tenir contre la vérité. Et cette vérité est irrésistible. Bernard n’a pas tué.

— Si la justice se trompe ?

— Si elle se trompe, nous sommes là. C’est à nous de lui montrer son erreur. »

Christiane parut soulagée.

« Oh ! dit-elle, ce sont ces paroles-là que je voulais entendre. Si je suis venue près de vous, c’est pour être secourue. Je ne veux pas que mon mari soit arrêté et qu’il aille en prison. Aidez-moi. Cherchons ensemble. »

D’Orsacq se prit le visage entre les mains, avec découragement.

« Je ne pense qu’à cela. Je veux réparer le mal que je lui ai fait… que je vous ai fait… Mais comment ? De tous côtés on se heurte à des coïncidences… Tant de choses l’accusent ! Que faire ? »

Il s’assit près d’elle, et il commençait à reprendre les événements un à un, pour les examiner et découvrir en eux le petit détail qui pourrait indiquer la bonne route, quand elle l’interrompit :

— Non, ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder. Cela c’est la besogne de l’instruction et de la police. Nous, ce sont les êtres mêmes que nous devons évoquer. Puisque Bernard n’est pas coupable, c’est un autre qui l’est. Cette idée n’évoque-t-elle rien en vous ? Réfléchissez… Interrogez votre mémoire…

Elle se rendit compte qu’il hésitait et s’écria :

» Parlez ! il me semble qu’il y a quelque chose. »

Il murmura :

— Un souvenir seulement… un souvenir sans importance.

— Je vous en prie…

— Voilà. Il y a quelques semaines, un homme s’est introduit dans la bibliothèque, un soir. J’y étais. Nous nous sommes battus. Il s’est enfui sans que je puisse le voir.

Elle s’exclama :

— C’est peut-être lui ! c’est sûrement lui qui est revenu.

— Ce n’est pas lui… j’ai su son nom depuis… il est mort…

— Il est mort, mais l’entreprise qu’il a commencée, un autre l’a continuée, un complice au courant de sa tentative, et qui savait qu’il y avait un coup à faire ici. C’est ce complice qui l’avait introduit dans le château, et c’est ce complice qu’il faut chercher…

Elle reprit haleine et poursuivit, toute frissonnante d’espoir :

» Réfléchissez… le complice était ici hier soir. Il ne pouvait pas ne pas se trouver parmi les autres. Or, ces autres-là, ils sont en nombre limité. N’y en a-t-il pas un que votre souvenir ressuscite ? Parmi ces figures qui se présentent à vos yeux, n’y en a-t-il pas une qui s’associe au drame, à ce qui le précéda ou à ce qui le suivit ? Quelqu’un n’a-t-il pas agi autrement qu’il ne devait agir ? N’a-t-il pas été autre part qu’il ne devait aller ?

Pour la seconde fois, elle le vit pensif, indécis, et elle répéta, haletante :

» Parlez ! parlez ! Si une image a traversé votre esprit, dites-le moi. Si ce n’est pas celle du coupable, peut-être en appellera-t-elle une autre à sa suite, et la véritable. Parlez, je vous en prie. »

Avec quelle ardeur elle s’adressait à lui, exigeante et suppliante à la fois !

Il hocha la tête tristement :

— Ce à quoi je pense ne signifie rien. Aucun rapport possible…

— Parlez. Il suffit que l’image soit sortie de l’ombre pour qu’il y ait présomption.

— Non, dit-il, les deux faits ne peuvent être rapprochés… Cependant, je vous répondrai… Hier, la fête finie, à la fin de l’après-midi, quand nous sommes rentrés tous, au lieu de passer par le grand escalier, je suis venu dans la bibliothèque, sans raison très fixe. Or, j’y ai trouvé, près du coffre-fort, du moins près du placard, Gustave, le neveu du jardinier Antoine. Comme je lui demandais ce qu’il faisait là, il m’a montré une gerbe de fleurs coupées qu’on lui avait demandées. Il avait frappé à la porte du boudoir, mais Amélie avait refusé de lui ouvrir, sa maîtresse se reposant. J’ai été surpris, l’aide-jardinier n’ayant jamais accès dans le salon, et puis je n’y ai plus pensé…

Christiane parut déçue…

« En effet, dit-elle, je ne vois pas bien ce qu’on pourrait conclure… Comment est-il ce garçon ?

— Justement pas très sympathique d’aspect… plutôt sournois…

— Grand ?

— Moyen… mince… la figure colorée…

— Mais je le connais ! dit Christiane. C’est celui qui a eu le prix de natation, n’est-ce pas ? »

Peu à peu, son visage s’éclairait, et elle dit, toute songeuse, rassemblant ses souvenirs :

« Serait-ce possible ? Écoutez… nous l’avons revu, ce Gustave, un peu plus tard, après le dîner… Oui, j’en suis sûre… Hier soir, rappelez-vous… Comme nous sortions d’ici, Bernard, vous et moi, pour aller voir les illuminations de la rivière.

— Où était-il ?

— Dans le vestibule. »

Elle ouvrit la porte.

« Tenez, là-bas, au coin de l’escalier, dans le renfoncement…

— Mais oui, mais oui, dit-il, s’efforçant de reconstituer la vision entraperçue, oui, je me rappelle… Il a fait tout de suite semblant de vider un vase de fleurs… celui qui est là sur cette table. Je me rappelle fort bien. Boisgenêt était même avec nous. Mais nous marchions assez vite, et je ne me suis même pas demandé ce qu’il faisait là, ce garçon, où rien ne justifiait sa présence… »

Ils se turent, les regards mêlés, mais pensant à la chose évoquée et à la signification qu’elle pouvait prendre. Ils avaient un élan d’espoir en face de l’hypothèse imprévue qui leur apparaissait, et ils tâchaient l’un et l’autre de se maintenir dans cette allégresse et de se diriger au milieu des objections et des contradictions. Mais Christiane prononça :

« Ne faisons pas d’hypothèses. N’essayons pas de débrouiller par nos seuls moyens ce qui est encore inextricable. Tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’il y a là un fait. Deux fois, en cette fin de journée, l’aide-jardinier a pénétré dans ce château à des heures où il n’avait rien à y faire. L’instruction s’occupera d’éclaircir ce point. »

Ils étaient retournés au bureau. Christiane marchait avec agitation, reprise de fièvre. D’Orsacq la suivait des yeux. Sa beauté acquérait un caractère nouveau et plus humain, qu’il ne lui connaissait pas, et qui provenait de sa peine et de sa terreur. Cette physionomie, un peu trop fixée d’ordinaire dans une expression d’ardeur presque tragique, trahissait soudain les émotions les plus diverses, les plus confiantes comme les plus désespérées.

« Oh ! dit-elle en se rasseyant, je suis brisée. Est-ce le salut ? Y a-t-il un chemin qui s’ouvre ? Quelle torture ! et quelle joie ! Si cela pouvait être ! Voyez-vous, non seulement je ne veux pas que mon mari soit un assassin, mais je ne veux même pas qu’on le suppose. Cela, c’est horrible ! Il aurait tué, que je ne sais pas ce que je penserais de lui… Mais puisqu’il n’a pas tué, je ne veux pas… ce serait trop injuste. »

Au bout d’un instant, il murmura :

« Vous l’aimez donc ? »

Elle s’impatienta… « Il ne s’agit pas de cela, mais je ne veux pas que mon mari soit un assassin.

— Mais vous lui pardonnez son vol…

— Taisez-vous ! dit Christiane. Il faut oublier…

— Pourrez-vous oublier ?

Elle balbutia :

« Le pourrai-je ? Oui… je ne sais pas… C’est un autre être maintenant pour moi… J’avais tant de confiance en lui ! une telle estime ! Et puis voilà qu’il a commis une pareille action ! Mon Dieu Pourquoi l’avez-vous dénoncé ? Sans vous, on n’aurait rien su… »

Elle se tordait les mains, elle gémissait et des larmes coulaient de ses yeux.

Il pensa qu’elle ne pardonnerait jamais à son mari, et que jamais, quoi qu’il advînt, elle ne retrouverait au fond d’elle l’image intacte de l’homme dont elle portait le nom.

Il s’approcha. Un silence plus grave les unit. Ils ne le rompirent ni l’un ni l’autre, car aucune parole ne pouvait être prononcée et aucun regard jeté vers l’avenir. Mais une grande douceur descendait en lui. Il avait l’impression que l’abîme qui le séparait à jamais d’elle n’était plus aussi profond. Un jour lointain, ils pourraient… dans l’oubli du passé… Ses mains tremblaient. Ses yeux se mouillaient de larmes.

Christiane le regarda, puis brusquement se leva. Ils allèrent de nouveau dans le vestibule. Et d’Orsacq affirma : « Nous le sauverons, soyez-en sûre. La conduite de ce Gustave est tout à fait équivoque. Il faut diriger les recherches de ce côté. »

Il aperçut Boisgenêt et se hâta vers lui. Ils s’entretinrent un moment, revinrent ensemble, et Boisgenêt déclara aussitôt :

« Si je me rappelle ! Mais oui, j’ai remarqué ce grand garçon, et je me rends très bien compte aujourd’hui qu’il essayait de se dissimuler. C’est d’une importance considérable, et il n’y a pas une minute à perdre. Venez donc, d’Orsacq. Nous allons prévenir le brigadier et les policiers… »

Christiane attendit sur le seuil du grand salon. Elle semblait distraite. Tout près d’elle, Ravenot se querellait avec sa femme.

« Gueuse, va ! Ah ! ce que tu le reluques ton brigadier !

— Il est bel homme, dit Amélie goguenarde.

— Je lui tordrai le cou. Et aux autres aussi.

— Tu as du travail sur la planche.

— Tu n’as pas besoin de le dire, grinça Ravenot. On n’a qu’à se présenter.

— Pas toujours, dit Amélie exaspérante. Je choisis. Tiens, Boisgenêt a de l’allure.

— Un vieillard !

— Il y en a de jeunes aussi…

Boisgenêt, de retour, entraîna Christiane dans le parc.

« Tout va bien, dit-il. J’ai fait avertir le juge d’instruction. L’inspecteur avait déjà son idée sur cet aide-jardinier. »

L’inspecteur et son collègue marchaient devant eux, avec le brigadier et avec d’Orsacq.

Christiane murmura :

« Vous croyez vraiment qu’il y a de l’espoir ?

— Plus que de l’espoir, affirma Boisgenêt. Nous suivons la vraie piste.

Le pavillon du jardinier se trouvait sur la même rive que le château. Un petit enclos de fleurs le précédait avec une terrasse, une table et des chaises. Sur l’autre rive, à laquelle on accédait par le vieux pont de la cascade, un vaste potager ceint d’une haie d’épines s’étendait, entre les bois à droite et le mur à gauche.

Le brigadier de gendarmerie entra dans l’enclos. Il n’y avait personne. Pour gagner la chambre où couchait Gustave, il monta sur un balcon de bois vermoulu qui contournait le pavillon et, de là, il aperçut Gustave qui travaillait dans le potager, tout au loin. Il appela : « Eh ! Gustave ! »

Le garçon leva la tête, avisa l’uniforme et soudain, laissant tomber sa bêche, sauta par-dessus la haie et s’enfuit du côté du mur.

Le brigadier cria : « Attention ! il se sauve. »

Les agents et d’Orsacq coururent, franchirent le pont et se mirent à sa poursuite.