Le Chemin de sortie

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La Science du Bien et du Mal Science et non-violence Glossaire





Troisième Conférence du 19 octobre 1977
Le Chemin de sortie
Traduction Yann Forget, 1993


Prenons le sujet annoncé. Je pense que nous sommes armés et équipés pour cela. Quelle est notre relation avec la science, spécialement avec ce que nous appelons la science moderne ? Est-elle bonne ou mauvaise en elle-même, ou a-t-elle seulement une mauvaise utilisation ? Essayons d’éclaircir tous ces nœuds.

Premièrement, ne mettons pas dans le même sac n’importe quelle science. Certaines sciences sont seulement des applications morales ou philosophiques. Nous avons besoin de beaucoup de science et de technique pour publier, par exemple, les Ecritures dans leur forme originelle, pour les traduire et les interpréter. Rien de mal ne peut venir de cela. Les sciences qui étudient l’homme sont toujours intéressantes. Nous nous concentrerons plutôt sur ce qui est appelé maintenant la science et la technologie, l’observation de la nature et des faits. Nous éviterons des discussions philosophiques car nous savons que tout argument a son argument contraire. Les philosophes passent leur vie depuis des siècles à discuter, et rien n’en sort. Ils n’ont pas de preuves positives ou négatives. Pour l’instant, si nous observons la nature et lui demandons la réponse, positive ou négatives nous sommes, d’une autre manière, en dehors de la discussion. Elle est aussi une illusion, parce que si l’on compare la science d’aujourd’hui avec la science du siècle dernier, l’on voit que les principes de base, la conception de la matière a complètement changé. Et très probablement, la science du siècle prochain sera très différente de la nôtre. Ainsi, elle n’a rien de définitif Elle est seulement une apparence.

Voyons l’évolution. Tout a commencé non par la science, mais par la conscience et la sagesse. Autrefois, la science était une part de la sagesse et de la religion. La religion est la science de l’esprit, une réflexion sur la relation des hommes à Dieu, ne sont pas considérées travail de Dieu dans la nature. Mais ces relations ne sont pas considérées comme scientifiques. Ces observations quotidiennes et ces explications n’expliquent rien de ce qui est réel. On peut au moins définir la science comme ce qui est enseigné dans les universités. Cela fait un tout. A une époque de l’évolution de l’Occident appelée Renaissance, la philosophie s’est séparée de la théologie et de la religion. Bien sûr, les spéculations n’ont pas été directement contre les dogmes, car si vous aviez professé certaines philosophies qui courent les rues aujourd’hui, vous auriez été brûlé sur la place publique. Simplement, on ne parlait plus de religion. On a commencé à spéculer, à créer une philosophie détachée de la religion, et par là, détachée de la sagesse. On ne l’a plus appelée sagesse, mais philosophie, ce qui siècle, « l’amour de la sagesse », un modeste titre ! C’était au XVème siècle. Puis au XVIIème et au XVIIIème siècle, la science physique s’est séparée de la philosophie. En anglais encore, un doctorat de philosophie peut être de chimie, ce qui veut dire qu’au début la philosophie comprenait toutes les sciences. Et au XVIIIème siècle, toutes les sciences, se sont séparées, chacune étudiant un morceau de la nature, un aspect de l’homme, un aspect de la société. Elles se sont toutes divisées.

Aujourd’hui, nous sommes dans le domaine de séparation complète. La science devient plus populaire que la religion à cause de ses applications pleines de succès qui entrent dans l’industrie et aident les travaux des hommes. C’est en principe ainsi. Nous avons donc une science qui, d’une façon ou d’une autre, développe des applications pratiques admirées par tous. Tout le monde doit s’incliner, comme dans les temps anciens devant la religion. Et cette science prend toute la place. Nous croyons qu’en observant les choses, nous résoudrons tous nos problèmes. La première chose que nous devrions observer, c’est que la science est fière d’être objective. Elle ne regarde que les objets. Et ainsi, l’homme qui observe les objets n’est pas pris en compte. La science lui est complètement extérieure. Elle n’a ni explication scientifique, ni intérêt pour la vie intérieure. L’homme ne peut en faire partie. Les choses parlent, les hommes doivent suivre. De là vient le développement de la machine, le grand succès de la machine que vous connaissez tous.

La science et la technologie produisent des machines de paix et de production, des machines de guerre et de destruction de ce que nous avons produit, parce que nous sommes pleinement dans la science du bien et du mal. Ainsi, nous ne pouvons dire, c’est bien, ou, c’est mal. C’est bien et mal tout à la fois.

Mais voyons ce qui est mal. La première mauvaise chose est la séparation, et la croyance qu’elle peut nous apporter la vérité, car la vérité, c’est la conformité de l’intérieur et de l’extérieur. Or, la science est toute extérieure. Tout est extérieur, et l’homme est à l’extérieur de tout ça. L’homme est méprisé, oublié, l’individualité est niée. La sagesse en est absente. Premièrement, la connaissance scientifique n’est pas la pensée, c’est un système de perception. Elle peut dire les choses sont comme ça, ceci succède à cela, cette vague de la mer pousse l’autre vague. Ainsi nous croyons expliquer la cause de la vague. Mais en réalité, nous n’expliquons pas la cause de la vague, car la vague n’est pas la cause de la vague suivante. Si vous partez des vagues, vous n’arriverez jamais ni au début, ni à la fin. La cause de toutes les vagues est le vent, qui est situé sur un autre plan. Par ce moyen, l’effet est produit. Le mal dans la science moderne est de chercher la solution d’un problème sur le même niveau que ce problème, alors que la solution est toujours sur un autre niveau. Ainsi vous cherchez une raison économique à une crise économique. Et bien sûr, vous ne la trouvez pas. Ou vous en trouvez beaucoup qui n’expliquent rien, parce qu’il n’y a pas de problème économique. De même, les problèmes politiques n’existent pas. Il y a simplement un problème humain qui comprend tout, qui explique toute chose.

Un autre inconvénient de la science moderne que peu de gens remarquent, bien qu’il soit évident, c’est que personne ne la connaît complètement. C’est une science que personne ne connaît. Car tout scientifique ne connaît qu’une partie d’une science, parmi beaucoup d’autres dont il ne sait rien. La science reste extérieure à lui et à son esprit. Le scientifique est comme un homme qui aurait un télescope dans un œil et un microscope dans l’autre, et qui essaierait de traverser la rue. Quand un scientifique obtient le Prix Nobel, des journalistes viennent lui demander : « Que pensez-vous du mariage ou de la religion? » Si vous écoutez ses réponses, vous les trouverez stupides. Ils ont cette monstrueuse sorte de cancer de l’esprit, vous savez, cet organe énormément développé, chevelu et externe.

Voyons donc l’application et l’intention. Nous croyons que nous avons inventé la science, que nos ancêtres ne savaient rien. Mais combien de science et de technique faut-il pour construire les Pyramides, un temple hindou ou une cathédrale gothique ? Il fallait une science considérable et d’immenses talents pour les réaliser avec des instruments si simples. Nous ne comprenons même pas comment ces choses ont été faites et pourquoi elles existent. Nous ne savons rien de nouveau. Pourquoi ? Parce qu’il était religieusement défendu de parler des secrets de la nature. Mais ce qui est arrivé devait arriver. Et pourquoi donc ? Les alchimistes mélangent des produits et obtiennent des explosions. Ils avaient compris tout de suite que ces forces sont formidables. Leurs intentions étaient de ne pas les utiliser, ni de laisser d’autres utiliser les mélanges et les transformations de plomb en or. Ils n’ont pas accumulé d’or, ni rendu riches les princes qui ont essayé de le devenir. Ils devaient garder le silence. Tous leurs écrits sont symboliques. Vous pouvez donc les lire, mais vous ne pouvez comprendre de quoi ils parlent. J’ai essayé cela. J’ai cherché dans ces textes. Ils sont très confus, sibyllins. Vous n’y comprenez rien. Et c’est volontaire car, pour les comprendre, vous devez être l’élève du maître, qui vous donnera la clé pour les comprendre, Et il ne vous la donnera que s’il sait que vous ne l’utiliserez pas.

La science a son propre but. Elle permet d’être illuminé par la connaissance et l’adoration de Dieu, de voir que la nature est une gloire fortuite du Seigneur, la grâce en chaque détail, en tout et en tout être, et la vie en toute chose. C’est ainsi dans la loi du silence. La divulgation du secret de la nature était sous cette contrainte. C’était ainsi jusqu’à la fin du Moyen-Age. Pourquoi donner d’énormes pouvoirs aux gens qui ne sont pas capables de bien les utiliser ? Et qu’arrive-t-il aujourd’hui ? Cette divulgation est devenue universelle. Les secrets sont là, dans des livres. Vous n’avez qu’à les ouvrir et vous saurez tout. Même un étudiant de physique peut savoir comment faire une bombe atomique. Un jour, l’un d’eux en fera une dans sa cuisine. N’importe qui peut fabriquer n’importe quoi. Enfin presque. Naturellement, il doit avoir les moyens de le faire. Et qui donne les moyens? Eh bien, les gros industriels, le gouvernement, l’armée.

Oh ! Cette science désintéressée ! Ce jeu désintéressé coûte beaucoup. Vous avez besoin de laboratoires, d’instruments, de machines, de bâtiments. Et vous devez être payé, bien sûr. Et naturellement, vous devez faire des découvertes. Puis, vous obtenez des décorations, le Prix Nobel. Et vous serez un grand professeur Et les gens utilisent les découvertes - bien ou mal. On prétend que les machines ont été introduites dans l’industrie pour aider l’humanité dans son travail. Les ouvriers sont aidés par des machines. Comment puéril ? Puis les ouvriers se révoltent quand ils n’ont pas un salaire suffisant pour faire vivre leur famille. Alors, les patrons payent des scientifiques, des techniciens et des ingénieurs pour mettre des machines à leur place, car les machines ne font pas grève. La machine transforme l’ouvrier. Dans certaines usines, la machine est le bras de l’ouvrier. C’est un symbole. Ils n’utilisent pas la machine, la machine les utilise. Bien sûr, tout ce que vous avez payé pour la machine, vous ne le donnerez pas aux ouvriers. Vous réduirez leur salaire ou vous les renverrez. Ensuite, vous devrez créer une autre usine pour payer les taxes que l’Etat reversera aux ouvriers pour qu’ils ne se révoltent pas. C’est le drame du siècle dernier et du nôtre. La profession de scientifique n’est pas un accident du développement de la machine. Ça en est le but.

La machine existe depuis longtemps. Déjà au temps de la décadence de l’empire romain, on a proposé de construire des usines pour les machines, L’empereur, un des meilleurs, pas l’un des pires, a dit : « Pas de machines. Que ferions-nous avec nos ouvriers ? Si les machines travaillent, ils seront désœuvrés, ils feront grève et se révolteront. » Prohibition sur l’utilisation des machines. Voilà qui était sage. Quelle en est l’utilité, quand tarit de force humaine et animale sont disponibles, quand nos ancêtres ont construit tant de merveilleuses choses avec des outils simples et du travail. Ils n’avaient pas l’insoluble problème de l’organisation des ouvriers, des hommes et du salaire. Vous ne pouvez créer une industrie sans salaires. Et le salaire, c’est l’esclavage. L’homme est vendu. Il n’est pas vendu en tant qu’homme, mais son travail est vendu, des heures de sa vie sont vendues pour fabriquer quelque chose, n’importe quoi selon le plaisir et la nécessité. S’il part, aucune importance, vous le remplacez. Ils sont si nombreux. Jusqu’à ce qu’ils se révoltent, qu’ils obtiennent quelques droits et quelques avantages. Il y a toujours eu des esclaves maigres et des esclaves gras. Il y a toujours eu des esclaves bien en chair assis sur des chaises en or, des esclaves qui dirigent d’autres esclaves et sont mieux traités que ceux qui sont dirigés. Ils traitent leurs subordonnés comme leurs chefs les traitent, ce qui est une sorte de compensation. Tout cela retombe sur le dernier des derniers. Demander un meilleur salaire, c’est essayer de devenir un esclave gras. Si je suis en prison, je ne demande pas plus de confort, de l’eau chaude ou de l’eau froide pour moi-même. Je demande un couteau qui coupe le métal, pour sortir de là. Voilà comment les choses se passent.

Si vous allez dans n’importe quel magasin, vous pouvez acheter n’importe quoi à n’importe quel prix. Tout est prêt. Vous y trouvez des vêtements tout faits, des crayons, du biscuit, des brosses à dents, vous avez tout. Oh ! comme c’est beau. Vous roulez en voiture et vous voyagez en avion. Merveilleux ! Vous allez me dire que pour venir ici, j’ai dû prendre l’avion. Oui, j’ai dû le faire. C’est ma générosité. Vous êtes heureux de me trouver dans des contradictions. Je vous donne ce plaisir, c’est ma générosité. J’ai pris l’avion pour venir vers vous, mais il ne m’est pas indispensable. Quand je suis chez moi, je n’en ai pas besoin. Je préfère utiliser mes jambes. Mes genoux m’ont emmené très loin. En d’autres temps, j’ai fait des voyages... Mes seuls voyages, je les ai peut-être faits avec mes jambes. Maintenant, je ne voyage plus. Je vais juste d’une place à une autre. Ce ne sont pas des voyages. En 80 km à pied, je reçois plus de connaissance des gens du pays que d’ici en Amérique du Sud. Tandis que logeant toujours dans le même hôtel, rencontrant toujours les mêmes personnes et les mêmes serviteurs, vivant toujours le même quotidien, nous n’apprenons rien. Le monde se réduit mais ne s’unifie pas. Il se décompose. Vous vous frottez les uns aux autres, mais vous ne vous comprenez pas. Et bien sûr, ce frottement provoque une irritation.

La connaissance mutuelle est autre chose. C’est pour les philosophes qui vont à pied connaître d’autres gens, les comprendre, vivre avec eux. Ce n’est pas pour ceux qui voyagent dans les airs. En l’air, vous n’avez rien, pas même de l’air. Dans les avions, l’air est conditionné. Savez-vous quel était le génie de Gandhi ? Quand il a vu les trains avec leur grande cheminée, et la reine Victoria et le prince Albert avec leurs gants blancs, il a dit : « L’Occident est perdu. La machine est le signe du péché. » Il a dit cela à la fin du siècle dernier. Il l’a dit. Tous les esprits, tous les génies ont été sinistrés par le progrès le progrès fumant. Tout fume, vous allez vite. Mais quelle est l’utilité d’aller vite ? Mais c’est pour aller plus vite que votre voisin. Si j’avais une moto, je serais le premier. Voilà qui est très bien. Mais tous les grands génies se rencontrent. Des millions de génies utilisent aussi la machine. Ainsi vous vous emmêlez dans les complications du confort.

Voyez la sagesse de Gandhi : le rouet. Bien sûr, c’est une machine. Je peux filer avec mes doigts et avoir un très beau tissu. Je peux le faire moi-même et ne pas dépendre des autres. Le monde entier est devenu une machine. La société est une grande machine. Et l’Etat est la plus grande de toutes les machines, la plus enfumée. Toutes les institutions sont des machines, des pièces de machines. Toutes dépendent les unes des autres, et personne ne dépend de personne. Aucune direction... Pourquoi ? Parce que la science a pris la place de la sagesse et de l’adoration. « La science sans la conscience ruine toute l’âme », a dit Hubbley au XVIème siècle. C’est exactement notre position. Sans conscience, pas de responsabilité. Le scientifique est un esclave payé par l’Etat ou par des industries pour inventer des artifices. Aussitôt que nous savons comment sont les choses, nous commençons à les défigurer pour en tirer un profit. Voilà une magnifique rivière divine, voici le Gange, voilà le Bramapoutre. Que ferons-nous ? Nous tricherons avec la création divine, nous y construirons un barrage et nous obtiendrons de l’électricité. Avec toute chose, nous trichons. Devant ces merveilles, nous y mettrons un tuyau et nous y puiserons de l’eau. Vous gâtez tout, vous détruisez tout. Vous tuez tous les insectes, mais par là, vous tuez tous les oiseaux. Quelle est l’utilité des oiseaux, scientifiquement ? Vous empoisonnez même votre propre nourriture. Vous avez une économie immorale, inhumaine et absurde. Tout est oublié, même l’homme. Qu’est-ce que la vérité ? C’est l’extérieur autant que l’intérieur. Le monde entier devant moi est extérieur. Je ne vois que l’extérieur. Je vois l’image des anciens rishis. (sages). Tous les anciens penseurs ont été frappés par la ressemblance du monde avec le rêve. Ce monde est-il un rêve, mon rêve ? Non, ce n’est pas mon rêve, mais celui de Dieu. Oui, c’est le rêve de Dieu. Mais nous étudions maya, l’apparence. Nous allons la mesurer et décider que ceci est la cause de cela. Nous croirons savoir. Nous accumulerons des notions. Mais nous ne comprendrons rien. La science ne vous dira jamais ce que vous devez faire avec les choses. Elle dira : « Les choses sont comme ça. » Et qu’allez-vous en faire ? Mais vous n’avez pas le temps de penser à ça. Vous êtes occupés. Vous avez à faire. Vous devez étudier, et vous n’avez pas à penser. La connaissance, l’intelligence et la sagesse nous ont été données pour guider nos vies, pas pour inventer un tas de ruses, accumuler et distribuer partout et n’importe comment des quantités de ce que vous appelez « des biens ». Cela peut être des médicaments, des poisons, des armes ou des gadgets. Aujourd’hui, toute chose, tant qu’elle est vendue, est considérée comme morale.

La sagesse des moyens de Gandhi est, à l’opposé, de permettre une économie morale, la morale dans l’économie. Pouvez-vous acheter et vendre toute chose à n’importe quel prix ? En avez-vous la faculté ? Non. En faisant cela, votre conscience doit vous demander : « D’où vient cet objet qui a tant de valeur ? Qui sont les ouvriers qui l’ont fabriqué ? Comment se fait-il qu’il se trouve ici à si bas prix ? » Mais vous ne pensez pas à cela. Par contre, je veux savoir d’où viennent les choses. Espérons qu’elles ne viennent pas de l’autre bout du monde.

Voulez-vous que je vous parle de l’économie moderne ? En trois minutes. Voyez-vous, j’habite dans une ville, mais j’aime la nature. Aussi le dimanche, je vais dans les champs et je m’assois sur un tas de bois. On y sent l’odeur des vaches. Ce sont des vaches indiennes du Gujarat. Je sors de mon sac une boite de conserve. Je l’ouvre et je peux boire du lait concentré, sucré, pasteurisé et, quel mot merveilleux, homogénéisé. Aucune vache du Gujarat n’a jamais imaginé dans ses rêves qu’elle puisse produire un lait si beau et si frais. Il vient directement d’Australie.

C’est l’économie moderne, chers amis, pour gagner de l’argent, pour gagner du temps et pour épargner du travail. Si sensible, et quelle affaire ? Et avec elle, vous avez l’inflation, la crise, les douanes, les frontières, les émeutes, les problèmes sociaux, les guerres, la police, les tribunaux, les prisons, et le contrôle de tout ça, du trafic, des trains, des bateaux, des avions et des profits. On vous vend un objet. Vous le revendez. Il est revendu à celui-ci, puis à celui-là. Il est envoyé là-bas, puis renvoyé ici, Et chacun y gagne. Quelle merveilleuse économie ! Voilà justement l’économie que vous aviez en Inde avec votre coton. Il allait en Angleterre, en voyageant dans des petits bateaux au charbon de bois en trois semaines ou un mois de voyage. Là les vêtements étaient fabriqués, puis revenaient après un autre mois de voyage, et les beaux saris et dhoties étaient vendus dans les villages. Vous voyez là l’économie moderne, comme celle du lait dont je vous ai parlé.

Le génie de Gandhi était là. Il vous a dit : « Votre coton est dans votre champ. Faites un rouet avec du bambou et tournez la roue. Tirez en du fil pendant toute la saison sèche. Les paysans n’ont rien à faire. Ils s’assoient dans la poussière. Qu’ils filent ! Même une femme âgée peut filer. Tous peuvent filer. Et n’achetez rien qui vient de là-bas. » Voilà l’économie. Et le fruit, d’où vient-il ? Ah ! La grande découverte ! Il vient de la terre. C’est le vôtre. Vous le récoltez et vous le mangez. Et le problème économique est résolu. Ne l’envoyez pas en Amérique pour qu’il revienne ici dans une belle boite, avec une charmante image d’une jolie femme. Oui, chers amis, comment pouvons-nous résoudre nos problèmes ? Nous ne pouvons pas les résoudre. Nous devons faire l’économie du problème. L’économie du problème est swaraj et swadeshi (autonomie et fabrication locale). Ne nous laissons pas aller où nous allons maintenant. Où même les Gandhiens vont. Ils remplacent le travail à la main par de petites machines. Peut-être est-ce moins nuisible que les grosses machines, mais ça l’est tout de même. Ce sont des demies mesures. Si vous utilisez des demies mesures, vous reculez de la moitié du chemin, vous n’arrivez jamais au bout, jusqu’au dernier des derniers, le plus pauvres des intouchables. Vous n’irez vers lui qu’avec un rouet, un simple rouet, un rouet solaire.

Voyez-vous, chers amis, nous, en France, un pays surdéveloppé, où il n’y a pas la moindre pauvreté (sic), ou tous sont en sécurité, habillés, protégés, où il y a surabondance de toute chose, nous avons créé un ashram gandhien avec en son centre, le rouet à laine, qui est rond et a la forme du soleil, pour extraire le fil de la libération. Nous l’avons mis là, et il fonctionne très bien. Des jeunes gens qui pourraient être professeurs à l’université ou faire de la politique, viennent, travaillent avec leurs mains, se marient, ont des enfants et les élèvent. Et les gens viennent nous voir. Il voient que nous sommes heureux, et même très heureux, que nous n’avons pas de problèmes. Tout le monde a du dessert. Nous avons un peu de terre. Nous la cultivons. Nous mangeons ce qu’elle produit. Ce qui est assez pour nous et pour tous les visiteurs, sans problèmes. Nous avons seulement, quelquefois, trop d’argent ! Voilà notre problème, mais il n’est pas difficile de s’en débarrasser. Il est facile de le distribuer. Nous devons le faire chaque année. Distribuez ce que vous avez. Ne le gardez pas. N’en faites pas des conserves. Cela vient et s’en va. L’argent vient et s’en va. Le mieux serait de se passer complètement d’argent. Si nous étions capables de tout faire, nous n’aurions pas besoin d’argent. Nous ne devrions pas avoir d’argent car tout l’argent que nous gagnons est une imperfection, un défaut. Mais nous en avons un peu, et même beaucoup.

Nous avons construit cet ashram en France, et un autre dans le sud du Maroc, avec les mêmes principes. Au milieu du désert, nous avons trouvé de l’eau, nous avons créé un oasis, et là, avec les gens du pays, nous nous sommes installés, de la même façon, avec le rouet, les artisans et une vie simple. Et ça fonctionne là-bas comme en France. La même solution pour des situations très différentes. Pourquoi ? A cause de la sagesse. Etre sage signifie être dans la vérité. Et vous ne pouvez pas être dans la vérité si vous ignorez qui vous êtes. Qui suis-je ? L’ignorance de soi est la pire des choses. Je suis la seule chose dans le monde entier que je peux connaître en même temps de l’intérieur et de l’extérieur. Ainsi, en moi, je trouve le lien entre deux vérités. C’est une relation entre l’intérieur et l’extérieur. Je peux transmettre tout rayonnement et toute vérité, et toutes les choses de l’extérieur, si je les ai en moi-même, si j’ai cette sorte de connaissance que les universités ne nous apprennent pas. Bien sûr, j’ai aussi besoin de la paix. Si je ne l’ai pas, comment puis-je la transmettre aux autres ? J’ai des directions, je sais ce que je veux obtenir et comment. Je pense que je peux guider les autres vers cela. Nous voulons faire de la compétition et passer devant les autres. Nous essayons tous d’être chefs, mais personne ne veut obéir. Chacun veut grimper sur l’autre. Cela ne peut que produire des guerres perpétuelles et universelles.

Que dire pour conclure de ces discours qui sont bien sûr très imparfaits ? Comment pourrions-nous traiter un tel sujet en trois jours et quelques heures ? Alors, excusez moi pour mes explications incomplètes. Mais de toute façon, vous ne devez pas oublier que votre propre trésor est ici en Inde. Ne cherchez pas, ne regardez pas vers l’Amérique, l’Angleterre ou l’Allemagne pour trouver la solution de vos problèmes. Parmi les libérateurs de, votre peuple, Gandhi a été le seul qui ne soit pas tombé en admiration de ses propres ennemis, parce qu’il n’avait pas d’ennemis. Il ne combattait, ni ne haïssait le peuple britannique. Mais il combattait leur système, qui est mauvais pour nous et pour eux. Pour cela, il était le seul. Tous les autres ont fait ce que les Européens faisaient après les avoir chassés, et pire, bien pire. Regardez dans quel état est l’Afrique. Chers amis, ne faites pas cela. Vous avez eu un leader, un prophète. Il a ouvert le chemin pour vous et pour d’autres. Il ne voulait pas seulement la libération de l’Inde. « J’aime mon pays, mais je ne ferais jamais rien pour lui contre un autre. J’agirai pour mon pays et pour tous les autres », a-t-il dit. Chers amis, et spécialement vous les jeunes, suivez son exemple, étudiez sa philosophie, et mettez la en pratique.

Om, shanti, shanti, shanti,